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Sans effort une ame commune
Se repofe au fein du bonheur.
L'homme jouit de la fortune,
Dont le hafard feul eft l'auteur.
Ce n'est point dans un fort profpere
Que brille un noble caractere:
Dans la foule il eft confondu;
Mais que le Deftin le traverse,
Son ame magnanime perce,
Et fait éclater fa vertu.

(Philof. de Sans-Souci.)

Le temps de l'adverfité eft la faifon de la vertu. Quand la douleur pénétrante brife & déchire l'ame, la fageffe vient, en riant, épandre fes femences dans nos cœurs amollis par les pleurs. Ainfi le foc utile fillonne la terre humide, avant que la main du laboureur y verse l'efpérance de l'année.

(Le Tourneur.)

L'adverfité fait difparoître le héros.

Montrez-nous, guerriers magnanimes,
Votre vertu dans tout fon jour;
Voyons comment vos cœurs fublimes
Du fort foutiendront le retour.

Tant que

fa faveur vous feconde,

Vous êtes les maîtres du monde,
Votre gloire nous éblouit;
Mais au moindre revers funefte,

Le mafque tombe, l'homme reste,
Et le héros s'évanouit.

(Rouffeau.)

L'adverfité eft la véritable borne de l'amitié. Elle eft le figne auquel on diftingue l'amitié de la flatterie; un homme heureux & riche ne fait pas s'il eft aimé ou non.

On ne doit ni plaindre, ni appeller malheureux un homme qui a fu trouver les trésors

les adverfités.

ADULATEURS.

que

cachent

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On n'a pas devant foi, quand on renonce au monde,
Mille fâcheux objets dont par-tout il abonde;
On ne voit point un fat, de valets escorté,
Du mérite indigent morguer la pauvreté ;
Ni d'indignes flatteurs une troupe importune,
Lâchement profternée aux pieds de la fortune,
Rendre au vice en faveur un hommage effronté,
Et vendre au plus offrant la libre vérité.

Celui qui fans difcernement

(Rousseau.)

Adreffe à tout venant les louanges qu'il donne,
Fait grand tort à fon jugement,
Et ne fait honneur à perfonne.

(Pavillon.)

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Quoique la fauffe louange foit un blâme secret, cependant l'encens gâte plus de cervelles que la poudre n'en fait fauter: c'eft l'effet de l'amourpropre.

AFFLICTIONS.

La raifon offenferoit la nature, fi elle mettoit les accidents qui nous arrivent au nombre des chofes indifférentes. La tendreffe de l'ame n'eft pas incompatible avec la fermeté d'efprit. Mais fi la nature & le devoir font couler nos larmes, la raison & la foi doivent les effuyer.

Séparez de la vie le temps des afflictions d'efprit, des maladies du corps & du fommeil ; que refte-t-il pour en tenir compte?

AGE.

Defcription du premier âge.

Sans le fecours des arts par l'orgueil inventés,
La nature étaloit fes naïves beautés ;
Avec les animaux l'homme d'intelligence,
A l'ombre des forêts, vivoit en afsurance;
On ne le voyoit point enfanglanter fa main,
Pour défendre fon corps du froid ou de la faim.
La terre, fans travaux, fans foin & fans culture,
Leur donnoit même lit & même nourriture.
L'homme & les animaux, réunissant leurs voix,
Pour louer leur Auteur, s'affembloient dans les bois;
Ces bois étoient leur temple, un culte fanguinaire
N'en déshonoroit point l'augufte fanctuaire.
L'or, au fein de la terre ignoré des mortels,
N'éclatoit point alors jufques fur les autels :
Sans fafte, fans éclat, le Prêtre irreprochable,
Par fes feules vertus s'y montroit refpectable.
Le ciel gouvernoit tout en maître univerfel,
Et par-tout fignaloit fon amour paternel.
L'homme fur la nature exerçoit fon empire,
Pour y maintenir l'ordre, & non pour le détruire.
(Du Refnel fur Pope.)

Dans ces jours où régnoient les mœurs, la bonne-fci,
Où la pure nature étoit l'unique loi,

Où le cœur, s'exprimant fans art & fans contrainte,
Découvroit fon amour & fans honte & fans feinte;
Dans ces jours fortunés l'union & la paix
Avoient pour les humains d'invincibles attraits.
Les villes, les états prirent ainfi naiflance.
Arbitre de fon fort & dans l'indépendance,
L'homme ignoroit encor le pouvoir redouté
Qui dans les mains d'un feul place l'autorité.
Mais, bientôt ce pouvoir devenant nécessaire,
On chercha dans un roi moins un maître qu'un pere.
D'un mortel généreux les foins & la valeur,
Du Public qu'il aimoit faifoient-ils le bonheur;

C

Admiroit-on en lui les qualités aimables
Qui rendent aux enfants les peres refpectables:
Il commandoit fur tous, il leur donnoit la loi,
Et le pere du peuple en devenoit le roi.

(Le même.)

Il n'y a point d'âge qui n'ait en fa difpofition une certaine portion de bien. Le premier âge jouit des plaifirs vifs des fens & de l'imagination. Le fecond âge, des plaifirs de l'ambition & de l'opinion. Le dernier, des plaifirs de la raison & de la tranquillité. い

Caractere de chaque âge.

Chaque âge porte avec foi fa mifere,
Et fes défauts; la jeuneffe eft légere,
Impétueufe, adonnée aux plaifirs,
Toute épanchée en frivoles défirs.
De l'âge mûr l'ambition s'empare,
L'âge qui fuit eft foupçonneux, avare,
Et fur le point de devoir tout laiffer,
Il fonge encore à toujours amaffer.

(Defmarets.)

L'âge ne fe mefure pas par le nombre des années.
Lorsque la mort moissonne à la fleur de fon âge
L'homme pleinement convaincu

Que la foibleffe eft fon partage,
Et qui contre les fens a mille fois vaincu,
On ne doit point gémir du coup qui le délivre:
Quelque jeune qu'on foit, quand on a fu bien vivre,
On a toujours affez vécu.

(Mad. Deshoulieres.)

Deux Dames fur le retour de l'âge, qui vouloient cacher le nombre de leurs années, fe demandoient, au premier jour de l'an, quel âge

elles

elles auroient cette année ? C'étoit mettre leurs jours à bail au rabais.

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Chaque âge a fes refforts qui le font mouvoir; l'homme eft toujours le même. A dix ans, il eft mené par des gâteaux ; à vingt ans, par une maitreffe; à trente, par les plaifirs; à quarante, par l'ambition; à cinquante, par l'avarice : quand ne court-il qu'après la fageffe?

(J.J. Rouffeau.)

Fat qui demandoit à un vieillard quel âge il avoit

Certain fat que de fa jeuneffe

On voit par-tout fe prévaloir,

En raillant l'autre jour Neftor fur fa vieilleffe,
Lui demandoit quel âge il pouvoit bien avoir ?
Je ne puis là-deffus contenter votre attente,
Répondit le vieillard en homme de bon fens :
Mais je fais qu'un âne à vingt ans,
Est plus vieux qu'un homme à soixante.

(Le Brun.) ✓

Réponse à une queftion fur l'âge.

Que vous êtes difpos, graces aux destinées!
Combien, mon cher, avez-vous bien d'années,
Difois-je au vieux Monfieur Anroux ?

Pas une, reprit-il; (j'aime fort ces pensées)
Nous n'avons plus celles qui font paffées,
Et l'avenir n'eft pas encore à nous.

(La Martiniere.)

Une vieille coquette demandant à quelqu'un, combien il lui donnoit d'années ? Vous en avez affez, lui répondit-il, fans que je vous en donne d'autres ?

Tome I.

B

یا

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