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brassent la virginité que par l'horreur qu'elles ont du mariage. Quoiqu'elles aient donc autant et peut-être plus de peine à vivre vierges que les catholiques, elles n'ont pas la même récompense à attendre que celles-ci, et la raison en est que les unes embrassent la virginité contre la loi de Dieu, et les autres en lui obéissant. Les hérétiques pouvaient fonder leur éloignement pour le mariage sur ce que saint Paul témoigne souhaiter dans son Epitre aux Corinthiens, que tous les hommes. lui ressemblassent, c'est-à-dire qu'ils vécussent dans la continence; mais cet Apôtre n'en fait point un précepte, ce n'est qu'un conseil qu'il donne. Marcien, Valentin et Manès n'ont point gardé cette modération, et en défendant à leurs disciples de goûter les douceurs d'un mariage légitime, ils ont rendu leur condition pire que celle des païens. Une troisième raison contre la virginité des hérétiques, c'est qu'elle est injurieuse à Dieu, en lui donnant pour épouses des vierges qui ne le sont qu'en apparence; car, pour être véritablement vierge, il faut avoir le cœur pur, ce qui ne peut se rencontrer dans celles qui ont renoncé à la foi, prêté l'oreille au démon, embrassé le mensonge. D'ailleurs on ne peut regarder comme véritablement vierge que celle qui, de son plein gré, a renoncé au mariage, ayant une pleine liberté de se marier. Or celles-là qui, suivant la doctrine de leur secte, regardent le mariage comme abominable, n'ont point cette liberté. Saint Chrysostome convient que l'Eglise conseille aussi de ne point se marier, mais il soutient en même temps qu'elle ne condamne pas le mariage, qu'au contraire elle le loue et le regarde comme le port de la continence pour ceux qui veulent en bien user. «< Mais il s'en trouve, continue ce Père, qui n'ont point besoin de ce secours, et qui apaisent les aiguillons de la concupiscence par les prières, les veilles et les jeûnes. Ce sont ces personnes que l'on exhorte dans l'Eglise à ne point se marier, sans toutefois le leur défendre. On ne les condamne pas même si elles refusent de suivre ce conseil. On chasse de l'Eglise les adultères et les fornicateurs, mais on loue ceux qui usent saintement du mariage. Le mariage est donc bon, mais la virginité est meilleure et autant au-dessus du mariage, que les Anges sont supérieurs aux hommes. »

6. Dans la seconde partie, saint Chrysostôme s'applique à montrer combien la virgi

nité est avantageuse aux vrais enfants de l'Eglise. Il en apporte en preuve ces paroles de saint Paul : Il est avantageux à l'homme de I Cor. VII, 1. ne point toucher de femme. « Si cela est, s'objecte ce Père, pourquoi Dieu a-t-il institué le mariage? Pourquoi a-t-il créé les femmes? Comment le genre humain pourrait-il se conserver, si tout le monde embrassait la virginité? Sans le secours du mariage, les villes, les maisons, les campagnes seraient abandonnées, tout périrait. » Il répond ainsi à ces difficultés Tandis que l'homme vécut dans l'innocence et dans le paradis terrestre, il ne fut point question de mariage; il vécut vierge avec la femme qui lui fut donnée pour aide; alors la terre n'était qu'un vaste désert, n'y ayant ni ville, ni maison: mais ayant péché, ils perdirent la virginité avec tous leurs autres priviléges; ainsi le péché qui a été la cause de la mort, l'a été en même temps du mariage. Adam et Ève ne doivent pas leur naissance au mariage, et il y a devant le trône de Dieu une multitude infinie d'Anges qui n'ont point été multipliés par cette voie; pourquoi donc Dieu n'aurait-il pas pu entretenir et multiplier le genre humain sans le secours du mariage? C'est bien moins l'usage du mariage qui multiplie les hommes, que la bénédiction de Dieu. Le mariage n'étant que la punition de la faiblesse de l'homme, il ne faut point le préférer à la virginité, ni même le faire aller de pair avec elle. Dieu n'a permis le mariage que pour ceux qui ne peuvent aspirer à la plus haute perfection; il n'eût point été nécessaire, si Adam fût demeuré fidèle. Dieu aurait multiplié le genre humain par quelque autre moyen qui nous est inconnu; à présent le mariage est bien moins nécessaire pour la propagation que pour remédier à l'incontinence; c'est insulter à Dieu, que de décrier la virginité, et ces paroles de saint Paul Il est avantageux à l'homme de ne toucher aucune femme, suffisent pour confondre et ceux qui blâment le mariage et ceux qui le préfèrent à la virginité. Saint Chrysostôme s'objecte si l'usage du mariage est saint et permis, pourquoi l'Apôtre veut-il qu'on s'en abstienne certains jours pour vaquer au jeune et à la prière? « C'est, répond-il, qu'il ne voulait pas que les chrétiens fussent moins parfaits que les juifs, qui s'en abstenaient plusieurs jours pour se préparer à entendre les divins oracles. Si l'on demande, ajoute-t-il, pourquoi Moïse leur fit ce précepte, c'est qu'il n'y a que la virginité

Suite, p. 295.

qui puisse rendre les hommes saints, le mariage légitime n'ayant d'autre pouvoir que d'exempter de faute. Si, malgré toutes les grâces que nous avons reçues de Dieu, nous ne laissons pas, par les instigations du démon, d'être distraits dans la prière, quelles impressions n'est-il pas capable de faire sur un esprit amolli par les plaisirs! Il faut donc s'en abstenir pour un temps, de peur de déshonorer Dieu par des prières vaines et mal conditionnées. Quand on a à parler au roi et aux magistrats, avec quelle circonspection le fait-on?» Saint Chrysostôme prétend même que la permission que saint Paul accorde aux personnes mariées, n'est point une approbation ni un ordre, mais que c'est une espèce d'insulte et de reproche qu'il leur fait, puisqu'il ajoute qu'il ne la leur accorde qu'à cause de leur intempérance.

7. Ce Père fait voir ensuite que saint Paul, en disant que la continence est un don de Dieu, n'a pas prétendu que notre coopération soit inutile. Il n'a parlé ainsi que par humilité, en rapportant à Dieu toute la gloire de sa continence comme toutes ses autres actions. Il rapporte ensuite dans un grand détail les raisons que cet Apôtre avait de porter les fidèles à ne se point marier, et fait à cette occasion une peinture vive, mais effrayante des mariages mal assortis. Il dit des vierges que, depuis qu'elles ont une fois choisi cet état et qu'elles se sont enrôlées dans cette sainte milice, il ne leur est plus libre de ne pas combattre. Il en est de même des veuves qui ont embrassé l'état de viduité : il leur est libre de se marier lorsqu'elles n'ont encore point pris leur parti depuis la mort de leur époux, mais elles péchent si, après avoir promis à Dieu de demeurer dans l'état de viduité, elles rompent leurs promesses pour se marier. Ce n'est pas sans raison que l'on appelle le mariage une chaîne, à cause des soins, des inquiétudes, des ennuis qu'on y trouve, et parce que les époux doivent être soumis l'un à l'autre. Il est vrai que l'homme doit commander à la femme, mais ce domaine n'empêche pas qu'il ne soit obligé de s'asservir en beaucoup de choses; ils sont comme des esclaves attachés à une même chaîne, ils ne peuvent marcher l'un sans l'autre. Quoiqu'il soit plus facile à une vierge d'acquérir le royaume du ciel qu'à une personne mariée, la virginité ne laisse point d'être difficile à soutenir, et elle a besoin de courage comme de résolution. Une femme

mariée qui s'obstine à garder la continence contre la volonté de son mari, non-seulement sera privée du prix destiné à cette vertu, mais elle sera coupable des adultères qu'elle lui donnera occasion de commettre, et en recevra un plus grand châtiment que lui, parce que lui ayant refusé les devoirs qu'elle était obligée de lui rendre, elle l'a comme précipité dans l'abîme de l'impureté. Saint Paul en disant: Que ceux qui ont des femmes soient comme n'en ayant point, n'autorise en aucune manière le refus du devoir mutuel; il ne veut dire autre chose sinon qu'en toute autre occasion le mari peut vivre indépendamment de la volonté de sa femme, comme la femme peut se conduire indépendamment de la volonté de son mari, c'est-àdire qu'ils peuvent l'un et l'autre s'habiller, se nourrir, renoncer aux plaisirs, à l'embarras des affaires, sans s'en demander mutuellement la permission. Cette conduite est fondée dans la raison; car la cupidité, qui sert à la propagation des hommes, est naturelle; c'est pourquoi elle demande entre les personnes mariées cette condescendance pour ne pas refuser ce devoir mutuel à celui qui en veut user; mais tout ce qui ne va simplement qu'à la volupté et qui ne consiste qu'en des soins inutiles et superflus, ne vient point de la nature, mais d'une mollesse et d'un dérèglement criminel. C'est pourquoi les personnes mariées n'ont nulle obligation d'avoir de la déférence l'un pour l'autre en ces sortes de choses-là.

8. Il se trouvait des vierges qui faisaient consister la virginité à ne point se marier et à s'éloigner des désordres grossiers. Mais saint Chrysostome leur fait voir qu'elles se trompaient gravement sur ce point. La chasteté ne consiste pas simplement à renoncer à une volupté honteuse et criminelle, pendant qu'on affecte de se parer avec curiosité et ajustement, mais à se dégager de tous les soins et des embarras du monde. « Car, sans cela, ajoute-t-il, à quoi sert la simple chasteté du corps? Et en effet, ces cinq vierges dont il est parlé dans l'Evangile, nonobstant leurs lampes et leur chasteté, furent exclues de l'entrée du ciel. Ainsi l'excellence de la virginité consiste en ce qu'elle nous procure un moyen favorable de nous dégager de toutes les sollicitudes du siècle, et de consacrer tout notre loisir et toute notre étude à l'exercice des bonnes œuvres. Si la virginité ne produit cet effet, elle est bien moins esti

Suite,

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mable que le mariage, puisqu'en nourrissant dans notre âme les épines des soins inutiles de ce monde, elle y laisserait étouffer toute la semence divine. » Si la virginité est si fort au-dessus du mariage, ajoutaient quelquesuns, pourquoi Jean-Baptiste et Jean l'Evangéliste, qui l'ont gardée si exactement, désiraient-ils si fort d'être placés dans le sein d'Abraham, qui eu une femme et des enfants? Saint Chrysostome répond qu'il n'est rien dit de semblable dans l'Ecriture, qui assure au contraire que les Apôtres sont des tinés à une place plus honorable que n'est le sein d'Abraham, savoir, sur douze trônes où ils jugeront les douze tribus d'Israël. Qui peut empêcher, disaient-ils encore, qu'un homme marié et chargé d'affaires ne mène une vie honnête et régulière? « Rien ne le peut empêcher, répond saint Chrysostôme, mais il y en a peu qui aient assez de vertu pour y réussir. » Il ajoute que dans la loi nouvelle, on exige de nous plus de vertu que dans l'ancienne, parce que la grâce du Saint-Esprit est plus abondante depuis que Jésus-Christ a paru sur la terre.

§ VI.

Des deux livres à une jeune Veuve.

1. Dans le premier de ces deux livres, saint Chrysostôme s'efforce de consoler une jeune veuve de la mort de son mari. Il se nommait Thérasius, homme puissant et d'une des premières familles de l'empire. Il excellait en probité, en modestie et en piété; la mort l'enleva après cinq ans de mariage, dans le temps qu'il aspirait à la préfecture. La jeune veuve, qui en était tendrement aimée, s'abandonna à une douleur si vive, que saint Chrysostome se crut obligé, l'on ne sait par quelle considération, de la consoler. Il attendit néanmoins que le temps eût apporté quelque tempérament à sa douleur, et que l'oncle de cette veuve lui eût appris qu'elle commençait à être susceptible de quelque consolation. Les motifs que ce Père lui en donne sont premièrement le soin que Dieu prend des veuves, à qui il tient lieu d'époux; deuxièmement, la dignité de l'état des veuves, qui est honorable non-seulement chez

1 C'est ce Théodore dont Ammien - Marcellin, lib. XXIX, rapporte la révolte et le supplice sous l'empire de Valentinien, de Valens et de Gratien.

les chrétiens, comme il le prouve par le témoignage de saint Paul, mais encore chez les païens, et à ce sujet il rapporte le témoignage d'un d'entre eux qu'il avait eu pour précepteur; troisièmement, la joie que l'on doit avoir de la mort des justes, puisqu'elle les met en possession du royaume du ciel; « et il y a, dit saint Chrysostome, raison de présumer que Thérasius est dans la gloire, ayant toujours servi Dieu avec beaucoup de zèle; » quatrièmement, le peu de durée de la vie, les misères qui l'accompagnent et l'instabilité de la fortune. « Voyez, lui dit ce Père, l'état déplorable auquel est réduite la veuve de ce fameux Théodore de Sicile 1: cette femme, dont la noblesse ne le cédait point à la vôtre, s'est vue dans un moment dépouillée de tous ses biens, privée de sa liberté et obligée de servir de femme de chambre. » Il ajoute à cet exemple celui d'une certaine Artémise, inconnue d'ailleurs, que la révolte de son mari, qui avait voulu s'ériger en tyran, réduisit à la dernière misère. Elle en versa tant de larmes qu'elle en devint aveugle; « et maintenant, dit saint Chrysostôme, elle a besoin qu'un homme la conduise de porte en porte pour mendier son pain. Le trône même, continue ce Père, ne met point ceux qui l'occupent à l'abri des revers de la fortune. » Pour en convaincre celle qu'il entreprend de consoler, il la prie de se souvenir que des neuf empereurs qui avaient régné depuis que le siége avait été transféré à Constantinople, deux seulement étaient morts de leur mort naturelle. Ces neuf empereurs étaient sans doute Constantin et ses trois fils, Constantin, Constance et Constant; Gallus, qui ne fut que César, mais que saint Chrysostôme désigne en disant que celui de qui il avait reçu la pourpre, c'est-à-dire Constance, le fit mettre à mort; Julien, Jovien, Valentinien er et Valens. C'est de ce dernier qu'il faut entendre ce que ce Père ajoute, qu'un de ces empereurs avait été brûlé par les Barbares dans un village où il s'était retiré avec quelques soldats. Cette mort arriva le 9 du mois d'août de l'an 378, près d'Andrinople. Ainsi, l'on ne saurait mettre ce livre avant cette année, ni le reculer au-delà de 382, puisque le Saint y gémit des ravages des Goths dans l'empire, que l'empereur Théo

Cet historien le dit natif des Gaules, mais il avait apparemment exercé quelque charge en Sicile.

Analyse du

pag. 349.

dose arrêta par la paix qu'il fit avec eux au mois d'octobre de cette année 1.

2. Dans le livre dont nous venons de parsecond livre, ler, saint Chrysostome avait dit à la jeune veuve pour qui il est écrit, que, puisque la mort de son mari lui était si sensible, elle ne pouvait mieux lui témoigner son affection qu'en demeurant veuve. Dans le second livre, il ne s'adresse point à elle en particulier, mais aux veuves en général, qu'il exhorte à ne point passer à de secondes noces. C'est ce qui fait douter que ce second livre soit adressé à la même personne, comme le porte le titre et ce qui augmente beaucoup ce doute, c'est que les veuves dont il est parlé avaient détesté mille fois le moment qui les avait unies à leurs époux; qu'elles avaient envié le bonheur de celles qui étaient demeurées libres, et que le mariage leur avait paru un joug insupportable, au lieu que la veuve dont il s'agit dans le premier livre, avait goûté toutes les douceurs de cet engagement, sans aucun mélange d'amertume. Quoi qu'il en soit, après avoir marqué dans ce second livre, qui est en forme de discours, les trois motifs qui portent pour l'ordinaire les femmes à se marier, savoir : l'espérance d'une meilleure condition, l'amour du monde et l'incontinence, saint Chrysostome déclare que son intention n'est point de blâmer les secondes noces autorisées par saint Paul, ni de leur faire un crime d'une alliance que Dieu approuve, pourvu qu'elle se fasse selon le Seigneur. « C'est uniquement, dit-il, pour porter les femmes à se contenter d'un premier mariage. En effet, celle qui passe à de secondes noces, donne une grande marque de faiblesse et de sensualité, elle fait paraitre un esprit attaché à la terre, elle fait connaître combien peu lui est chère la mémoire de son premier mari, elle ne peut pas même aimer le second autant qu'elle faisait le premier; ses voisins, ses fermiers et ses domestiques en gémissent; si elle a des petits enfants du premier lit, elle s'attire, en se remariant, l'indignation de tout le monde; s'ils sont grands, ils lui feront tout le mal qui sera en leur pouvoir. Les législateurs, ayant prévu tous ces inconvénients, n'ont permis les secondes noces que pour obvier à de plus grands maux, et ils ont ordonné d'en bannir tout l'éclat qui accompagne les premières,

1 D'après Stilting, ce livre a été écrit en 381. (L'éditeur.)

le son des instruments, les danses, les applaudissements et les couronnes nuptiales.

3. » On dira peut-être que ce qui est hon- Suite, p. 35 nète et bon par lui-même, comme est le mariage, non-seulement peut se réitérer, mais que celui qui se marie plusieurs fois, est plus louable que celui qui ne se marie qu'une fois. Mais ce raisonnement, qui n'est qu'un sophisme, suppose que le mariage consiste dans l'union seule des corps, ce qui n'est pas : autrement la fornication serait aussi un mariage. Nous appelons femme mariée, dit saint Chrysostome, celle qui se contente d'un seul homme; celle donc qui en introduit plusieurs dans sa maison, quoique successivement, si elle ne peut passer pour fornicatrice, du moins est-elle inférieure à celle qui n'a eu commerce qu'avec un seul mari. Jésus-Christ a dit que l'homme et la femme seraient deux dans une même chair; or, la femme qui se remarie, n'est point une même chair avec son premier mari, puisque le second en a pris la place, ni avec celui-ci qu'elle remplacera peut-être encore par un troisième. Comme rien n'autorisait tant les jeunes veuves à passer à de secondes noces, que l'ordre que saint Paul leur en donne par son disciple Timothée, ce Père leur oppose ces paroles du même Apôtre: Je voudrais 2 que tous les hommes demeurassent comme moi dans la continence; paroles qui regardent également les jeunes veuves comme les autres. Lors donc qu'il ne veut pas que l'on mette au nombre des veuves celles qui sont trop jeunes, ce n'est pas qu'il veuille les empêcher de garder la continence; c'est qu'il craint qu'après avoir mené une vie molle dans le service de Jésus-Christ, elles ne cherchent à se remarier. Car de même qu'une vierge qui se laisse corrompre après avoir fait vou de virginité, commet un crime plus grand que l'adultère; ainsi une veuve, après avoir fait profession de viduité, est coupable d'adultère si elle viole sa promesse. C'était donc uniquement pour éviter ce désordre que l'Apôtre ordonnait aux jeunes veuves de se remarier, et de peur que, par une vie licencieuse, elles ne donnassent sujet aux infidèles de calomnier l'Eglise. » On objectait encore l'incapacité des femmes dans le gouvernement des biens et le maniement des affaires. Mais saint Chrysostome soutient que ce sont de purs pré

I Timoth. v, 11.

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textes dont elles couvraient leur incontinence, puisqu'elles sont plus entendues dans l'administration d'une famille que les hommes, qu'elles sont plus capables de bien élever les enfants, qu'on en a vu qui ont augmenté leurs revenus, et d'autres qui ne les ont point diminués. En finissant, il déclare que ce discours ne regarde que les veuves d'un âge moins avancé, et qu'en vain il entreprendrait de persuader aux vieilles de ne point se remarier, si elles en ont envie, ne croyant point qu'il put faire sur leur esprit des impressions que le temps, l'âge et tant d'autres considérations n'y auront point faites.

§ VII.

Des six livres du Sacerdoce et du Discours de saint Chrysostome lorsqu'il fut ordonné prêtre.

1. Les livres que saint Chrysostome a écrits sur le Sacerdoce ont toujours été regardés comme son chef-d'œuvre. Ils devinrent célèbres même de son vivant, et lui acquirent beaucoup de réputation, Un auteur contemporain 1, qui les regarde comme un excellent ouvrage, dit qu'ils sont écrits avec tant d'art et tant d'exactitude, que ceux qui se conduisent selon Dieu dans le sacerdoce, y trouvent la peinture des vertus de leur état, et ceux qui s'y comportent mal, celle de leurs vices. Suidas y trouve plus d'élévation et d'élégance que dans tous les autres écrits de ce Père. C'est le seul que saint Jérôme avait vu lorsqu'il écrivit son traité des Hommes illustres, en 392.

2. Voici quelle fut l'occasion de cet ouvrage. Dans le temps que saint Chrysostome vaquait aux exercices de piété dans la maison de sa mère, il se répandit un bruit que les évêques, assemblés à Antioche pour remplir quelques siéges vacants, avaient résolu de le préférer, avec Basile, son ami, à tous ceux qui avaient plus d'âge et d'expérience. L'idée qu'il s'était formée de la grandeur du sacerdoce et de sa propre indignité, fit qu'à cette nouvelle il se sentit frappé d'une frayeur Chest, extraordinaire. Mais rien ne lui faisait tant

appréhender l'épiscopat qu'un certain désir qu'il se sentait d'être fait évêque. Basile, qui craignait aussi pour lui-même, vint le trouver afin de délibérer ensemble sur ce qu'ils

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avaient à faire. Saint Chrysostôme, ne croyant point devoir priver l'Eglise d'un si fidèle ministre, usa de ruse, et au lieu d'exhorter Basile à se cacher, comme il en avait envie, il lui dit que rien ne pressait, parce que celui qui devait faire l'ordination n'était point encore arrivé. Basile le crut et se retira en paix; mais le Saint, sans perdre de temps, alla se cacher, et ne parut que lorsqu'il sut que les évêques, ne l'ayant pu trouver, en avaient choisi un autre. Cependant Basile fut pris, amené devant les évêques et sacré pour l'E- Lib. 1, p. 395. glise de Baphanée, en Syrie. Informé de ce que saint Chrysostome avait fait, il vint le trouver, pénétré de douleur, et lui reprocha vivement l'espèce de trahison dont il s'était servi pour l'engager dans l'épiscopat. Ce fut pour répondre à ces reproches qu'il composa les six livres du Sacerdoce, non pas aussitôt après cet événement, mais quelques années depuis. Socrate 3 dit que ce fut pendant son diaconat, ce qui nous engagerait à dire que cet ouvrage fut composé depuis l'an 381 jusqu'en l'an 386, auquel saint Chrysostôme fut fait prêtre 4.

Analyse du pag. 160.

3. Ces livres sont écrits en forme de dialogue. Dans le premier, saint Chrysostome raconte premier livre, comment il avait lié amitié avec Basile, la tendresse que cet ami avait pour lui, la conformité de leur condition, de leurs études et de leurs inclinations. Il y raconte aussi comment, étant encore jeune et résolu de quitter la maison paternelle pour se retirer avec son ami dans la solitude, sa mère, qui était veuve, l'engagea par ses discours et par ses caresses à ne pas exécuter ce dessein, malgré les instances réitérées que Basile lui en fit. Il répond aux reproches que cet ami lui faisait, d'avoir usé de ruses pour le faire ordonner évêque, en disant qu'il y a des ruses qui sont permises et même nécessaires, et qu'on ne doit pas donner le nom de trompeur à ceux qui n'usent d'artifices que dans de bonnes intentions et lorsqu'il est à propos d'en user, mais à ceux-là seulement qui ne cherchent qu'à nuire.

4. Il continue la même matière dans le second livre, et justifie l'innocence de la tromperie dont il avait usé envers Basile, en montrant qu'elle n'a servi qu'à établir sur le troupeau de Jésus-Christ un pasteur fidèle; « ce qui est, dit-il, la plus grande marque d'a

Stilting croit que cet ouvrage a été composé vers l'an 375. (L'éditeur.)

Analyse du second livre, pag. 371.

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