Images de page
PDF
ePub

le lendemain, ce qui lui donna lieu de louer la piété de ceux qui étaient venus pour l'entendre. Il fit l'éloge de l'Eglise et de sa puissance, qui, supérieure à celle des tyrans et des empereurs qui l'ont persécutée, s'est élevée et étendue partout, tandis que Auguste, Tibère, Caïus, Claude et Néron, ses persécuteurs, sont demeurés dans l'oubli. Il reprend ensuite en faveur de ses auditeurs qui s'étaient absentés la veille, l'endroit d'Isaïe qu'il avait déjà expliqué; et comme on avait lu ce jour-là le septième chapitre d'Isaïe, où il est parlé de Jasub, fils de ce Prophète, il fait voir par l'exemple d'Isaïe, par la mère des Machabés, par Abraham, par Moïse, par saint Pierre, qu'il appelle la base de l'Eglise, et par saint Philippe, diacre, qui tous avaient été mariés, que ce n'est point le mariage qui empêche d'être saint, quand on s'y conduit comme l'on doit. Il combat ensuite l'orgueil au sujet de la chute d'Ozias, et, distinguant la royauté du sacerdoce, il proclame cette dernière dignité plus grande que la première. Il donne aussi des louanges au prêtre qui ne voulut pas permettre à Ozias d'offrir de l'encens dans le temple, et après avoir fait admirer la liberté de ce ministre du Seigneur, il veut qu'à son exemple ceux de la loi nouvelle se contentent de reprendre avec liberté ceux qui pèchent contre la loi de Dieu, sans avoir recours à la force des armes, puisqu'ils ne doivent point en avoir d'autres que les paroles et les prières. Puis, après avoir raconté comment Ozias fut frappé de lèpre, il vient enfin à la difficulté qu'il s'était proposée Pourquoi les Prophètes ayant coutume de dater les événements du règne des princes, Isaïe avait daté sa vision de l'année de Homil. 5, la mort d'Ozias? A cette difficulté le Saint répond ainsi : Dieu, offensé de ce qu'on n'avait pas chassé Ozias de la ville, comme la loi l'ordonnait pour les lépreux, n'avait pas voulu se montrer aux Prophètes jusqu'à ce que ce prince fût mort.

pag. 137.

Cinquième

et sixième ho

4. Dans l'homélie cinquième est continuée l'histoire d'Ozias. Saint Chrysostôme y montre 37,pag. ce prince puni avec justice, pour s'être ingéré dans les fonctions sacerdotales. Il distingue

mélies sur Isaïe,

131,

ici, comme il avait fait dans l'homélie précédente, les droits de la royauté et ceux du sacerdoce, et après avoir fait voir la fermeté et le courage du pontife Azarias, qui s'opposa sans crainte à ce roi, parce qu'il craignait plus Dieu que les rois de la terre, il relève la modération et la douceur dont il

l'accompagna: « Car nous ne devons pas seulement, dit-il, avoir de la vigueur et de la fermeté lorsque nous reprenons les pécheurs, il nous faut encore plus de douceur. Les pécheurs ne haïssent personne si fortement que ceux qui les reprennent, et ils cherchent l'occasion de se sauver et d'éviter la réprimande; il faut donc les attirer et les retenir par la douceur et par la charité. » Dans la sixième homélie, après s'être excusé d'approfondir comment Isaïe avait vu Dieu assis sur un trône sublime et élevé, et d'examiner comment Dieu est assis, et quel est son trône, saint Chrysostome parle des séraphins, pour contenter le peuple qui souhaitait qu'il en parlât. La place qu'ils occupent auprès du tròne de Dieu montre qu'ils sont d'une dignité au-dessus des Anges, dont il est dit seulement qu'ils voient la face du Père qui est dans le ciel. Selon le saint Docteur, ce qui est dit de leurs pieds et de leurs ailes doit s'entendre d'une manière spirituelle. Après avoir fait remarquer l'admiration continuelle où ils sont de la grandeur de Dieu, mêlée d'une joie ineffable, il nous exhorte à entrer dans les mêmes sentiments lorsque nous chantons avec eux le Sanctus dans le sacrifice, après que le prêtre a nommé (dans la préface) les chérubins et les séraphins. Pour lui, l'autel d'où un séraphin prit un charbon ardent pour en purifier les lèvres d'Isaïe, n'était que la figure de l'autel sur lequel nous offrons les sacrés mystères, et le charbon de feu n'était que l'image de ce feu spirituel que nous recevons dans nos mains pour nous communier. Il marque qu'il prêchait quelques jours avant le carême, et dit : « Comme dans les jeux olympiques on distribue le prix à la fin du combat, ainsi on donne la communion à la fin du jeûne. Si donc nous en étions privés en ces saints jours, ce serait bien en vain que nous nous serions mortifiés par le jeûne, sortant de cette carrière sans recevoir de couronne et de récompense de tous nos maux. C'est principalement dans cette vue que les anciens Pères qui nous ont précédés ont étendu cette carrière du jeûne, et ont réglé le temps de la pénitence, afin qu'étant purifiés de toutes nos taches, nous puissions approcher avec pureté des saints mystères. Croyez, quand vous approchez de la table sacrée, que le Seigneur de toute chose y est présent: car il y est en effet, et il connaît ceux qui s'en approchent avec la sainteté convenable, et

[ocr errors][ocr errors]

ceux qui le font avec une conscience chargée de péchés. » Ce Père n'exclut pas néanmoins les pécheurs de la sainte communion: « autrement, dit-il, je m'en exclurais moimême, mais ceux qui persévèrent dans le péché. »

5. Il faut joindre à ces homélies celle que saint Chrysostôme a faite sur ces paroles du même Prophète : C'est moi qui forme la lumière et qui forme les ténèbres, qui fais la paix et qui crée les maux. Il la prononça en un jour où l'on donnait les jeux du cirque, et où néanmoins l'église se trouvait remplie de monde; aussi le saint évêque, en voyant ses auditeurs préférer la parole de Dieu à ces vains amusements, leur en témoigne beaucoup de joie. Il remarque qu'un autre avait prèché avant lui, et loue son discours comme ayant causé par sa douceur beaucoup de plaisir à l'assemblée. Ensuite il entre en matière, et pour donner à entendre comment le Prophète a pu dire que Dieu forme la lumière et les ténèbres, qu'il fait la paix et crée les maux, il distingue trois sortes de choses les unes sont bonnes, les autres sont mauvaises, et il y en a qui ne sont ni bonnes ni mauvaises. Celles qui sont bonnes d'ellesmêmes, ne peuvent jamais être mauvaises, comme la tempérance, l'aumône et autres. semblables. Celles qui sont mauvaises d'elles-mêmes, ne peuvent jamais être bonnes, comme l'inhumanité, la cruauté. Mais il y en a qui ne sont bonnes ou mauvaises que par rapport à l'intention et à la disposition du cœur de ceux qui s'en servent. On peut mettre de ce genre la pauvreté et les richesses. En effet, s'il y en a qui se servent de leurs richesses pour envahir le bien d'autrui, il y en a qui s'en servent aussi pour faire l'aumône, et la pauvreté qui est aux uns une occasion de blasphémer, l'est aux autres de bénir Dieu. Quand donc le Prophète dit que Dieu crée les maux, cela ne doit point s'entendre des choses qui sont mauvaises en elles-mêmes, mais de celles dont nous pouvons même user en bien, quoiqu'elles nous paraissent mauvaises, comme sont la captivité, la servitude, la faim, la maladie et les autres afflictions que Dieu ordonne de temps en temps pour notre salut. C'est dans le même sens que Jésus-Christ a dit dans l'Evangile A chaque jour suffit son mal, c'est-àdire Chaque jour a ses sueurs, ses travaux

Il paraît que ce fut durant le carême de 386.

et ses afflictions. L'exemple de Joseph, de saint Paul, de Lazare et de Job, prouvent que ni la servitude, ni la prison, ni les maladies, ni les autres afflictions corporelles, ne peuvent nuire à celui qui a de la vertu. Le jour que saint Chrysostôme fit ce discours, on avait lu dans l'église le neuvième chapitre de saint Matthieu, où il est parlé de l'hémorrhoïsse, et le sixième chapitre de l'épître aux Galates, où saint Paul fait le récit des marques du Seigneur qu'il portait imprimées sur son corps; mais l'orateur ne s'y arrêta point, afin de donner tout son temps à l'explication de l'endroit d'Isaïe dont nous venons de parler.

§ II.

Des écrits sur Jérémie, sur l'obscurité des Prophètes, sur Daniel et sur saint Jean.

Homélie

sur Jérémie,

pag. 157.

1. Savilius témoigne avoir trouvé dans la bibliothèque de Bavière un Commentaire sur Jérémie, sous le nom de saint Chrysostome, mais si rempli d'inutilités et de bagatelles, qu'il n'a pas jugé à propos de le donner au public. On en a usé de même dans la nouvelle édition des œuvres de ce Père, et on l'a supprimé comme n'étant point digne de voir le jour, et moins encore de porter un si grand nom. Nous n'avons donc rien de saint Chrysostome sur Jérémie, qu'une homélie où il explique le 23° verset du chapitre x: La voie de l'homme n'est pas en la main de l'homme, ce n'est pas à lui à marcher et à rendre sa voie droite. On ne sait pas en quelle année ce Père fit cette homélie, mais il n'y Pag. 158. a point de doute qu'elle n'ait été prêchée au même lieu où le Saint avait fait quelque temps auparavant les éloges de saint Eustathe et de saint Romain, c'est-à-dire à Antioche. Après avoir comme diverti le peuple de cette ville par les panégyriques de ces deux saints, il voulut l'exercer par quelque sujet plus difficile, et prit pour cela les paroles de Jérémie que nous venons de rapporter. Il y en avait qui en abusaient pour détruire le libre arbitre, et qui objectaient encore ces paroles de l'épître aux Romains: Cela ne dé- Rom. ix, 16. pend donc point, ni de celui qui veut, ni de celui qui court; et celles-ci du psaume CXXVI: Si le Seigneur ne bâtit la maison, ceux-là ont travaillé en vain qui la bâtissent. Saint Chrysostôme prouve contre eux: 1° qu'ôter à l'homme

(L'éditeur.)

Psal. CXXVI, 1.

le libre arbitre, c'est ôter tout lieu de mériter et de démériter; 2° qu'il ne suffit pas de dire simplement que ce qu'on avance est dans l'Ecriture; 3° qu'on ne doit pas non plus arracher témérairement des écrits inspirés de Dieu, quelques passages tronqués et détachés de la suite de ces saints discours, ni se jouer ainsi avec une licence criminelle des Ecritures divines. « Car c'est de cette sorte, ajoute-t-il, qu'on a répandu en notre temps dans l'Eglise plusieurs dogmes erronés et pernicieux, le démon ayant persuadé à des gens indiscrets et téméraires, de produire des témoignages de l'Ecriture pris à contresens et souvent altérés, en y ajoutant ou en retranchant quelque chose, afin d'obscurcir la vérité. » Il allègue comme exemple d'un texte corrompu par les ennemis de la religion, celui de la première Epître aux Corinthiens, où l'Apôtre donne des avis aux personnes mariées et à celles qui ne le sont pas. Il est écrit, disaient-ils: Si vous brûlez, mariez-vous. « Or rien n'est moins vrai ni moins conforme à la pensée de l'Apôtre. Car si vous dites absolument et sans aucune restriction Si vous brûlez, mariez-vous, vous donnez la liberté à ceux mêmes qui ont volontairement résolu de garder la virginité, de violer le vœu qu'ils en ont fait à Dieu, aussitôt qu'ils seront tentés des mouvements de l'impureté, et de passer ainsi au mariage comme des transfuges. Mais si vous examinez bien quels sont ceux à qui l'Apôtre permet le mariage, vous trouverez qu'il ne le conseille pas généralement à tous, mais seulement à ceux qui ne s'étaient liés par aucune promesse à Dieu, et ainsi vous ôterez à tous les autres cette liberté si pernicieuse. » Il rapporte encore un autre passage de l'Ecriture dont on abusait, et en fait voir le vrai sens. Selon saint Chrysostôme, le passage Aggai, 11, 9. de Jérémie doit être ainsi entendu : Nous sa

Pag. 168. vons, Seigneur, qu'il n'est point au pouvoir de l'homme de faire réussir tous ses desseins, et que vous pouvez les rendre inutiles, et qu'ainsi le barbare, c'est-à-dire le roi Nabuchodonosor, n'aurait pu nous vaincre si vous ne l'aviez voulu et si vous ne nous aviez vous-même livrés entre ses mains. Le passage de ce Prophète ne détruit donc point la liberté, et on n'en peut rien conclure sinon qu'il y a quelques choses en notre pouvoir, et d'autres au pouvoir de Dieu. Choisir le bien, le vouloir et tâcher de le faire, cela est en notre libre arbitre; mais conduire nos bonnes œuvres

jusqu'à la fin, et faire le bien sans cesser de le faire, c'est l'effet de la grâce qui nous vient d'en haut. Jérémie, en ajoutant immédiatement après : Châtiez-moi, Seigneur, mais que ce soit dans votre justice, établit la liberté de l'homme au lieu de la détruire; car en vain demanderait-il à Dieu de nous châtier, s'il n'était pas en notre pouvoir de rendre notre vie meilleure.

[ocr errors]

tes.

Ho

2. Il y eut quelqu'intervalle entre les deux homélies sur l'obscurité des Prophètes; la se- tedes conde fut faite en un jour de dimanche, mais on ne sait en quelle année. Il paraît seulement que ce fut à Antioche; car saint Chry- Pag. sostôme, en parlant dans cette homélie de la 180. prière que l'on avait coutume de faire pour l'évêque pendant la liturgie, fait assez voir qu'il n'était pas lui-même cet évêque. Ces deux homélies sont fort belles, et quoique la seconde soit extrêmement longue, elle fut néanmoins écoutée avec encore plus d'attention et d'applaudissement à la fin qu'au commencement. Dans la première, la difficulté que saint Paul trouvait à parler de Melchisédech, lui semble regarder moins cet Apôtre que ceux à qui il en devait parler, ce qui lui fournit l'occasion de rabattre l'orgueil des anoméens, qui approfondissaient avec trop de curiosité ce qui est rapporté de cet ancien roi de Salem. Il prouve que la génération de Jésus-Christ, soit comme Verbe de Dieu, soit comme homme, est inexplicable; car, quoique nous confessions, dit-il, qu'il est né du Père, nous n'en savons pas la manière, et quoique nous confessions qu'il est né de Marie, nous ne savons pas comment. Après ce préambule, il vient à l'obscurité de l'Ancien Testament, dont il donne plusieurs causes. La première est la cruauté des Juifs, qui n'auraient pas épargné la vie des Prophètes, s'ils avaient compris ce qu'ils leur annonçaient de la ruine de leur nation et de leur temple. Les mauvais traitements que les Juifs, suivant le rapport des divines Ecritures, ont fait souffrir aux Prophètes du Seigneur, lui fournissent des exemples de cette cruauté. La seconde cause est que les Juifs auraient brûlé les écrits de ces Prophètes, et c'est ce que saint Chrysostôme prouve encore par l'exemple de Joachim, qui, après Matth avoir lu trois ou quatre pages du volume de Jérémie, que Baruch avait lu devant le peuple, les coupa et les jeta dans le feu, et y mit ensuite tout le reste du volume, parce qu'il contenait une prédiction touchant la

[ocr errors]

10. Matth

37.

Isai. 1

31.

captivité des Juifs. « Comment donc, s'écrie saint Chrysostôme, un roi qui ne pouvait souffrir qu'on lui annonçât une captivité temporelle, aurait-il souffert qu'on lui en prédit une éternelle?» Une troisième raison de l'obscurité des prophéties, c'est qu'il ne convenait pas que les Juifs connussent avant le temps, ce qui y était dit d'eux et de l'abrogation de la loi; car s'ils eussent connu d'abord que la loi de Moïse dût obliger seulement pendant un certain temps, ils l'eussent entièrement négligée. Le saint évêque allèCer., 12 gue sur cela ce que dit saint Paul du voile dont Moïse se couvrait le visage, et prouve que cet endroit, bien loin de favoriser les ennemis de la loi, en établit au contraire l'autorité ainsi que son union avec l'Evangile. Il donne dans la seconde homélie une quatrième raison de l'obscurité de l'Ancien Testament. Nous ne le lisons que dans des traductions, qui n'ont pas ordinairement la clarté du texte original. Celle qui fut faite de l'hébreu en grec sous Ptolémée, trois cents ans avant la venue de Jésus-Christ, lui paraît une version très-utile, et à cette occasion il fait admirer la bonté de Dieu qui, n'ayant laissé sa parole aux Juifs que dans leur seule langue, l'a fait traduire dans une langue entendue presque partout, lorsqu'il a voulu appeler toute la terre par Jésus-Christ. A cette demande : Pourquoi les hommes ne parlent pas tous aujourd'hui une même langue, comme dans les premiers temps? il répond

C'est un avantage dont les hommes ont joui d'abord, mais le péché le leur a fait perdre, de même que plusieurs autres dons que l'homme avait reçus dans sa création, et nous ne devons nous en prendre qu'à nousmêmes, et non à celui qui nous les avait donnés, de ne les avoir pas conservés. Vient ensuite une digression où l'on voit que la prière faite en commun a une très grande vertu. « C'est pourquoi, ajoute ce Père, nous nous assemblons tous en cette église, afin d'avoir plus de force pour fléchir la miséricorde de Dieu. Car, sachant que nous sornmes trop faibles quand nous prions seuls, nous nous servons de l'union puissante de la charité pour obliger Dieu à nous exaucer. Mais ne puis-je pas, me direz-vous, prier Dieu dans ma maison? Vous le pouvez, mais la prière d'un seul membre de l'Eglise n'a pas tant de force que celle de tout le corps de l'Eglise ensemble, lorsque tous les fidèles joignent leur voix avec les prêtres, et que

:

les prêtres présentent leurs prières à Dieu dans nos assemblées. » Ces paroles de la Genèse La terre n'avait qu'une bouche, lui servent ensuite à montrer que tous les hommes parlaient autrefois la même langue, et s'arrêtant sur le mot de terre, il nous fait remarquer combien de sujets nous avons de nous humilier, puisque nous ne sommes que terre et que cendre. « Aussi voilà pourquoi, dit-il encore, Dieu a composé l'homme de deux substances; il a voulu que la bassesse de la chair le rabaissât quand la vanité l'élèverait, et que la noblesse de son âme s'élevât par une sainte émulation à la sublimité de la vertu, quand il voudrait se rabaisser à quelque chose d'indigne de l'honneur que Dieu lui a fait. Il dit après cela que, quand l'Ecriture blâme la langue ou quelqu'autre membre, ce n'est point ce membre qu'elle blâme, mais le mauvais usage que nous en faisons. Sur quoi il s'étend sur la médisance, et fait voir par l'autorité de l'Ecriture, que non-seulement nous ne devons pas croire les médisances, mais même les écouter. D'après ce Père, celui qui dit du mal de son prochain, soit qu'il dise vrai ou faux, se fait à lui-même un grand mal. Quand il calomnie, il n'est pas besoin d'employer beaucoup de preuves pour persuader qu'il se damne; mais quand même il ne dit que la vérité, il ne laisse pas de s'attirer une sévère condamnation en ce qu'il publie les misères de son prochain, qu'il cause des sujets de scandale aux autres, qu'il découvre des fautes qu'il aurait plutôt dû cacher, et qu'il divulgue les péchés secrets de ses frères. Car si celui qui ne scandalise qu'une seule personne sera si grièvement puni, quels supplices ne mérite. point celui qui scandalise par des diffamations publiques une infinité de personnes? « Couvrons donc, continue-t-il, les maux de notre prochain, au lieu de les découvrir, ou plutôt avertissons-le pour qu'il s'en corrige, suivant le précepte de Notre Seigneur. >>

Commentaire sur Da

3. En 1661, M. Cotelier fit imprimer un Commentaire sur Daniel, ne doutant point niel, pag. 200. qu'il ne fût de saint Chrysostome, dont il portait le nom dans un manuscrit de l'Escurial. On y trouve en effet son génie, son style et ses expressions. On y rapporte aussi, comme le Saint l'a fait dans une de ses homélies, l'abomination de la désolation à la statue d'Adrien, qui fut mise sous le règne de ce prince dans le lieu saint; mais il faut reconnaître que ce commentaire est bien im

Homélie sur saint

Jean,

pag. 255.

Joan. v, 19.

parfait, et que ce sont plutôt de simples mémoires et des essais que saint Chrysostôme avait jetés sur le papier, dans le dessein de les étendre dans la suite et d'y mettre la dernière main 1. Dans le dernier chapitre, qui est le treizième, il dit quelque chose de l'histoire de Bel.

4. Nous devons aux soins de Benzélius l'homélie sur ces paroles de Jésus-Christ: Le Fils ne peut agir par lui-même, et il ne fait que ce qu'il voit faire au Père. Elle fut imprimée à Upsal en 1708, sur un manuscrit d'Angleterre; elle a été revue depuis et corrigée sur un manuscrit de Rome. C'est une pièce de controverse où saint Chrysostome combat les anoméens, et où après avoir répondu à leurs objections, il fait voir que le Fils est égal au Père. Il avait établi la même vérité dans un discours précédent, par un passage du même Evangile, où Jésus-Christ dit aux Joan. v, 17. Juifs: Mon Père jusqu'aujourd'hui ne cesse pas d'agir, et j'agis aussi toujours avec lui; et il avait fini son discours par les paroles suivantes : « Mais les Juifs cherchaient encore avec plus d'ardeur à le faire mourir, voyant que non-seulement il ne gardait pas le sabbat, mais qu'il disait encore que Dieu était son Père, se faisant ainsi égal à Dieu 2. » Les anoméens, pour détruire ces preuves, objectèrent les paroles qui font la matière de cette homélie Le Fils ne peut agir par luimême, et tâchèrent, par cette objection, d'ébranler la foi du peuple d'Antioche, où ils étaient en grand nombre. L'évêque Flavien monta en chaire pour réfuter ces hérétiques et donner le vrai sens du passage qu'ils objectaient. Mais sachant combien le peuple de cette ville aimait à entendre prêcher saint Chrysostôme, et le talent que ce prêtre avait pour expliquer et établir les vérités de notre religion contre les hérétiques, il ne prêcha que peu de temps, afin d'en donner davantage à saint Chrysostome. On ne peut donc douter que cette homélie n'ait été prêchée à Antioche; mais il paraît que ce fut depuis.

1 Ang. Maï, dans la préface du premier volume des Ecrivains anciens, p. XXXIII, prouve que ce commentaire appartient réellement à saint Chrysostome. Un grand nombre de manuscrits du Vatican l'attribuent à ce père et le donnent avec plus d'étendue. Le Prologue a été publié par Heschélius sous le nom de saint Chrysostôme, à Augsbourg, dès l'an 1702. Si ce commentaire paraît si imparfait et si abrégé, c'est que le compilateur a retranché et abrégé tout ce qui n'allait pas à son dessein. (L'éditeur.)

Ces paroles se trouvent dans la neuvième homélie

les dix homélies qu'il fit en la même ville contre les anoméens, peu de temps après sa prêtrise, c'est-à-dire en 386 et 387; car il n'avait pas encore alors une si grande réputation que quand il prêcha l'homélie dont nous parlons. Saint Chrysostome prouve d'abord que ces paroles: Le Fils ne peut agir par lui-même, au lieu de détruire l'égalité du Fils avec le Père, l'établissent. Voici son raisonnement: S'il était vrai que le Fils pût faire seulement ce qu'il voit faire au Père, il s'ensuivrait que les ouvrages du Père devraient être parfaits avant que le Fils en entreprit de semblables. «Que les anoméens disent donc de qui est le soleil, s'il est du Père, ou s'il est du Fils. S'il est du Père, où est le soleil que le Fils a fait? S'il est du Fils, où est le soleil que le Père a fait, et à l'image duquel le Fils a fait le sien? N'est-il pas écrit: Toutes choses ont été faites par le Joan. 1, 3. Verbe, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans lui? On peut encore leur demander lequel des deux s'est fait homme, ou le Père, ou le Fils? N'est-il pas connu de tout le monde que c'est le Fils? Et saint Paul ne le Philip. 11, 5. dit-il pas en termes exprès? Il faudrait donc, Galat. IV. 4. dans le système de ces hérétiques, que le Père se fût aussi incarné, puisque selon eux le Fils ne fait que ce qu'il voit faire au Père. Il est encore dit que le Père ne juge personne, mais qu'il a donné tout pouvoir de juger au Fils. Comment cela peut-il être vrai, si le Fils ne fait que ce qu'il voit faire au Père? » Saint Chrysostôme prouve ensuite par divers passages de l'Ecriture, que Jésus-Christ ayant dit qu'il avait le pouvoir de remettre les péchés, de guérir les maladies, de ressusciter les morts et de donner des lois, on ne peut pas dire qu'il soit incapable d'agir par luimême. Ces paroles ne peut agir, ne marquent pas dans le Fils une impuissance, mais au contraire, elles établissent son pouvoir et ne signifient rien autre chose, sinon qu'étant un avec son Père, et de la même substance que lui, le Père et le Fils agissent toujours

publiée en dernier lieu par Montfaucon sur un manuscrit du Vatican; et comme cette homélie fut prêchée à Constantinople, il s'ensuit que l'homélie sur saint Jean, qui suivit celle-ci, fut pareillement prêchée en cette ville. Entre les deux homélies, l'évêque de Galatie, Léonce, avait prêché le dimanche qui avait suivi la première. Saint Chrysostôme parle de cet évêque et non de Flavien. C'est le sentiment de Mattheï. Vid. édition Gaume, tom. XII, pag. 557, note, et tom. XIII, pag. 414. (L'éditeur.)

Joan. v, 22.

« PrécédentContinuer »