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d'accepter sa maison. Pendant qu'il y était, il reçut une lettre de consolation du pape Innocent 1, qui l'exhortait à souffrir patiemment sur le témoignage de sa bonne conscience. D'un autre côté tous ses amis, et en particulier sainte Olympiade 2, fournissaient abondamment à ses besoins, ce qui lui donnait le moyen de racheter plusieurs captifs et de secourir les pauvres dans la famine qui survint en même temps. L'hiver qui, en l'année 404, fut plus rude en Arménie qu'à l'ordinaire, l'incommoda extrêmement; et quelques moyens qu'il prit, ils furent inutiles pour le garantir du froid. Avec cela il souffrait des vomissements continuels et des douleurs de tête, et se trouvait sans appétit et sans pouvoir dormir.

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16. Après qu'il eut passé un an à Cucuse, ses ennemis le firent transférer à Arabisse. C'est au moins ce que dit 3 Pallade; mais saint Chrysostôme dit assez nettement qu'il y alla de lui-même et de son propre mouvement, pour se sauver des incursions que les Isaures faisaient dans l'Arménie. Il se retira, non dans la ville, mais dans le château, dont il croyait la forteresse plus sûre que les autres. Arabisse était environ à vingt lieues de Cucuse, dans la province d'Arménie. Comme un grand nombre de personnes s'y étaient aussi réfugiées, il s'y trouvait extrêmement serré, et les incommodités de ce logement, avec la rigueur de l'hiver, dont le froid en l'année 406 fut insupportable, le firent retomber dans une maladie fâcheuse, dont il ne guérit qu'au commencement du printemps. Alors les Isaures ayant été obligés, ce semble, par les troupes romaines, de se renfermer dans leurs montagnes, saint Chrysostôme retourna à Cucuse.

17. Le pape Innocent 5, les évêques du concile d'Italie et l'empereur Honorius, qui, dès j, l'année 405, s'étaient intéressés au rétablis

sement de saint Jean Chrysostôme, députèrent l'année suivante saint Gaudence de Bresse avec quatre autres évêques, un diacre et deux prêtres, à l'empereur Arcade, pour le prier d'assembler les évêques d'Orient à Thessalonique, et d'obliger surtout Théophile de venir, afin que ce concile pût juger cette

1 Innocent., Epist. ad Chrysost., tom. III, pag. 322,

et Sozomen., lib. VI, cap. XXVI.

Sozom., lib. VIII, cap. XXVII.

Pallad., Dialog., cap. x, pag. 38.

A Chrysost., Epist. 69 ad Nicolaum, pag. 631.

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affaire si importante et donner la paix à l'Eglise. Ces députés étaient chargés d'une lettre de l'empereur Honorius pour Arcade, et c'était la troisième qu'il écrivait à ce prince au sujet de saint Chrysostôme. Ils en avaient aussi du pape Innocent, de saint Chromace d'Aquilée, de saint Vénérius de Milan et des autres évêques d'Italie, et une instruction du concile d'Occident qui portait que saint Chrysostome serait rétabli dans la possession de son Eglise et dans la communion de l'Orient avant de comparaître, pour lui ôter tout prétexte de s'en excuser. Munis de toutes ces pièces, ils arrivèrent à Constantinople en plein midi, après avoir essuyé en chemin beaucoup de mauvais traitements. Arcade, que les ennemis du Saint avaient disposé à les renvoyer avec ignominie, ne voulut ni les voir ni les écouter. On les fit retourner et on les enferma dans un château de la Thrace, nommé Athyra, où ils furent très-maltraités. On leur demanda les lettres dont ils étaient porteurs, et sur la réponse qu'ils firent, qu'étant députés, ils ne pouvaient se dispenser de rendre en mains propres à l'empereur, les lettres de l'empereur, son frère, et des évêques, un tribun, nommé Valérien, natif de Cappadoce, les arracha de force à l'évêque Marien qui les tenait, et lui rompit le pouce pour les avoir. Le lendemain, des gens envoyés ou par la cour ou par Atticus, intrus depuis la mort d'Arsace dans le siége de Constantinople, vinrent 7 leur offrir trois mille pièces d'argent s'ils voulaient communiquer avec cet usurpateur et ne plus parler de l'affaire de Jean. Ils rejetèrent cette proposition, et voyant qu'ils n'avaient aucune espérance de procurer la paix à l'Orient, ils demandèrent à Dieu de retourner du moins sans péril à leurs Eglises. Valérien les fit embarquer sur un vaisseau tout pourri, et partir à l'instant, sans qu'ils eussent pu savoir ce qu'était devenu saint Chrysostôme.

Saint Chrysostome est transféré à Pityonte, en

18. Ses ennemis, apprenant les éloges qu'il s'attirait par la conversion des infidèles du voisinage de Cucuse, et sachant que la ville 407, Sa mort. d'Antioche, informée de ses vertus, continuait à aller le chercher jusqu'en Arménie, obtinrent un ordre de l'empereur pour le

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5 Pallad., Dialog., cap. x, p. 38, et cap. IV, p. 13. Sozom., lib. VIII, cap. XXVIII, et Pallad., Dialog., cap. IV, pag. 13. · 7 Pallad., ibid.

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8 Pallad., Dialog., cap. x, pag. 39, et Sozom., lib. VIII, cap. xxvIII.

faire transférer et en grande hâte, à Pityonte, sous peine de punition à ses gardes, s'il n'y arrivait pas dans un certain jour qui n'était pas fort éloigné. Pityonte était la dernière ville de l'Empire sur la côte orientale du Pont-Euxin; Pallade la met dans le pays des Tzanes, et dit qu'elle était alors toute déserte. Des deux officiers chargés de le conduire, et à qui on avait promis de les avancer, s'il pouvait mourir en chemin, l'un, moins intéressé que l'autre, lui témoignait quelque humanité, mais comme à la dérobée. L'autre était si cruel et si brutal, qu'il s'offensait de tout ce qu'on pouvait dire ou faire pour l'adoucir envers le saint évêque. Il le faisait sortir par les plus grandes pluies, et l'exposait aux plus grandes ardeurs du soleil, sachant que le Saint n'ayant point de cheveux, en était incommodé. Lorsqu'il se rencontrait sur la route une ville qui avait des bains ou quelque autre commodité, il ne s'y arrêtait pas, et allait chercher à la campagne quelque lieu désert. Aux approches de Comane, dans le Pont, ils passèrent outre sans s'y arrêter, et le menèrent à deux lieues de là, loger dans les bâtiments d'une église où était enterré saint Basilisque, évêque de cette ville, martyrisé en 312, sous Maximin, avec saint Lucien d'Antioche. La nuit même, saint Basilisque apparut au saint évêque, et lui dit : << Prenez courage, mon frère Jean, nous serons demain ensemble. » Le lendemain, saint Chrysostome s'assurant sur cette révélation 1, pria les gardes de ne partir que vers les onze heures du matin; mais ils n'en voulurent rien faire. Ils partirent et marchèrent une lieue et demie, après quoi ils furent obligés de revenir à l'église d'où ils étaient partis, parce que le Saint se trouvait extrêmement mal d'une douleur de tête que le soleil lui avait causée. Etant revenu, il changea d'habits, se vêtit entièrement de blanc jusqu'à la chaussure, et distribua ceux qu'il avait quittés et ce qui lui restait, aux assistants. Il était encore à jeûn, et ayant reçu la communion des sacrés symboles de Notre Seigneur, c'està-dire l'eucharistie, il fit sa dernière prière avec ceux qui étaient présents, et ajouta ces mots qu'il avait ordinairement dans la bouche « Gloire à Dieu en toutes choses. >> Il fit ensuite le signe de la croix, étendit ses pieds,

1 Pallad., Dialog., cap. x, pag. 40.

2 Socrat., lib. VI, cap. XXI.

3 Pallad., Dialog., cap. x, pag. 40. Nicephor., lib. XIV, cap. XXVII.

et rendit l'esprit en disant le dernier Amen. Sa mort arriva le 14 de septembre, sous le septième 2 consulat d'Honorius et le second du jeune Théodose, c'est-à-dire en l'an 407, après environ soixante ans de vie, neuf ans et près de sept mois d'épiscopat, dont il passa trois ans et près de trois mois en exil. On lui donna la sépulture auprès de saint Basilisque, dans un tombeau tout neuf. Ses funérailles se firent avec beaucoup de solennité, et il s'y trouva grand 3 nombre de vierges, de solitaires et d'autres personnes de piété venues de Syrie, de Cilicie, de Pont et d'Arménie.

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19. Théophile d'Alexandrie, l'un des plus animés persécuteurs de saint Chrysostôme, ne lui survécut pas longtemps, étant mort au mois d'octobre de l'an 412. L'année suivante 413, mourut aussi Porphyre, autre ennemi déclaré du saint évêque. Ces deux chefs de parti étant allés rendre compte à Dieu des maux qu'ils avaient faits à l'Eglise pour satisfaire leurs passions, elle commença à jouir de quelque tranquillité. Alexandre, successeur de Porphyre dans le siége d'Antioche, rétablit hautement Elpide de Laodicée et Pappus, évêque en Syrie, chassés tous deux de leurs Eglises pour n'avoir pas voulu souscrire à la condamnation de saint Chrysostôme. Il mit aussi ce dernier dans la liste des évêques de l'Eglise, et porta, autant qu'il fut en lui, plusieurs autres évêques de l'Orient à rétablir sa mémoire. Il écrivit même à saint Cyrille, neveu de Théophile et son successeur dans l'épiscopat d'Alexandrie pour l'exhorter à se défaire des préjugés qu'il avait reçus de son oncle, et à rendre à saint Chrysostôme l'honneur qui lui était dù. Atticus même 5 de Constantinople, soit par politique ou autrement, fit beaucoup de choses pour la mémoire de celui dont il avait usurpé le siége. Le pape Innocent et les évêques de l'Europe 7 qui, dès avant la mort de saint Chrysostôme, avaient résolu de ne point communiquer avec ses ennemis, ne changèrent point de résolution à sa mort. Saisis d'horreur plus que les autres de l'injustice faite au Saint, ils se séparèrent de la communion de ceux qui en étaient auteurs et ne voulurent communiquer ni avec les évêques d'Egypte, ni avec ceux d'Orient, ni

5 Nicephor., lib. XIV, cap. XXVI.

6 Pallad., Dialog., cap. LXXXIV, LXXXV, pag. 19.

7 Theodoret., lib. V, cap. XXXIV.

de

La mémo

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sostôme rétablie d

tout l'Ori

avec Atticus et les autres du Bosphore et de la Thrace, jusqu'à ce qu'ils eussent mis son nom dans la liste des évêques morts dans la communion de l'Eglise et dans la possession de leur dignité. Les évêques 1 d'Illyrie, quoique sujets d'Arcade, agirent avec la même vigueur. Mais la réunion de sentiments en faveur de saint Chrysostôme ne fut entière que lorsque Procle, qui avait été son disciple, fut choisi pour lui succéder en 434. Il obtint de Théodose le Jeune la permission de transférer de Comane à Constantinople les reliques du Saint, voulant par là, ce qui arriva en effet, réunir au corps de l'Eglise de Constantinople ceux qui s'en étaient séparés depuis son exil. On les mit dans l'église des Apôtres, la sépulture 3 ordinaire des empereurs et des évêques de Constantinople. Procle fut accompagné dans cette cérémonie, de Théodose et de sa sœur Pulchérie, et on raconte que ce prince ayant le visage et les yeux couchés sur la châsse du Saint, lui demanda pardon pour son père et pour sa mère, et qu'il le conjura d'oublier les péchés qu'ils avaient commis par ignorance. L'Eglise grecque, qui l'honore le 30 de janvier, fait encore le 15 de décembre mémoire de son ordination, quoiqu'elle se soit faite le 26 de février.

20. Sa mort ne fit donc qu'augmenter sa gloire, et ce Père, si plein de douceur et si digne d'être aimé de tout le monde, acquit un nouvel éclat à sa mémoire par la haine et les persécutions de ses ennemis. Ils eurent à faire pénitence d'avoir ôté 6 à la terre son plus brillant astre, et à l'Eglise l'avantage qu'elle tirait d'une doctrine si pure, et d'avoir banni un évêque qui était la colonne de l'Eglise, le flambeau de la vérité, la trompette de Jésus-Christ, le sage interprète des secrets de Dieu, le soleil de tout l'univers; son exil et ses autres souffrances n'ayant eu pour cause que la jalousie de quelques

1 Theodoret., lib. V, cap. XXXIV.

1 Socrat., lib. VII, cap. XLV.

3 Evagr., lib. VII, cap. XXXI.

Theodoret., lib. V, cap. XXXVI.
Facund., lib. IV, cap. I, pag. 143.
Nilus, lib. III, Epist. 279, pag. 435.

7 Isidor. Pelus., lib. II, Epist. 42, pag. 139. Nilus, lib. III, Epist. 199, pag. 392. Pallad., Dialog., cap. IV, pag. 15, et Marc., in Vita Porphyrii, apud Bollandum, 26 feb., pag. 630. 19 Augustin., lib. Oper. imperfect., cap. LXXII. 11 Facund., lib. VIII, cap. v, pag. 339. 12 Cælestin. Papa, tom. III Concil.

évêques contre sa parfaite vertu, honorée et admirée de tout le monde. Saint Augustin, en le qualifiant 10 un évêque dont la gloire brille de toutes parts, le met entre les illustres Docteurs de l'Eglise dont la foi avait été la plus pure, l'esprit le plus élevé, la science la plus féconde et la réputation la plus étendue. Il fut l'honneur de l'épiscopat, et remplit la terre de la lumière de sa doctrine; si sa voix n'a pu se faire entendre qu'à quelques endroits, il 12 n'y en a point qu'il n'instruise par ses ouvrages et puisqu'on les lit partout, il prêche partout 13.

21. Ses écrits sont des homélies ou discours sur le Pentateuque, sur les livres des Rois, sur les Psaumes, sur les Prophètes, sur saint Matthieu, sur saint Jean, sur les Actes des Apôtres, sur l'Epitre aux Romains, sur la première et la seconde aux Corinthiens, sur l'Epitre aux Galates, sur celles aux Ephésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, aux Thessaloniciens, sur les deux Epitres à Timothée, sur celles qui sont adressées à Tite, à Philémon et aux Hébreux. Saint Chrysostome a fait aussi grand nombre d'homélies sur divers endroits détachés de l'Ecriture, tant de l'Ancien que du Nouveau Testament, et sur différents points de morale, sur les fêtes de la Naissance de Jésus-Christ, de son Baptême, de sa Passion, de sa Résurrection, de son Ascension, sur celle de la Pentecôte; quantité de panégyriques de martyrs, six livres du Sacerdoce, divers traités de controverses contre les Anoméens, contre les Juifs, contre les Gentils et contre ceux qui parlaient mal de l'état monastique; plusieurs homélies sur la Pénitence, sur les Statues, sur le Baptême, sur l'Aumône et autres vertus morales. Nous avons aussi de lui plusieurs lettres. Mais en quelque nombre que soient ses vrais écrits, il y en a encore beaucoup plus dans les bibliothèques qui portent son nom sans qu'il en soit auteur. On en a imprimé une partie,

13 Martyrius, patriarche d'Antioche, contemporain de saint Jean Chrysostôme et son ami, longtemps avant d'être élevé à l'épiscopat, composa l'éloge de ce saint évêque. Cet éloge a été retrouvé en partie et publié en grec et en latin par le cardinal Maï, tom. II de la Bibliothèque nouvelle des Pères. On y voit que Martyrius doutait encore de la mort de saint Chrysostôme, arrivée en 407, ce qui suppose évidemment qu'il fit ce panégyrique étant encore jeune, car il fut élevé sur le siége d'Antioche en 459. Il impute l'exil et les tourments de saint Chrysostôme à Arsace et à Atticus, tous deux intrus sur le siége de Constantinople (L'éditeur).

Ses écrits.

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occasion elles

posées.

les autres sont restés manuscrits. Suidas 1 dit que le nombre des ouvrages de saint Chrysostôme était si grand, qu'il n'y avait point d'homme qui pût les compter. On en recueillit après sa mort jusqu'à quatre mille huit cents, et Georges d'Alexandrie soutient qu'il y en avait davantage 2. [Le P. Stilting a donné dans les Acta Sanctorum, tom. IV de septembre, Venise, 1761, pag. 401-700, un commentaire historique très-estimé sur saint Chrysostome. Hermant avait publié une Vie de saint Jean Chrysostome, un vol. in-4°. M. Berger, missionnaire à Besançon, en a publié une autre en 1856, chez Ambroise Bray. On peut la lire avec fruit. Une autre Histoire de saint Chrysostôme a été publiée il y a quelques années, par Lefort, de Lille, in-8°.]

ARTICLE II.

DES ÉCRITS DE SAINT CHRYSOSTOME CONTENUS DANS LE PREMIER TOME.

§ I.

Des deux Exhortations à Théodore. 1. Théodore, à qui ces deux Exhortations furent com- sont adressées, était illustre 3 par sa naissance; il possédait de grands biens, avait infiniment d'esprit, écrivait avec agrément et parlait de même. Comme il se trouvait à la fleur de son âge, tous ces avantages s'étant présentés à son esprit d'une manière flatteuse, il succomba à la tentation, rentra dans le monde peu après en être sorti et songea à se marier. Saint Chrysostòme, qui savait que le mariage n'est plus permis à celui qui en a contracté un spirituel par le renoncement au monde, fut extrêmement frappé du dessein de Théodore, et lui écrivit diverses lettres pour le faire rentrer dans son devoir. Après lui avoir reproché de s'être séparé de la compagnie des frères, il l'exhorte à y rentrer, lui remettant devant les yeux les dangers où il s'était exposé en rentrant dans le monde. Mais c'en était déjà fait. Théodore était devenu l'esclave des plaisirs sensuels, son âme n'avait plus ni santé, ni force, ni beauté . Saint Chrysostôme l'ayant appris, ne négligea rien pour l'en retirer; ce

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qu'il appréhendait le plus, était que Théodore ne s'abandonnât au désespoir, car il paraît que dans la réponse qu'il avait faite au Saint, il regardait sa conversion comme impossible. Ce fut donc pour le faire revenir d'une erreur si dangereuse, que saint Chrysostôme lui adressa un traité assez long, où, mêlant l'autorité aux exemples, il le porte à recourir à la miséricorde du Seigneur et à renoncer une seconde fois au monde. Théodore, rentré dans la société des frères 7, c'està-dire de saint Chrysostome, de Maxime et de plusieurs autres, qui, sans sortir d'Antioche, menaient une vie retirée, ne s'appliqua plus avec eux qu'à la prière et à la lecture des Livres saints .

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En que ont été éc

2. Il y en a qui ont cru que saint Chrysostome avait composé ces deux Exhorta- année tions lorsqu'il menait une vie retirée sur les tes. montagnes, proche d'Antioche, et ils se sont fondés sur ce qu'on lit dans Sozomène, que quand Théodore quitta, il revint à la ville 10. Mais saint Chrysostôme 11 témoigne assez nettement lui-même qu'il écrivait sur les lieux où Théodore vivait dans les plaisirs, puisqu'il lui dit qu'il ne cessera de lui répéter, toutes les fois qu'il le rencontrera, ces paroles: Ne vous abandonnez pas à votre désespoir. Il paraît donc qu'il les écrivait à Antioche et vers l'an 369, s'il est vrai, comme le dit Socrate 12, que saint Chrysostome, en renonçant au monde, porta Théodore à prendre le même parti; car il embrassa la vie solitaire. en 368, et Théodore ayant quitté presque aussitôt, saint Chrysostome ne peut guère avoir tardé de lui écrire que jusque vers l'an 369. On a mis à la tête de ces deux Exhortations, celle qui paraît n'avoir été écrite que la seconde. En effet, si elle eût été écrite la première, comment saint Chrysostome se serait-il excusé d'avoir passé dans l'autre les bornes des lettres ordinaires, puisque celle qui est la seconde dans nos éditions, n'est que de sept pages, et que la première est de trente-quatre? C'est sans doute de celle-ci que Sozomène 13 dit que, soit pour les pensées, soit pour les expressions, elle a quelque chose de divin et qui passe la portée de l'esprit humain. Elle a été citée par le cin

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quième concile, par Justinien, par Hésychius et par Théodore de Césarée; Léonce de Byzance et saint Isidore de Séville les citent toutes deux.

3. On convient communément que la seconde de ces Exhortations, qui est la plus courte, regarde Théodore, depuis évêque de Mopsueste; mais quelques-uns croient que la première fut adressée à quelque autre Théodore. Les raisons qu'on en donne sont : qu'il n'est fait aucune mention de Théodore, si ce n'est dans le titre de la lettre; que celui à qui elle est écrite, n'avait pas encore vingt ans, au lieu que Théodore à qui la première est adressée, paraît en avoir eu près de quarante, puisqu'il y est dit 3 que, quand il devrait parvenir jusqu'à une extrême vieillesse, il ne pourrait espérer de vivre encore cinquante ans; enfin que celui à qui la première et la plus longue de ces Exhortations est adressée, était tombé dans des crimes honteux et connus; ce qu'il ne paraît pas qu'on puisse dire de Théodore de Mopsueste, surtout s'il était déjà baptisé, puisqu'il fut élevé à l'épiscopat. Mais ne sait-on pas qu'il est arbitraire à celui qui écrit une lettre, d'y insérer ou non le nom de celui à qui il écrit? Saint Chrysostome, qui nomme plusieurs fois dans ses lettres ceux à qui il les adresse, ne nomme pas Olympiade dans celles qui lui sont adressées. A l'égard de l'extrême vieillesse à laquelle il craint que Théodore n'arrive point, cela peut ne s'entendre pas d'un âge décrépit, mais de celui où un homme se trouve quelquefois hors d'état de goûter les douceurs et les plaisirs de la vie. Si, dans la plus courte de ces Exhortations, qui est la première suivant l'ordre des temps, saint Chrysostôme fait paraitre Théodore moins coupable que dans l'autre, c'est qu'il n'était pas encore informé des dérangements considérables de sa conduite, et qu'il n'avait encore alors rien à lui reprocher, sinon d'avoir quitté le genre de vie qu'il avait embrassé. Mais lorsqu'il sut que Théodore s'abandonnait aux plaisirs et à la bonne chair, il se servit, dans une autre Exhortation qui est la plus longue et qui ne fut écrite que depuis, d'expressions plus fortes, pour lui reprocher des écarts qui, quoique très-considérables par rapport à la vie pénitente qu'il avait comme vouée et ensuite abandonnée, ne l'é

1 Tom. V Concil., pag. 719, 470, 490.

2 Leont., in Nestor. et Eutich., lib. III. pag. 1005;

taient pas néanmoins assez pour l'exclure dans la suite de l'épiscopat. Ajoutons qu'il n'est pas facile de se persuader qu'il y ait eu deux Théodore, tous deux amis de saint Chrysostome, tous deux compagnons de sa retraite, et qui en soient tous deux sortis pour se jeter dans les plaisirs du monde, et qu'il ait tous deux rappelés à la pénitence par ses exhortations.

4. Dans la première, suivant l'ordre de la nouvelle édition, ce Père dit qu'on ne peut trop déplorer le malheur d'une âme, parce qu'elle est d'un plus grand prix que tout le monde. Si celui qui observe la loi de Dieu vaut mieux que dix mille qui la transgressent, on ne doit point s'étonner qu'il déplore plus haut la perte de Théodore que Jérémie la ruine de Jérusalem, puisqu'il vaut mieux qu'une infinité de ceux que pleurait le Prophète. On peut accuser de lâcheté ceux qui pleurent les morts, la nécessité de mourir étant inévitable; mais il y aurait de l'insensibilité à voir périr une âme de sang-froid. Il pleure parce que celui qui, peu auparavant, ne respirait que le ciel, méprisait le monde et ses vanités, regardait les belles femmes comme les statues et l'or comme de la boue, et qui avait renoncé à tous les plaisirs, en était devenu l'esclave, en sorte que son âme n'avait plus ni santé, ni force, ni beauté. Il fait une vive peinture du triste état où Théodore se trouvait; mais s'appliquant à le convertir et non à le jeter dans le désespoir, il le presse de rentrer en luimême, et pour l'encourager il lui remet devant les yeux la chute et la pénitence d'un grand nombre de chrétiens qui, après avoir renoncé Jésus-Christ, avaient effacé le crime de leur apostasie et mérité, par leur courage, d'être couronnés avec les Saints. «Ne me dites pas, ajoute ce Père, que Dieu ne pardonne qu'à ceux qui ont fait des fautes légères; donnez-moi le plus grand pécheur du monde, pourvu qu'il ne renonce pas à la foi, je soutiens que son salut n'est point désespéré. Si Dieu se gouvernait par passion, il y aurait lieu de craindre de ne pouvoir apaiser une colère allumée par tant de crimes; mais il est toujours maître de lui-même; s'il châtie, c'est par bonté et non par un esprit de vengeance; l'on ne doit donc jamais désespérer de rentrer dans ses bonnes grâces.»

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