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que parmi tant d'hérésies elle n'a jamais failli; et qu'elle n'a jamais failli parce qu'elle était infaillible. On a dit à l'honneur des Aphorismes d'Hippocrate, que c'était par là que commençait l'étude de la médecine, que c'était par là qu'elle finissait. On peut dire avec plus de vérité encore, que c'est par la question de l'Eglise que commencent et que finissent toutes les conversions véritables.

Mais c'est vous, Père éternel, Père des miséricordes, qui commencez et qui finissez en nous votre propre ouvrage.

Fils éternel, Fils bien-aimé, c'est vous qui par amour pouvez tirer toutes choses au Père et à vous.

Esprit éternel et saint, c'est vous qui touchez les esprits.

Unité que nous adorons en la Trinité, il n'appartient qu'à vous de réunir au grand et véritable corps des chrétiens tous ceux qui vous adorent et qui vous invoquent.

Pour les péchés des hommes, Seigneur, vous avez justement affligé votre Eglise de tant de schismes veuillez la consoler pour l'honneur de votre nom même.

Le grand roi que vous nous avez donné, comble de tant de bénédictions, couronné de tant de gloire, fait sa plus grande gloire pourtant de n'être que votre image: que ses soins et ses travaux ne soient aussi qu'une légère image des vôtres.

Qu'on vous reconnaisse, qu'on vous obéisse en lui, d'une obéissance véritable et sincère.

Pasteur des pasteurs, ne courrez-vous point après ces brebis égarées, soit qu'elles vous cherchent, soient qu'elles vous fuient ?

Et que deviendra cette bonté infinie qui vous a fait mettre jusques à votre vie pour elles (Jean, X. 11)?

Encore que tout le troupeau ne puisse vi vre sans vous, si vous écoutez ses vœux et ses souhaits vous le quitterez plutôt que d'abandonner celles qui périsssent (Ezéch., XXXIV).

SECTION PREMIERE.

Il est à propos de resserrer la matiere. Trois parties de la dispute sur la présence réelle. Une clé pour chacune.

I. Plus on a étendu ordinairement celle grande et importante matière de l'eucharistie, plus il est à propos de la resserrer. Peu de personnes lisent les gros volumes; peu de ceux qui lisent peuvent démêler le principal d'avec les incidents, et tirer de tant de conclusions particulières la conclusion générale qui est le but de tout l'ouvrage. Il en arrive comme des cartes de géographie, quand elles passent une certaine mesure: tout y est, mais nos yeux ne sauraient plus le découvrir. Ce n'est que par des raccourcis qu'on se forme quelque idée un peu juste, ou du tout, ou de chacune de ses parties.

II. La question de la présence réelle le

Fortifiez, Seigneur, ce qui est infirme, guérissez ce qui est malade, rétablissez ce qui est démis ou rompu, rapportez sur vos épaules ce qui n'est pas en état de vous suivre (Luc., XV. 5.).

Vos entrailles ont élé émues de compassion (Matth., XIV, 14. dondayyvison et, XV. 32). quand vous avez vu une grande multitude errante après vous au désert, comme brebis sans pasteur, prête à défaillir en chemin, si on la renvoyait sans nourriture (Marc., VI, 34).

DE L'EUCHARISTIE.

SECOND TRAITÉ

Vos apôtres doutaient, mais cinq pains se sont multipliés entre vos mains pour se partager à cinq mille personnes, et demeurer néanmoins en plus grande abondance qu'auparavant.

Pain descendu du ciel, pain du ciel, pain de vie, pain vivant (Jean, VI), il ne vous est pas plus difficile de vous multiplier vous-même pour la nourriture de vos fidèles, sans qu'il y ait aucun changement en vous.

Que le cœur de nos frères brûle on eux, quand vous leur expliquerez les Ecritures qu'ils croient entendre, et n'entendent pas (Luc, XXIV). Obligez-les de vous désirer, alin qu'ils vous forcent de demeurer avec eux.

Que leurs yeux soient ouverts à la fin pour vous reconnaitre en la fraction du pain; et que, tous ensemble, en ces sacrés symboles d'union et de paix, ou plutôt en votre propre corps et en votre propre sang, nous ne soyons qu'un avec vous, comme vous n'êtes qu'un avec votre Père céleste (Jean, XVII. 22).

décide et entraîne toutes les autres, comme on le verra par les suites, et cette question a trois parties qui sont le sujet de trois lengues disputes.

La première est la vraisemblance, possibilité ou impossibilité des opinions différentes, selon le sens humain.

La seconde, l'Ecriture sainte.
La troisième, les Pères.

III. En chacune de ces disputes il y a un moyen général de parvenir à la décision et qui en est comme la clé : nous l'appellerons de ce nom abrégé.

La clé de la première dispute sur la vraisemblance, possibilité ou impossibilité, est celle-ci par les principes communs à tous les chrétiens, un vraisemblable ordinaire en cette matière n'est point vraisemblable: il y faut un vraisemblable merveilleux. Le mer veilleux de Calvin est véritablement impos

sible en tout cas, est sans comparaison plus difficile à comprendre et à croire que celui de l'Eglise, qui d'autre côté n'est point tel qu'une grande partie de nos frères le pensent, séduits par leurs vaines imaginations; comme ceux qui disaient à Notre-Seigneur lui-même : Ces paroles sont dures, qui les peut écouter? Nous n'ajoutons pas que le merveilleux de l'Eglise à des preuves et des autorités convaincantes; et que le merveilleux de Calvin n'en a point. Cela regarde la seconde et la troisième dispute.

La clé de la seconde dispute sur les pas sages de l'Ecriture sainte, est celle-ci : En vain on allègue des exemples: La pierre était Christ. Je suis le cep, etc., pour montrer que les paroles de Notre-Seigneur, Ceci est mon corps, se peuvent entendre au sens figuré. Dans le langage humain les circonstances des choses determinent le sens des paroles; et suivant que nos expressions sont placées, quelquefois oui veut dire non, et blanc veut dire noir. S'il s'agissait d'une chose ordinaire et naturelle, si les chrétiens n'avaient jamais entendu parler de la présence réelle de NotreSeigneur dans l'eucharistie, et que quelqu'un leur vint annoncer ce dogme nouveau, ils pourraient s'en défendre sans doute et prendre les paroles de Notre-Seigneur au sens figuré: mais s'agissant, par leur consentement commun, d'une chose tout à fait au-dessus de la nature, d'une des plus grandes merveilles et d'un des plus grands mystères de leur religion, le dogine de la présence réelle s'étant trouvé en possession de toute l'Eglise depuis plusieurs siècles, comme on ne le saurait nier, quand on est venu leur annoncer le dogme contraire; enfin dans le cas où nous sommes, dans les circonstances des paroles de Notre-Seigneur, ils n'ont dû, ils ne doivent en façon du monde les prendre au sens figuré et par conséquent ils ne le peuvent. Car ce qui est contraire au devoir et au bon sens, s'appelle impossible entre ceux qui raisonnent aussi bien qu'entre les jurisconsultes; possible en soi à la vérité, mais impossible à ceux qui ne voudront point s'écarter du devoir et de la raison.

La clé de la troisième dispute sur l'autorité des pères est celle-ci. La difficulté n'est pas de trouver des passages pour le dogme catholique; tout en est plein; on en a fait des volumes: elle consiste en quelque petit nombre de passages qu'on oppose comme contraires. Mais il y a un fait dont on est d'accord de part et d'autre, qui peut tout accorder et tout décider: c'est que devant les infidèles, devant ceux qui n'étaient point encore baptisés et iniliés aux mystères, en parlant ou écrivant pour eux les pères n'ont point entièrement expliqué la doctrine de l'Eglise, se sont contentés de dire quelque petite partie de la vérité, l'ont couverte et enveloppée comme d'un voile que les étrangers ne pussent percer, les laissant errer sur cela dans leurs propres pensées. Ce fait posé qui est très-constant, les passages en apparence contraires les uns aux autres, quoiqu'ils ne le soient pas en effet, ne doivent plus nous embarrasser. Il

n'est plus question d'entrer dans le détail de chacun, ni de peser à la fausse balance des subtilités humaines, toutes leurs expressions, toutes leurs paroles et jusques à leurs sylla. bes, ce qui va à l'infini. Il n'y a qu'à distin guer, si l'on peut et par quelque bonne marque, quels sont ceux de ces passages où la vérité est tout entière; quels sont ceux où elle n'est qu'en partie et déguisée pour ainsi dire, de peur qu'on ne la connaisse. Nous en avons deux moyens très-naturels, l'un général et l'autre particulier. Le premier est la comparaison de ces passages en leur nombre el en leur qualité. Le second est, que la Providence nous a conservé quatre grandes et longues instructions données à ceux qu'on venait d'initier, ou qu'on allait initier aux 'mystères. Le bon sens ne permet pas de douter que là tous les voiles ne soient levés et tous les rideaux tirés. Or l'Eglise elle-même y parle aux nouveaux fidèles précisément comme nous parlons à nos frères, jusques à prévenir au quatrième siècle les objections qu'ils nous font au dix-septième. Et comment prétendre qu'elle ne crût pas alors ce que nous croyons aujourd'hui ?

IV. Ce sont les trois clés que nous voulons mettre en main à nos frères : mais qu'ils se souviennent toujours qu'en ces matières nulle clé ne peut ouvrir à celui qui n'a point frappé, qui n'a point cherché, qui n'a point demandé, comme nous l'avons dit dès l'entrée, ou plutôt comme le Seigneur nous l'a dit lui-même. Si ce père des lumières et ce père des miséricordes, en qui et par qui la faiblesse même peut tout, quand il la fortifie, détournant sa vue de notre indignité pour ne l'arrêter que sur notre dessein, daigne nous soutenir dans ce travail, ils verront clairement que ces trois moyens généraux que nous avons appelés clés se donnent un grand secours l'un à l'autre. Le merveilleux qu'il faut nécessairement établir par le principe commun de tous les chrétiens explique ou pour mieux dire fait voir qu'il n'y a point à expliquer les paroles de Notre-Seigneur. Ces mêmes paroles et tous les autres passages de l'Ecriture sainte pris ensemble ne se peuvent jamais bien entendre que par le merveilleux de l'Eglise. Ces deux choses ne laissent aucune difficulté aux passages des pères, qui de leur côté ne laissent aucune difficulté en ces deux choses; et nulle opinion enfin, hors le dogme catholique, ne peut accorder et lier les conséquences différentes et nécessaires du principe commun à tous les chrétiens, de tous les passages de l'Ecriture sainte pris ensemble, de tous les passages des pères pris ensemble. Sous ce nom nous comprenons aussi les historiens ecclésiastiques, les conciles et les liturgies ou offices divins. C'est le plan de ce petit traité.

SECTION II

Le traité de l'Eucharistie n'étant pas encore achevé, l'impatience qu'on a de secourir cherchent la quelques-uns de nos vérité, fait qu'on en donne cette première seotion avec une partie des preuves.

Le public pourra aussi connaitre par ce morceau le dessein général de tout l'ouvrage, qui est principalement d'instruire de la tradition ecclésiastique sur tous les points contestés, non seulement nos frères qui errent, mais aussi les nouveaux catholiques et les anciens, par la traduction de diverses pièces choisies, et autant qu'on le pourra tout entières, sans commentaires ni longs discours.

Les traductions ne sont pas de la même main que les réflexions, mais d'une meilleure.

On s'est attaché à la fidélité encore plus qu'à l'élégance, et on a évité avec un soin extrême tout ce qui pouvait servir de prétexte à chicaner sur les expressions plus ou moins fortes, afin de n'être suspect à personne.

On a cru à propos d'ajouter encore l'extrait d'une relation latine écrite en 1682, touchant l'état de la religion en France, parce qu'elle a un fort grand rapport d'un côté avec cette Introduction ou traité général, et de l'autre avec le traité de l'Eucharistie, et peut donner quelque lumière à tous les deux. Dieu veuille répandre sa bénédiction sur ce travail ! Si quelqu'un en profite, il aura la charité de prier pour ceux qui s'y sont employés.

EXTRAIT d'une relation écrite en 1682, touchant l'état de la religion en France.

Si je ne parle que de ce diocèse, ce n'est pas qu'il n'en soit de même ailleurs. Par toute la France on travaille avec toute la même bénédiction, à proportion des personnes, des temps et des lieux. Partout, comme si Notre-Seigneur était encore sur le rivage, on voit les filets de saint Pierre se remplir d'un nombre presqu'infini de poissons, et ne se rompre pas. Ce miracle surprend et étonne ceux-là mêmes dont le ciel se sert pour le faire, excellents pêcheurs d'hommes, mais qui avaient travaillé inutilement toute la nuit. Il y faut premièrement reconnaître et révérer le doigt de Dieu, dont les ordres éternels sont que toutes les hérésies aient leur terme fatal, et qu'il n'y ait rien de perpétuel que son Eglise. Si toutefois il nous est permis de nous arrêter aux causes secondes, beaucoup de choses qui n'étaient point autrefois semblent heureusement concourir aux grands et secrets desseins de la Providence. Je ne rappellerai point ici ce que personne n'ignore et que vous savez assurément mieux que personne; je veux dire l'ancienne aigreur des esprits diminuée et presque éteinte, depuis qu'il n'y a plus de guerres civiles; l'état tranquille au dedans et qui n'a rien à craindre au dehors; nul chef de parti, comme autrefois, considérable, ou par sa naissance ou par son mérite; le clergé lui-même, où était la première source du mal, habile, vigilant et sage, d'ignorant, de négligent et de peu réglé qu'il était assez communément au temps de nos pères. Je vous découvrirai peutétre ce qui ne vous est pas si connu; et par

donnez-moi, s'il vous plaît, si je m'étends un peu plus qu'il ne faudrait avec vous, sur une matière la plus importante du monde; et, si Dieu le veut, peut-être non pas inutilement ni en vain. Aujourd'hui (ô profondeur de la sagesse divine! combien ses voies sont éloignées de nos voies et ses pensées de nos pensées !), aujourd'hui en France l'hérésie tombe par ses propres forces, est accablée par ses propres armes, percée et blessée mortellement des traits les plus dangereux qu'elle avait préparés contre l'Eglise. Calvin, homme plus habile que savant, très-ingénieux et très-éloquent, mais médiocre en connaissances, avait pris au commencement une excellente méthode pour se tromper et pour tromper les autres. C'était de ne rien approfondir, de ne juger jamais, comme disent nos jurisconsultes, que sur une partie de la loi, sans voir le reste; jamais de dispute suivie et entière, toujours des escarmouches, mais point de combat réglé, donnant tout à ses propres interprétations qu'il nommait la parole de Dieu, sans se mettre en peine de la tradition ecclésiastique et du sentiment des saints pères, qu'il avait même peu étudiés. Si toutefois il trouvait dans leurs écrits quelque petit mot qui semblât le favoriser, tronqué et séparé du reste, il ne manquait pas d'en faire parade, pour persuader à ses sectateurs, trop crédules et trop peu laborieux, qu'il avait épuisé la matière et n'avait rien oublié. Notre siècle au contraire a produit, entre les ministres, chefs de ce mauvais parti, de très-savants hommes, grands personnages s'ils eussent vécu dans l'Eglise, les Daillez, les Aubertin, les Blondel, que nous avons même vus et connns. Ceux-ci, d'une érudition profonde, d'une réputation très-étendue, ont eu honte, et Dieu l'a ainsi permis, ou d'avoir rien ignoré sur les controverses, ou de l'avoir dissimulé de mauvaise foi. Ainsi ils ont traité très-exactement dans leurs écrits de toute la tradition ecclésiastique, depuis le temps des apôtres, sans prendre garde pourtant, qu'après avoir reconnu en ce qu'ils nomment ou superstition, ou erreur, ou quelquefois même idolâtrie, tantôt douze ou treize, tantôt quatorze, quinze ou seize siècles d'antiquité; après avoir avoué que tous les pères, qu'ils nomment saints, les pasteurs et les troupeaux, les martyrs mêmes de Notre-Seigneur, sont morts en cette créance, l'entreprise la plus téméraire qui fut jamais, est de vouloir nous persuader une créance contraire. Ils ont cru pourtant le pouvoir faire, tant les personnes d'un genie élevé sont sujettes à se trop promettre de leur esprit et de leurs forces ! Mais, pon Dieu! par quels moyens? Par des conjectures et des dissertations de critique, et par un seul argument qu'on appelle ordinairement né gatif. Car ils supposent qu'au commencement de l'Eglise il n'en était pas de même, parce que dans le premier et le second siècle. dont il nous reste très-peu d'écrits, on ne trouve pas, à ce qu'ils disent, d'aussi évidents témoignages de cette tradition ecclésiastique, ou même on n'en trouve point du tout, ce

qu'on n'a garde toutefois de leur accorder. Mais cet argument négatif, toujours faible, et en toute sorte de matières, est frivole particulièrement en celle-ci, par mille raisons et par deux entre les autres. La première, que dans le troisième et quatrième siècle, où ils reconnaissent de bonne foi ces erreurs prétendues, qui voudra choisir certains traités particuliers, il fera de gros volumes où il n'en sera pas dit un mot, n'étant ni nécessaire ni possible qu'en tous lieux on parle de toute la créance de l'Eglise. La seconde, que quand dans le troisième siècle par exemple, on trouve un dogme constamment établi par toute la terre, sans que personne en ce temps-là ait réclamé au contraire, ni se soit avisé de l'accuser de nouveauté; c'est une rêverie de croire que ce dogme soit né en ce siècle-là, ou plutôt de ne pas croire qu'il vient des siècles précédents et des apó tres mêmes. On ne saurait assez vous dire quel bien ont fait à l'Eglise les savants travaux de ces derniers hérétiques, que j'appelle quelquefois par cette raison de trèsbons et très-mauvais ouvrages. Auparavant, il fallait une grande résolution pour entreprendre la recherche de la vérité. Il fallait suivre pied à pied la tradition ecclésiastique de siècle en siècle, avoir pour cela jour et nuit entre les mains les originaux grecs et latins des pères et des historiens de l'Eglise. Peu de personnes en étaient capables; les uns n'avaient pas assez de connaissance, les autres n'avaient pas assez de loisir. Aujourd'hui ces difficultés ne doivent plus rebater personne. Avec ces livres, que je viens d'appeler très-bons et très-mauvais, ce grand travail n'est plus nécessaire. Ils ont tout recherché, tout rapporté, tout aplani: le fait est maintenant constant, il n'y a plus qu'à se déterminer sur le droit avec un peu de bon sens et de raison. Quiconque les lira en priant, de bonne foi, avec attention, se servant de leur savoir, mais de son jugement propre, prenant comme certain ce qu'ils avouent, rejetant comme très-incertain leurs conjectures de critique et leur misérable argument négatif, il est impossible (j'en prends å témoin ce même père des miséricordes qui a tiré notre salut de nos propres ennemis), il est impossible qu'il ne soit pas catholique. A cela il faut ajouter une espèce de révolte contre Calvin, ou du moins une manière de séparation d'avec lui, non seulement de ces savants hommes, mais du peuple entier, dans le point le plus important de tous, qui est celui de la sainte eucharistie: discorde que vous me permettrez encore, s'il vous plaît, de toucher en peu de mots, car elle met premièrement le trouble et l'épouvante dans l'esprit de ceux qui errent; puis les amène insensiblement à la foi de l'Eglise. En celte controverse de l'eucharistie, Calvin, par je ne sais quelle bizarrerie, ne voulant ni suivre l'Eglise dont il s'était séparé, ni suivre Luther, qui ne disputait contre elle que pour conserver la substance du pain et du vin, ni suivre Zuingle, qui anéantissait tout à fait un si grand mystère, imagina une cr

reur entre ces deux-là, mais plus extravagante que l'une ni l'autre; soit que son esprit inquiet et incertain ne pût rien aimer ni approuver que ce qu'il avait inventé luimeme, soit que par un artifice profond il voulût se faire toutes choses à tous; et réunissant les luthériens aux zuingliens, comme il l'avait espéré, devenir l'arbitre et le maître de toutes ces sectes. Encore donc que, par une audace très-impie, il ne comptât pour rien ces paroles si claires, si expresses et si précises de Notre-Seigneur: Ceci est mon corps, il disait qu'il ne pouvait résister à ces autres paroles de l'Apôtre, sans doute moins claires et moins expresses: que le pain et le calice qu'on bénit, sont la communion du corps et du sang de Notre-Seigneur: qu'ainsi il ne pouvait jamais recevoir cette simple figure de Zuingle accompagnée de l'opération de la grâce et du Saint-Esprit en nous, qui serait, disait-il, et en cela il avait raison, la communion de l'esprit, mais non pas la communion du corps et du sang du Seigneur. Là-dessus il forma un dogme le plus absurde qui fut peut-être jamais, et qui se contredit manifestement lui-même. Le corps de Notre-Seigneur, dit-il, n'est pas véritablement et réellement en terre; et néanmoins il ne laisse pas d'y être mangé véritablement et réellement; et ce n'est point par foi et en figure seulement. Car encore que la foi serve d'instrument à ce miracle, elle n'est que l'instrument seul; mais c'est sans aucune figure que la substance de ce corps et de ce sang précieux est véritablement et réellement offerte, donnée, communiquée à ceux qui croient. Il ajoute que, si on lui demande comment cela se peut faire, c'est ce qu'il ne faut point demander; qu'il n'en sait rien; qu'il n'y a rien de plus grand, de plus extraordinaire et de plus incroyable; c'est le propre mot dont il se sert, qu'il le faut croire pourtant, puisque l'Apôtre l'a dit. Toute cette bizarre doctrine, il l'enveloppe de si longs discours et de tant d'expressions ambigues, propres à être expliquées en toute sorte de sens, que si vous exceptez un petit nombre d'endroits où il s'est tout à fait expliqué, on lit cinq ou six pages de suite dans ses écrits, sans savoir où l'on en est, et on croit entendre parler, tantôt Luther, tantôt Zuingle, tantôt même un bon catholique. De là il tirait encore un autre avantage, qui était de se servir de tous les passages des pères allégués de part et d'autre, et de n'être embarrassé de pas un. Les passages que Zuingle avait cru le favoriser, il les alléguait, comme Zuingle, contre la présence réelle ; ceux que Luther et que les auteurs catholiques avaient apportés en nombre presque infini, et plus clairs que le jour, pour la présence réelle, il les expliquait facilement de cette manducation réelle qu'il avait forgée exprès, si approchante de la présence réelle, que la pensée humaine ne les peut distinguer car on ne saurait imaginer qu'une chose soit man-gée en un lieu où elle n'est pas. Tel fut l'arlifice de Calvin. Mais ses descendants, à qui il a laissé une confession de foi et un caté

qu'on ne doit croire; non pas, à la vérité, la présence réelle du corps et du sang, mais la présence de toute leur vertu, réellement altachée au pain et au vin, que l'on confond aisément avec le corps et le sang même. Le ministre Claude, qui est aujourd'hui à la tête du parti, inarche sur les traces d'Auber tin, ne se défend que par le même principe; et nous savons avec certitude qu'il s'est ex pliqué en particulier à quelqu'un de ses amis qui le pressait sur ce sujet, que l'opinion de Calvin n'était point la sienne; qu'elle n'avait pas moins d'inconvénients (c'est ainsi qu'il s'exprimait) que celle de l'Eglise ro maine; enfin qu'elle ne pouvait être défendue ni par lui ni par autre. Figurez-vous donc, s'il vous plaît, en quel état doit se trouver un homme de bien et de bon sens, qui commence à se défier de leurs erreurs; quelle doit être son inquiétude, quel le trouble de son esprit, quel presque son déses poir, quand après une sérieuse réflexion il voit que sur toutes les autres controverses, du consentement même de ses plus savants auteurs, ayant contre lui quatorze ou quinze siècles d'antiquité, ce n'est plus que sur ce faible argument négatif et sur ces frivo es conjectures de critique, qu'il hasarde soa salut éternel; que d'un autre côté, en cette controverse si capitale et si importante de l'eucharistic, il lui faut de nécessité choisir de deux choses l'une, ou bien nier et désavouer en secret cette même confession de foi imprimée, dont il fait profession en public; et dire en même temps avec Aubertin, ce qui fait horreur à penser, que les pères de l'Eglise, même les premiers et les plus anciens, aussitôt après les apôtres, se sont grossièrement trompés; ou bien embrasser, avec Cal vin seul, ce dogme qu'il a justement nommé incroyable, et que nul autre n'a pu croire après lui, rejetant ce que toute la terre a trouvé croyable, et qu'elle croit fermement de ce grand mystère, sur le témoignage de tant de grands saints, sur la parole de NotreSeigneur lui-même. Ces difficultés par grand nombre d'écrits, de conférences et de disputes, ont passé peu à peu des savants au peuple même tout le monde les comprend; ceux qui ne les comprendraient pas sont touchés de l'exemple, dont le pouvoir a toujours été si grand sur l'esprit humain; et voyant dans cette grande multitude de convertis des personnes savantes, éclairées et désintéressées, d'une vie sans reproche, à qui leur changement a fait honneur, ils rejettent cette mauvaise honte, qui seule les retenait auparavant, et se rendent à ce grand, à ce solide et, pour ainsi dire, à ce palpable argument qui commence et qui finit toutes les conversions: qu'il y a un Dieu tout bon, tout sage, qui n'a point voulu attacher le salut à la connaissance du grec et du latin, el n'avoir avec lui que des théologiens et des philosophes, son dessein étant, ainsi qu'il l'a dit lui-même, que tous soient sauvés ; qu'i a véritablement parlé d'une voie étroite pour les mœurs et pour la pénitence, parce qu'elles dépendent de nous; mais que quant à la doc

le

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chisme en ce sens-là même, et dont ils se servent encore aujourd'hui, ont eu tant de peine cependant, ou à entendre, ou à digérer cette doctrine incroyable, comme il la nomme, qu'ils ont même oublié l'obligation où ils sont de la croire par leur catéchisme et leur confession de foi; de sorte que s'il revenait aujourd'hui au monde, il se trouverait parmi tant de calvinistes le seul calviniste sur cet article. Tous généralement ont passé à l'opinion de Zuingle, qu'il avait formellement rejetée et condamnée: parti très-facile à prendre, si l'on n'écoute que l'homme animal; mais plus difficile que pas un autre, si l'on pense à son salut, ou même à soutenir son sentiment avec quelque sorte d'honneur. En effet on retombe aussitôt dans tous ces inconvénients que Calvin avait eu l'adresse d'éviter par cette manducation réelle et chimérique; et surtout on n'a plus rien à dire contre cette infinité de passages des pères, si clairs et si exprès pour la présence réelle, qu'il faut avouer de nécessité, ou qu'ils avaient perdu l'esprit quand ils s'exprimaient ainsi, ou qu'ils avaient dans l'esprit les mêmes choses que nous sur ce grand mystère. Aubertin, leur plus grand et plus célèbre auteur en cette matière, l'un de ceux que j'ai déjà nommés si souvent très-bons et trèsmauvais, ne s'est jamais trouvé si embarrassé qu'en cet endroit. Cet homme, avec un prodigieux travail, publia en latin et en français un grand et ample volume de l'eucharistie, après l'avoir forgé et reforgé durant trente ans ans et davantage. On peut dire aussi avec vérité qu'il n'y a rien omis, hors une chose qu'on ne peut jamais omettre que par un dessein formé, dans un ouvrage d'ailleurs fort méthodique; car au lieu que tous les auteurs de controverses ont accoutumé et se font une loi inviolable d'élablir dès l'entrée l'état des questions qu'ils vont trailer, de proposer ce qu'ils ont à défendre et ce qu'ils ont à combattre, celuici, tout au contraire, propose d'abord ce qu'il veut combattre et qu'il ne veut point croire, et ne dit pas un mot de ce qu'il défend et de ce qu'il croit, et cela pour n'être pas obligé, ou d'abandonner d'abord publiquement et manifestement son Calvin sur cette manducation réelle, ou de trahir son sentiment propre et celui de tous les siens, qui n'est plus, comme je l'ai déjà dit, que celui de Zuingle même. Quant à cette manducation réelle séparée de la présence réelle, qui devait étre le bouclier d'un véritable calviniste, comme il avait été celui de Calvin contre tous les passages des pères, jamais il ne s'en est servi dans tout son ouvrage, quelque pressé qu'il se trouve. Lors même qu'il n'en peut plus, et qu'il est tout en sueur sur ces passages difficiles et insurmontables, il passe à une autre extrémité terrible, et ose enfin ce que Calvin ni pas un autre n'avaient jamais osé. Il faut avouer, dit-il, et cela non pas une seule fois, mais plusieurs ; il faut avouer que les pères de l'Eglise, même les premiers et les plus anciens, aussitôt après les apôtres, ont cru sur ce sujet plus

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