Images de page
PDF
ePub

sang, vous n'aurez point la vie en vous, qu'on n'en fait aux adultes en leur en retranchant seulement une partie ? L'Eglise a trouvé à propos de ne pas communier les enfants, parce qu'elle a jugé qu'ils étaient suffisamment incorporés à Jésus-Christ par le baptême: et cette même Eglise a trouvé à propos aussi de retrancher le calice aux laïques adultes, parce qu'elle a cru qu'ils étaient suffisamment unis à Jésus-Christ par la manducation du pain céleste. L'Eglise a-t-elle été moins éclairée à décider que la communion sous l'espèce du vin n'était pas nécessaire à toutes sortes de conditions, qu'elle l'a été à décider que l'Eucharistie n'était point nécessaire aux enfants.

La communion donc, sous les deux espèces, qui a duré si longtemps, n'a pas été pratiquée parce que l'Eglise l'a crue absolument nécessaire à salut, mais parce que Jésus-Christ, lui ayant laissé la liberté d'en ordonner comme elle le trouverait à propos, elle a jugé en un temps qu'il était utile à ses enfants de communier sous les deux espèces, el en un autre, qu'il était bon qu'ils ne communiassent que sous celle du pain.

Tout le monde sait que la discipline change; et, quoiqu'il y ait des principes et des règles générales dans la discipline et dans la morale qui sont immuables, l'application de ces principes et de ces règles varie selon le changement des temps, des circonstances et des dispositions des esprits.

C'est, par exemple, une règle générale qu'il ne faut réconcilier à l'Eglise aucun pécheur que ceux que l'on juge probablement et raisonnablement être dans une véritable douleur de leurs péchés. Ce principe est immuable; c'est une règle de tous les temps; mais l'Eglise l'a appliquée diversement, selon la diversité des circonstances. S. Cyprien nous apprend qu'en certains temps et en certains lieux l'on a traité plus et moins rigoureusement dans l'administration du sacrement de pénitence ceux qui étaient coupables de quelques crimes dont on avait une horreur particulière. S. Innocent Ir dit que l'ancienne discipline de la pénitence avait été plus sévère que celle de son temps. Dans l'ancienne Eglise, l'on ne dunnait régulièrement l'Eucharistie aux pénitents qu'après un long et laborieux exercice de pénitence: mais on relâchait de cette sévérité pour ceux qui étaient près d'aller au martyre, quoiqu'ils n'eussent pas achevé le temps de leur pénitence: et S. Cyprien leur accordait indulgence plénière en leur remettant les peines canoniques qui leur avaient été enjointes, parce qu'il croyait que la réception du sang de Jésus-Christ les animait à répandre le leur pour l'intérêt de leur maître, qui avait le premier souffert le martyre pour eux. L'Eglise ne se trompe jamais dans la discipline, quelque changement qu'elle y fasse elle la règle toujours avec sagesse et autorité quiconque ne l'écoute point doit être regardé, selon les paroles de Jésus-Christ, comme un païen et comme un publicain. Supposé ce principe, nous ne devons

avoir maintenant aucune peine de nous priver de l'usage du calice, puisque c'est l'Eglise qui l'ordonne, quoiqu'elle en ait autrefois usé d'une manière différente.

Nous avons même cette consolation, que l'Eglise n'a pas changé cette discipline sans être fondée sur l'exemple de Jésus-Christ, sur celui des apôtres et sur la pratique de tous les siècles. Le Fils de Dieu communia les deux disciples qui allaient à Emmaüs, sous la seule espèce du pain. S. Augustin et plusieurs autres pères ne doutent point que ce que l'Evangile dit, qu'ils le reconnurent dans la fraction du pain, ne doive s'entendre de l'Eucharistie. Et comme il n'est pas fait mention de la coupe, les protestants qui sont si attachés à ne rien ajouter à l'Ecriture, n'oseraient dire qu'ils communièrent sous l'espèce du vin.

Il est vrai qu'ils opposent à cet exemple, que si Jésus-Christ communia ses deux disciples sous une seule espèce, et que cette communion autorise la pratique présente de l'Eglise, il s'ensuit qu'il sera permis aussi de ne consacrer que sous une espèce, parce que l'Ecriture ne marque pas que le Fils de Dieu ait consacré en cette occasion sous l'espèce du vin. Or l'Eglise romaine, disent-ils, n'avouera jamais cette conséquence. Elle ne doit donc pas se servir de cet endroit de l'Ecriture pour appuyer la communion sous la seule espèce du pain.

Cette objection des protestants est un pur sophisme. Si Jésus-Christ avait dit en quelque endroit que si quelqu'un consacrait son corps sous l'espèce du pain sans parler de la consécration sous l'espèce du vin, aurait la vie éternelle comme il l'a promise à ceux qui mangeraient sa chair, sans faire mention de boire son sang, l'on pourrait dire qu'il aurait autorisé, par ce qu'il a fait à Emmaüs, la consécration sous une seule espèce, comme il a autorisé la communion sous la seule espèce du pain. Mais comme il ne paraît en aucun endroit de l'Ecriture qu'il ait dispensé ses apôtres de consacrer sous les deux espèces, après les y avoir obligés en instituant ce sacrement adorable, cette consécration d'Emmaüs, de quelque manière qu'elle ait été faite, ne doit tirer à aucune conséquence. Le Fils de Dieu l'a faite comme il lui a plu parce qu'il était le maître; et il a pu, par une économie et une dispensation particulière, faire une chose qu'il ne voulait être faite que celle fois, puisqu'il ne l'a ni commandée ni permise après avoir ordonné la consécration sous les deux espèces. Peut-être qu'il voulut alors consacrer seulement sous une espèce parce qu'il était ressuscité, et que, comme dans la cène qu'il fit avec ses apôtres, l'Eucharistie sous les deux espèces fut une image de sa mort future, dans laquelle son sang devait être séparé de son corps, de même cette transsubstantiation du pain seulement en son corps, dans la cène qu'il fit avec les disciples d'Emmaüs, fut une image de sa résurrection, dans laquelle ce même sang avait été réuni à son corps pour n'en être plus séparé; mais il ne s'ensuit pas qu'il ait voulu que ce qu'il fi alors fût fait ensuite par d'autres, puisqu'il

ne le témoigne en aucun endroit et comme son intention a été, lorsqu'il institua ce mystère, qu'il soit un mémorial perpétuel de sa mort, il ne nous est pas permis d'en retrancher ce qui nous la représente le plus naturellement; c'est à savoir cette séparation mystique du corps et du sang, par la double consécration sous les deux espèces.

[ocr errors]

La communion que les premiers chrétiens recevaient des mains des apôtres ne nous paraît que sous une seule espèce. Ils persévéraient, est-il dit dans les Actes, dans la doctrine des apôtres et dans la communion de la fraction du pain; il n'est point parlé de la coupe.Les protestants, suivant leurs maximes se doivent tenir à la lettre sans y rien ajouter.

Saint Paul, après avoir parlé de la bénédiction du calice et de la fraction du pain, et après avoir dit que l'une était la communion du sang de Jésus-Christ et l'autre la participation de son corps, ajoute que nous ne sommes tous ensemble qu'un seul pain et un seul corps, parce que nous participons tous à un même pain, sans rien dire de la communion du calice.

On sait que la coutume des fidèles de l'ancienne Église était d'emporter chez eux l'Eucharistie dans des linges, pour communier en leur particulier; que les évêques envoyaient à leurs confrères l'Eucharistie pour marquer leur union et leur charité : tout cela se faisait sous l'espèce du pain seulement. Le vieillard Sérapion, comme Eusèbe le rapporte, reçut l'Eucharistie sous la seule espèce du pain, de la main d'un jeune garçon que son curé, qui était malade, lui envoya. Saint Augustin, dans la lettre qu'il écrit à l'évêque Honoré, qui est la cent quatre-vingtième de ses épîtres, entre les raisons qu'il apporte pour montrer que les pasteurs sont obligés d'être présents à leurs églises lorsque les peuples qui leur sont commis sont en péril et sont attaqués par leurs ennemis, celle de ne les laisser pas privés de l'eucharistie est une des principales. Si les pasteurs sont présents, dit ce père, personne n'est privé de la communion du corps du Seigneur Nulli Dominici corporis communione fraudantur (Ep. 180). Il ne parle pas de la coupe; ce qui marque que la communion du peuple était considérée particulièrement sous l'espèce du pain, et qu'elle se pratiquait (selon les occasions et les diverses nécessités où l'on se trouvait) séparément de la communion sous l'espèce du vin. Il serait aisé de produire d'autres endroits des pères qui feraient voir la même chose.

Après toutes ces raisons, toutes ces autorités, tous ces exemples, n'est-il pas injuste que les protestants fassent un crime à l'Eglise, à qui Jésus-Christ a laissé l'intendance et l'administration des sacrements, d'avoir fait maintenant une loi de ce qui paraît, par l'Evangile, que le Fils de Dieu a laissé à sa liberté; de ce qu'il a pratiqué lui-même; de co que ses apôtres ont fait après lui; et de ce qui ensuite a été mis en usage en diverses occasions, dans le temps même que la coutume du contraire était la plus ordinaire.

VII. Si tous les adversaires croyaient la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, ils n'auraient aucune peine à se soumettre au retranchement de la coupe. Ce qui les trouble, disent-ils, est 1° que l'Eglise ôte la moitié du sacrement aux fidèles; 2° qu'elle les prive du fruit qu'ils doivent recevoir de ce mystère d'amour; 3° qu'elle leur retranche la nourriture spirituelle qu'ils doivent recevoir dans ce festin sacré; 4° qu'elle anéantit celte figure et cette représentation de la mort de Jésus-Christ. La créance de la présence réelle fait évanouir tous ces fantômes, toutes ces vaines frayeurs et tous ces injustes sujets de plaintes.

Jésus-Christ étant réellement présent dans l'Eucharistie, est tout entier sous chacune des espèces. Depuis qu'il est ressuscité, il peut bien être dans un état apparent de mort, comme il est dans ce sacrement, mais il ne peut mourir en effet. Il ne nous est pas permis de douter de cette vérité après l'oracle du Saint-Esprit prononcé par saint Paul : Et Jésus-Christ étant ressuscité d'entre les morts, ne mourra plus : la mort n'aura plus d'empire sur lui (Rom. VI). Il est donc vivant partout où il est, c'est-à-dire tout entier, aussi bien que dans le ciel, quoique d'une manière différente: ainsi c'est à tort qu'on reproche à l'Eglise qu'en retranchant la coupe elle ôte la moitié du sacrement aux Gidèles. L'excellence de l'eucharistie consiste en ce qu'elle contient Jésus-Christ; elle le contient tout entier en chacune des espèces : les fidèles ne sont donc privés de rien qui soit essentiel au sacrement, pourvu qu'ils reçoivent une espèce. Les luthériens au moins devraient être en repos sur ce point, puisqu'ils croient aussi bien que nous la présence réelle. Mais, il est vrai que quelques-uns d'entre eux se sont avisés de nier que le sang soit par concomitance sous l'espèce du pain, et le corps sous celle du vin, qui est une erreur chimérique qu'ils se sont formée pour n'étre pas embarrassés de l'argument des catholiques, qui font voir, par une conséquence trèsnaturelle, que les laïques, en ne communiant que sous une espèce, ne laissent pas de participer au corps et au sang de Jésus-Christ.

1 Le fruit principal qu'on peut prétendre dans la communion, en considérant l'Eucharistie comme un mystère d'amour, est qu'elle nous unisse à Jésus-Christ. Nous y sommes intimement unis par la réception de son corps adorable nous ne perdons donc pas le fruit de ce mystère d'amour par le retranchement de la coupe.

2° L'avantage de cette nourriture spirituelle est que notre âme soit divinement rassasiée et même engraissée, saginata, c'est le terme des pères. Elle l'est en mangeant de ce pain sacré; et quoique le sang, sous l'espèce du vin, nous soit proposé en forme de breuvage, néanmoins, comme il est assuré que nous recevons le sang avec le corps, puisqu'ils ne peuvent être séparés depuis la résurrection, le concile de Trente a très-sagement et très-saintement prononce qu'en ne recevant qu'une espèce, nous recevons tout

Jésus-Christ, et que nous ne sommes privés d'aucune grâce nécessaire pour opérer notre salut. C'est donc à tort qu'on se plaint que le retranchement du calice est un retranchement de la nourriture de ce festin sacré. En effet, le vrai breuvage de notre âme est la grâce, si bien représentée dans l'Evangile par l'eau dont Jésus-Christ parla à la Samaritaine; c'est ce divin breuvage qui étanche notre soif spirituelle. Comme le cerf altéré, dit le prophète, désire de trouver une fontaine, ainsi, Seigneur, j'aspire d'être uni à vous (Ps. XLI). De quelque manière donc que nous soyons unis à Jésus-Christ par la communion, soit en le recevant sous l'espèce du pain, soit en buvant son sang sous l'espèce. du vin, nous sommes unis à la source de la grâce qui nous doit pleinement désaltérer; et nous pouvons dire que le sang de JésusChrist, quoique reçu avec son corps, ne laisse pas d'être le breuvage de notre âme, selon l'expression de l'Ecriture.

3 Pour ce qui est de la mémoire de la passion, que l'Eucharistie nous doit renouveler, selon cette parole de saint Paul: Toutes les fois que vous mangerez ce pain et que vous boirez de ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. Il est vrai que, si nous ne devions considérer l'Eucharistie que dans la communion des laïques, le reproche des protestants serait bien fondé; car il faut avouer que l'on ne pourrait pas sauver à ce mystère adorable la qualité de l'image du sacrifice de la croix, et qu'il ne nous représenterait pas la mort du Fils de Dieu sous une seule espèce, car cette représentation ne se fait parfaitement que dans la séparation mystique du corps et du sang, auxquels le pain et le vin sont transsubstantiés par la vertu des paroles de JésusChrist: Ceci est mon corps, ceci est mon sang. Mais je dirai hardiment qu'en ce cas l'Eglise n'aurait jamais retranché l'usage de la coupe, et même qu'elle n'aurait pu la retrancher, parce qu'elle ne peut tomber dans l'erreur; et c'en serait une très-grande d'ôter à l'Eucharistie la qualité d'image, de représentation, de renouvellement, et en quelque manière de continuation de la mort de JésusChrist et du sacrifice du Calvaire. Mais comme nous pouvons et nous devons regarder l'Eucharistie non seulement comme un sacrement, mais encore comme un sacrifice, il est très-aisé de justifier l'Eglise des accusations des protestants sur ce sujet.

VIII. Supposant donc cette vérité, comme les autres sur lesquelles nous avons fait voir que les catholiques fondent le repos dans lequel ils sont, touchant le retranchement du calice, et croyant que Jésus-Christ a institué l'Eucharistie par forme de sacrifice, l'on ne saurait dire avec la moindre couleur de vérité que l'Eglise ait fait perdre aux fidèles et ait effacé dans ce mystère la mémoire et l'image de la mort de Jésus-Christ.

Ce qui nous représente la mort du Fils de Dieu dans l'eucharistie, est, comme nous l'avons dit, la séparation mystique du corps et du sang de Jésus-Christ; et c'est ce qui se fait

dans le sacrifice, où la parole que le Prêtre éternel mise dans la bouche de ceux qu'il a honorés de son sacerdoce, est comme le glaive innocent qui fait cette séparation et qui immole cette victime adorable, puisqu'il est vrai que le seul corps de Jésus-Christ est présent dans ce mystère, précisément par la vertu des paroles qui sont prononcées sur le pain, et le sang par celles qui sont prononcées sur le calice. De sorte que, si ce corps et ce sang pouvaient être encore séparés, ils le seraient par la transsubstantiation des éléments de ce sacrement; et ils ne demeurent unis après la consécration que parce que Jésus-Christ ressuscité ne peut plus mourir ni souffrir aucune division en son humanité sainte. C'est donc proprement dans ce sacrifice que la mort de Jésus-Christ nous est représentée. Et comme l'Eglise n'a rien retranché dans ce sacrifice de ce que Jésus-Christ a institué dans la dernière cène qu'il a faite avec ses apôtres, les protestants n'ont nul sujet de dire qu'elle a effacé dans l'Eucharistie la mémoire de la passion du Fils de Dieu.

Quand l'Eglise aurait laissé l'usage de la coupe aux laïques, la représentation de la passion du Fils de Dieu n'aurait pas consisté dans cette double communion, puisque ce n'est pas la communion, mais la consécration qui fait cette division mystique de son corps et de son sang.

Ce sacrifice adorable est offert tous les jours; tous les fidèles y peuvent assister, y concourir même, en unissant leurs esprits et leurs cœurs aux prêtres qui sacrifient, et avec lesquels ils sont eux-mêmes en quelque manière sacrificateurs, comme l'Eglise le témoigne dans sa liturgie par ces paroles, qu'elle prononce par la bouche des prêtres : Seigneur, souvenez-vous de vos serviteurs et servantes, et de tous ceux qui sont ici présents, dont la foi et la dévotion vous sont connues, pour lesquels nous vous offrons, ou, pour mieux dire, qui vous offrent ce sacrifice de louange. Et il n'y a personne qui ne puisse ainsi renouveler incessamment, dans l'usage de ce mystère, la mémoire de la mort et de la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Les anciens sacrifices étaient des ombres et des figures du nôtre. Le peuple, qui fournissait des victimes, y participait et communiait en mangeant quelque portion de l'hostie, mais il ne mangeait pas toute l'hostie. L'Eglise ne fait donc point d'injure au sacrifice représenté par ceux de l'ancienne loi, ni au peuple fidèle qui y participe, en ordonnant que ceux qui ne sacrifient point ne reçoivent pas la divine victime en toutes les manières qu'elle se trouve dans le mystère ; quoiqu'ils aient cet avantage par-dessus ceux qui communiaient aux anciens sacrifices, qu'en ne recevant apparemment qu'une partie de l'hostie, ils la reçoivent néanmoins tout entière, chacune des deux espèces contenant Jésus-Christ tout entier. IX. - De tout ce qui été dit ci-dessus, l'on croit qu'il n'y a personne qui ait tant soit peu d'equité, qui ne juge que les reproches que les protestants font à l'Eglise sur

le retranchement de la coupe, sont injustes. L'Eglise, à qui Jésus-Christ avait laissé la liberté d'ordonner et de régler l'usage de ce sacrement ineffable, voyait que ses enfants en usaient différemment, les uns communiant sous l'espèce du pain seulement, les autres sous l'espèce et du pain et du vin; elle s'apercevait que cette diversité produisait quelque division et quelque trouble parmi eux, semblable au schisme qu'il y avait au temps de saint Paul entre ceux qui disputaient du choix des viandes, et que cette différence d'usage et de pratique allait à établir des dogmes pernicieux et contraires aux vérités de la religion; car plusieurs de ceux qui communiaient sous les deux espèces estimaient que cette manière de communier était nécessaire à salut, et condamnaient ceux qui ne recevaient qu'une espèce comme déserteurs de la religion. Elle voyait encore que les sacramentaires en prenaient occasion d'appuyer leur erreur, et de dire que JésusChrist n'étant pas réellement présent dans ce mystère, nous ne pourrions être unis à lui par l'Eucharistie, si nous ne la recevions tout entière, parce que, n'y étant présent qu'en figure et cette figure ne pouvant subsister dans une seule partie du sacrement, il était nécessaire de n'en rien retrancher. C'est pourquoi elle jugea qu'elle ne pouvait plus laisser les chrétiens dans cette incertitude; qu'il n'était pas de cette viande céleste comme de celles dont les fidèles disputaient au temps de saint Paul; que l'usage n'en était pas indifférent, tout en étant saint, et dans le fond du mystère et dans les circonstances qui l'accompagnent; et qu'il était important qu'elle se servit du privilége que Dieu lui avait donné de discerner avec infaillibilité les dogmes révélés d'avec ceux qui ne le sont pas, et d'en instruire les fidèles; qu'il était juste aussi qu'elle mit en usage sur ce sujet l'autorité qu'elle a reçue de Jésus-Christ de régler la discipline qu'on devait observer dans la réception de ce sacrement, afin de détruire l'erreur et d'empêcher la division. Ainsi, après cette fameuse contestation qui fut émue à Prague vers l'année 1412, elle se détermina à parler nettement et à régler la foi et la conduite des fidèles touchant cette matière. Elle considéra d'ailleurs que ceux qui s'étaient eux-mêmes privés de l'usage du calice, l'avaient fait par respect, et pour éviter les irrévérences qui se commettaient dans ce divin mystère, et encore pour d'autres raisons très-considérables; et, approuvant ce sentiment, elle prononça dans le concile de Constance que la communion sous une seule espèce suffisait; que Jésus-Christ n'avait pas obligé les laïques à communier sous les deux espèces; et elle ordonna que ceux qui ne sacrifieraient point, recevraient à l'avenir l'Eucharistie seulement sous l'espèce du pain. Cette décision et cette discipline furent confirmées dans le concile de Bâle, depuis dans celui de Latran, et ensuite dans celui de Trente, qui non seulement a déclaré qu'il n'y a nul commandement de communier sous les deux espèces, mais que chaque espèce

contient l'essence du sacrement, et que JésusChrist y étant tout entier, ceux qui communient seulement sous l'une des deux, ne sont privés d'aucune grâce nécessaire.

Il est vrai que, comme il n'y a nul commandement de Jésus-Christ, à ceux qui ne sacrifient point, de communier sous les deux espèces, il n'y a aussi nulle défense, comme nous l'avons déjà marqué : c'est pourquoi l'Eglise, dans son dernier concile général, s'est réservé le pouvoir d'accorder l'usage du calice lorsqu'elle le trouva à propos. De sorte que, pourvu qu'on ne croie pas que la chose soit nécessaire absolument et qu'elle soit de précepte divin pour toutes sortes de personnes, pourvu qu'on se soumelle au pouvoir qu'a l'Eglise de régler la discipline touchant l'administration de ce divin sacrement, pourvu qu'on confesse la présence réelle et que Jésus-Christ est tout entier sous une espèce, pourvu qu'on reconnaisse que le commandement de communier ses les deux espèces regarde seulement ceux qui consacrent, parce qu'ils sont sacrificateurs, & que dans le sacrifice le corps et le sang sont ystiquement séparés par l'efficacité des paroles par lesquelles on transsubstantie le pain au o rps et le vin au sang de Jésus-Christ: peut-être que l'Eglise pourra quelque jour avoir cette condescendance pour ses enfants, qui, soumettant leurs esprits à l'obéissance de la parole de Jésus-Christ et à l'ordre de son Eglise, désireront, par le sentiment d'une véritable piété, d'être unis à Dieu par ce double lien. Ce désir peut être d'autant plus juste, qu'encore que l'Eglise ait déclaré que ceux qui ne communient que sous une espèce ne sont privés d'aucune grâce nécessaire au salut, elle n'a pourtant pas défini qu'ils ne recevraient pas plus de grâces en communiant sous les deux espèces qu'en ne communiant que sous une; et qu'ainsi on pourrait légitimement désirer l'usage du calice dans la vue d'une grâce plus abondante.

Ce n'est pas néanmoins que nous devions être en inquiétude de la privation de cette plus grande grâce, parce qu'outre que la chose est fort incertaine, et que plusieurs grands théologiens croient qu'il n'y a pas plus de grâce à recevoir Jésus-Christ sous deux espèces que sous une, quand même ceux à qui le calice est retranché seraient privés de quelque grâce, elle peut être abondamment réparée par le mérite de l'obéissance qu'ils rendent à l'Eglise.

Saint Augustin balance l'humilité du centenier, qui n'osait recevoir Jésus-Christ dans sa maison, avec la confiance de Zachée, qui le reçut dans la sienne avec joie, et même avec empressement; et ce saint docteur dit : Qu'il en est de même de ceux qui par respect se retirent de la communion, s'en estimant indignes, et de ceux qui s'en approchent pour en recevoir du secours et de la force. Les uns et les autres peuvent être également à Dieu, pourvu que ceux qui s'en éloignent. ne s'en éloignent pas par dégoût, et qua ceux qui s'en approchent, ne le fassent pas avec présomption.

Nous pouvons raisonner de même manière touchant la communion sous les deux espèces. Si elle produit, par la vertu du sacrement, plus de grâce que la communion sous une seule espèce, celui qui se prive de l'une par obéissance, peut se rendre aussi agréable à Dieu, que celui qui les recevrait toutes deux. Et comme l'Eglise a eu de trèsgrandes raison pous ôter l'usage du calice, soit qu'elle ait voulu éviter les inconvénients et les irrévérences qui se commettaient, soit qu'elle ait cru périlleux de le permettre dans un temps auquel cette permission aurait donné occasion à l'erreur; soit encore pour quelques autres raisons qui ne sont pas connues, nous ne saurions être vrais chrétiens et murmurer de ce qu'elle a fait, quelque soif spirituelle que nous ayons de ce divin breuvage.

David ayant désiré ardemment de l'eau de la citerne de Bethleem, et trois hommes de cœur s'étant détachés de son armée, sans en

rien dire, et ayant percé le camp ennemi pour en aller quérir, ce grand prince refusa ce rafraîchissement, et ne voulut pas boire le sang de ces trois braves hommes, selon la noble expression de l'Ecriture mais il en fit une offrande à Dieu, Libavit eam Domino H (Reg., XXIII). Ceux qui voudraient bien se désaltérer en buvant de la coupe du Seigneur, et qui d'ailleurs considèrent le péril où ils exposeraient la vérité, par les conséquences qu'en tireraient ceux qui n'ont pas encore soumis leur esprit à la foi catholique, font mieux de se contenter de l'usage que l'Eglise fait dans le sacrifice de cette divine liqueur, et libare eam Domino, en attendant, pour en boire à leur aise, et sans hasarder le salut de personne, que la guerre spirituelle que nous avons avec nos frères séparés soit finie, par l'heureuse victoire que la grâce remportera, s'il plaît à Dieu sur eux, en captivant leurs esprits à l'obéissance de la parole de Jésus-Christ.

AU LECTEUR.

80908

Les controverses qui sont entre les catholiques et les protestants ont été si éclaircies depuis quelques années, et tant de grands hommes ont servi l'Eglise et secondé les picuses intentions du roi sur ce sujet, que si les ministres et les docteurs protestants n'avaient pris un soin extraordinaire de cacher à ceux de leur parti les ouvrages des catholiques, et ne les avaient empêchés de les lire, il y a longtemps que tous ceux d'entre eux, à qui Dieu a donné un peu de lumière et de bonne foi, auraient abandonné leur nouvelle et fausse religion.

C'est un artifice des ministres protestants, pour couvrir la mauvaise cause qu'ils soutiennent, d'écrire continuellement, comme si l'on ne leur avait rien répondu, afin de faire accroire à ceux qu'ils veulent retenir dans l'erreur, que la doctrine qu'ils tâchent d'imprimer dans leurs esprits est encore dans son entier et n'a jamais été réfutée. Ceux qui ont quelque créance en eux, lisent leurs écrits sans lire les réponses des catholiques, et ils demeurent dans une fausse paix que leur donnent les préjugés qu'ils ont formés dès leur enfance, et dans lesquels ils s'affermissent faute d'éclaircissements.

Je sais bien que les pères de l'Eglise ont toujours écrit, tant que les hérésies ont fait du bruit; et les protestants, qui crient sans cesse que nous sommes dans l'erreur, se voudront peut-être parer de leur exemple, en disant qu'ils ne veulent pas laisser les catholiques en repos, jusqu'à ce qu'ils leur aient fait connaître la vérité; et c'est en cela même qu'ils témoignent leur faiblesse et font voir leur mauvaise foi. Les pères combattaient toujours les hérétiques, mais ils ne dissimulaient pas ce que les hérétiques leur opposaient. Ils y répondaient c'est ce que les protestants ne font pas; ou s'ils y répondent, ce n'est que par de froides railleries,

en n'attaquant que ce qu'ils croient le moins fort dans les écrits des catholiques et ne faisant pas semblant de s'apercevoir de ce qui les accable. Les catholiques au contraire réfutent ouvertement leurs adversaires, et soutiennent, sans rien dissimuler, la vérité, contre laquelle, selon saint Paul, on ne peut rien (II aux Cor., c. XIII, 8), et c'est celle vérité qui les rend invincibles, parce que Dica, qui est la vérité même, combat pour eux.

Les docteurs protestants espèrent encore de pouvoir regagner une parcréance, en leur disant que les théologiens, qui ont travaillé à leur changement, ne leur ont pas parlé sincèrement, et qu'ils on! fardé leur religion pour engager les simples à l'embrasser, et les conduire ensuite dans l'idolâtrie et dans l'impiété. C'est pourquoi l'on a cru qu'il serait fort utile, pour renverser toutes les machines dont se servent ces faux docteurs, de faire un portrait au naturel de la religion chrétienne et catholique, et de l'exposer au pu blic, afin que chacun en reconnaisse les traits.

Comme cet ouvrage est fort court, fort clair et fort simple, il sera aisément vu ct entendu de tout le monde. Il ne faut pas que nos adversaires disent qu'il y ait rien de déguisé: on est assuré qu'il n'y a pas un catholique qui ne le reçoive, comme il est conçu, sans hésiter, et n'avoue qu'il comprend la pure doctrine de l'Eglise. On défie le plus babile et le plus raffiné protestant de le faire démentir par aucun de ceux de notre communion, ni d'y trouver un double sens. Il n'est pas naturel de croire qu'on ait séduit tous les catholiques de la terre pour les faire en trer dans un complot de fourberie sur ce sujet; cependant on s'oblige de faire d're anathème par toute l'Eglise romaine à quiconque s'éloignera de ce qui est déclaré dans ce système, comme étant de foi.

Par ce moyen on sera d'accord du fait, on

« PrécédentContinuer »