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verra clair dans nos dogmes, et les protestants ou demi-protestants, qui disent qu'ils ne s'éloigneraient pas de nous s'ils pouvaient prendre confiance en ce qu'on leur déclare être de nos sentiments, et qu'ils ne demeurent séparés que parce qu'ils croient que nos docteurs les trompent, ne pourront plus opposer cette méchante raison, puisqu'on expose à la vue et à la censure de tous les chrétiens la foi de l'Eglise romaine, et que l'on prétend expliquer ce qui est contenu dans ce petit écrit, que dans le sens simple et naturel de toutes les paroles dont il est composé.

On sait assez quels fruits a produits l'Exposition de la foi catholique, que M. l'évêque de Meaux a donnée au public. Une lettre pastorale, que l'auteur de ce système publia il y a quelques années, touchant l'honneur et l'invocation des saints, dans laquelle il expliquait nettement la doctrine de l'Eglise, a aussi beaucoup servi à détromper plusieurs, qui n'étaient retenus dans le parti protestant que par la persuasion dans laquelle ils étaient que nous portions le culte des saints jusqu'à l'idolâtrie. Ce système, venant encore comme au secours de ces ouvra

ges, pourra contribuer à arracher le reste de la méfiance qu'on a, ou que l'on fait semblant d'avoir de la sincérité des catholiques.

On ne se contente pas d'exposer dans ce système la vraie religion dans son sens naturel, on en prouve encore la vérité dans le fond et, comme tout ce qui est controverse entre les catholiques et les protestants est démontré par l'Ecriture, dont on a marqué les endroits à la marge, afin que le lecteur y puisse aisément avoir recours, on croit que c'est le moyen de fermer la bouche à nos contradicteurs, qui ne cessent de publier que les catholiques n'ont pas le respect qui est dû à la parole de Dieu. Il faut qu'ils rougissent eux-mêmes de ce reproche. C'est au contraire aux catholiques à le leur faire, puisqu'on fait voir clairement, en citant l'Ecriture, sur laquelle la doctrine catholique est appuyée, qu'on ne peut s'éloigner de notre foi sans renoncer au fondement sur lequel les protestants font semblant d'être si fort affermis, et duquel néanmoins ils sont si éloignés. qu'il faut qu'ils l'abandonnent en combattant les dogmes des catholiques.

LE VRAI SYSTEME

DE LA RELIGION CHRÉTIENNE ET CATHOLIQUE.

Dieu ayant par sa miséricorde, et par l'adorable profondeur de sa providence, disposé l'esprit du roi à se servir de l'autorité qu'il tient du Ciel pour éteindre l'hérésie dans son royaume, et réunir à l'Eglise ceux de ses sujets qui s'en étaient éloignés, nous ne saurions assez estimer les soins et les ouvrages de tant de grands hommes, qui ont travaillé et travaillent encore incessamment à éclaircir les vérités que l'erreur avait si fort obscurcies dans l'esprit de nos frères séparés. Comme nous ne pouvons assez déplorer le malheur de ceux qui ferment les yeux à des lumières si vives et si brillantes, et qui embarrassent la religion par des sophismes volontaires, je les appelle ainsi, parce qu'il est impossible que ceux mêmes qui les produisent n'en aperçoivent la fausseté.

M. l'évêque de Meaux a donné, il y a déjà longtemps, au public, l'Exposition sincère de la foi catholique, ce qui a ouvert les yeux à un grand nombre de personnes qui, ne cherchant que la vérité, ont connu la mauvaise foi de ces faux docteurs qui nous faisaient passer, en préchant à ceux de leur parti, pour des superstitieux, pour des impies, pour des idolâtres et pour des corrupteurs de la foi et de la morale de Jésus-Christ. Ce trèspieux et très-savant prélat les a couverts de confusion; mais il n'a pas abattu tout leur orgueil, et son excellent ouvrage n'a fait qu'augmenter la haine que les plus entêtés et les plus envenimés de leurs ministres ont conçue contre l'Eglise.

Nous voyons tous les jours paraître des lettres qui, sous le nom de pastorales, ne sont autre chose que des satyres, et contre le soin religieux et paternel que le roi prend du salut de ses sujets, et contre les personnes qui travaillent à la réunion de ceux qui, étant baptisés, ne devraient reconnaître qu'une foi, comme il n'y a qu'un Dieu et qu'un baptême (aux Ephés., ch. IV, 3, 4, 5, 6), qui nous doit tous incorporer à Jésus-Christ en unité d'esprit et dans le sein d'une même Eglise.

Ces lettres, prétendues pastorales, ne tendent qu'à troubler les consciences de ceux à qui Dieu a fait la grâce d'ouvrir l'esprit et le cœur pour embrasser la foi catholique, à les tenter, à les exciter à l'apostasie, et à retenir les autres dans l'erreur, tantôt par une fausse ostentation de miracles, que l'auteur de ces dangereuses lettres prétend que Dieu a faits en faveur de leur fausse religion; tantôt par l'énumération des martyrs et des confesseurs de leur parti; tantôt en dogmatisant que c'est une erreur intolérable de dire que l'on ne puisse se sauver que dans l'unité de l'Eglise laissant ainsi chacun en liberté d'opérer son salut en quelque communion que ce soit; s'étant même porté jusqu'à cette extrémité de justifier l'impiété de Nestorius, et de dire qu'il avait eu raison de ravir à la très-sainte Vierge la qualité de mère de Dieu.

Quoique nous devrions déplorer le malheur dans lequel les emportements de cet auteur le jettent, et que l'aigreur avec laquelle il parle toujours fasse bien voir qu'il n'y a

que la passion et nulle vérité dans ses discours, cependant il y a sujet d'espérer que les excès auxquels il s'abandonne ouvriront les yeux de ceux mêmes à qui il parle, et que Dieu se servira de ses propres discours pour désabuser les personnes qu'il veut enchaîner dans l'erreur, pour les traîner dans le précipice avec lui.

Les miracles qu'il prétend qui ont été faits dans les Cévennes et ailleurs, en leur faveur, s'ils sont véritables, sont en faveur des catholiques et non des protestants. Il dit qu'on a entendu dans les airs des voix angéliques et d'une mélodie charmante, aux lieux où le roi a fait abattre les temples et interdit l'exercice de la religion des protestants: et il prétend par là montrer que le Seigneur a témoigné qu'il condamnait ce qui avait été fait contre eux. Un chrétien peut-il soutenir une chose si éloignée de la conduite ordinaire de Dieu ? Est-ce qu'il témoignerait par des chants d'allégresse et de joie qu'il condamne la destruction des temples qui seraient destinés à le glorifier, et l'anéantissement de la vraie religion. Lorsque les prophètes, par l'ordre de Dieu, ont parlé de la ruine de Jérusalem et de son temple, n'a-ce pas été avec des paroles de lamentation et de douleur, et n'est-il pas visible que si l'on a entendu des chants et des cantiques de joie dans les lieux où les temples des protestants ont été abattus, Dieu a voulu que les esprits bienheureux, dont il s'est servi en cette occasion, aient témoigné qu'ils s'en réjouissaient, aussi bien que de la conversion de ceux qui ont abandonné la fausse religion, selon ce que Jésus-Christ a dit, qu'il y aurait de la joie dans le ciel et parmi les anges sur la conversion des pécheurs (en S. Luc, ch. XV, 7 et 10).

Les descriptions pathétiques, que cet ardent esprit nous fait des martyrs des Cévennes et d'autres lieux, lesquels ont été exécutés par les bourreaux ou exterminés par les gens de guerre, pour avoir été pris dans des lieux écartés, où ils avaient été séditieusement convoqués, ne font-elles pas voir les excès de ses discours?

Le roi a défendu à ses sujets, de la religion prétendue réformée, toutes assemblées et attroupements. Ils ont désobéi à sa majesté: est-il contre les lois de chât:er ceux qui n'obéissent pas à ce que le prince commande ou défend pour maintenir le repos public? Cet auteur fait un mérite du crime de ses désobéissants, et attribue à générosité religieuse leur soulèvement contre les ordres du roi, qui a été obligé d'envoyer des troupes, afin de contenir ces révoltés et d'empêcher leurs rébellions. Est-ce une chose fort extraordinaire que des troupes chargent des gens contre lesquels elles sont commandées? Y a-t-il de la cruauté de châtier, par les peines que les lois ont ordonnées, ceux qui sont pris les armes à la main contre l'autorité royale? Les premiers martyrs de Jésus-Christ se sont-ils jamais révoltés contre les empereurs, même païens? Ils n'ont pas obéi lorsqu'on leur a commandé de donner de l'encens aux idoles; mais ils n'ont point fait de

séditions ni de révoltes. Ils ont souffert la mort en priant Dieu pour les princes qui les faisaient mourir, et ils sont morts martyrs de Jésus-Christ, mais non pas comme des rebelles à leur souverain.

Outre ces désobéissances aux ordres du roi, par ces attroupements et ces assemblées dangereuses au repos public, quelques-uns de ceux que l'auteur des lettres pastorales dit avoir été punis avec cruauté, et qu'il fait passer pour des martyrs, sont des sacriléges. qui, ayant fait profession de la religion catholique, ont profané l'adorable Eucharistie par des actions qu'il rapporte lui-même dans ses lettres. Un roi chrétien et catholique estil fort coupable, ou, pour mieux dire, ses officiers ont-ils tort de venger l'honneur de Dieu, outragé par des actions d'une impiété qui fait horreur à ceux mêmes de la communion des protestants? Je dis à ceux mêmes de celte communion, car nous avons vu en Flandre, il y a peu de mois, des officiers suisses, protestants, condamner très-sévèrement et à de grands supplices, leurs soldats catholiques, profanateurs de notre adorable sacrement; sur ce principe, que ceux qui sont dans le sein de l'Eglise, où l'on adore la sainte Eucharistie, ne peuvent être considérés que comme des impies lorsqu'ils manquent de respect pour ce mystère. C'est une chose dont je suis moi-même témoin.

L'auteur des lettres se plaint avec beaucoup de force de la dureté que les troupes, et surtout les dragons, ont exercée envers ceux qui ne leur en donnaient aucun sujet. Cela peut être vrai; mais il est vrai aussi, que si par hasard il s'est passé quelque chose envers des innocents, de la maniere qu'il le rapporte, ç'a été contre l'intention de sa majesté, dont toute la terre connaît et admire l'extrême modération. Il est très-difficile d'empêcher que des gens de guerre ne se portent quelquefois à certains excès; mais si ceux dont on se plaint avaient été connus des commandants, ils les auraient assurément réprimés. Il se peut bien faire aussi, et il est très-probable que l'auteur des lettres exagère ce qu'il avance, par un zèle immodéré pour son parti, ou qu'il écrit sur de faux mémoires de quelque esprit emporté.

Le roi, dont Dieu par une grâce toute particulière, a affermi l'autorité légitime plus que celle d'aucun autre prince de la terre, n'a-til pas eu raison de prévenir les funestes effets que pourrait produire le prétexte de maintenir la religion dans laquelle les protestants ont été élevés dès leur enfance ? Le siége de la Rochelle et de tant d'autre villes, que le feu roi de très-glorieuse mémoire a été obligé de soumettre à son obéissance par la force de ses armes, et tant de guerres que ce grand prince a soutenues contre les protestants de son royaume, doivent faire encore trop d'impression dans nos esprits, pour ne pas justifier la fermeté dont Louis le Grand, son auguste fils, se sert en cette occasion.

L'antiquité n'a jamais blâmé les édits, quoique très-sévères de Constantin, d'Honorius

et des autres contre les hérétiques: peut-on ne pas louer le zèle du roi qui, sans violenter la créance intérieure, n'a puni que ceux qui ont désobéi à ce qu'il a commandé pour la tranquillité publique. On défie l'auteur de ces lettres intitulées Pastorales, de marquer un homme qui n'ait été coupable que du scul fait de la religion.

Mais après tout l'auteur de ces lettres, qui voudrait bien nous persuader les prétendus miracles qu'il nous raconte, et faire respecter comme des martyrs et des confesseurs ceux qui ont souffert quelque chose pour ces altroupements défendus par le roi, devrait au moins être d'accord avec les autres auteurs qui sont de sa communion. J'ai vu un livre composé par un protestant (intitulé du Pouvoir des Souverains), qui dit en plusieurs endroits que le prince peut faire des lois ou des ordonnances touchant l'exercice extérieur de la religion, auxquelles les sujets sont obligés en conscience d'obéir, pourvu qu'elles ne détruisent pas l'essentielle de la religion. Il déplore l'aveuglément de ceux qui croient être martyrs de Jésus-Christ en désobéissant à leurs princes, et dit qu'ils ne sont au contraire des martyrs que de leur propre opinion et de leur fausse générosité. Il établit cette maxime en tant d'endroits, qu'il serait ennuyeux de les rapporter en détail. Le lecteur pourra avoir recours au livre même. Or si son sentiment est vrai, l'on ne saurait désavouer, que le roi n'ayant rien ordonné que la séparation des assemblées des protestants, ont dû lui obéir. C'est donc, selon ce théologien, confrère de l'auteur des lettres, et bien éloigné de sa pensée, une pure illusion que les miracles et les martyrs qu'il nous vante eu faveur de la désobéissance criminelle des protestants des Cévennes et d'autres lieux, lesquels cet auteur du Pouvoir des Souverains qualifie au contraire d'hypocrisie et d'opinidireté.

Ces lettres pastorales recommencent à traiter les controverses, comme si jamais l'on n'en avait parlé; et au lieu de répondre précisément à tout ce qu'on a écrit contre la fausse doctrine des protestants, l'auteur expose les arguments cent fois invinciblement refutés. Comme il ne dit rien de nouveau, il n'y a pas d'apparence de s'attacher à y répondre.

J'ai publié il y a quelques années des mémoires touchant la religion, dans lesquels je crois avoir satisfait aux plus fortes objections de cet auteur, et principalement dans les réponses que j'ai faites à un ministre qui a écrit contre moi, et je ne pourrais ici dire que ce que j'ai déjà dit. Si je croyais que ces petits ouvrages méritassent d'être considérés, je prierais ceux qui verront cet écrit d'y avoir recours; mais j'aime mieux les inviter à la lecture des ouvrages qui ne sont pas de moi, parce que je les estime beaucoup plus que les miens.

Puisque l'anteur des lettres attaque particulièrement M. l'évêque de Meaux, M. de Pellisson et M. Nicole, ces grands hommes sauront bien venger la cause de Dieu et de son Eglise.

Ils l'ont déjà fait d'une manière à faire laire celui qui les provoque. J'exhorte ceux a qui il resterait encore quelque doute, à voir ce que ces savants auteurs ont si avantageusement écrit pour soutenir la vérité. Mais cependant on a cru qu'il ne serait pas mauvais d'exposer le vrai système de la religion chrétienne et catholique, afin de confondre tout d'un coup les protestants qui, n'ayant aucun principe certain, sont flottants et se laissent emporter à tout vent de doctrine (aux Ephés. ch. IV, v. 14), de faire voir l'injustice que ces contradicteurs emportés font aux catholiques, en leur imputant des sentiments tout opposés à leur créance, et de justifier en même temps ceux qu'ils appellent convertisseurs, croyant leur dire une injure, au lieu qu'ils ne peuvent leur donner un plus grand éloge. Voici donc ce système, tout naturel, sans figure et sans équivoque.

Il faut avant toutes choses être persuadé de la nécessité de l'existence de Dieu.

Les philosophes, qui n'avaient d'autre théologie que celle que leur raison leur apprenait, ont reconnu que la nature nous imprime à tous un sentiment de la divinité, duquel il est impossible de se défaire. Tous les hommes, hors un petit nombre d'athées ou qui font semblant de l'être, sont d'accord sur ce point.

Nous n'avons qu'à ouvrir les yeux. La structure du monde, l'ordre et la succession des saisons et des générations, la suite des jours et des nuits, de la lumière et des ténèbres, l'alliance des éléments, la composition des corps inanimés, les mouvements et les diverses opérations des animaux, leur nourriture et celle des plantes, la multiplication et l'accroissement des fruits de la terre, le vol des oiseaux, l'art de nager des poissons, et leur subsistance dans le fond des eaux, la pré voyance des bêtes pour leurs besoins et ceux de leurs petits, leur subordination à notre égard, le raisonnement des hommes, l'arrangement et la beauté des corps célestes, et tout le reste de ce qui fait l'objet de nos sens, de notre intelligence, des sciences, de notre admiration, dans l'ordre et la vicissitude du monde et de toute la nature, nous convainquent démonstrativement que tout ce que nous connaissons est l'ouvrage d'un être intelligent, et que le hasard n'a pu produire l'univers. Or cet être intelligent, auteur de toutes choses, est ce que nous appellons Dieu, indépendant de tout et de qui tout dépend.

Cette grande vérité supposée, nous avons mille arguments qui nous persuadent la divinité de Jésus-Christ. Dieu est infiniment parfait, et par conséquent la souveraine sagesse est de croire tout ce qu'il nous fait entendre. Or il nous fait entendre que Jésus-Christ est Dieu : il faut donc que nous le croyions. Que Dieu nous ait fait entendre que Jésus-Christ est Dieu, il est aisé de le prouver. Il nous l'a fait entendre par des miracles, et par l'accomplissement des prophéties, et comme il n'y a que Dieu qui puisse parler par des prophéties et par des miracles, parce qu'il n'y a que Dieu qui soit au-dessus des lois de la

nature: ils ensuit que Jésus-Christ est Dieu. Non seulement Dieu a fait des miracles d'une main invisible, pour prouver la divinité de Jésus-Christ; mais Jésus-Christ en a fait lui-même visiblement, et a encore donné à ses apótres le pouvoir d'en faire pour prouver cette même vérité, non seulement à ses apótres, mais encore aux hommes apostoliques et à plusieurs saints. Les apôtres, les hommes apostoliques et les saints ont persuadé la divinité de Jésus-Christ par ces miracles, en prêchant simplement, sans éloquence et sans ornement celle surprenante vérité, par la seule exposition des mystères; tout cela n'est pas humain il faut donc conclure que Jésus-Christ est Dieu.

Si Jésus-Christ est Dieu, tout ce qu'il a dit est véritable. Il a dit qu'il est Fils de Dieu, et que lui et son Père ne sont qu'un même Dieu : ainsi la divinité de Jésus-Christ prouve qu'il y a plusieurs personnes en Dieu mais elle ne prouve pas qu'il y ait plusieurs dieux : ce qui de toutes les erreurs est la plus grossière. Jésus-Christ est Dieu, puisqu'il parle et agit en Dieu : mais comme il a paru dans les actions humaines, taut qu'il à été sur la terre, et qu'il s'est lui-même appelé fils de l'homme, il faut encore conclure qu'il est Dieu et homme tout ensemble.

Il est vrai que l'unité d'une même essence en plusieurs personnes distinctes semble choquer la raison, aussi bien que l'union de deux natures si éloignées l'une de l'autre en une même personne: mais puisque Dieu a révélé ces grands mystères, il faut les croire et captiver notre esprit à l'obéissance de sa parole (Il, aux Corinth., ch. X, v. 5): car par sa sagesse et sa bonté infinie, il ne peut ni être trompé, ni nous tromper. Les catholiques et les protestants sont d'accord de toutes ces ineffables et suressentielles vérités (S. Denis, I, des Noms divins, c. I), comme elles sont appelées par les saints pères. Je les ai prouvées le plus clairement qu'il m'a été possible dans mes mémoires touchant la religion. Le sieur de Labbadie, savant protestant, a fait sur ce sujet un excellent ouvrage, et jusque-là nous sommes dans les

mêmes sentiments.

Il n'y a qu'un Dieu : Jésus-Christ est Dieu : tout ce que Dieu dit est véritable tout ce qu'il fait est juste, saint, adorable; voyons maintenant la conduite que cet Homme-Dieu a tenue pour composer la religion qu'il est venu établir en ce monde.

Il a commencé par composer une Eglise (en S. Matth., ch. XVI, v. 18), c'est-à-dire un corps de personnes soumises à sa doctrine.

Pour gouverner cette Eglise, il a appelé des apôtres qu'il a instruits, afin d'instruire et de conduire les autres (en S. Matth. ch. X, v. 1, et suivants; S. Marc, ch. III, v. 13 et 14; S. Luc ch.VI, v. 13 et suivants; S. Jean, ch. XVII, v. 8 et 14). Il les a instruits de vive voix : car Jésus-Christ n'a jamais rien écrit: mais il leur a expliqué ce qui est contenu dans les livres de Moïse et dans les autres de l'Ancien Testament, composés par des hommes inspirés de Dieu. Il leur a expliqué les mystères qui DEMONST. EVANG. III.

ne leur étaient pas assez intelligibles dans ces livres divins et surtout celui de son incarnation, de la rédemption du genre humain et de tout ce qu'il est venu opérer en ce monde, et leur a donné les règles de mœurs qu'il voulait être observées. Les apótres instruits par Jésus-Christ ont prêché les mêmes choses et les ont expliquées aux autres hommes, et de vive voix en vive voix ces vérités sont venues jusqu'à nous.

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On ne doit pas hésiter sur celle tradition, ni se persuader que ce soit une vaine idée qu'on se forme. Quand nous n'en aurions nulle preuve positive, la raison nous porte · rait à la croire. Les lois humaines, les règles du juste gouvernement des Etats et de la conduite que les hommes doivent avoir dans la société les exemples, qu'on tire des ac-tions passées, tout cela n'est qu'une tradition; cependant toutes ces choses sont nécessaires pour la conduite ordinaire des hommes. Pourquoi voudrions-nous que la seule reli-. gion dépendît de la lumière de chaque particulier, qui la règlerait comme il lui plairait ? Si Jésus-Christ l'a formée, il faut qu'elle vienne, et qu'elle coule depuis son auteur jusqu'à la fin des siècles.

Il est vrai que les hommes, qui conservent cette tradition, sont sujets à erreur, et que comme les lois humaines, les règlements des Etats et de la société civile 'se sont souvent altérés par la suite des temps, à cause de l'inconstance des hommes, on pourait dire aussi qu'il n'y aurait rien d'assuré dans la religion, si elle dépendait de cette tradition. L'objection semble être très-considérable à qui ne raisonne qu'humainement; mais si nous voulons un peu nous élever au-dessus de nous-mêmes, et faire réflexion que la religion est l'ouvrage de Dieu seul, sans que les hommes y aient d'autre part que celle de leur soumission, nous nous persuaderons aisément que Dieu n'abandonne pas cette tradition au caprice des hommes, et que sa Providence la conduit et la soutient: qu'ainsi elle ne saurait nous tromper, quelque inconstants que soient les hommes qui en sont les gardiens, et quelque sujets qu'ils soient à tromper et à être trompés.

Depuis la création du monde les hommes n'ont pas été sans religion jusqu'à Moïse, c'està-dire pendant près de deux mille cinq cents ans, selon la supputation ordinaire, ou plus longtemps, si celle d'un savant chronologiste, qui a donné depuis peu un très-bel ouvrage au public, est bien fondée. Cependant Moïse a été le premier écrivain. Ce n'a donc été que la tradition qui, pendant tant de siècles a soutenu la religion et la connaissance des vérités et des règles de mœurs par lesquelles Dieu voulait qu'on l'honorât, qu'on s'altachât et qu'on allât à lui.

Depuis Moïse jusque presque au temps de Jésus-Christ, les livres sacrés ont été écrits successivement ainsi les vérités n'ont élé écrites que les unes après les autres, et se sont conservées par tradition.

Jésus-Christ a parlé et n'a pas écrit, comme il a été déjà dit. Les apôtres et les évan(Dix-neuf.)

gélistes n'ont pas écrit d'abord, ni tous en même temps. La tradition a donc conservé la religion pendant ce temps, et rien ne nous persuade qu'elle ait été interrompue.

Cette vérité est si constante, qu'il faut que ceux mêmes qui sont le plus opposés à la tradition, en reconnaissent malgré eux la nécessité; car que peuvent dire les protestants, qui sont si soulevés contre la tradition lorsqu'on leur représente qu'ils ont les mêmes symboles de foi que nous avons ? Les trouve-t-on dans l'Ecriture sainte ces symboles? Nous les y trouvons par des conséquences, par analogie, par de justes interprétations; mais nous ne les y trouvons pas dans le même arrangement des termes dont ils sont conçus. Cependant nos frères séparés les regardent comme la règle de leur foi. Ils ne les ont pourtant que par tradition. Qui leur a dit qu'on peut et qu'on doit bap, tiser les enfants incapables d'instruction? que le baptême des hérétiques est un vrai sacrement? qu'au lieu du samedi, septième jour de la semaine, il faut sanctifier le dimanche qui est le premier? Qui a consacré le terme de consubstantialité entre les personnes divines? Qui a appris aux protestants que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils? J'avoue que tout cela est en substance dans l'Ecriture; mais l'on n'y trouve pas ces articles formellement, et nous avons besoin de la tradition pour les croire; les protestants les croient néanmoins comme nous. Il en est de même de beaucoup d'auIres vérités qu'ils professent et qu'ils ont reçues de main en main depuis les apôtres jusqu'à nous. Comment même pourraientils se fonder sur l'Ecriture sainte sans la tradition, et n'est-ce pas par la tradition que nous sommes assurés que l'Ecriture nous est conservée dans sa pureté, sans que les hommes l'aient altérée dans l'essentiel des vérités du salut qu'elle contient.

Si le Saint-Esprit a été envoyé aux apôtres pour leur apprendre toute vérité (S. Jean, c. XVI, 13), pour leur développer les mystères, à l'intelligence desquels leur grossièreté naturelle s'opposait, nonobstant les instructions qu'ils en avaient déjà reçues de Jésus-Christ, et pour leur inspirer de mettre par écrit ce qu'ils avaient appris de sa bouche ç'a été afin que l'Ecriture vint au secours de la tradition (S. Paul, II Thess., c. II, 14), sans pourtant vouloir interrompre la tradition, qui doit aussi secourir l'Ecriture, en expliquant ce que Dieu a permis qu'il y demeurât d'obscur pour nous humilier et pour nous faire comprendre le besoin continuel que nous avons des secours du ciel et de ses lumières : ce qui fait même, qu'encore que la tradition et l'Ecriture se secourent réciproquement, nous ne laissons pas souvent d'hésiter sur l'une et sur l'autre et c'est pourquoi il y a eu tant d'hérésies. Mais pour notre entière consolation, et pour nous affermir sans crainte dans la religion, Jésus-Christ, outre la tradition et l'Ecriture, nous a donné l'Eglise, qui nous explique clairement l'une et l'autre, au tribunal de

laquelle nous devons avoir recours dans nos doutes et sur nos controverses, et qui est la fidèle et infaillible dépositaire des vérités révélées.

Cette Eglise peut être considérée comme le corps de tous les fidèles. Dans cette considération, elle ne peut errer, et il est impossible qu'un sentiment embrassé par tous les fidèles soit faux, parce que ce corps est le corps mystique dont Jésus-Christ est le chef qui le conduit. Cette Eglise est aussi ordinairement considérée dans les personnes des pasteurs qui ont reçu le pouvoir du régime et de l'instruction qu'ils ont hérité des apotres, qui l'ont reçu immédiatement de JésusChrist (Ezéch., c. XXXIV; S. Jean, c. X, v. 11 et suivants, c. XVII, 18; Actes, c. XX, 28; Rom., c. XII, 7-8; Ephés., c. IV, 11).

L'union des pasteurs et leur consentement unanime dans la même doctrine, soit des mystères, soit des règles de morale et des commandements de Dieu, nous représente l'Eglise, parce que les pasteurs sont gardiens (Malach., c. II, 7) des vérités qu'ils doivent prêcher aux autres, qu'ils ont la clé de la science et doivent être regardés comme ceux que Dieu a établis pour gouverner les fidèles avec certitude et sans erreur, et enfin comme ne faisant qu'un seul pasteur avec JésusChrist (S. Jean, c. X, 16).

Comme les rois contiennent éminemment leurs Etats, de même les pasteurs représentent et contiennent l'Eglise. Or Jésus-Christ a dit à ses apôtres qu'il veut qu'on écoute cette Eglise, à moins d'être regardé comme paien (S. Matth., c. XVIII, 17); et, pour ne pas obliger inutilement les fidèles à cette soumission, il a protesté que les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle (S. Matth.. c. XVI, 18), c'est-à-dire que l'esprit d'erreur ne corrompra jamais sa doctrine universelle et qu'elle sera la colonne et le soutien de la vérité (I Timoth., c. III, 15). C'est de cette Eglise que nous devons apprendre les vérités du salut, mais les apprendre sans aucun soupçon qu'elle puisse nous tromper: car Jésus-Christ a déclaré, comme il a déjà été dit, que cette Eglise est un corps dont il est le chef (Ephés., c. V, 23) et qu'il assistera de son esprit jusqu'à la fin du monde (Coloss., c. I, 18; S. Matth., c. XXVIII, 20).

Cette Eglise fait donc la sûreté de notre foi, et cette vérité est transmise de main en main depuis Jésus-Christ jusqu'à nous. Ceux qui enseignent les enfants, après leur avoir proposé qu'il y a un Dieu (vérité dont on est bientôt persuadé quand on explique bien ce que nous n'avons dit que fort succinctement ci-dessus) et après leur avoir inspiré aussi la créance de la divinité de Jésus-Christ, Dieu-Homme, notre Sauveur, leur font entendre que ce Dieu - Homme a formé une Eglise qui est la règle de la foi et Dieu qui. par une providence particulière soutient cette tradition, fait par les lumières et les secours de sa grâce que l'on commence à être parfaitement fidèle en se soumettant à la voix de l'Eglise. Eglise qui doit être visi

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