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est toujours faible et imparfaite; et nous sommes tous obligés de dire: Je crois, Seigneur, subtenez à mon incrédulité. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire de dire: L'Eglise est infaillible, ni je suis infaillible. La réponse est aisée. Autre chose est, douter et pécher par tentation et par les mouvements de la chair et du sang: autre chose, douter et pécher par résolution et par principe. Gelui qui doute et qui pèche de la première sorte, est homme, mais chrétien, et que Dieu veut quelquefois rendre plus chrétien, en lui faisant sentir sa propre faiblesse. Celui qui doute et pèche par résolution et par principe. on peut dire avec vérité qu'il n'est pas chrétien: car il a conclu et résolu en son cœur qu'il doit toujours douter et pécher, et n'avoir jamais cette certitude divine de ce qu'il faut croire et faire, que nous appelons foi; ou plutôt il s'est fait une certitude contraire, qu'il ne faut point avoir celle-là. Quant à nous qui faisons une profession sincère et véritable d'être chrétiens, nous disons: Je crois; pour marquer que nous avons cette certitude divine, nous ajoutons: Seigneur, subvenez à mon incrédulité; pour demander le secours de Dieu contre notre faiblesse, et en même temps marquer une seconde fois que nous sommes pourtant résolus et déterminés de croire: Jurari et statui custodire judicia justitiæ tuæ. J'ai juré et résolu, Seigneur, de vous suivre et de vous croire. Quand la chair et le sang douteraient en moi, je renonce à la chair, au sang; mon entendement et ma volonté ne douteront point (Psal. CXVIII). Pour avoir cette certitude divine, il faut avoir une révélation infailli– ble, qui est l'Ecriture sainte, et une explication infaillible entre les chrétiens qui en disputent. C'est pourquoi il faut de nécessité ou dire, l'Eglise esi infaillible, ou dire, je suis infaillible.

SECTION X.

Conseils pour sortir de ces difficultés. Premier conseil.

I. Quels conseils donnerons-nous à nos frères pour sortir de tant de difficultés ? Serace simplement de croire et de ne point raisonner; c'est trop dire ou ce n'est pas dire assez; et nous ne les persuaderons pas. L'essence de l'homme étant d'être raisonnable et de raisonner, ils ne sauraient s'empêcher de commencer par là en toutes choses. Mais il y en a où sa raison lui dit elle-même qu'elle ne peut ni ne doit alier plus avant; de sorte qu'alors c'est par raison qu'il ne raisonne plus.

II. Notre premier conseil sera donc, puisqu'ils sont résolus à cet examen, qu'ils raisonnent sur la religion catholique, mais comme ils raisonnent sur la religion chrétien ne, examinant non le fond des choses, mais l'autorité qui nous les a données : parce que la religion est beaucoup moins raisonnement et discours, que révélation et autorité et qu'en ces rencontres la lumière naturelle qui est en nous, nous fait faire seulement

les premiers pas pour nous mener à une lmière surnaturelle et plus grande.

III. Quand nous voulons étre chrétiens par raison, nous n'examinons point les my stères, mais la manière dont ils sont venus jusqu'à nous, et nous nous disons à nousmêmes : La nature prouve invinciblemer. qu'il y a un Dieu; elle prouverait même par des conséquences nécessaires qu'il n'y en peut avoir plusieurs. Je vois néanmoins les païens et les Juifs opposés d'abord sur ce sujet. La religion judaïque réduite à un ptá coin du monde, souvent opprimée et quelquefois menee, pour ainsi dire, en triomphe et en captivité par la païenne, a toujours eu pourtant le courage de dire qu'elle abolirat et détruirait son ennemie, quand un certain temps qu'elle marquait, serait venu; et qu'alors son Dieu unique serait adoré par tout l'univers. Elle a tenu ce qu'elle avait promi; et afin que l'on ne puisse douter si c'est l'effet d'une puissance divine, douze pécheurs sans étude, abandonnant leur nacelle et leurs filets sur le lac de Galilée, ont entrepris ce grand ouvrage. Ils vont prêcher à toutes les nations, que le Messie promis est venu, et avec lui, le salut du monde; qu'ils ne parlent point par ouï-dire; que ce Messie a vécu parmi eux, Dieu et homme tout ensemble; toutpuissant d'un côté, tout faible de l'autre ; dans les miracles et dans les souffrances ; qu'il est mort, qu'il est ressuscité; qu'ils l'ont vu et touché depuis sa résurrection; qu'ils on bu et mangé avec lui; qu'il leur a parlé en montant au ciel; que c'est par son commandement qu'ils publient tant de merveilles ; qu'il faut, pour obéir et pour plaire à ce Dieu crucifié, se crucifier soi-même, renoncer aux plaisirs, fouler aux pieds l'ambition, dompter l'amourpropre et l'orgueil humain, se haïr soi-même, n'aimer que lui. Les païens s'en moquent. les philosophes, c'est-à-dire ceux que l'on croit les plus sages, en rient un peu plus que les autres (I Cor., 1, 23). Les Juifs passent plus loin; ils ont horreur de ce Dieu puni du dernier et du plus infâme supplice. Toute la puissance humaine se déclare contre lui et contre ses disciples qu'elle traite d'ignorants et de visionnaires, ou plutôt d'imposteurs. qui viennent troubler toute la terre. Ils n'ont ni armée, ni argent, ni désir d'en avoir; leur patience est toute leur force; la pauvrele et la mortification font leurs délices; l'opprobre leur sert d'honneur. Ils meurent pour celui qu'ils adorent, sans se démentir; et l'un n'a pas plus tôt répandu son sang, que mille autres prennent sa place. Cependant ils préchent toujours; et leurs arguments sont très-souvent des miracles. La raison est convaincue de ce qu'ils disent, parce qu'elle ne peut douter de ce qu'ils font. La philosophie se confond devant eux, la chair obést, la puissance se soumet; et le monde qui détestait le nom de chrétien, est déjà chrétien lui-même. Nous ne saurions prendre pour des fous ces premiers témoins qui parlaient de ce qu'ils avaient vu une sagesse divine éclate dans leurs écrits; leur conduite a fait connaître qu'ils n'étaient ni méchants, ni in

téressés. Voilà tout ce qu'il faut pour les croire. Se pourrait-il faire d'ailleurs qu'une illusion ou une imposture eût produit ce que la religion chrétienne a produit au monde, c'est-à-dire la perfection de la morale et de la vertu? Ce serait le plus grand des miracles si un changement si prodigieux s'était fait par de si faibles moyens, sans de très-grands miracles. Nous ne les voyons pas, mais nous en voyons l'effet; et un succès si extraordinaire leur sert de preuve. Nos pères en ont été instruits par nos aïeux, nos aïeux par les leurs, et ceux-là par les leurs encore, jusques au temps de ceux qui ont fait ou qui ont vu ce que nous admirons. Ou rien n'est prouvé parmi les hommes, ou ces faits sont prouvés.

IV. Voilà ce que notre raison nous dit, lorsqu'elle entreprend de nous faire chrétiens, et jusques où elle nous conduit. Quant aux mystères que ces premiers témoins ont prêchés et que leurs successeurs prêchent encore la Trinité, l'incarnation, la rédemption, la résurrection, elle s'en tait, elle s'arrête sur le bord de ces abîmes; et, tout étonnée, elle avoue seulement que, se comprenant à peine elle-même, elle ne doit point comprendre cette raison éternelle et infinie, dont elle n'est qu'une image très-imparfaite, et qui ne tire pas, comme elle, une chose obscure et incertaine d'une autre qu'elle croit claire et certaine; mais à qui tout est également clair et certain.

V. Tiendrons-nous une conduite toute différente et tout opposée, pour examiner si nous serons catholiques? et commenceronsnous en sondant les profondeurs de Dieu sur l'eucharistie, sur la grâce, sur la prédestination, sur la justification, sur l'état des anes après la mort, sur celui des saints qu'il a reçus en sa gloire? Pourquoi diviser ce qu'une même autorité nous a donné tout ensemble? Nos aïeux ont tout reçu également de leurs aïeux, ceux-là des leurs, et ceux-là des leurs encore, jusques au temps de ceux qui ont fait ou qui ont vu les premiers miracles.

VI. Il y a plus ces anciens miracles sont confirmés de temps en temps, et jusques en nos jours, par de nouveaux miracles dans l'Eglise catholique. Nos frères avouent ingénument et de bonne foi qu'ils n'en ont aucun à nous opposer. L'incrédulité peut rejeter les nôtres, puisqu'elle rejetait ceux de N. S. même : mais nous savons que l'Eglise n'en reçoit et n'en autorise aucun aujourd'hui qu'après des enquêtes et des informations très-exactes. Nous nous déterminons tous les jours sur tout ce qu'il y a de plus important au monde par des témoignages sans comparaison moindres; et par conséquent nous pouvons dire avec confiance, comme nous faisons en général sur la religion chrétienne: Ou rien n'est prouvé parmi les hommes, ou ces faits sont prouvés. Que nous faut-il davantage? Nous sommes catholiques par la même raison et par la même autorité qui nous avaient fails chrétiens.

SECTION XI.

Deuxième conseil. Ceux qui ne se trouvent pas assez de lumières pour cet examen, doivent suivre la lumière générale et commune, et l'autorité du grand nombre.

1. Mais, dira quelqu'un, ce n'est pas la même chose. Les mystères que je reçois comme vous, sans les examiner, ont été toujours crus par tous les chrétiens. Ceux que je rejette n'ont pas été crus par les premiers siècles de l'Eglise je ne puis donc les recevoir sans les examiner. Nous pourrions répondre que c'est précisément la même chose ; car les mystères qu'on reçoit sans examen ont aussi fait des hérésies et des sectes grandes, étendues, puissantes, comme nous l'avons déjà dit. Mais ici nous n'avons dessein que de donner quelque conseil utile à nos frères; ne nous écartons pas. Nous en som-mes à cet examen, et de l'Ecriture et de la créance des premiers siècles sur chaque article. Ils le veulent faire, et pour la plupart ils s'en reconnaissent incapables. En cet état de choses, que peuvent-ils faire de plus sage et de plus sensé que ce qu'ils font en toutes les occasions à peu près semblables? Ont-ils un procès fort embarrassé qu'ils n'entendent pas? ils consultent; trouvent-ils deux avis? ils assemblent plus de consultants; trouventils vingt avis contre un, entre des personnes à peu près également instruites et habiles qui jugent sur les mêmes pièces et sur les mêmes faits? ils suivent sans hésiter les vingt avis contre cet avis singulier. Ils en usent de même dans une maladie dangereuse s'ils en sont attaqués, dans leur commerce, dans le travail de leurs terres et de leurs jardins, dans l'exercice de leur art ou de leur métier; en un mot, partout où leur lumière particulière se sent et se trouve courte, elle a recours à la lumière générale et commune. Qu'ils en fassent ici de même; qu'ils suivent sur chacun des points qu'ils veulent examiner ce qui a plu au grand nombre des chrétiens, au grand nombre des savants, après un profond examen de ces matières; et ils se réuniront à nous.

SECTION XII.

Le savant ne peut mieux faire que de suivre le même conseil. Il est obligé d'y revenir malgré lui.

I. Notre savant (peut-être superbe) ne s'ac commodera pas de ce conseil. Ce n'est pas à lui à faire ou à croire comme les autres; c'est aux autres à faire ou à croire comme lui. Tâchons de nous élever avec lui-même, et faisons-lui remarquer, s'il nous est possible, que, par les propres principes de son savoir, toute la certitude humaine, celle des sens, celle des lumières naturelles, celle des mathématiques, celle de toutes les sciences, telle qu'on la peut avoir, celle de toute la sagesse politique et humaine, est fondée sur cette autorité du grand nombre; et que cette autorité a un fondement éternel et inébran→ lable, c'est-à-dire Dieu même.

II. Nous lui demandons en premier lieu, pourquoi il croit que la neige est blanche, encore que six ictériques qui sont dans Paris la trouvent jaune? C'est, nous dira-t-il assurément, que six particuliers ne peuvent pas être opposés à six cent mille. Quelque accident peut avoir altéré en ces six particuliers le sens et l'organe de la vue. Mais ce ne serait plus accident, ce serait nature, s'il était altéré en six cent mille, et ne se trouvait bien sain et bien entier qu'en six. Pourquoi non, lui répliquerons-nous? car nous ne cherchons point ici qui est le plus fort; et l'on sait assez que six cent mille en battront six. Mais il ne s'ensuit pas que six cent mille voient mieux que six ; et l'on pourrait présumer au contraire que ce grand et rare présent du ciel n'a été donné en sa perfection qu'au petit nombre, et refusé au plus grand. Pour ne nous point étendre davantage, il rejettera lui-même comme nous cette pensée frivole, et trouvera en s'examinant Je plus près, que cette autorité qu'il donne au grand nombre et cette certitude de ses propres sens est fondée sur un principe profondément gravé dans son cœur comme dans le nôtre, qui est que le hasard n'a point fait nos sens que c'est un ouvrier tout bon qui ne s'est point trompé dans son ouvrage; qui n'a point aussi voulu nous tromper. Si le hasard, disait autrefois Aristote, avait fait les astres, s'il avait fait l'olivier et le figuier, il ferait aussi quelquefois que les astres changeraient leur course, que l'olivier produirait une figue et le figuier une olive. Nous pouvons dire avec autant de vérité Si le hasard avait fait nos sens, le hasard ferait que la neige paraîtrait tantôt jaune, tantôt noire, tantôt blanche, et de mille autres couleurs, et presque aussi souvent l'un que l'autre. Si nous faisons que l'ouvrier de nos sens soit malhabile, il aura pu mal réussir sans dessein; si nous le faisons malin, il aura peut-être pris plaisir à nous abuser et à se moquer de nous; et nous verrons ordinairement, non pas ce qui est, mais ce qui n'est pas. O principe éternel de toutes choses! & principe tout intelligent et tout bon! Non seulement il est certain que vous êtes, mais que si vous n'étiez pas, nous n'aurions rien de certain. J'adore dans la certitude de mes propres sens la certitude de votre être, de votre sagesse et de votre bonté; et je comprends aisément qu'il n'y a rien de vrai que par vous, qui êtes la vérité même.

III. Nous n'avons plus qu'à suivre cette même pensée, sans nous y étendre beaucoup. Après la certitude des sens vient la certitude des lumières générales répandues dans tous les esprits, en tous les climats, parmi tous les peuples; dont néanmoins quelques extravagants se sont moqués, et dont nous n'aurions aucune certitude sans l'autorité du grand nombre, sans cet ouvrier tout intelligent et tout bon qui a fait nos esprits comme nos sens, et qui à gravé en tous ces premiè res vérités, comme pour marquer son ouvrage. La certitude des mathématiques n'a point

d'autre fondement; tous ceux qui s'y sont a pliqués conviennent des mêmes vérités. & sont, pour ainsi dire, des lumières générale et naturelles dans le monde mathématicies Quelque extravagant toutefois en pourra douter; mais s'il disait vrai, l'ouvrier de esprits en tous les mathématiciens eût été os malhabile ou malin. Il se pourra faire encore qu'un très-grand peuple qui ne sera pas mathématicien, qui n'aura pas été instruit, et qui n'aura pas les mêmes moyens et les mêmes instruments, doutera de ces vérités, ou ne les pourra comprendre mais cela ve fera rien contre l'autorité du grand nombre; il suffit qu'on la reconnaisse toujours, à armes égales, pour ainsi dire, entre personnes qui emploient la même raison et les mêmes instruments. La certitude est sans comparaison moindre dans les autres sciences, et ne mérite presque pas d'être appelée ainsi, parce que le même consentement des esprits ne s'y trouve pas; leurs sentiments y sont ordinairement fort partagés; l'ouvrier s'est déclaré qu'en cela il aimait mieux les exercer que les instruire, abandonnant l'univers à leurs disputes. Mais en général, ce qu'il y aura de moins incertain dans les sciences, sera assurément ce qui aura été le plus gé néralement reçu et approuvé par les savants, à prendre ensemble toutes les nations et tous les siècles discussion difficile à la vérité, mais dont Dieu a cru que nous pouvions nous passer. Enfin, il faut renoncer au raisonnement, ou il faut avouer qu'ordinairement, communément, le raisonnement est droit et bon à cause de cet ouvrier intelligent et bon qui l'a formé. La règle qui par son propre défaut ferait la ligne droite deux ou trois fóis, et deux ou trois cents fois la ferait courbe, ne serait pas règle, mais dérèglement; il se faudrait bien garder de s'en servir. La raison qui ne rencontrerait qu'en deux ou trois, et se tromperait en deux ou trois cents ne serait pas raison, mais folie; il ne faudrait plus raisonner, qui est la plus grande extravagance qu'on puisse dire en raisonnant.

IV. Toute la conduite des choses humaines n'a point d'autre fondement que celuilà. Pourquoi les conseils auprès des rois? Pourquoi la justice dans tout l'univers à la pluralité des suffrages? Pourquoi dans cette justice, quand il s'agit même de la vie et de la mort, deux ou trois témoins l'emportentils sur un, trente ou quarante sur deux ou trois ? C'est qu'ordinairement, communé ment, régulièrement les esprits sont droits; l'ouvrier tout intelligent et tout bon les a pour le moins faits tels, encore que quelquefois et par accident ils se pervertissent euxmêmes.

V. Nous ne compterons pour rien, en matière de religion, la multitude des païens qui se perdaient, opposée au petit nombre des Juifs qui se sauvaient, quoique nos frères se servent quelquefois de cet exemple. C'est cette multitude de peuple dont nous parlions ci-dessus, opposée au petit nombre des mathématiciens, et qui ne rend pas leurs véri

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tés moins certaines. Les païens n'avaient pas les mêmes moyens et les mêmes instruments que le peuple juif; ils manquaient de révélation et de grâce. Mais que dans ce peuple élu, autrefois juif, maintenant chrétien, qui a les mêmes instructions et les mêmes instruments, la même révélation, la même Ecriture sainte, les mêmes sacrements, quelque petit nombre seulement ait trouvé la vérité que le grand nombre a perdue; et cela, non pas par leurs passions et par leur faute, mais par le défaut de leurs esprits et de la lumière que Dieu leur a donnée: nous le dirons hardiment, si nous le pensions, nous croirions nous en prendre à cet ouvrier tout intelligent et tout bon, et dont la bonté doit encore plus éclater dans la grâce que dans la nature. Car de nous opposer que le grand nombre qui se trompe entre les chrétiens est prévenu par ses passions et par ses intérêts, intérêt on voit assez que par passion et par quelqu'un le peut soutenir ainsi : mais qu'au fond ce n'est ni la source, ni le motif, ni le sujet de nos disputes; et que ces défauts naturels de l'humanité corrompue, à la honte .de la véritable religion, règnent également au dedans et au dehors de l'Eglise, ni les catholiques assez souvent ne vivant en catholiques, ni les prétendus réformés en réformés.

VI. Notre savant, quand il ne le voudrait pas, est contraint de revenir à ce principe du grand nombre pour trouver quelque certiLude. Car s'il s'élève quelque secte nouvelle dans sa communion, comment fera-t-il? II assemblera un consistoire, un colloque, un synode provincial, un national, un général de toutes les nations, comme celui de Dordrecht. Le grand nombre décidera contre le petit, sur ce fondement éternel de l'ouvrier tout intelligent et tout bon: n'étant pas possible que la lumière qu'il nous a donnée, et particulièrement en des choses si nécessaires, se trompe et nous trompe le plus souvent. Sans ce fondement inébranlable, point de connaissance certaine, point de société, point de religion surtout. Car quiconque prend un fondement contraire, il ne lie pas les esprits ensemble, il les délie; il permet ou, pour mieux dire, il ordonne à chacun de croire et de faire ce qu'il lui plaira : et nous ne pouvons assez déplorer l'erreur de nos frères, qui en ôtant toute autorité au grand nombre, condamnent en l'Eglise catholique un principe dont leur propre Eglise ne saurait se passer.

SECTION XIII.

Il n'aura pourtant pas de certitude divine, s'il n'établit une infaillibilité qu'il doit chercher. Peut-être l'a-t-il déjà trouvée par les conséquences nécessaires de ce qui a été prouvé ci-dessus. Pourquoi on traite d'autres questions, celle de l'Eglise pouvant suffire.

toutefois, tant que I. Nous l'avouons Fignorant et le savant ne se détermineront que par l'autorité du grand nombre, encore

qu'ils ne soient pas loin du royaume des
cieux, il leur manquera un grand point pour
être parfaits (Marc., XII, 34.). Ils n'auront
qu'une certitude humaine, non pas divine,
et le savant lui-même, après tout son grand
travail, ne pourra pas dire comme il dit: Je
suis infailliblement assuré d'être sauvé; ni
comme nous disons: Je suis infailliblement
assuré d'être dans le chemin du salut; ou bien
il faut qu'il fasse ce raisonnement dont il a
honte : L'Eglise n'est pas infaillible, mais moi
je suis infaillible. Qu'il cherche donc tant
qu'il lui plaira (car nous n'avons là-dessus
ni conseil ni expédient à lui donner); qu'il
cherche deux jnfaillibilités, dont il n'en a
qu'une, l'infaillibilité de révélation qu'il a
déjà comme nous dans l'Ecriture sainte; l'in-
faillibilité d'explication, dont il a encore be-

soin.

II. Mais pourquoi chercherait-il ce qu'il a déjà trouvé, au moins si nos propositions précédentes sont véritables et s'il n'a pu leur refuser son consentement? En effet, s'il est vrai que le pouvoir d'excommunier soit toujours dans une Eglise visible, parce que l'invisible n'excommunie personne, si ce pouvoir d'excommunier ferme le ciel; s'il ne peut être en même temps en deux Eglises opposées et contraires en sentiments, parce qu'elles s'excluraient mutuellement du salut; si, par conséquent, la vérité essentielle au salut n'a jamais pu commencer d'être partagée entre deux Eglises visibles, ne s'ensuit-il pas que dès le commencement, que jusques à nous, que jusques à la fin du monde, l'Eglise visible a été, est encore, doit être éternellement en possession de toute la vérité essentielle au salut? Et n'est-ce pas là être infaillible?

III. Mais, dira quelqu'un encore, et quelqu'un l'a déjà dit en voyant ces mémoires, l'argument prouve trop; et ce traité que vous nommez général ou introduction à tous les autres, les rendrait tous inutiles. L'inconvénient serait médiocre. Plût à Dieu que ce malheur nous fût arrivé! Il est très-vrai que la question de l'Eglise, qu'on ne touche ici qu'en passant, juge toutes les autres. IL ne faudrait, devant un tribunal légitime, que cette seule fin de non-recevoir, ou que cette prescription, comme parle Tertullien en jurisconsulte. Mais ici, malheureusement, nos parties elles-mêmes (c'est ainsi que nous appelons à regret nos frères) sont les juges que nous voulons persuader. Ayons pour eux toute la complaisance que la vérité et la charité jointes ensemble nous peuvent permettre. Ils sont prévenus de ce sentiment, que l'Eglise n'est pas infaillible, puisqu'elle a failli, comme ils le prétendent: suivons-les où ils fuient pour s'éloigner de nous, car nous ne voulons pas qu'ils s'en éloignent C'est assez d'avoir marqué la fin de non-recevoir, et d'en avoir protesté, pour y revenir encore, si on le croit nécessaire. Quand nous aurons examiné le fond des questions, en commençant par le grand et principal point qui nous sépare; peut-être trouveront-ils avec nous que l'Eglise est infaillible, puis

que parmi tant d'hérésies elle n'a jamais failli; et qu'elle n'a jamais failli parce qu'elle était infaillible. On a dit à l'honneur des Aphorismes d'Hippocrate, que c'était par là que commençait l'étude de la médecine, que c'était par là qu'elle finissait. On peut dire avec plus de vérité encore, que c'est par la question de l'Eglise que commencent et que finissent toutes les conversions véritables.

Mais c'est vous, Père éternel, Père des miséricordes, qui commencez et qui finissez en nous votre propre ouvrage.

Fils éternel, Fils bien-aimé, c'est vous qui par amour pouvez tirer toutes choses au Père et à vous.

Esprit éternel et saint, c'est vous qui touchez les esprits.

Unité que nous adorons en la Trinité, il n'appartient qu'à vous de réunir au grand et véritable corps des chrétiens tous ceux qui vous adorent et qui vous invoquent.

Pour les péchés des hommes, Seigneur, Vous avez justement affligé votre Eglise de tant de schismes veuillez la consoler pour l'honneur de votre nom même.

Le grand roi que vous nous avez donné, comblé de tant de bénédictions, couronné de tant de gloire, fait sa plus grande gloire pourtant de n'être que votre image que ses soins et ses travaux ne soient aussi qu'une légère image des vôtres.

Qu'on vous reconnaisse, qu'on vous obéisse en lui, d'une obéissance véritable et sincère.

Pasteur des pasteurs, ne courrez-vous point après ces brebis égarées, soit qu'elles vous cherchent, soient qu'elles vous fuient?

Et que deviendra cette bonté infinie qui vous a fait mettre jusques à votre vie pour elles (Jean, X. 11)?

Encore que tout le troupeau ne puisse vr vre sans vous, si vous écoutez ses vœux e ses souhaits vous le quitterez plutôt que d'abandonner celles qui périsssent (Ezéct, XXXIV).

Fortifiez, Seigneur, ce qui est infirme guérissez ce qui est malade, rétablissez ce qui est démis ou rompu, rapportez sur vos épaules ce qui n'est pas en état de vous sur vre (Luc., XV. 5.).

Vos entrailles ont été émues de compassion (Matth., XIV, 14. éonkayyvison et, XV. 32). quand vous avez vu une grande multitude errante après vous au désert, comme brebis sans pasteur, prête à défaillir en chemin, si on la renvoyait sans nourriture (Marc., VI, 34).

Vos apôtres doutaient, mais cinq pains se sont multipliés entre vos mains pour se partager à cinq mille personnes, et demeurer néanmoins en plus grande abondance qu'auparavant.

Pain descendu du ciel, pain du ciel, pain de vie, pain vivant (Jean, VI), il ne vous est pas plus difficile de vous multiplier vous-même pour la nourriture de vos fidèles, sans qu'il y ait aucun changement en vous.

Que le cœur de nos frères brûle en eux, quand vous leur expliquerez les Ecritures qu'ils croient entendre, et n'entendent pas (Luc, XXIV). Obligez-les de vous désirer, alia qu'ils vous forcent de demeurer avec eux.

Que leurs yeux soient ouverts à la fin pour vous reconnaitre en la fraction du pain; et que, tous ensemble, en ces sacrés symboles d'union et de paix, ou plutôt en votre propre corps et en votre propre sang, nous ne soyons qu'un avec vous, comme vous n'êtes qu'un avec votre Père céleste (Jean, XVII. 22).

DE L'EUCHARISTIE. SECOND TRAITÉ

SECTION PREMIERE.

Il est à propos de resserrer la matiere. Trois parties de la dispute sur la présence réelle. Une clé pour chacune.

I. Plus on a étendu ordinairement cette grande et importante matière de l'eucharistie, plus il est à propos de la resserrer. Peu de personnes lisent les gros volumes; peu de ceux qui lisent peuvent démêler le principal d'avec les incidents, et tirer de tant de conclusions particulières la conclusion générale qui est le but de tout l'ouvrage. Il en arrive comme des cartes de géographic, quand elles passent une certaine mesure: tout y est, mais nos yeux ne sauraient plus le découvrir. Ce n'est que par des raccourcis qu'on se forme quelque idée un peu juste, ou du tout, ou de chacune de ses parties.

II. La question de la présence réelle le

décide et entraîne toutes les autres, comm on le verra par les suites, et cette question a trois parties qui sont le sujet de trois lengues disputes.

La première est la vraisemblance, possibilité ou impossibilité des opinions différentes, selon le sens humain.

La seconde, l'Ecriture sainte.
La troisième, les Pères.

III. En chacune de ces disputes il y a un moyen général de parvenir à la décision el qui en est comme la clé : nous l'appellerons de ce nom abrégé.

La clé de la première dispute sur la vraisemblance, possibilité ou impossibilite, es celle-ci par les principes communs à tous les chrétiens, un vraisemblable ordinaire cu cette matière n'est point vraisemblable: il y faut un vraisemblable merveilleux. Le mer veilleux de Calvin est véritablement impas

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