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outre avec le même Saint, que depuis que l'opinion de quelque erreur à préoccupé les esprits, ils estiment tout ce que dit l'Ecriture au contraire élre figuré. Par après, sans venir au particulier des lieux dont il est question, je ferai voir à tout le monde par deux raisons générales, que cette fuite vous est inutile, et parce qu'il n'y a personne qui ne reconnaisse qu'il est impossible que Dieu ait voulu nous enseigner tant et de si grands mystères de notre foi, non parce qu'ils sont, mais par le contraire qu'ils ne sont pas en effet, n'appartenant qu'aux imposteurs en matière importante de dire le contraire de ce qui est et parce que vous ne pouvez inférer de l'Ecriture ce que vous croyez en ces points dont il s'agit, que par l'adjonction d'un principe humain, comme nous verrons par après, ce qui est du tout injuste, puisque en cela vous préférez votre raison à l'Ecriture, laissant de croire ce qu'elle ditexpressément, pour croire le contraire qu'elle ne dit pas, mais que vous inférez par ratiocination fonslée en un principe tiré de votre tête, pour convertir en votre sens ce que vous reconnaissez en vérité être pour nous.

C'est assez examiner ces points; passons à vos persécutions. Il n'y a personne qui ne sache que le diable (1) a ses martyrs, et le mensonge des avocats si zélés qu'ils épandent leur vie pour sa défense: c'est ce qui fait que sans m'amuser à le vérifier, il me suffit de remarquer, que puisque (2) nul ne peut prétendre gloire pour souffrir pour une religion, si premièrement on ne prouve qu'elle est vraie : et que comme la raison et tous les pères nous l'enseignent (3), ce n'est pas la peine, mais la cause qui fait le martyre, n'étant pas prouvé que votre religion soit vraie, mais au contraire, chose manifeste qu'elle est fausse, vous ne pouvez tirer aucun avantage de vos persécutions, si ce n'est celui de vous faire voir entachés de double mal, et de celui de l'erreur, et de l'obstination tout ensemble: vos souffrances ne lémoignent ni votre piété ni votre courage; mais au contraire, selon saint (4) Augustin, que vous n'avez point de cœur; elles ne sont pas couronnes de votre foi, mais, selon saint Cyprien (5), peine de votre perfidie?

Après avoir parlé de vos persécutions, vous représentez votre fidélité et vos services tels, à votre comple, que les rois mêmes qui vous ont persécutés pour user de vos

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termes, en ont ressenti des effets avantageux: A quel propos rendre ceux à qui Vous devez tout vos redevables? A quelle fin vous vanter d'avoir été l'asile de ce grand Henri en ses afflictions et en ses traverses? pourquoi représentez-vous sa couronne affermie sur sa tête par le ciment de votre sang épandu en plusieurs batailles? Les Français n'étant pas étrangers en France, c'est-à-dire ignorants de ce qui s'y est passé, je ne juge pas à quelle fin vous étallez ainsi vos services, si ce n'est pour donner lieu à tout le monde de vous condamner par sa' propre connaissance, n'y ayant personne, quelque bons yeux qu'il ait, quelque soigneux qu'il soit de feuilleter l'histoire, qui puisse remarquer les services que vous avez rendus sous François I et Henri II, qui sont ceux sous lesquels vous pouvez avec plus d'apparence prétendre avoir été persécutés, parce que sous leur règne on tâchait d'étouffer votre erreur en sa naissance : si ce n'est qu'ainsi qu'il y en a qui pensent faire bien lorsqu'ils ne font point de mal, vous réputiez à service ne desservir pas, ce qui encore ne vous donnerait pas gain de cause, étant certain que si l'on doit savoir gré d'un mal non reçu, c'est à celui qui l'a pu faire; et il est clair que sous ces premiers rois si vous aviez volonté de nuire, votre enfance ne vous permettait pas de l'exécuter.

Que si du règne de ces rois on passe à celui de François II et de Charles IX, et que vous prétendiez les avoir servis ; la conspiration d'Amboise contre le prenier, les batailles de Dreux, de Saint Denis, de Jarnac, et de Moncontour contre le dernier, l'entreprise qui fut faite à Meaux pour se saisir de sa personne, peuvent-elles être mises au nombre des services? Puisque vous prétendez pour le mal avoir rendu le bien, il n'est pas question de chercher lieu d'excuse à ces actions; mais quand on vous y recevrait, il yous serait impossible d'effacer la honte qu'elles ont imprimée sur le front de vos prédécesseurs aussi peu pourriez-vous la couvrir par votre sang épandu en une funeste journée, puisque cette action étant postérieure aux autres, on peut bien l'en dire causée, mais non pas cause. Quant à Henri III, les services qu'il a reçus de vous, paraîtront par ceux que vous avez rendus à son successeur, la bataille de Coutras, la prise de plusieurs villes, et diverses autres actions faisant assez connaître qu'en servant l'un, vous desserviez l'autre."

:

Par là il paraît que vos prédécesseurs ont servi le grand Henri, mais le mal est pour vous, qu'il paraît tout ensemble qu'ils l'ont servi, non comme roi, mais comme fauteur de leur secte, puisque leurs services préviennent son avénement à la couronne lorsqu'il les favorisait auvertement, auquel temps ils ne pouvaient légitimement l'assister contre leur roi, et que depuis que le sceptre' royal lui fut tombé en main, qui était le temps auquel ils devaient mourir pour lui, parce que bien qu'il fût leur roi, ayant em brassé la foi catholique, il ne se rendait pas

en matière de religion promoteur de leur cause, leur feu se convertit en glace, dont il témoigna de sa propre bouche sentir la froideur au siège d'Amiens. Vous ne pouvez dire qu'avec témérité avoir été son refuge, mais on peut dire avec vérité que vous avez été cause qu'il en a eu besoin: vous ne pouvez dire avoir été cause de son bien, mais bien peut-on dire que vous l'avez été de ses malheurs car qui eût été plus heureux et plus assuré que lui, si le séparant de l'Eglise vous ne l'eussiez mis en état de perdre son royaume et sa vie parmi les hasards de la guerre, où il s'est mille et mille fois exposé, en état d'être privé des couronnes de la terre et de celles du ciel? Celui qui après avoir précipité en mer un homme pour le perdre, jugeant sa conservation lui être utile, lui tend la main pour le retirer du péril où il l'a mis, ne peut tirer grande gloire de cette action: si vous avez contribué quelque chose à l'établissement de ce grand roi, qui pour avoir été précipité par les vôtres du vaisseau de l'Eglise, dans la mer de l'erreur, s'est trouvé en de très-grands dangers, c'est seulement en ce sens, encore est-ce si peu, que vous ne devez pas le tirer en ligne de compte. Au lieu de le servir, vous vous en êtes servis: il a combattu pour vous, et non vous pour lui, et tant s'en faut que vos armes et votre puissance l'aient élevé à la couronne, que rien ne lui a porté et affermi si puissamment que l'abjuration de vos erreurs qui l'avaient mis en péril cependant il vous doit tout par votre bouche: sur quoi je ne puis que je ne Vous die ce qui est dit de Moab en Isaïe: Nous avons ouï sa superbe, sa superbe et son arrogance plus grande que sa force (Isa., VI). Voilà en peu de mots comme les vôtres ont servi les rois, lesquels au lieu de désigner par un nom odieux, vous devez appeler vos bienfaiteurs, puisque c'est sous eux que vous avez commencé à prendre pied en ce royaume avec liberté, et que ce sont eux qui ont fait des édits du bénéfice desquels vous jouissez encore maintenant.

Si j'ai mis en jeu les déportements de vos prédécesseurs, tous délits étant personnels, ce n'est pas pour vous imputer leurs fautes, mais seulement pour remarquer en passant, sur l'occasion que vous m'en donnez, ce qui s'est passé, laissant à ceux qui aiment la lecture, à le voir plus au long dans nos histoires. Et tant s'en faut que je voulusse vous noircir du blâme de ceux qui vous ont précédés, qu'au contraire j'estime et tiens pour assuré, que le roi, sous l'autorité duquel nous vivons tous, recevra tant de services, et de la noblesse qui vous écoute, et du peuple qui vous suit, et de vous-mêmes, que la France aura occasion de perdre la mémoire des actions de vos pères qui lui ont été préjudiciables. Cependant vous me permettrez de vous dire, que quand même les vôtres auraient servi, comme vous prétendez, par la vanité que vous vous en donnez, vous en tirez la récompense de vous-mêmes, quoique vous l'ayez bien reçue d'ailleurs. En quoi vous commettez une double faute,

et celle d'une extrême vanité, et celle d'une grande méconnaissance, vous plaignant industrieusement des prédécesseurs de sa Majesté, au lieu de témoigner un extrême ressentiment des insignes obligations que vous leur avez. C'est le devoir d'un sujet de servir et se taire de ses services, laissant au prince à les reconnaître et à les publier: si le prince manque à ce qu'on doit attendre de lui, on n'a pas pour cela loi de s'en plaindre; si on s'en plaint, on est blåmable, et par conséquent beaucoup plus si on le fait ayant sujet de s'en louer. Les lecteurs jugeront si ceux qui ont été reçus des rois à établir en un état une nouvelle chaire, à ériger un nouveau ministère du tout contraire à celui qu'ils reconnaissent vrai ministère du grand Dieu, qui ont toute liberté de professer une créance directement opposée à la leur, qui sont reçus aux charges, aux dignités et aux états; à qui le roi par sa bonté laisse grande quantité de villes et de châteaux pour sûreté, quoique tous les autres Français se reposent absolument en sa foi, vrai et seul asile des sujets : si ceux enfin qui ont de grandes pensions, qui reçoivent de grands bienfaits, en faveur desquels on a fait des édits avantageux qui sont gardés inviolablement, les lecteurs, dis-je, jugeront si telles gens ont occasion de se plaindre de leurs rois et les accuser tacitement d'ingratitude en se représentant chargés de maux pour salaire de leurs services. Si les anabaptistes avaient rendu autant d'assistance à un de vos princes pour recouvrer ses états, que vous prétendez en avoir rendu au grand Henry, lui conseilleriez-vous de leur donner plus de liberté que vous en avez en France? En ayant reçu autant, les recevriez-vous à se plaindre pour ne recevoir pas du tout pareil traitement que vous?

Au reste je vous demande en votre conscience, non seulement si tous les princes qui professent votre créance, mais si aucuns d'eux nous traitent ainsi en leurs états ? Je vous demande moins, je ne demande pas si les nôtres reçoivent des bienfaits, s'ils sont reçus aux états, s'ils sont élevés aux charges, c'est trop, je me réduis à demander si cn leur donne la liberté de professer notre religion, non ouvertement, mais en cachette, pensé à la question que je vous fais, vous ne avec sûreté de leur vie? Après avoir bien pouvez me répondre autre chose, sinon que c'est celle du martyre que nous estimons le s'ils reçoivent quelque grâce en tels états, plus. Aussi vos auteurs enseignent-ils qu'il faut bannir et punir les hérétiques, et que la liberté de conscience est diabolique, ce qui fait que vous nous l'interdisez partout où vous êtes les maîtres (1). Cependant il y a une grande différence entre votre condition et la nôtre, vous êtes innovateurs, et partant, ceux dont vous voulez troubler la posses

(1) Beza, Ep. 4. Non dubitamus (magistratus) op. timo jure in præfractos anabaptistas gladium strinxisse. Bez. de hær. puniend. lib. integro. Id. ep. 1. Est hoc mere diabolicum dogma, sinendum esse unumquemque ut si volet pereal.

sion, eussent pu légitimement vous empêcher l'exercice de votre nouvelle créance, Luther et vos propres auteurs enseignant qu'on le doit faire et le pratiquant ainsi. (1) Nous sommes possesseurs professant une doctrine qui nous est laissée des apôtres, par transmission de main en main, non interrompue: et partant, on ne peut légitimement nous débouter, sans nous avoir fait condamner par un concile général, ce que tant s'en faut qu'on ait fait, que même nous ne sommes pas coudamnés avec apparence de justice par les princes qui embrassent vos opinions, vu que nous n'avons pas été ours en quoi vous usez de l'artifice de ceux qui ayant donné sujet de plainte, se plaignent les premiers, yous deuillants de la même chose, quoique celte liberté ne vous ait pas été déniée, et que nous soyons très-contents qu'on vous la donne, sachant bien qu'autant de combats seront autant de lauriers pour nous, et de victoires pour l'Eglise (2). Et ne désirant rien plus, qu'en observant soigneusement les édits faits en votre faveur, rencontrer les occasions de remporter à l'avantage de la vérité, de nouvelles dépouilles sur vos erreurs (3). CHAPITRE III.

SECTION I.

MINISTRES.

Car si cela nous était permis, nous lui feFions connaître clairement que notre religion est haie pour ce qu'elle ne reçoit autre règle de salut que la parole de Dieu contenue ès saintes Ecritures, ni autre chef de l'Eglise universelle que Jésus-Christ notre Seigneur, ni autre purgatoire de nos péchés que son sang, ni autre sacrifice propitiatoire pour nos péchés que sa mort et passion, ni autre mérite envers Dieu que l'obéissance qu'il a rendue pour nous à son Père.

RÉPONSE.

La première chose qu'il faut remarquer en ce point, est l'art dont vous usez pour gagner les cœurs et les aliéner de l'Eglise catholique en laquelle nous vivons. Vous représentez votre créance haïe à plusieurs titres par lesquels toutefois vous prétendez la rendre recommandable devant Dieu et devant les hommes. Vous voulez qu'elle soit haïe pour soutenir, aux points controversés entre nous, ce qui fait plus à l'honneur de Dieu, et condamner en notre foi ce que vous reconnaissez indigne de sa perfection. En cela, vous faites comme les anciens hérésiarques, qui ont autrefois combattu les principaux points de la religion catholique, sous prétexte de conserver à Dieu un honneur plus entier. Pour cette raison, les schismatiques, au rapport de S. Cyprien (4), sous prétexte d'exalter la miséricorde de Dieu, communiquaient

(1) Luth. in 1. ad Galat. Luth. apud Sleidanum. 5.

(2) Colloque de Poissy."

(3) Conférence de Fontaineblean.

(4) Apud Cyp. Epist. 55.

avec les chrétiens qui avaient sacrifié aux idoles devant qu'ils eussent fait une légitime pénitence. Pour la même cause, les ariens, au rapport de S. Hilaire (1), niaient le Fils être consubstantiel au Père, de peur que la dignité du Père fût épuisée par cet honneur du Fils. Pour la même (2), Ics juifs ne voulaient pas que Jésus-Christ eût la puissance d'absoudre des péchés, rendant cet honneur à Dieu, que de la laisser à lui seul. Pour la même, les novatiens, au rapport de S. Ambroise (3), déniaient à l'Eglise la même puissance. Pour la même, les manichéens, au rapport de S. Augustin (4), niaient certains livres de l'Ecriture qu'ils disaient contenir des choses qui ternissaient la gloire de JésusChrist. Plusieurs autres enfin, pour abréger, se sont servis de ce prétexte; mais ils ont tous été condamné par les pères, et avec grande raison, puisque Dieu n'a pas cherché en l'établissement de la religion chrétienne ce qui lui était honorable, principalement à notre jugement, mais ce qui nous était utile, ainsi que ces paroles: Il s'est pour nous anéanti soi-même, ayant pris forme de serviteur (Philipp., II, 7), nous le font connaitre. C'est un mauvais moyen pour établir un article de foi et en détruire un autre que celui du plus grand ou moindre honneur que Dieu en reçoit. Aussi S. Hilaire appelle-t-il les ariens qui s'en servent, religieusement impies, gens qui ont un soin irreligieux de Dieu. Il faut avoir d'autres fondements. Il faut reconnaître ce que nous enseigne l'Eglise; et ceux qui sont si soigneux de l'honneur de Dieu, doivent être fort curieux de s'en instruire pour ne faire pas en effet injure à celui dont ils ont l'honneur en la bouche, ce qu'ils feraient représentant les choses autrement qu'elles sont, étant certain, comme dit Cassian, disciple de S. Chrysostome, que ce qui n'est pas dit comme il est, bien qu'il semble honneur, est une vraie contumélie, ce qui est vrai, quel qu'il soit, honore Dieu, puisqu'il l'a voulu ainsi, et que toutes ses volontés lui sont avantageuses: ce qui est faux, quoiqu'il semble avantageux, tourne à désavantage. Bien que beaucoup de choses n'aient aucun rapport à la grandeur du ToutPuissant, elles en ont toujours avec l'infinie perfection de sa charité et de son amour, attendu qu'elle paraît d'autant plus accomplie, que plus en vertu d'icelle il se ravale à choses basses. Et partant c'est un abus de mettre en avant l'honneur de Dieu pour éblouir les yeux du peuple. C'est cependant ce que vous

(1) Hil. lib. 1. de Trinit. Solliciti nimium ne Patrem Filius ab eo natus evacuet.

(2) Mar. II. Quis potest dimittere peccata nisi solus Deus? Matth. IX.

(3) Ambr. 1. 1. De pœnit. c. 2. Aiunt (Novatiani) se Domino deferre reverentiam cui soli remittendorum erininum potestatem reservent.

(4) Aug. 1. xxxi. contra Faust. Quia talia ibi sunt qua Christi gloriam decolorent.

(5) L. 1 de Trinit. Religiose impios et 1. iv. Irreli. giosam de Deo sollicitudinem.

(6) Cassian. 1. 1. de Incarnat. Quod non dicitur ita ut est, etiam si honor videatur contumelia est.

faites, représentant votre religion haïe pour soutenir cinq points que vous estimez lui être avantageux, en tant que vous croyez qu'ils le soient à Jésus-Christ, ce qui n'est qu'en apparence.

Sur cela, je ne puis que vous dire avec Tertullien (1), que ces petits moyens par lesquels vous vous rendez adulateurs de Dieu et vous flattez vous-mêmes, affaiblissent plutôt la discipline qu'ils ne l'affermissent. Aussi, considérant votre religion telle que vous la formez, il me semble voir sortir de vos mains, non une femme chaste, mais une paillarde embellie de plusieurs fards pour séduire le monde et gagner votre vie; ce qui me donne licu, pour détromper les peuples, d'entreprendre de lui laver le visage, lever son fard et faire voir sa déformité, suivant l'exemple et les pas du prophète qui, parlant d'un peuple idolâtre, use de ces termes (2): Pour l'abondance des fornications d'une paillarde, belle et agréable, pleine de maléfices, qui a vendu les gens en ses fornications, les familles en ses maléfices, je découvrirai tes hontes en ta face, et montrerai à toutes gens ta nudité, et aux royaumes ton ignominie. Ce que je ferai d'autant plus volontiers que j'apprends de S. Augustin (3), que plus on désire le salut des hérétiques, plus doit-on faire paraître la vanité de leur erreur.

SECTION 11.

MINISTRES.

Nous lui ferions connaitre clairement que notre religion est haie pour ce qu'elle ne reçoit autre règle de salut que de la parole de Dieu contenue ès saintes Ecritures.

RÉPONSE.

C'est chose fausse que votre religion soit haïe pour ne recevoir autre règle de salut que l'Ecriture: c'est chose vraie qu'elle est digne de haine pour les divers abus qu'elle

commet en l'Ecriture.

Que nous n'enseignons point d'autre règle de salut que l'Ecriture, il sera aisé à connaître à quiconque saura que ces mots autre règle emportent, à parler proprement, une règle de divers genres, comme je prouverai ci-après en la section suivante, et de plus une règle totale, ce que je ferai voir dès à présent selon vous-mêmes, qui n'admettez pas l'Evangile de S. Matthieu être autre règle que celui de S. Marc, attendu que ce ne sent que deux parties d'une règle, et que ce mot

(1) Tertull. I. de Pudic. c. 2. Talia et tanta sparsilia eorum quibus et Deo adulantur et sibi lenocinantur, effœminantia, magis quam vigorantia discipli

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de règle, simplement proféré, signifie une règle entière. Or nous n'admettons ni règ'e d'autre genre que l'Ecriture, ni règle totale autre qu'elle; au contraire, nous la disons règle entière de notre salut, à double titre. Et parce qu'elle contient immédiatement et formellement le sommaire de notre foi, tous les articles nécessaires de nécessité de moyen au salut de l'homme (1), et parce qu'elle contient médiatement tout ce que nous devons croire, en tant qu'elle nous renvoie à l'Eglise qu'elle nous assure être infaillible pour l'apprendre. D'où s'ensuit que nous tiroas de l'Ecriture la vérité que nous recevons par la bouche de l'Eglise, si la raison a lieu, qui veut que quiconque députe quelqu'un pour parler pour lui, parle médiatement par sa bouche, et si S. Augustin qui le dit en termes exprès en est cru: Bien, dit-il, qu'on ne produise point d'exemple des Ecritures touchant cette chose, en cela toutefois, tenons-nous la vérité des mêmes Ecritures, puisque nous faisons ce qu'il plaît à l'Egiise universelle que l'autorité de ces Ecritures recommande.

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C'est ce qu'ont dit les manichéens. Je ne puis en aucune façon (2), dit Fortunat en S. Augustin, faire paraitre que je crois droitement, si je ne confirme ma foi par l'autorité des Ecritures. C'est ce que disent les pélagiens (3) au même auteur. Croyons, dit Pélagius, ce que nous lisons, et ce que nous ne lisons pas, croyons que c'est chose méchante de l'éC'est ce que font les donatistes (4) au même tablir, ce qu'il suffise de dire en toutes choses, auteur lorsqu'ils disent: Nous portons et of frons les seuls évangiles. C'est ce que fait Pétilianus (5) écrivant à ses frères sous ce titre : Constitues avec nous au saint Evangile,

(1) Aug. lib. 1. contra Cresco. c. 33. Quamvis hu jus rei certe de Scripturis catholicis non proferator exemplum, earumdem tamen Scripturarum etiam in hac re a nobis tenetur veritas cum hoc facimus quod universæ placuit Ecclesiæ quam ipsarum Scripturarum commendat auctoritas. Et similia. lib. de unit. Eccl. cap. 22.

(2) August. 1. contra Fortunatum. Nullo genere recte me credere ostendere possum, nisi eamdem fidem Scripturarum auctoritate firmaverim.

(3) Aug. 1. de natura et grat. cap. 39. Gredamus quod legimus, et quod non legimus nefas credamus adstruere, quod de cunctis etiam dixisse sufficiat.

(4) August. 1. Post collationem. Nos sola portamus Evangelia. Item concio. 1. in Psalm. XXXVI. Nos sola offerimus Evangelia.

(5) Lib. 1. contra ipsum, c. 1. Fratribus nobiscum constitutis in sancto Evangelio.

C'est ce que veut l'éraniste (1) que Théodoret introduit en ses Dialogues où condamnant toutes raisons, il dit: Car j'ai foi en la seule Ecriture divine. C'est ce que font les maximianistes (2) lorsqu'ils se désignent par ces mots Combattant en la vérité de l'Evangile, C'est enfin ce que font les ariens, si attachés à l'Ecriture, que non seulement ne veulentils recevoir aucun sens, mais aucune parole qui n'y soit contenue, rejetant ce moto (Concil. Nicæn.) pour n'y être pas. Tous ces anciens hérésiarques, condamnés par l'Eglise et par vous-mêmes, ont eu l'Ecriture en la bouche comme vous, ils se sont dits évangéliques comme vous, ils ont fait l'Ecriture unique règle de leur foi comme vous, cependant parce qu'ils l'ont fait de bouche et non en effet comme il fallait, qu'en publiant son nom ils abusaient de son autorité, ils n'ont pas laissé d'être condamnés de l'Eglise, leur doctrine jugée digne de haine, ainsi que l'est la vôtre, et le sera, je m'assure, au jugement de tout le monde, quand j'aurai fait voir comme elle se sert de l'Ecriture.

Elle l'est véritablement, parce que sous prétexte de l'Ecriture, parole écrite du grand Dieu, 1° elle rejette sa parole non écrite, 2° grande partie de celle qui se trouve par écrit, 3 contredit clairement en plusieurs points à celle qu'elle admet, 4° la corrompt en divers endroits, 5° enfin fait passer pour parole de Dieu celle des hommes, et qui plus est, de chaque idiot dont elle se sert pour fondement des principaux articles de sa foi.

1. Digne de haine parce qu'elle rejette la parole de Dieu non écrite.- Si celui est digne de haine qui, en établissant une chose, détruit ce sans quoi elle ne peut subsister et qui est commandé par elle, votre doctrine l'est à juste titre à raison de l'Ecriture, puisqu'en l'élevant elle détruit les traditions commandées par l'Ecriture et sans lesquelles elle ne peut subsister en aucune façon. Que les saintes Lettres ne puissent subsister sans les traditions, c'est chose claire, puisque nous n'apprenons que par leur moyen que les livres de l'Ecriture que nous avons soient venus jusqu'à nous purs et entiers, tels qu'ils sont sortis de la bouche du Saint-Esprit.Vous croyez comme article de foi que vous avez ces livres purs et entiers, partant ou la parole écrite le dit, ce qui n'est pas ou ne le disant point, il s'ensuit qu'une autre parole non écrite nous l'enseigne, ou que nous croyons de foi divine ce que Dieu n'a dit en aucun lieu, chose absurde, puisque la parole de Dieu est l'unique fondement de notre foi. Que les traditions soient commandées par l'Ecriture (3), la seconde aux Thessaloniciens nous le fait connaître, l'Apôtre y parlant si clairement des traditions de la foi

(1) Apud Theodoret. in Dial. immutabilis. Ego enim soli divinæ Scripturæ fidem habeo.

(2) Apud S. Aug. in veritate Evangelii nobiscum militantibus.

(5) Ca. 2. Tenete traditiones quas didicistis sive per sermonem sive per epistolam nostram.

non écrite, que (1) les vôtres mêmes confessent qu'au temps que S. Paul écrivait, il y avait des traditions de ce genre qui depuis ont été insérées ès saintes Lettres, ce qui est aisé à dire, mais non de faire croire à quiconque verra qu'il n'est dit en aucun lieu de l'Ecriture que ce qui n'était pas écrit du temps de cette épître l'ait été depuis.

2. Digne de haine parce qu'elle rejette partie de la parole de Dieu qui se trouve écrite.. Quelle autorité avez-vous de rejeter de l'Ecriture beaucoup de livres que l'Eglise, en divers temps, en divers conciles, en diverses parties du monde, en Grèce, en Italie, en Afrique, en Allemagne, définit canoniques et divins? Quelle apparence d'établir un canon à votre tête, n'ayant ni père qui déclare (2), ni concile qui définisse (ce qui est à remarquer) le canon des saints Livres ainsi que vous le faites? La présomption avec laquelle vous opposez votre jugement à celui de ces anciens et à l'autorité de l'Eglise, est véritablement digne de haine.

3. Digne de haine parce qu'elle contredit l'Ecriture. Qui contredit à ce qu'on doit suivre religieusement, n'est-il pas digne de haine? l'Ecriture ne doit-elle pas être suivic? Vous professez le faire ainsi, cependant ce n'est pas la contredire que de nier directement ce qu'elle affirme,et croire le contraire de ce qu'elle dit en termes exprès, comme nous avons montré au chapitre précédent? Si on estime celui à qui on donne souvent des démentis, vous estimez l'Ecriture, et si on peut tenir pour règle ce à quoi on oppose souvent son jugement, vous tenez véritablement les saintes Lettres pour règle de votre salut. Car dire ouvertement qu'une chose n'est pas au lieu que l'Ecriture dit qu'elle est, qu'est-ce autre chose que démentir l'Ecriture et avoir un jugement opposé au sien?

4. Digne de haine parce qu'elle corrompt l'Ecriture. Vos corruptions en l'Ecriture sont si reconnues, que les vôtres propres ne s'en peuvent taire. Charles du Moulin, célèbre entre vous, ne dit-il pas pour cet effet que (3) Calvin, en son Harmonie, met le texte de l'Evangile sens dessus-dessous, comme la chose même le témoigne, qu'il fait force à la lettre évangélique, qu'il la transpose en plusieurs lieux, qu'il y ajoute? En parlant de la version de Beze ne dit-il pas, (4) qu'on effet il change le texte? (5) Castalion ensuite n'af

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