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On le rappelle d'exil en 403.

luxe et le déréglement des femmes. Avec tous ces secours, Théophile obtint de l'empereur qu'on assemblerait un concile contre saint Chrysostome. De tous les chefs d'accusation, il n'y en avait qu'un seul qui fût vrai 1, savoir, qu'il avait conseillé à tout le monde de prendre un peu d'eau ou quelques pastilles après la communion, pour ne pas rejeter avec la salive quelque chose des saintes espèces; ce qu'il pratiquait lui-même. Le lieu du concile fut le bourg du Chêne, près de Chalcédoine. Il s'y trouva trente-six évêques, tous de la province de Théophile. Saint Chrysostôme, cité par ordre de l'empereur, consentit à comparaître, pourvu que l'on fit sortir de l'assemblée ses ennemis qu'il désigna par leur nom, ou du moins qu'ils n'y prissent que la qualité d'accusateurs et non celle de juges. Sur cette réponse il fut cité de nouveau et condamné par contumace. Les évêques du concile voulaient obliger l'empereur à le punir comme criminel de lèse-majesté, parce que dans un discours il avait comparé l'impératrice à Jézabel mais ce prince se contenta de le condamner au bannissement. L'ordre fut exécuté promptement. Un 2 comte, accompagné de soldats, le chassa de l'église, et un de ses officiers, du nom de Curieux, l'ayant jeté dans un vaisseau, il fut porté en Asie pendant la nuit, et arriva dans une maison de campagne près de Préneste en Bithynie. C'était le troisième jour d'après sa déposition par le conciliabule du Chêne; car il avait refusé, les deux premiers, de se retirer, jusqu'à ce qu'on lui fit violence, croyant devoir cette fermeté à son amour pour son peuple, dont Dieu, et non les hommes, lui avait donné la conduite. Nous avons encore le discours qu'il prononça pendant ce temps de trouble.

10. Son exil ne dura qu'un jour. Le peuple qui, ayant su l'ordre de l'empereur, s'était soulevé avec une extrême violence, ne diminua rien de son ardeur pour le saint évêque, lorsqu'on l'eut enlevé. Les églises et les places publiques continuèrent à retentir de gémissements et de cris; et la nuit suivante, un tremblement de terre ayant ébranlé la ville et la chambre même de l'empereur,

1 Pallad., de Chrysost., cap. VIII, et Socrat., lib. VI, cap. xv; Sozomen., lib. VIII, cap. XVII.

2 Chrysost., Epist. ad Innocent., apud Pallad., p. 15. 3 Sozomen., lib. VIII, cap. XVIII.

Socrat., lib. VI, cap. XVI.

Theodoret., lib. V, cap. XXXIV.

l'impératrice, effrayée, le conjura de rappeler saint Chrysostome, à qui elle écrivit ellemême en ces termes : « Que 3 votre sainteté ne croie pas que j'aie su ce qui s'est passé. Je suis innocente de votre sang : des hommes méchants et corrompus ont formé ce complot. Dieu est témoin des larmes que je lui offre en sacrifice. Je me souviens que mes enfants ont été baptisés par vos mains. » Comme il convenait d'avoir le consentement d'Arcade, l'impératrice alla le demander en pleurant, protestant à ce prince qu'il n'y avait que le rappel du saint évêque qui pût sauver l'Etat du danger qui le menaçait. Elle l'obtint ; et dès que le jour fut venu 5, elle envoya des officiers pour prier saint Chrysostôme de revenir à Constantinople. Personne ne sachant le lieu où il s'était retiré, après les premiers officiers, Eudoxie en envoya d'autres, et d'autres encore après ceuxlà; en sorte que le détroit était couvert de vaisseaux qui allaient pour le chercher en Asie. Brison, eunuque de l'impératrice et notaire de l'empereur, qui faisait hautement profession d'aimer le saint évêque et de le servir en toute occasion, eut l'avantage de le trouver à Préneste et de le ramener. Aussitôt que le 7 peuple en fut informé, il courut à sa rencontre l'embouchure du Bosphore se trouva couverte de bâtiments; tous s'embarquèrent, hommes, femmes, la plupart un cierge à la main, en chantant des hymnes composées exprès. Il fut conduit dans cette pompe à l'église des Apôtres, accompagné de plus de trente évêques. On 8 voulut l'obliger de monter aussitôt sur le trône épiscopal et de souhaiter, suivant la coutume, la paix au peuple; mais il s'en excusa, jusqu'à ce qu'il eût été justifié par un concile plus. nombreux. Il n'avait pas même voulu, pour cette raison, rentrer d'abord à Constantinople, et s'était arrêté dans un bourg nommé Marianes. Mais le peuple ne pouvant souffrir ce délai, il céda à cette violence et leur fit sur-le-champ un petit discours, qui commence par une comparaison de son Eglise avec Sara, et de Théophile avec le roi d'Egypte, qui avait attenté à sa pureté 9. Il y bénit Dieu de l'avoir rappelé, et n'oublie pas

Socrat., lib. VI, cap. XVI; Sozomen., lib. VIII, cap. XVIII.

7 Socrat. et Sozomen., ibid.

8 Socrat., lib. VI, cap. XVI; Sozomen., lib. VIII, cap. XVIII.

Chrysost., tom. III, pag. 304.

sa reconnaissance de tout ce que l'impératrice avait fait pour procurer son retour. I derande 11. Quelques jours après son rétablissement, il pria l'empereur de faire assembler un concile plus nombreux pour examiner celui qui l'avait condamné. Arcade y consentit et écrivit partout qu'on assemblât les évêques. Le bruit d'un concile fit peur à Théophile, qui craignait de s'y voir convaincu des choses que la conscience lui reprochait; et étant monté la nuit sur une barque, sans en donner avis à personne, il se retira en Egypte avec les évêques qu'il en avait emmenés, en sorte qu'il ne resta à Constantinople d'autres évêques que ceux qui étaient amis de saint Chrysostôme. Quoique la fuite de Théophile fût une entière justification de saint Chrysostôme, ce Saint continua néanmoins de solliciter la convocation d'un concile. L'empereur se rendit à ses instances et envoya en Egypte pour obliger Théophile et les autres évêques du conciliabule du Chêne de revenir pour rendre raison de ce qu'ils y avaient fait. Théophile s'en excusa mais les évêques de Syrie qui étaient de son parti, savoir Antiochus et Sévérien, revinrent à Constantinople. Le refus de Théophile n'empêcha point saint Chrysostôme de continuer à demander la tenue d'un concile; mais il paraît 2 qu'il ne put l'obtenir, et que tout ce qu'on lui accorda fut qu'un grand 3 nombre d'évêques qui se trouvaient à Constantinople, signeraient un acte par lequel ils déclareraient que, nonobstant ce qui s'était passé dans le conciliabule du Chêne, ils reconnaissaient saint Chrysostôme pour légitime évêque de Constantinople.

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12. L'Eglise de cette ville ne jouit que deux mois du calme que le rétablissement de son évêque lui avait procuré. On avait dressé en cette ville une statue en l'honneur de l'impératrice Eudoxie 5. Elle était faite d'argent, posée sur une colonne de porphyre avec une base élevée, et placée à la porte du Sénat, assez près de la grande église de Sainte-Sophie. A la dédicace de cette statue on fit, selon la coutume, de grandes réjouissances, et on y divertit le peuple par des danses, par des farces et d'autres semblables

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spectacles. Saint Chrysostôme, ne pouvant souffrir des jeux si peu chrétiens à la porte de l'église, s'en plaignit dans un discours, avec toute sa liberté ordinaire, et joignit même quelques railleries, non-seulement contre ceux qui les faisaient, mais encore contre ceux qui les ordonnaient. Eudoxie, offensée par ce discours, entra dans une grande colère, et résolut d'assembler un nouveau concile contre le saint évêque; mais celui-ci ne rabattit rien de son courage et parla encore plus ouvertement contre l'impératrice, dans un discours dont les premiers mots étaient : « Hérodiade est en furie, elle danse encore, elle veut encore avoir la tête de Jean. » Il y eut donc une nouvelle conspiration contre saint Chrysostôme, et ses ennemis, trouvant la cour favorable à leurs désirs, envoyèrent à Alexandrie prier Théophile de venir conduire lui-même leur intrigue, ou du moins de leur marquer comment ils devaient la commencer. Théophile, n'osant plus paraître aux yeux du peuple de cette ville, y envoya trois évêques, Paul, Pemen, et un troisième qu'on ne nomme point, et leur donna des canons faits par des ariens contre saint Athanase. C'étaient ceux du concile tenu à Antioche lors de la Dédicace, en 341, qui ordonnaient que si un évêque déposé par un concile se rétablissait de lui-même, ou par l'autorité impériale, il serait dès-lors déposé pour toujours, sans pouvoir jamais être admis à se justifier. Ces canons n'étaient d'aucune autorité dans l'Eglise, et ils avaient été rejetés par le concile de Sardique, en 347. Ces trois évêques étant arrivés, convoquèrent à Constantinople tous les métropolitains et tous. les évêques qu'ils purent, de la Syrie, de la Cappadoce, du Pont, de la Phrygie ainsi que des autres provinces voisines. Tous communiquèrent d'abord avec saint Chrysostôme, pour ne pas se rendre récusables comme Théophile; mais cela ne plut point à la cour, déjà entièrement déclarée contre son évêque. Aussi la fête de Noël étant venue 8, Arcade, qui était accoutumé d'aller ce jour-là à l'église, n'y vint point, et fit dire à saint Chrysostome qu'il ne communiquerait point avec lui jusqu'à ce qu'il se fût justifié. On

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6 Socrat. et Sozomen., ibid., et Pallad., Dialog., cap. VIII, pag. 30.

7 Pallad., Socrat. et Sozomen., ubi supra.

8 Socrat., lib. VI, cap. XVIII; Sozomen., lib. VIII, cap. xx.

recommença en effet dans le second concile, composé d'évêques gagnés par les libéralités de la cour, les premières accusations portées contre le Saint. Mais sur l'offre qu'il fit hardiment de se justifier, ses accusateurs, qui n'avaient pas la même assurance, laissèrent tous ces prétendus crimes pour en venir à l'expédient de Théophile, et dirent que, suivant le quatrième et le douzième canon d'Antioche, il n'était plus recevable à se justifier, puisqu'il était remonté sur son trône sans l'autorité d'un concile. Il était aisé 3 à saint Chrysostome de répondre aux canons d'Antioche, et Elpide, évêque de Laodicée en Syrie, vieillard respectable par sa vertu et ses cheveux blancs, fit comprendre nettement à l'empereur que saint Chrysostôme n'avait point été déposé juridiquement la première fois, mais seulement chassé par un comte; qu'il n'était point rentré de luimême dans son siége, mais par ordre d'Arcade lui-même; enfin, que les canons que l'on produisait étaient l'ouvrage des hérétiques. Tout cela n'empêcha pas qu'Antiochus et les autres ennemis du Saint ne persuadassent à ce prince faible et timide que Jean était convaincu, et qu'il devait le chasser de l'Eglise avant la fête de Pâques 5. Arcade manda donc au saint évêque, un peu avant la fête, qu'il eût à sortir de l'Eglise, puisqu'il avait été condamné par deux conciles. « J'ai reçu de Dieu cette Eglise, lui répondit saint Chrysostôme, pour procurer le salut du peuple, et je ne puis l'abandonner mais comme la ville est à vous, si vous voulez que je la quitte, chassez moi de force, afin que j'aie une excuse légitime. » Ceci se passait pendant le carême de l'an 404. Le jour du grand samedi 6, on lui envoya un nouvel ordre de sortir de l'Eglise, à quoi il répondit comme il devait. Arcade, craignant la sainteté du jour et le tumulte du peuple, envoya quérir Acace et Antiochus, et leur dit: «Que faut-il faire? Prenez garde que vous ne m'ayez donné un mauvais conseil. » Ces évêques répondirent en la même manière que les pontifes des Juifs : « Seigneur, que la déposition de Jean retombe sur notre tête. » Les quarante-deux évêques qui étaient demeurés unis à saint Chrysostôme, entre

1 Socrat., lib. VI, cap. xvII; Sozom., lib. VIII, cap. xx.

2 Theodoret., lib. V, cap. XXXV. - Socrat., lib. VI, cap. XVIII. Pallad., Dialog., cap. vin, pag. 31. * Idem, ibid., pag. 32 et 33. — Ibid.

autres Elpide, Tranquille, Alexandre de Basilinople, Théodore de Tyanes et quelques autres, croyant devoir faire un dernier effort, allèrent 7 trouver l'empereur et l'impératrice dans les églises des Martyrs, et les prièrent avec larmes d'épargner l'Eglise de JésusChrist et de lui rendre son pasteur, principalement à cause de la fête de Pâques et de ceux qui étaient prêts à recevoir ce jour-là le sacrement de baptême. Mais ils ne furent point écoutés; en sorte qu'un d'eux (c'était Paul de Carteïa) menaçant l'impératrice de la colère de Dieu, lui dit : « Eudoxie, craignez Dieu, ayez pitié de vos enfants, et ne profanez pas la fête de Jésus-Christ par l'effusion du sang. » Ensuite ils se retirèrent et allèrent passer la sainte veille chacun dans son logis, dans la douleur et dans les larmes. Les prêtres de Constantinople unis à saint Chrysostôme assemblèrent le peuple pour solenniser la résurrection et assister à la célébration du baptême qui devait s'y donner à environ trois mille personnes. Mais des soldats, amenés par des ennemis du saint évêque à la seconde veille de la nuit, c'està-dire après neuf heures, agissant comme des barbares dans une ville prise d'assaut, fondirent tout d'un coup sur ce peuple, et le chassèrent avec violence et tous les ecclésiastiques, revêtus comme ils étaient. Il n'y eut violence qu'ils n'exerçassent, jusque-là que le baptistère et les eaux sacrées furent teints de sang. Des soldats mêmes, dont la plupart n'étaient pas baptisés, entrèrent dans les lieux où reposaient les saints mystères, virent tout ce qu'il y a de plus secret et le profanèrent en y touchant, et le sang précieux de Jésus-Christ fut répandu 10 sur leurs habits. On mit en prison une partie des prêtres et des diacres; on chassa de la ville les laïques constitués en dignité, et on menaça par des édits publics tous ceux qui ne renonceraient pas à la communion de Jean, qu'ils nommaient joannites, comme si ceux qui demeuraient fermes pour son innocence eussent formé une secte nouvelle opposée à l'Eglise. Mais plus ses ennemis faisaient d'efforts, plus les assemblées de ceux qui lui étaient attachés étaient nombreuses. Elles 11 se tenaient hors de la ville, dans les vallons,

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les bois et les campagnes, mais principalement dans un lieu environné d'une clôture de bois par Constantin, pour servir de cirque.

13. Cependant saint Chrysostôme était encore dans Constantinople et dans la maison épiscopale. Ne trouvant point de remèdes aux violences que l'on faisait souffrir à son clergé et à son peuple, il en écrivit au pape Innocent Ier, pour le prier, non 2 de gémir de ces maux, mais de les faire cesser, en lui continuant les marques de sa communion, en déclarant nulles toutes les procédures faites contre lui sans avoir été entendu, et ceux qui l'avaient condamné en cette manière, dignes d'être punis suivant la rigueur des canons. Il s'offrait encore de faire preuve de son innocence dans un jugement légitime, si ses adversaires voulaient y soutenir ce qu'ils avaient fait contre lui. Les quarantedeux évêques de la communion de saint Chrysostôme écrivirent encore au pape, de même que le clergé de Constantinople. Ces trois lettres furent portées par quatre saints évêques, accompagnés de deux diacres; mais ils furent prévenus de quelques jours par un lecteur d'Alexandrie, qui en apporta une au Pape de la part 3 de Théophile. Comme cet évêque se contentait d'y marquer qu'il avait déposé Jean de Constantinople, sans dire ni comment, ni avec qui, ni pour quel sujet, le Pape, trouvant ce procédé étrange et insolent, ne fit aucune réponse à la lettre de Théophile. Néanmoins il ne se sépara pas 4 de sa communion; mais, s'étant fait instruire. de l'affaire, il le somma de venir soutenir sa conduite dans un concile qu'il avait dessein d'assembler de l'Orient et de l'Occident.

14. Pendant que ces choses se passaient, on attenta diverses fois à la vie de saint Chrysostome 5 : ce qui donna sujet aux plus zélés d'entre le peuple, de faire garde nuit et jour à la maison épiscopale, se partageant en diverses bandes qui se succédaient les unes aux autres. Mais leur zèle même fut un prétexte, aux évêques ennemis du Saint, de le perdre. Cinq jours après la Pentecôte, qui, cette année 404, tombait le 5 de juin, quatre d'entre eux représentèrent à l'empereur 6 que le peuple ne serait jamais en paix tant que Jean resterait dans la ville; qu'il ne de

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vait pas craindre de blesser l'humanité ni le respect dû à l'Eglise, en suivant ce qu'ils lui conseillaient; qu'ils s'étaient engagés publiquement à prendre sur leurs têtes la déposition de Jean 7, et qu'ils s'y engageaient encore; enfin qu'il ne fallait pas les perdre tous pour épargner un seul homme. Arcade, se laissant aller à leurs artifices, envoya donc, le 20 du même mois, le secrétaire Patrice dire au Saint qu'il eût à sortir de l'Eglise. Saint Chrysostome, voyant un ordre si précis, descendit de la maison épiscopale avec les évêques ses amis, et leur dit : « Venez, prions et prenons congé de l'Ange de cette Eglise. » En même temps une personne de qualité et qui craignait Dieu, lui conseilla de sortir secrètement, de peur qu'il n'arrivât quelque malheur, parce qu'il y avait danger que le peuple, qui était fort ému, n'en vint aux mains avec les soldats. Il prit donc congé de quelques évêques, et leur donna le baiser avec larmes, car il ne put donner à tous cette marque d'amitié; il dit aux autres dans le sanctuaire : « Demeurez unis, je vais un peu me reposer. » Puis, étant passé dans la chapelle du baptistère, il fit appeler sainte Olympiade, Pentadie et Procule, toutes trois diaconesses, et leur dit : « Ma fin approche, à ce qu'il me parait; j'ai achevé ma carrière, et peut-être ne verrez-vous plus mon visage. Ce que je demande de vous, c'est que vous continuiez à servir l'Eglise avec la même ardeur et le même soin, et que, quand quelqu'un aura été ordonné malgré lui, sans l'avoir brigué et du consentement de tous, vous baissiez la tête devant lui comme devant moi; car l'Eglise ne peut être sans évêque, et comme vous voulez que Dieu vous fasse miséricorde, souvenez-vous de moi dans vos prières. » Comme ces saintes veuves lui tenaient les pieds, fondant en larmes, il fit signe à un des plus sages de ses prêtres de les emmener hors du baptistère, de peur qu'elles ne troublassent le peuple; s'en étant ainsi débarrassé, il sortit de l'église du côté de l'Orient, tandis qu'à l'Occident, devant le grand portail de l'église, on tenait son cheval, l'ayant ainsi ordonné pour donner le change au peuple qui l'y attendait. On lui fit passer le détroit sur une barque, et on le

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conduisit en Bithynie, où il resta à Nicée jusqu'au quatrième de juillet.

15. Pendant qu'il se retirait, le peuple, prande église, croyant qu'on l'avait enlevé, fit grand bruit. Les uns coururent à la mer, les autres s'enfuirent, dans la crainte d'être maltraités de la cour; ceux qu'on avait enfermés dans l'église en brisèrent les portes. Les juifs et les païens s'étant mêlés dans ce tumulte pour insulter à la douleur des chrétiens, il y eut du sang répandu, même dans l'église. Ce trouble durait encore, lorsque l'on vit tout d'un couple feu prendre au trône épiscopal. Les flammes, après l'avoir consumé, gagnèrent le lambris et toute la couverture, en sorte que l'église fut réduite en cendres avec les bâtiments d'alentour, excepté une petite sacristie où l'on conservait les vases sacrés. De l'église, la flamme 2, poussée au midi par un grand vent du nord, traversa la place sans faire de mal au peuple ni endommager aucun des édifices qu'elle rencontra en son chemin, et alla s'attacher au palais où s'assemblait le Sénat, situé au midi de l'église. Ce palais commença à brûler, non du côté de l'église, mais tout au contraire vers le palais impérial qui était contigu à celui du Sénat, brûla pendant trois heures, depuis sexte jusqu'à none, et fut consumé entièrement. Dans cet incendie, qui arriva le lundi vingtième de juin, sous le consulat d'Honorius et d'Aristenet, personne ne perdit la vie, et il ne périt pas même une bête. Jamais on ne put en découvrir l'auteur, et les catholiques la regardèrent comme un effet de la vengeance divine. La cour, au contraire, en voulut rendre coupables les amis du saint évêque, et le Saint lui-même : mais les tortures les plus rigoureuses ne purent jamais rien faire découvrir contre eux. Eutrope, lecteur et chantre, fut un de ceux que l'on mit à la question. On 5 lui appliqua le feu, on le battit avec des nerfs de boeuf et à coups de bâtons, on lui déchira avec les ongles de fer les côtés, les joues, le front et les sourcils; on lui appliqua les torches ardentes sur les deux côtés où on lui avait déchiré la chair, et peu après il expira, sans avoir rien confessé. On fouetta aussi sur le

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dos le prêtre Tigrius, attaché par les pieds et par les mains, et étendu avec tant de violence sur le chevalet, que ses membres en furent disloqués; après quoi on le relégua en Mésopotamie. Beaucoup d'autres personnes des deux sexes furent traitées avec la même cruauté, et on n'épargna ni moines ni vierges. Quant à saint Jean Chrysostome, il était retenu prisonnier en Bithynie, avec deux évêques, dont l'un était Cyriaque d'Emèse, et l'autre Eulysius de Bostre. Comme on l'accusait de l'embrasement de l'église, il demanda d'être ouï sur ce chef; mais on ne voulut point l'écouter, et on l'envoya sous bonne garde à Cucuse, en Arménie. Il partit de Nicée le 4 de juillet de l'an 404, sous la garde des soldats prétoriens, commandés par un capitaine qui se nommait Théodore, et arriva à Césarée de Cappadoce, épuisé des fatigues du voyage; car la chaleur était grande, et il avait été obligé de marcher jour et nuit, et manquait de tous les secours nécessaires. Après avoir un peu 9 respiré à Césarée, Pharétrius, qui en était évêque, l'obligea d'en sortir à force de mauvais traitements 10, jaloux de le voir visité tous les jours en cette ville par tout ce qu'il y avait de gens considérables, magistrats et sophistes. Il arriva à Cucuse après soixante-dix jours de marche, pendant lesquels il eut à essuyer beaucoup de dangers et d'inquiétudes, et les accès d'une fièvre violente qui lui dura plus de trente jours. Cucuse était une ville déserte et si peu considérable, qu'on n'y tenait pas même de marchés et qu'on n'y trouvait rien à acheter. On la place dans les déserts du mont Taurus. Adelphius, qui en était évêque, reçut saint Chrysostôme avec beaucoup 11 de charité et de respect, jusqu'à lui vouloir céder sa chaire. Les ecclésiastiques de la même ville reçurent aussi avec beaucoup d'honneur et d'affection Sabinienne, diaconesse de Constantinople, qui y arriva le même jour que le Saint, c'est-à-dire vers la mi-septembre de l'an 404, résolue de s'arrêter auprès de lui et de le suivre partout. Il demeura un an à Cucuse, logé chez un homme de qualité, nommé 12 Dioscore, qui avait envoyé jusqu'à Césarée un de ses domestiques, le prier

7 Pallad., Dialog., cap. x, pag. 37.

8 Chrysost., Epist. 120; Theod., pag. 660.

9 Chrysost., Epist. 125 ad Cyriac., pag. 671.

10 Idem, Epist. 13 et 14 ad Olympiad., p. 593 et seq.

11 Chrysost., Epist. 234 ad Brison., pag. 729, et Epist. 13 ad Olympiad., pag. 593. 12 Ibid.

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