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du précepte, il étouffa, comme un serviteur fidèle et soumis, tous les raisonnements humains, uniquement attentif à exécuter de point en point les ordres de Dieu, et préférant sa volonté à la tendresse qu'il portait à son fils Isaac. Quelle force d'esprit! Quel courage! Il mit sur le dos d'Isaac le bois destiné pour l'holocauste, mais il portait luimême en ses mains le feu et le couteau, et ils marchaient de compagnie. De quels yeux ce grand homme regardait-il en marchant ce fils unique qui lui était si cher, et qu'il allait égorger de ses propres mains? Comment pouvait-il porter lui-même le couteau et le feu du sacrifice? Ses mains portaient à la vérité le feu matériel, mais son cœur était brûlé d'un autre feu qui éclairait sa raison, pour lui persuader d'étouffer tous les sentiments de l'amour paternel afin de plaire à Dieu par son obéissance. Combien de circonstances capables de déchirer le cœur de ce patriarche! Isaac lui dit: Mon père, parole capable seule de lui percer le cœur et d'émouvoir toutes ses entrailles. Isaac lui dit encore Voilà le feu et le bois, mais où est la victime pour l'holocauste? A quelle épreuve ce patriarche se vit-il réduit, quand il entendit ces paroles, et que put-il répondre à son fils? Comment put-il ne point paraître trouble? Comment put-il lui cacher ses desseins? Il lui répondit néanmoins avec un sang-froid, une force d'esprit et un courage inébranlables: Mon fils, Dieu y pourvoira, insinuant par ces paroles ce qui devait effectivement arriver, sans qu'il le connût bien distinctement. Mais cette réponse ambiguë, en mettant l'esprit d'Isaac en repos, augmenta la douleur du patriarche, lorsqu'il se mit à faire réflexion au bon naturel et au mérite de son fils, à sa beauté, à ses agréments, à sa jeunesse, à son obéissance. »> Saint Jean Chrysostome ne peut s'empêcher d'admirer le courage du patriarche, qui eut la force de dresser lui-même un autel, d'attacher de ses propres mains sur le bûcher un enfant si cher et si aimable, de prendre le couteau, d'étendre sa main et de se mettre en devoir d'égorger son fils. « Quelle piété! s'écrie-til, quelle religion! quelle intrépidité! quel amour! quelle raison, qui surpassent tous les efforts de la nature! Je ne sais lequel je dois davantage admirer, ou le courage du patriarche, ou l'obéissance de l'enfant, qui ne se révolte point, qui ne témoigne ni chagrin, ni impatience. Il céda, il se soumit, il VII.

obéit à tout ce que son père voulut, et se coucha sans dire mot, comme un agneau sur l'autel, attendant le coup que son père se disposait à lui donner.» Cet événement, dont saint Chrysostome décrit toutes les circonstances avec une grande beauté, « était, dit-il, la figure du mystère de la croix; voilà pourquoi Jésus-Christ disait aux Juifs: Abraham, Joan. VIII, 56. votre père, a désiré de voir mon jour, il l'a vu, et il en a été comblé de joie. Il l'a vu dans l'ombre et dans la figure; car, de même qu'un bélier fut offert en la place d'Isaac, ainsi l'agneau sans tache fut immolé pour tout le monde. »>

Analyse des quarante-buirante-neuviè

teme, quame, cinquanquante-uniè

tième, cin

me, cinquante-deuxième

troisieme, intrieme et cinmélies 499, 505, 513,

quante-quaquante-cinquième ho, pag. 480, 491,495,

521 et 531.

2. La sépulture de Sara et le mariage d'Isaac fournissent matière à la quarante-huitième homélie. Saint Chrysostôme y oppose à l'avidité qu'ont les hommes pour les biens temporels le détachement d'Abraham, qui cinquanten'avait pas même un emplacement pour faire un sépulcre à Sara, et qui fut contraint d'en demander un aux enfants d'Heth. Il fait remarquer que dans le choix d'une épouse pour son fils Isaac, il n'eut égard qu'à la beauté de l'âme et à la probité des mœurs; qu'Eliézer, l'intendant de sa maison, se conformant aux intentions de son maître, et chargé de faire ce mariage, ne s'attacha qu'à la bonté des mœurs, qu'à la candeur et à l'ingénuité de Rébecca. « Car c'est ainsi, ajoute-t-il, que les anciens avaient coutume de faire leurs mariages. Ils avaient plus d'égard à la vertu et aux bonnes inclinations qu'aux grandes richesses; ils ne faisaient ni contrat, ni promesse, ni convention, ni mille autres choses ridicules qui sont maintenant en usage parmi nous. Ils ne stipulaient point dans le contrat ce que l'on ferait si l'une des parties venait, à mourir sans enfants, ou s'il arrivait quelque autre accident. Ils ne prenaient point tant de précautions, leurs soins se bornaient à examiner les mœurs et la vertu de la jeune fille; on n'entendait point d'instruments de musique à la cérémonie de leur mariage, on n'y voyait ni danse, ni bals, on conduisait sans façon l'épouse à son époux. Pourquoi faire salir les oreilles d'une jeune femme par des chansons immodestes? Pourquoi la séduire par une pompe pleine de faste? La jeunesse n'a déjà que trop de penchant au mal. Ne dressez point tous ces piéges à votre jeune épouse, inspirez-lui d'abord la retenue et la modestie; faites venir des prêtres qui attirent par leurs prières la bénédiction sur votre mariage. >>

11

Il dit dans la quarante-neuvième homélie, que Dieu permit que Sara, Rébecca et Rachel fussent longtemps stériles, afin d'éloigner de nous le doute, quand on nous dit qu'une vierge a enfanté Jésus-Christ notre rédempteur. « Si un juif vous demande : Comment est-il possible qu'une vierge ait enfanté? Dites-lui: Comment est-il possible qu'une femme vieille et stérile soit devenue féconde? C'étaient deux empêchements essentiels, un âge trop avancé et un défaut dans la nature. » L'homélie cinquantième traite de la naissance d'Esau et de Jacob; la cinquante-unième, de la protection que Dieu donna dans la ville de Gérara à Isaac et Rébecca dans un temps de famine. La cinquantedeuxième est encore sur les bénédictions que Dieu leur accorda. Il enseigne dans la cinquante-troisième, que Dieu inspira à Rébecca tout ce qu'elle dit à Jacob, pour engager Isaac à lui donner la bénédiction qui appartenait naturellement à Esau comme à l'aîné. De crainte qu'on n'accuse Dieu d'avoir eu part au mensonge, il dit : « Ne vous arrêtez point à la surface, mais considérez quel était le but et l'intention de Dieu. Jacob n'agissait point en cela par un motif d'avarice, ni en vue de quelque intérêt temporel; il ne songeait qu'à se procurer la bénédiction de son père. Ne regardez donc point si ses paroles étaient fausses, et s'il proférait un mensonge; mais songez que Dieu voulait que sa prédiction fût accomplie, et pour cela il disposa toutes choses de la manière dont elles nous sont représentées, et rendit facile un événement qui paraissait d'abord très-difficile. » Sur ces paroles que Jacob adresse à Dieu dans son voyage d'Haran, à la suite de la vision de l'étoile mystérieuse: Si Dieu demeure avec moi et me donne du pain pour me nourrir, et des vêtements pour me vêtir, saint Chrysostôme, dans sa cinquante-quatrième homélie, dit que la demande de Jacob contient les maximes de l'esprit apostolique; que ce saint jeune homme était rempli de sagesse, et que, n'étant point instruit dans les maximes de Jésus-Christ, il demanda néanmoins ce que le Sauveur nous prescrit de demander dans nos prières. « Ne demandons point, ajoutet-il, des choses temporelles: car pourquoi désirer avec tant d'empressement des biens qui ne passent pas les bornes de la vie présente et que l'on perd en mourant, des biens qui sont sans cesse exposés à tant de changements et à tant de vicissitudes, comme

toutes les choses humaines? Demandons à Dieu des biens qui durent toujours, qui rempliront toute l'étendue de nos désirs, et qui ne sont sujets à aucun changement. >>

L'homélie cinquante-cinquième continue le détail des preuves de la protection que Dieu avait accordée à Jacob. Saint Chrysostòme y fait une digression sur l'aumône, dont il explique la force et l'efficacité par divers exemples tirés de l'Ecriture. Mais il remarque en même temps que le mérite de l'aumone ne consiste pas précisément dans la valeur des choses que l'on donne, mais dans la bonne volonté et l'intention de celui qui l'a fait. Il ajoute qu'en pratiquant l'aumône nous ne devons point négliger les autres vertus, mais réprimer les mouvements de la chair, bannir de notre cœur les mauvaises pensées, la colère, l'envie, et embellir notre âme par toutes sortes de bonnes œuvres, pour attirer sur nous la complaisance du Seigneur.

Cinq

sixième

A l'occasion du mariage de Jacob avec Rachel, et de la modestie qui s'y observa, saint Chrysostôme déclame contre les pompes profanes également pleines d'impudence et de dangers pour la pureté, que l'on affectait dans les noces de son temps; et comme quelques-uns se prévalaient du prétexte de la coutume, il leur oppose celle des anciens, de Jacob, de Laban, et leur fait honte de ce qu'ayant reçu tant de lumières et tant de grâces, et qu'ayant participé à des sacrements si ineffables, ils se trouvaient inférieurs en lie, pa vertus au dernier de ces deux anciens, qui était un païen attaché au culte des idoles. << Ne savez-vous pas, continue-t-il, ce que dit saint Paul, que le mariage est un sacrement et une image de l'amour que JésusChrist porte à son Eglise ? Ne le déshonorons donc pas, et ne profanons pas les noces par des coutumes criminelles. Si ce que vous faites est honnête et permis, il faut le faire toujours, quand même il ne serait pas autorisé par la coutume; s'il est criminel et pernicieux, il faut vous en abstenir, quand même la coutume en serait établie. Car si nous suivions toutes les coutumes, le larron, l'adultère et tous les malfaiteurs voudraient s'excuser sur ce prétexte. » Il y en avait encore qui objectaient que les lois mondaines réglaient les mariages suivant la coutume. Saint Chrysostôme leur répond qu'il n'est pas juste de transgresser les lois divines pour obéir aux lois du monde. Il fait retomber sur l'inclination que Laban avait pour Jacob la

tromperie dont il usa à son égard, en menant sa fille Lia dans la chambre de Jacob, au lieu de Rachel; et de peur que l'on ne fût étonné d'entendre dans la sainte Ecriture que Jacob épousa en même temps les deux sœurs, il dit : « Ne jugez point des coutumes de ce temps-là sur ce qui se pratique aujourd'hui. Il était permis alors d'avoir plusieurs femmes, afin de multiplier le genre humain, le monde n'étant encore que dans son commencement: mais comme les hommes sont maintenant en assez grand nombre, il n'est plus nécessaire de tant multiplier; la grâce a prévalu par dessus la nature. » Comme il était persuadé que tout ce qui arrivait à Jacob se faisait par la permission de Dieu, il croit aussi que Dieu, pour récompenser les peines et la fidélité de Jacob, et punir l'ingratitude de Laban, permit la ruse Cote dont Jacob se servit pour multiplier ses pro4.5. pres troupeaux; et, selon lui, nous devons

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apprendre de cet exemple que Dieu ne manque guère à nous faire de nouvelles grâces quand on nous fait tort et quand nous souffrons avec patience les injures que l'on nous fait. Il paraît encore persuadé que Rachel déroba les idoles de son père à l'insu de son mari; et cela paraît assez par le discours qu'il tint à Laban, lorsqu'il vint les lui redemander. L'attention continuelle de Jacob sur ses troupeaux et sur ceux de son beau-père donne lieu à saint Chrysostôme de s'adresser aux pasteurs des âmes, et de leur dire : « Imitez les vertus de ce grand Saint, et n'ayez pas moins d'application et de vigilance que Jacob en avait pour la garde de son troupeau, sans se rebuter pendant vingt années. S'il eût perdu par sa faute quelque brebis, la perte n'eût pas été considérable; mais si une se perd ou qu'elle soit dévorée par la bête, c'est une perte irréparable, et une faute dont le pasteur ne saurait se laver et qui l'expose à de grands châtiments. Notre Sauveur a bien voulu répandre tout son sang pour le salut des âmes; comment pourront donc s'excuser les pasteurs spirituels, s'ils les laissent périr par leur négligence?»>

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3. Saint Chrysostome parle dans la cinquante-huitième homélie des anges de Dieu que Jacob rencontra en chemin, de la peur dont il fut saisi aux approches de son frère Esau qui venait au-devant de lui, de la confiance qu'il témoigna que Dieu le délivrerait du danger, et de la protection que Dieu lui accorda en cette rencontre. Jacob éprouva

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en effet par les tendresses d'Esaü, que Dieu 582, 591 et rend plus doux que des moutons les hommes les plus cruels et les plus farouches, quand il veut donner des marques de sa bonté. Jacob étant arrivé à Salem, ville des Sichimites, acheta d'eux une partie du champ dans lequel il avait dressé ses tentes. Quoiqu'entouré d'un grand nombre d'enfants et maitre de très-grands troupeaux, il ne s'occupa point à bâtir de vastes et de magnifiques maisons; il n'acheta ni champs, ni métairies pour les partager entre ses enfants. S'il achète un champ, c'est pour y dresser un autel et y invoquer le Dieu tout-puissant. « Nous qui vivons sous l'empire de la grâce, continue saint Chrysostôme, pourquoi témoignons-nous tant d'ardeur pour laisser à nos enfants la matière de tant de crimes? Doutons-nous que Dieu n'en prenne soin? L'opulence et les grandes richesses ne peuvent que fomenter leurs vicieuses inclinations et enflammer leurs passions. » Jacob, obligé de quitter les environs de Sichem à cause du massacre que ses enfants y avaient fait des habitants du lieu, pour venger l'honneur de Dina, leur sœur, se retira à Lusa, y dressa un autel, et donna le nom de Béthel à celui-là. Dieu l'y bénit et lui changea son nom de Jacob en celui d'Israël : c'est là le sujet de la soixantième homélie. Saint Chrysostôme y traite aussi d'une partie de l'histoire de Joseph, réservant l'autre pour l'homélie soixante-unième. Les circonstances sur lesquelles il insiste le plus sont la haine irréconciliable que ses frères lui portaient, et l'amitié fraternelle qu'il avait pour eux. Il remarque que Joseph Il remarque que Joseph a été la figure de Jésus-Christ; si ses frères ne lui ôtèrent pas la vie comme les Juifs l'ôtèrent à JésusChrist, c'est qu'il fallait que la figure n'allât pas aussi loin que la vérité. En parlant du conseil pris par ses frères de le vendre, il dit : « Celui qui se livre au péché et qui projette de faire quelque mauvaise action, est tellement entraîné par ses mauvaises pensées, qu'il ne fait pas attention à cet œil toujours ouvert qui ne s'endort jamais; il ne respecte ni le sang, ni la nature, rien n'est capable de l'attendrir ou de lui donner de la compassion. Dans la soixante-deuxième homélie, après avoir traité assez au long ce qui se passa entre Judas et Thamar, il reprend l'histoire de Joseph, et s'attache surtout à relever sa chasteté, reconnaissant néanmoins comme une chose certaine que ce jeune

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homme n'aurait jamais remporté la victoire sur la femme impudique qui attentait à sa pureté, si la main de Dieu ne l'eût soutenu. Il conseille à tous ceux qui se trouvent assaillis par les mouvements de la concupiscence, de se dire, comme Joseph disait à la femme de Putiphar : Comment pourrais-je commettre un si grand crime et pécher contre mon Dieu! Il faut donc promptement recourir à ce remède si l'on est épris de l'amour des plaisirs illicites, ou de l'amour désordonné de l'argent, ou de quelqu'autre passion criminelle. Après avoir remarqué dans la soixantetroisième homélie que Joseph, mis en prison par les intrigues de cette femme, ne se plaignit ni de la calomnie dont elle avait noirci son innocence, ni de l'indignation de son maître qui l'avait condamné sans l'entendre, il dit que nous devons apprendre, à l'exemple de ce saint homme, quand nous tombons dans quelque adversité, à ne point nous déchaîner contre ceux que nous croyons être les auteurs de nos maux, et à n'aiguiser point nos langues pour les accuser, mais à tâcher seulement de prouver notre innocence avec beaucoup de retenue et de douceur. Il loue sa modestie dans l'interprétation des songes arrivés soit à Pharaon, soit à ses officiers, la sagesse avec laquelle il éprouva ses frères, qui étaient venus en Egypte pour y acheter du blé, la libéralité et la douceur dont il usa à leur égard, et il finit la soixante-quatrième homélie par ces paroles: «Peut-on assez admirer la vertu de ce grand homme, qui accomplit par avance les maximes de la nouvelle loi et le précepte que Jésus-Christ donna à ses disciples, en disant : Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent. Joseph alla encore au-delà de ce précepte; non-seulement il aima ceux qui avaient eu intention de le tuer, il tâcha même de leur persuader qu'ils n'avaient point eu intention de lui faire du mal. Ce n'est point vous qui m'avez fait cela, leur dit-il, c'est la Providence qui l'a permis de la sorte. »

4. Dans la soixante-cinquième, où est expliquée la suite de la même histoire, saint Chrysostome fait remarquer la bonté de Dieu envers Jacob. « Dieu permit, dit-il, que Jacob fût informé de ce qui se passait, pour récompenser son serviteur des grands travaux qu'il avait soufferts et pour le consoler de ses afflictions. Il lui accorda même plus qu'il ne demandait: Ne craignez point, lui dit-il, d'aller en Egypte, voulant le rassurer

sur la longueur du chemin qui lui donnait de l'inquiétude. Car Dieu surpasse nos demandes par sa libéralité et par sa miséricorde accoutumées. » Ici le saint évêque demande pourquoi l'Ecriture marque avec tant d'exactitude les personnes de la maison de Jacob qui vinrent en Egypte, et il répond: C'était pour vous faire ajouter foi à ses promesses, connaissant qu'un grand peuple était sorti de ce petit nombre de gens, suivant la prédiction du Seigneur. Joseph, en obligeant les Egyptiens de donner à Pharaon la cinquième partie du revenu de leurs terres, en excepta les terres des prêtres. A cette occasion saint Chrysostôme fait cette réflexion : << Apprenez de la vénération que ces peuples professaient pour les prêtres des idoles, à respecter les prêtres du Dieu vivant. S'ils croyaient relever le culte de leurs faux dieux par le respect qu'il rendaient aux prêtres, combien sont condamnables ceux qui déshonorent maintenant les ministres du Seigneur. Ignorez-vous que le respect que vous rendez aux prêtres se rapporte à Dieu? Ne regardez donc point la personne de celui que vous honorez; ce n'est pas à lui que se terminent vos respects: ils doivent passer jusqu'à Dieu dont il est le ministre, et c'est de Dieu que vous devez attendre toute votre récompense.» La soixante-sixième homélie regarde le serment que Jacob exigea de son fils Joseph, pour l'engager à emporter son corps hors de l'Egypte, et à le mettre dans le sépulcre de ses ancêtres. Selon saint Chrysostôme, ce patriarche en usa de la sorte afin de donner espérance à ses enfants, que tôt ou tard ils sortiraient de l'Egypte, pour retourner au pays de Chanaan, c'est-à-dire dans la terre promise. Il voyait, dit-il, des yeux de la foi les choses à venir. On ne doit donc pas, conclut-il, tirer en conséquence le soin pris par Jacob de sa sépulture; d'autant que, vivant avant l'avénement de JésusChrist, on ne peut exiger de lui une vertu aussi sublime que de ceux qui ont vécu depuis cet avénement. La privation des funérailles n'est pas un malheur pour des personnes vertueuses. La mort des justes en quel pays qu'elle arrive est précieuse devant Dieu, et celle des pécheurs est très-funeste, quoiqu'ils meurent dans leurs maisons et au milieu de leurs familles. Pour confirmer sa pensée, il rapporte la mort de plusieurs apôtres et de plusieurs martyrs, qui, ignominieuse en apparence, les a rendus néan

moins célèbres dans tout le monde. Dans le reste de cette homélie, et dans la suivante, saint Chrysostome explique les bénédictions que Jacob donna à ses enfants et à ceux de Joseph. A cette objection: Pourquoi Jacob qui avait désapprouvé ce que Siméon et Lévi avaient fait contre les Sichimites, donne néanmoins par préférence cette ville à Joseph? Il répond: « Quoique Joseph eût désapprouvé cette entreprise, et bien qu'elle eût été exécutée par d'autres mains, cette ville néanmoins était tombée sous la puissance de Jacob. Car si le père est le maître de ses enfants, à plus forte raison peut-il disposer de ce que ses enfants possèdent, et en gratifier qui bon lui semble. » En expliquant la bénédiction donnée à Judas, il fait remarquer diverses circonstances figuratives du Messie, du mystère de sa croix et de sa sépulture; il regarde comme une chose vraiment digne d'admiration, que le patriarche Jacob ait connu et prédit si distinctement ce qui devait arriver en particulier à chacun de ses enfants. D'après lui, Joseph, par une raison semblable à celle de Jacob, ordonna de transporter ses os hors de l'Egypte, et il le commanda encore dans la crainte que les Egyptiens, selon leur coutume, en considération des grands services qu'il avait rendus à l'Etat, ne le regardassent comme un dieu. § V.

Des huit discours de saint Chrysostome sur la Genèse.

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1. Ce fut aussi pendant le carême que saint Chrysostôme prêcha les huit discours que nous avons de lui sur la Genèse. Il fit le premier à l'entrée de ce saint temps, lorsque l'on commençait à lire la Genèse, c'està-dire le lundi qui commençait les sept semaines que durait le carême à Antioche. On voit par le commencement du second discours qu'il ne s'était pas encore beaucoup exercé dans le ministère de la prédication, et qu'il n'avait pas l'assurance qui se fait si bien remarquer dans les discours qu'il prêcha dans un âge plus avancé. « Vous m'avez inspiré tant de hardiesse, dit-il à ses auditeurs, que j'ose maintenant vous proposer des questions, car ce n'est point par la confiance que j'ai en mes propres forces, que j'ai hasardé cette entreprise; je suis entré

1 Tom. IV, pag. 645 et suiv.

dans cette lice, me confiant en vos prières et en celles des prélats: telle est l'efficacité des prières de l'Eglise, que, quand nous serions plus muets que des pierres, elle rendrait notre langue plus légère qu'une plume. >> Il y a donc toute apparence que c'était pour la première fois qu'il entreprenait d'expliquer l'Ecriture, et que c'était en la première année de sa prêtrise, c'est-à-dire en 385. On ne voit pas, en effet, que dans les homélies qu'il prêcha l'année suivante au sujet du renversement des statues, il se soit servi de pareils exordes. Il y parle avec feu, avec liberté et avec autorité. S'il en fait moins paraître dans les huit discours sur la Genèse, ils ne laissent point d'être très-éloquents; on y voit cette heureuse facilité de s'exprimer et cette abondance de paroles et de pensées qui lui étaient naturelles. Le quatrième, en particulier, contient une preuve bien sensible du don qu'il avait de parler sur-le-champ. Comme la nuit approchait, un des officiers de l'église alluma les lampes 2; plusieurs des assistants ayant détourné les yeux pour voir ce que faisait cet homme, saint Chrysostôme les reprit de cette indolence, et parla sur ce sujet, comme s'il s'y fût préparé. Au reste, ces huit discours sur la Genèse ont une très-grande conformité avec les homélies que saint Chrysostôme fit depuis sur l'Ouvrage des six jours. Ce sont souvent les mêmes pensées, les mêmes expressions, les mêmes réflexions, les mêmes comparaisons, en sorte que nous pouvons nous dispenser d'en donner l'analyse avec étendue.

Analyse du premier dis

2. Dans le premier qui a pour titre du Jeûne et de l'Aumône, il dit : « Comme le printemps cours. est agréable aux laboureurs et aux matelots, parce que ceux-là prennent plaisir à voir la terre peinte d'une infinité de couleurs différentes, et parce que ceux-ci peuvent confier avec plus de sûreté leurs vaisseaux à la mer; de même aussi le printemps du jeûne nous apporte la joie, car les flots des pensées charnelles et de la concupiscence sont moins agités, et si l'on ne nous prépare pas des couronnes de fleurs, on nous prépare des trésors de grâce.» Venant ensuite aux premières paroles de la Genèse que l'on avait lues, il dit: « La vue de la beauté et de la grandeur des créatures, nous apprend non-seulement à connaître celui qui les a créées au commencement, mais encore à l'adorer, en sorte que

2 Tom. IV, pag. 662.

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