GERONT E, rémet la bour fe dans Sa poche, & s'en va.
Va, va vite requerir mon fils,
SCAPIN, allant-aprés lny.
Hola, Monfieur.
Ah, c'eft la douleur qui me trouble refprit.
Que diable alloit-il faire dans cette galere? Ah maudite galere! Traître de Turc à tous les dia- bles!
Il ne peut digerer les cinq cens écus que je lui ar- rache; mais il n'eft pas quitte envers moi, & je veux qu'il me paye en une autre monnoye, l'im pofture qu'il m'a faite auprés de fon fils.
E' bien, Scapin, as-tu réüffi pour moi dans ton entreprise?
As-tu fait quelque chofe pour tirer mon amour de la peine où il eft?
Voilà deux cens piftoles que j'ay tirées de vôtre
OCTA V E.
Al que tu me donnes de joye!
SCAPIN.
Pour vous, je n'ay pû faire rien.
LEANDRE veut s'en aller.
Il faut donc que j'aille mourir; & je n'ay que fai- re de vivre, fi Zerbinette m'eft ôtée.
Hola, hola, tout doucement. Comme diantre Vous allez vîte !
LEANDRE fe retourne.
Que veux-tu que je devienne?
Allez, j'ai vôtre affaire ici.
LEANDRE revient.
Ah! tu me redonnes la vie.
SCAPIN.
Mais à condition que vous me permettrez à moi, une petite vangeance contre vôtre pere, pour le tour qu'il m'a fait.
LEANDRE.
Tout ce que tu voudras.
Vous me le promettez devant témoin.
ZERBINETTE, HIACINTE, SCAPIN, SILVESTRE.
SILVESTRE.
UY, vos amans ont arrêté entr'eux qu' vous fuifiez cnfemble; & nous nous acqui tons de l'ordre qu'ils nous ont donné.
Un tel ordre n'a rien qui ne me foit fort agrea- ble. Jereçois avec joie une compagne de la forte, & il ne tiendra pas à moi, que l'amitié qui efl en- are les perfonnes que nous aimons, ne fe répande entre nous deux.
ZER BINETTE. J'accepte la propofition, & ne fuis point perfon ne a reculer, lors qu'on m'attaque d'amitié. SCAPIN.
Et lors que c'eft d'amour qu'on vous attaque ? ZER BINETT E.
Pour l'amour, c'eft une autre chofe; ony court un peu plus de rifque, & je n'y fuis pas fi hardie. SCAPIN.
Vous l'étes, que je croi, contre mon Maître maintenant; & ce qu'il vient de faire pour vous, doit vous donner du cœur pour répondre comme il faut à fa paffion.
ZERBINETTE. Je ne m'y fie encore que de la bonne forte; & ce n'eft pas affez pour m'affûrer entierement, que ce qu'il vient de faire. J'ay l'humeur enjouée, & fans ceffe je ris; mais tout en riant, je fuis ferieufe fur de certains chapitres; & ton Maître s'a- bufera, s'il croit qu'il lui fuffife de m'avoir achetée pour me voir toute à lui. Il doit lui en coûter autre chofe que de l'argent; & pour répondre à fon amour de la maniere qu'il fouhaite, il me faut un don de fa
foi qui foit affaifonné de certaines ceremonies qu'on trouve neceffaires.
C'eft-là auffi comme il l'entend. Il ne prétend à vous qu'en tout bien & en tout honneur: & je n'au- rois pas été homme à me mêler de cette affaire, s'il avoit une autre pensée.
ZERBINETTE.
C'eft ce que je veux croire, puis que vous me le dites; mais du côté du pere, j'y prévoi des em- pêchemens.
Nous trouverons moyen d'accommoder les cho-
La reflemblance de nos deftins doit contribuer encore à faire naître nôtre amitié; & nous nous voyons toutes deux dans les mêmes allarmes, tou- tes deux expofées à la même infortune.
ZER BINETTE.
Vous avez cet avantage, au moins, que vous fçavez de qui vous étes née ; & que l'appuy de vos parens que vous pouvez faire connoître, eft capable d'a- jufter tout, & peut affûrer vôtre bonheur, & faire donner un confentement au mariage qu'on trouve fait. Mais pour moi je ne rencontre aucun fecours dans ce que je puis être, & l'on me voit dans un état qui n'adoucira pas les volontez d'un pere qui ne regarde que le bien.
HIA CINTE. Mais auffi avez vous cet avantage,que l'on ne ten- te point par un autre parti, celui que vous aimez. ZERBINETTE.
Le changement du cœur d'un amant n'eft pas ce qu'on peut le plus craindre. On fe peut naturelle-- ment croire affez de merite pour garder la conquê
& ce que je vois de plus redoutable dans ces for- tes d'affaires, c'eft la puiffance paternelle, auprés de qui tout le merite ne fert de rien.
Helas! pourquoi faut-il que de juftes inclina- tions fe trouvent traverfées? La douce chofe que d'aimer, lors que l'on ne voit point d obftacle à ces
aimables chaines dont deux cœurs fe lient enfem- ble!
Vous vous moquez; la tranquillité en amour est un calme defagreable. Un bonheur tout uni, nous devient ennuyeux; il faut du haut & du bas dans la vie; & les difficultez qui fe mêlent aux chofes, ré- veillent les ardeurs, & augmentent les plaifirs. ZER BINETTE.
Mon Dieu, Scapin, fai nous un peu ce recit, qu'on m'a dit qui eft fi plaifant, du ftratagême dont tu t'es avifé, pour tirer de l'argent de ton vieillard avare. Tu fçais qu'on ne perd point fa peine, lors qu'on me fait un conte, & que je le paye affez bien, par la joie qu'on m'y voit prendre.
Voilà Silveftre qui s'en acquitera auffi-bien que- moi. J'ai dans la tête certaine petite vangeance dont je vay goûter le plaifir.
Pourquoi, de gayeté de cœur, veux-tu chercher àr'attirer de méchantes affaires ?
Je me plais à tenter des entreprises hazardeuses. SILVESTRE.
Je te l'ai déja dit, tu quitterois le deffein que su fi tu m'en voulois croire.
Oui, mais c'eft moi que j'en croirai.
SILVESTRE
A quoi diable te vas-tu amufer?
Dequoi diable te mets-tu en peine?
SILVESTRE.
C'eft que je vois que fans neceffité tu vas courir rifque de t'attirer une venue de coups de bâton. SCAPIN.
Hébien, c'eft aux dépens de mon dos, & non pas du tien.
Ileft vrai que tu es maître de tes épaules, & tu en difpoferas comme il te plaira
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