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les parties nobles, on doit ordonner des remè des qui s'y portent: voyant qu'outre que l'hérésie est comme le poison qui de sa nature tend à saisir le cœur, les ministres ont particulièrement adressé leur écrit à V. M., qui est le cœur qui donne la vie à tout ce grand Etat; bien que je sache et que tout le monde reconnaisse que la fermeté de votre foi la préserve de tout péril, j'ai cru que mon devoir m'obligeait de lui présenter ce contre-poison,et qu'elle l'aurait d'autant plus agréable, que mon des

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Ayant appris de saint Augustin que c'est folie de parler sans preuve en matière de religion, et voyant que l'écrit sur le sujet duquel j'ai entrepris cette défense des principaux points de la foi (August., l. II, contra litter. Petiliani, c. 39), touchait toutes questions sans en prouver aucune, j'ai longtemps estimé qu'il était plus digne de mépris que de réponse.

Mais ayant su qu'ainsi que c'est la coutume des faibles de triompher de peu, et de feindre par artifice des avantages pour publier des victoires qu'ils n'ont point: ceux de la religion prétendue réformée de ces quartiers donnaient grande vogue à cet écrit, et publiaient partout que c'était un arsenal qui en peu d'espace contenait des pièces pour ruiner de fond en comble la vérité de la religion catholique, et considérant avec saint Hilaire avec combien de fraudes et de dols l'hérésie tâche de pervertir la foi (Hilar., in psal. 64), je jugeai qu'il était meilleur d'y répondre que de se taire, et pour cette raison je me résolus de l'entreprendre.

Mon but est de faire voir que les ministres de Charenton sont mal fondés en toutes leurs prétentions; qu'ils ont toute occasion de se louer de nos rois, et non sujet de s'en plaindre comme ils font ; que leur créance n'est pas haïe pour les raisons qu'ils prétendent, mais bien digne de haine pour beaucoup d'autres qu'ils dissimulent; enfin que l'Eglise catholique, ses ministres et tous ceux qu'ils accusent, demeurent déchargés des crines qu'ils leur imposent.

Pour parvenir à cette fin j'ai divisé ce livre en 19 chapitres, ès 14 premiers desquels je satisfais de point en point à l'écrit des ministres, employant les 5 autres à déduire les raisons pour lesquelles leur doctrine doit être abhorrée de tout le monde.

Le lecteur saura, s'il lui plaît, qu'ayant eu dessein d'être bref en cette réponse, je ne prétends pas apporter sur chaque chose tout ce qui se pourrait dire, mais bien dire assez pour qu'il soit impossible à nos adversaires d'ébranler ce que j'établis.

sein est de lui témoigner par cette action, que toutes celles de ma vie n'auront jamais autre but que son service. C'est la protestation que fait,

H saura en outre que je me sers le plus souvent qu'il m'est possible, de la confession de foi de ceux avec qui je traite, et du témoignage de leurs propres auteurs, afin qu'ils

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SIRE, de Votre Majesté,

Le très-humble, très-obéissant et très-fidèle sujet et serviteur,

ARMAND, ÉVÊQue de Luçon

ne puissent sans rougir, et se démentir tout ensemble, révoquer en doute la vérité que je mets en avant.

Je me fusse attaché à leur seule confession de foi, si elle eût été aussi entière qu'elle est défectueuse, mais ne contenant pas la moitié des points qui sont controversés entre nous, et parlant le plus souvent avec obscurité ou retenue de ceux qu'elle contient, j'ai été contraint d'avoir recours à leurs auteurs, entre autres à Calvin et à Luther, dont ils ne peuvent rejeter l'autorité de Calvin, parce qu'ils s'en sont rendus particulièrement sectateurs, tirant leur confession, leurs prières ecclésiastiques, leur catéchisme et la forme d'administrer les sacrements, de ses œuvres; de Luther, puisqu'ils le tiennent pour l'apôtre qui a rétabli la pureté de l'Evangile, et qu'ils reconnaissent ceux qui embrassent sa doctrine ne faire qu'une église avec eux (1).

Je supplie messieurs les ministres, s'ils me répondent, de le faire avec ingénuité, satisfaisant à tous les points de ce livre, en sorte que je puisse tenir pour confessé ce qu'ils n'auront pas contesté. Je les conjure, on qu'en répondant ils confessent ingénuement ce que nous soutenons, ou qu'ils se défendent sans ambiguité de paroles. Sils nous font connaître clairement quelle est leur créance, nous leur serons beaucoup obligés, vu que d'ordinaire nous avons plus de peine à la découvrir qu'à la convaincre. Ce que saint Jérôme avait expérimenté, puisque parlant aux hérétiques de son temps il use de ces termes : C'est une victoire pour l'Eglise quand vous dites ouvertement ce que vous croyez (2).

Au reste ces messieurs n'estimeront pas, s'il leur platt, que ce soit suffisamment répondre, lorsque j'apporte un passage de leurs auteurs qui dit une chose, d'en produire un autre qui dise le contraire: cela ne concluant pas qu'ils n'aient pas enseigné ce que je prétends, mais seulement que c'est l'ordinaire des hérétiques de se contredire eux-mêmes.

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LES PRINCIPAUX

POINTS DE LA FOI

de l'Église CATHOLIQUE,

DE

L'ÉGLISE

CHAPITRE PREMIER.

MINISTRES

PÉFENDUS CONTRE L'ÉCRIT ADRESSÉ AU ROI PAR LES QUATRE MINISTRES DE CHARENTON.

Sire,

La connaissance que nous avons de la débonnaireté de votre naturel nous fait espérer que vous nous oyrez en nos justes plaintes ; et que pour juger d'une cause importante, vous ne vous contenterez point d'ouïr l'accusation. Joint que la grandeur de votre courage, et la vigueur de votre esprit qui n'a point attendu le temps, et qui surpasse votre age, et dont Dieu s'est déjà servi pour rendre la paix à la France, remplit vos sujets d'espérance de voir sous votre empire la paix et là piété florir, et la justice etre maintenue,

RÉPONSE.

On voit par expérience aux premières lignes de votre écrit ce qui se remarque en divers endroits des histoires anciennes, que c'est chose ordinaire aux dévoyés de la foi (Arius in epist. ad Constantin. apud Sozom. lib. II, c.26.Nestoriani, tom. III. Concil Ephes. c. 18), de charmer les oreilles des princes par belles paroles, pour pouvoir plus aisément faire glisser et imprimer en leurs esprits les opinions qu'ils professent. Vous louez sa majesté, pensant, sous la douceur d'une vérité, faire couler ce qu'il y a de mauvais en votre créance, et cacher sous de belles apparences le serpent qui tue les âmes, comme cette Egyptienne cachait sous les figues l'aspic qui lui donna la mort. Les qualités que vous attribuez au roi lui conviennent véritablement, ! aussi n'ai-je rien à faire sur ce sujet que d'approuver les louanges que vous lui donnez et les augmenter tout ensemble, chacun connaissant non seulement la force de son esprit, la grandeur de son courage, mais en outre la solidité de son jugement, la bonté de son naturel, sa piété envers son peuple, et son zèle envers sa religion. A la vérité qui serait rigoureux, considérant que Henri VIII, roi d'Angleterre, que vous estimez fort, ne peut supporter les louanges que Luther qu'il

STUDIEHUIS

MINDERBROEDERS NIJMEGEN

CHAPITRE II.

condamne d'hérésie lui donne (Respons. ad Epist. Luth.): on pourrait proposer à sa majesté de vous imposer silence, ou au moins de boucher ses oreilles à ce qu'avec vérité vous dites à son avantage. Mais je ne ferai ni l'un ni l'autre, le désir passionné et l'espérance que j'ai de votre conversion m'obligent à vous traiter plus doucement: il me suffit de lui découvrir vos artifices qui consistent à penser lui plaire en toutes choses, pour lui plaire en ce point, et c'est où j'en demeure, vous louant de la louange que vous lui donnez selon votre devoir, tout sujet étant obligé d'avoir son roi bien en sa bouche et en son cœur (1).

MINISTRES.

Vous avez, Sire, en votre royaume plusieurs millions de personnes faisant profession de la religion chrétienne ancienne, et telle que JésusChrist l'a instituée, et que les apôtres l'ont publiée et rédigée par écrit; lesquels pour cette cause ont souffert des horribles persécutions: lesquelles toutefois ne les ont jamais empéchés qu'ils n'aient toujours été fidèles à leur prince souverain, et qu'aux nécessités du royaume, ils ne soient accourus à la défense de ces rois mêmes qui les avaient persécutés. Ce sont eux, Sire, qui ont servi de refuge au roi Henri le Grand votre père, de très-glorieuse mémoire, durant ses afflictions, et qui, sous sa conduite et pour sa défense ont donné des batailles, et qui, au péril de leur vie et de leurs biens, l'ont porté à la pointe de l'épée au royaume, malgré les ennemis de l'état. Desquels travaux, pertes, dangers, d'autres qu'eux en cueillent le salaire.! Car le fruit que nous en recevons est, que sommes contraints d'aller servir Dieu bien loin des villes. Que l'entrée aux états nous est rendue pour la plupart impossible ou pleine de difficulté. Que nos enfants nouveau-nés qu'on

nous

(1) Il n'est rien dit en ce chapitre de ce que les Ministres convient le Roy à juger de leur cause, parce qu'on y répond par après au Ch. treizième,

les parties nobles, on doit ordonner des remè des qui s'y portent: voyant qu'outre que l'hérésie est comme le poison qui de sa nature tend à saisir le cœur, les ministres ont particulièrement adressé leur écrit à V. M., qui est le cœur qui donne la vie à tout ce grand Etat ; bien que je sache et que tout le monde reconnaisse que la fermeté de votre foi la préserve de tout péril, j'ai cru que mon devoir m'obligeait de lui présenter ce contre-poison,et qu'elle l'aurait d'autant plus agréable, que mon des

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Ayant appris de saint Augustin que c'est folie de parler sans preuve en matière de religion, et voyant que l'écrit sur le sujet duquel j'ai entrepris cette défense des principaux points de la foi (August., l. II, contra litter. Petiliani, c. 39), touchait toutes ques tions sans en prouver aucune, j'ai longtemps estimé qu'il était plus digne de mépris que de réponse.

Mais ayant su qu'ainsi que c'est la coutume des faibles de triompher de peu, et de feindre par artifice des avantages pour publier des victoires qu'ils n'ont point: ceux de la religion prétendue réformée de ces quartiers donnaient grande vogue à cet écrit, et publiaient partout que c'était un arsenal qui en peu d'espace contenait des pièces pour ruiner de fond en comble la vérité de la religion catholique, et considérant avec saint Hilaire avec combien de fraudes et de dols l'hérésie tâche de pervertir la foi (Hilar., in psal. 64), je jugeai qu'il était meilleur d'y répondre que de se taire, et pour cette raison je me résolus de l'entreprendre.

Mon but est de faire voir que les ministres de Charenton sont mal fondés en toutes leurs prétentions; qu'ils ont toute occasion de se louer de nos rois, et non sujet de s'en plaindre comme ils font ; que leur créance n'est pas baïe pour les raisons qu'ils prétendent, mais bien digne de haine pour beaucoup d'autres qu'ils dissimulent; enfin que l'Eglise catholique, ses ministres et tous ceux qu'ils accusent, demeurent déchargés des crines qu'ils leur imposent.

Pour parvenir à cette fin j'ai divisé ce livre en 19 chapitres, ès 14 premiers desquels je satisfais de point en point à l'écrit des ministres, employant les 5 autres à déduire les raisons pour lesquelles leur doctrine doit élre abhorrée de tout le monde.

sein est de lui témoigner par cette action, que toutes celles de ma vie n'auront jamais autre but que son service. C'est la protestation que fait,

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SIRE, de Votre Majesté,

Le très-humble, très-obéissant et très-fidèle sujet et serviteur,

ARMAND, ÉVÊQUE DE Luçon

ne puissent sans rougir, et se démentir tout ensemble, révoquer en doute la vérité que je mets en avant.

Je me fusse attaché à leur seule confession de foi, si elle eût été aussi entière qu'elle est défectueuse, mais ne contenant pas la moitié des points qui sont controversés entre nous, et parlant le plus souvent avec obscurité ou retenue de ceux qu'elle contient, j'ai été contraint d'avoir recours à leurs auteurs, entre autres à Calvin et à Luther, dont ils ne peuvent rejeter l'autorité : de Calvin, parce qu'ils s'en sont rendus particulièrement sectateurs, tirant leur confession, leurs prières ecclésiastiques, leur catéchisme et la forme d'administrer les sacrements, de ses œuvres; de Luther, puisqu'ils le tiennent pour l'apôtre qui a rétabli la pureté de l'Evangile, et qu'ils reconnaissent ceux qui embrassent sa doctrine ne faire qu'une église avec eux (1).

Je supplie messieurs les ministres, s'ils me répondent, de le faire avec ingénuité, satisfaisant à tous les points de ce livre, en sorte que je puisse tenir pour confessé ce qu'ils n'auront pas conteste. Je les conjure, on qu'en répondant ils confessent ingénuement ce que nous soutenons, ou qu'ils se défendent sans ambiguité de paroles. Sils nous font connaître clairement quelle est leur créance, nous leur serons beaucoup obligés, vu que d'ordinaire nous avons plus de peine à la découvrir qu'à la convaincre. Ce que saint Jérôme avait expérimenté, puisque parlant aux hérétiques de son temps il use de ces termes : C'est une victoire pour l'Eglise quand vous dites ouvertement ce que vous croyez (2).

Au reste ces messieurs n'estimeront pas, s'il leur plaft, que ce soit suffisamment répondre, lorsque j'apporte un passage de leurs auteurs qui dit une chose, d'en produire un autre qui dise le contraire: cela ne concluant pas qu'ils n'aient pas enseigné ce que je prétends, mais seulement que c'est l'ordinaire des hérétiques de se contredire eux-mêmes.

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LES PRINCIPAUX

POINTS DE LA FOI

de l'église CATHOLIQUE,

PÉFENDUS CONTRE L'ÉCRIT ADRESSÉ AU ROI PAR LES
QUATRE MINISTRES DE CHARENTON.

CHAPITRE PREMIER.

MINISTRES.

Sire,

La connaissance que nous avons de la débonnaireté de votre naturel nous fait espérer que vous nous oyrez en nos justes plaintes ; et que pour juger d'une cause importante, vous ne vous contenterez point d'ouïr l'accusation. Joint que la grandeur de votre courage, et la vigueur de votre esprit qui n'a point attendu le temps, et qui surpasse votre age, et dont Dieu s'est déjà servi pour rendre la paix à la France, remplit vos sujets d'espérance de voir sous votre empire la paix et la piété florir, et la justice étre maintenue.

RÉPONSE.

On voit par expérience aux premières lignes de votre écrit ce qui se remarque en divers endroits des histoires anciennes, que c'est chose ordinaire aux dévoyés de la foi (Arius in epist. ad Constantin. apud Sozom. lib. 11, c. 26. Nestoriani, tom. III. Concil Ephes. c. 18), de charmer les oreilles des princes par belles paroles, pour pouvoir plus aisément faire glisser et imprimer en leurs esprits les opinions qu'ils professent. Vous louez sa majesté, pensant, sous la douceur d'une vérité, faire couler ce qu'il y a de mauvais en votre créance, et cacher sous de belles apparences le serpent qui tue les âmes, comme cette Egyptienne cachait sous les figues l'aspic qui lui donna la mort. Les qualités que vous attribuez au roi lui conviennent véritablement, ' aussi n'ai-je rien à faire sur ce sujet que d'approuver les louanges que vous lui donnez et les augmenter tout ensemble, chacun connaissant non seulement la force de son esprit, la grandeur de son courage, mais en outre la solidité de son jugement, la bonté de son naturel, sa piété envers son peuple, et son zèle envers sa religion. A la vérité qui serait rigoureux, considérant que Henri VIII, roi d'Angleterre, que vous estimez fort, ne peut supporter les louanges que Luther qu'il

STUDICHUIS

MINDERBROEDERS

NIJMEGEN

CHAPITRE II.

condamne d'hérésie lui donne (Respons. ad Epist. Luth.): on pourrait proposer à sa majesté de vous imposer silence, ou au moins de boucher ses oreilles à ce qu'avec vérité vous dites à son avantage. Mais je ne ferai ni l'un ni l'autre, le désir passionné et l'espérance que j'ai de votre conversion m'obligent à vous traiter plus doucement: il me suffit de lui découvrir vos artifices qui consistent à penser lui plaire en toutes choses, pour lui plaire en ce point, et c'est où j'en demeure, vous louant de la louange que vous lui donnez selon votre devoir, tout sujet étant obligé d'avoir son roi bien en sa bouche et en son cœur (1).

MINISTRES.

Vous avez, Sire, en votre royaume plusieurs millions de personnes faisant profession de la religion chrétienne ancienne, et telle que JésusChrist l'a instituée, et que les apôtres l'ont publiée et rédigée par écrit; lesquels pour cette cause ont souffert des horribles persécutions: lesquelles toutefois ne les ont jamais empéchés qu'ils n'aient toujours été fidèles à leur prince souverain, et qu'aux nécessités du royaume, ils ne soient accourus à la défense de ces rois mêmes qui les avaient persécutés. Ce sont eux, Sire, qui ont servi de refuge au roi Henri le Grand votre père, de très-glorieuse mémoire, durant ses afflictions, et qui, sous sa conduite et pour sa défense ont donné des batailles, et qui, au péril de leur vie et de leurs biens, l'ont porté à la pointe de l'épée au royaume, malgré les ennemis de l'état. Desquels travaux, pertes, dangers, d'autres qu'eux en cueillent le salaire.! Car le fruit que nous en recevons est, que nous sommes contraints d'aller servir Dieu bien loin des villes. Que l'entrée aux états nous est rendue pour la plupart impossible ou pleine de difficulté. Que nos enfants nouveau-nés qu'on

(1) Il n'est rien dit en ce chapitre de ce que les Ministres convient le Roy à juger de leur cause, parce qu'on y répond par après au Ch. treizième.

porte bien loin au baptême sont exposés à la rigueur du temps, dont plusieurs en meurent, et que leur instruction nous est empéchée. Et, ce qui nous est le plus grief, est que notre religion est diffamée et noircie de calomnies en votre présence, sans qu'il nous soit permis de nous purger de ces blâmes en présence de votre Majesté.

RÉPONSE.

C'est la coutume de ceux qui sont entachés de l'erreur, de se vanter plus de ce qu'ils ont le moins, s'en vanter avec paroles avantageuses, qui leur sont ordinaires, comme remarque saint Jérôme (S. Hieron, in Osea cap. 10. Spumantibus verbis tument). C'est véritablement ce que vous faites, nombrant vos sectateurs en France par millions, quoiqu'ils soient réduits à bien moindre nombre. En cela imitant les donatistes quí, quoiqu'en petit nombre, réduits aux termes d'une partie de l'Afrique et encore petite, se prévalaient de la multitude de leurs sectateurs, vous usez d'une ruse, mais bien aisée à découvrir : vous voyez que l'Ecriture et tous les pères rendent l'Eglise catholique légitime épouse de Jésus-Christ, plus féconde qu'aucune adultère (S. Hierony. contr. Lucif.): pour cet effet vous vous attribuez beaucoup de frères, mais en vain, étant clair aux aveugles mêmes que le nombre des vôtres n'est non plus considérable, au respect des autres sujets du roi, que celui de tous ceux qui professent votre créance au monde, eu égard à ceux qui en toute la chrétienté vivent sous les lois de l'Eglise romaine. Qu'il soit ainsi, il m'est aisé d'en rendre preuve par le même argument dont saint Augustin se sert contre les donatistes pour l'Eglise universelle (S. August. c, 3. de unit. Eccl. et lib. de past. c. 18); me suffisant de faire voir que votre créance n'a point de lieu en plusieurs villes et lieux de ce royaume où est l'Eglise catholique, et que l'Eglise catholique se trouve en tous les lieux où l'on professe votre religion. Au reste quand il serait vrai que vous pourriez vous compter par millions, que vous seriez épandus par toute la France, vous n'auriez pas grand avantage. Saint Augustin vous comparant, à juste titre, à la fumée qui s'évanouit d'autant plus tôt que plus elle est grande et épandue (S. August, Serm. II. in Ps. 36).

De la multitude de vos frères vous passez à l'ancienneté de votre religion, la professant chrétienne et telle que Jésus-Christ l'a instituée et que les apôtres l'ont publiée et rédigée par écrit, sur quoi je ferai quatre remarques.

Je dis premièrement ou que vous voulez dire que vous avez l'ancienne doctrine de l'Eglise, quoique reçue de nouveau, ou que vous l'avez euc de tout temps, l'ayant toujours conservée par une succession non interrompue. Si le premier, quoiqu'il soit faux, supposé qu'on vous l'accorde, il vous est inutile, l'ancienne et vraie doctrine ne suffisant pas à salut si on n'a l'Eglise, qu'on ne peut avoir si on n'a toujours eu la vraie doctrine. Si le second, quand vous aurez bien travaillé pour prouver votre dire, vous ne tirerez autre fruit

de vos travaux, que de faire voir votre antiquité bornée du terme d'un siècle, au lieu que celle de l'Eglise de Jésus-Christ en a seize sur la tête. Il est vrai que votre religion est ancienne en certain sens, puisque, comme nous verrons ci-après, elle est composée de diverses hérésies condamnées en la primitive Eglise, même du temps des apôtres; mais Vous ne pouvez lui donner ce titre d'ancienne, pour que le corps de votre créance, toute la substance de votre foi ait été crue de longtemps étant clair que l'article de la justification par votre foi spéciale, qui est de l'âme de votre religion, était inconnu devant le siècle où nous vivons : j'ajoute ce mot spéciale, parce que bien qu'Eunomius et autres plus anciens hérétiques aient dit que l'homme était justifié par la seule foi (Apud s. Aug. hær. 54. Et lib. de fid. et oper. c. 14), parlant de la foi dogmatique, nul devant Luther n'a estimé cette foi justifiante consister en l'appréhension spéciale que chaque fidèle fait de la justice de Jésus-Christ, qu'il s'applique par la créance qu'il a d'être justifié. Au reste ne pouvant nommer personne qui devant Luther ait professé votre créance tout entière, et ce grand prophète de votre loi se vantant en termes exprès d'avoir été le premier à qui Dieu a daigné révéler ce qu'il préche (1), reconnaissant en outre clairement la façon de servir et honorer Dieu par la messe ancienne et enracinée (2), la sienne au contraire, nouvelle et inaccoutumée; disant davantage que Dieu en son temps a allumé de nouveau là lumière de l'Evangile, que sans lui on n'en eût pas ouï un iota (3). De plus Calvin assurant que c'est lui qui a commencé à prendre en main la cause de l'Evangile (4), que c'est le premier qui a montré le chemin aux autres, qui pourra dire que votre religion ait plus de cent ans d'antiquité? Nul ne l'osera penser à mon avis, principalement s'il jette les yeux sur ce qu'en dit un de vos confrères, contemporain de Luther, secrétaire de l'électeur de Saxe, le premier de ses fauteurs, une telle confession n'a jamais été faite non seulement depuis mille ans, mais même depuis la création du monde, et on ne trouve en aucune histoire, en aucun père, en aucun auteur une telle confession (5).

Je dis en second lieu qu'imitant Luther qui ôle le mot de catholique du symbole, vous ne l'attribuez pas en cet endroit à votre religion, reconnaissant en votre conscience que ce nom de catholique, nom de si grand poids

(1) Luth. tom. vit. primus fui cui Deus ea quæ vobis prædicata sunt revelare dignatus est.

(2) Luth. tom. I. in formula Missæ ait, nostram rationem colendi Deum per missam fuisse veterem et inolitam, suam vero recentem et insuetam.

(3) Luth. tom. 11 ad princpi. Bohem. Deus hoc tempore lucem sui Evangelii rursus accendit. Luth. tom. v. in cap. 15. 1. ad Cor. absque sua opera nulluin verbum, ne iota quidem de Evangelio fuisset auditum.

(4) Calv. in 2. defens. contr. Westphal. ait de Luthero quod causam Evangelii agere cœperit, et viam primus demonstraverit.

(5) Spalat. in relat. confess. Aug., Cont. Epist, fundam. c. 4.

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