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>> leur reprocher de se montrer favorables à un schisme, >> et à des erreurs condamnées deux qualifications >> qu'il avoit données exprès à leur secte dans la dernière >> assemblée de 1700 *. »

C'étoit d'après cette conviction, que Bossuet disoit encore à l'abbé Ledieu, « qu'il ne pouvoit comprendre >> comment les quatre évêques, M. Arnauld, et les reli>> gieuses de Port-Royal, avoient consenti volontaire» ment à se servir d'une restriction aussi grossière que >> celle avec laquelle ils avoient signé, parce que l'é»> noncé du formulaire est si simple et si précis, non>> seulement sur les propositions comme contenues >> dans Jansénius, mais encore sur le sens même de » Jansénius, qu'il ne pouvoit recevoir aucune restric» tion; que cela lui paroissoit un mensonge formel. » Ce sont les propres paroles de Bossuet, telles que l'abbé Ledieu les rapporte dans son journal, sous la date du 5 janvier 1703 **.

* Schismatica et erroribus condemnatis faventes. Ce sont les termes de la censure portée par l'assemblée de 1700 contre quatre propositions favorables au jansénisme.

**On chercheroit en vain à mettre Bossuet en contradiction avec lui-même, en rapprochant ces expressions de celles dont il se sert dans sa Lettre (') au maréchal de Bellefonds, en parlant des mêmes évêques. On voit d'abord dans cette lettre que, sur le fond de la question, Bossuet s'élève avec la plus grande force contre leur prétendue distinction du fait et du droit. Il donne à la vérité les plus justes éloges à des prélats recommandables par leur vie sainte et exemplaire. Il étoit également digne de la sagesse de Bossuet d'éviter tout ce qui auroit pu altérer la paix que Clément IX avoit rendue à l'Eglise de France. Ce pontife, satisfait de la souscription pure et simple que les quatre évêques lui avoient adressée, ne pouvoit, comme juge de cette controverse, prononcer que sur des actes authentiques; et tous les actes authentiques attestoient la sincérité de leur soumission. Quant aux restrictions secrètes qu'ils avoient consignées dans des procès-verbaux, dont on lui avoit soustrait la connoissance, le Pape ne pouvoit que les renvoyer à leur propre conscience, pour juger si de pareilles restrictions étoient compatibles avec la sincérité chrétienne. Il est vraisemblable que Pascal, si opposé aux restrictions mentales de tous les genres, ne se seroit pas plus accommodé de celles de Port-Royal que de celles des jésuites, et qu'il auroit eu la même façon de penser que Bossuet sur ce singulier épisode de l'Histoire du jansénisme.

Voyez la lettre de Bossuet au mar. de Bellefonds. OEuv. de Bossuet, t. x. p. 632,

Tels étoient les sentiments et les dispositions de Bossuet, lorsqu'à l'occasion du Cas de conscience, il composa son écrit sur l'autorité des jugements ecclésiastiques.

L'original de cet écrit n'est point parvenu jusqu'à nous. Il devoit être assez étendu, puisque l'abbé Ledicu nous apprend que Bossuet l'avoit conduit jusqu'à la page 107. Il y attachoit une telle importance, dans l'espérance que cet ouvrage mettroit enfin un terme à toutes les subtilités et à toutes les controverses que le Cas de conscience venoit de renouveler, qu'il continua à s'en occuper avec ardeur, depuis même que la rétractation des quarante docteurs eut paru devoir le rendre inutile. C'est au moment qu'il composoit cet ouvrage qu'il disoit à l'abbé Ledieu : « Il faut faire >> quelque chose qui frappe un grand coup et ne reçoive >> pas de réplique. »

Ce fut pour ce travail « qu'il1 reprit la lecture de >> tous les conciles généraux'; il en fit lui-même des ex>> traits jusqu'au concile de Constance. Il se faisoit lire, >> dictoit, ou faisoit copier tous les endroits qu'il remar» quoit. » Il ne s'arrêta qu'à l'époque où les cruelles souffrances qui le tourmentèrent pendant le peu de mois qu'il survécut encore, eurent presque entièrement épuisé ses forces *.

1 Journal manuscrit de l'abbé Ledieu, sous la date des 2, 5, 11 et 24 juillet 1703.

Le manuscrit original existoit encore vers 1760, et il existoit entre les mains de l'abbé Lequeux, premier éditeur d'une collection complète des Œuvres de Bossuet; depuis il a entièrement disparu. Voici ce qu'on lit à ce sujet dans le Dictionnaire historique de Feller, article Lequeux. « Feu M. Riballier, syndic de la faculté de théologie » de Paris, parlant à M. l'abbé Lequeux du petit ouvrage qu'avoit » fait Bossuet sur le Formulaire d'Alexandre VII, lui dit que sù>>rement il avoit dû le trouver parmi ses manuscrits. L'abbé répondit » qu'effectivement il l'avoit trouvé, mais qu'il l'avoit jeté au feu. » M. Riballier lui fit à ce sujet une réprimande convenable. »

Ce manuscrit avoit été confié à l'abbé Lequeux avec les autres manuscrits de Bossuet, et nous avons de sa main une copie du préambule de l'ouvrage, avec le plan et l'indication des preuves et des

Tandis que Bossuet étoit occupé de ce travail, le cardinal de Noailles suivoit le plan qu'il lui avoit tracé. On invitoit les quarante docteurs qui avoient souscrit le Cas de conscience, à prévenir, par une rétractation volontaire, la flétrissure d'une censure humiliante pour leur caractère, et affligeante pour leur réputation. On eut le bonheur d'y réussir; le trèsgrand nombre s'étoit déjà conformé aux intentions de leur archevêque. « Presque tous 1, dit le chancelier » d'Aguesseau, se rétractèrent aussi aveuglément qu'ils >> avoient signé leur consultation; et on les vit aller >> en foule, pour défaire ce qu'ils avoient fait. »>

III.

Le Cas de conscience est condamné par le Pape et le cardinal de Noailles.

<< Cependant le cardinal de Noailles, instruit que >>le Pape se disposoit à prononcer un bref fulminant » contre le Cas de conscience, et prévoyant qu'il ne » pourroit pas se dispenser de le suivre, crut apparem>>ment qu'il lui seroit plus honorable de le prévenir. » Le bref du Pape en date du 12 février, et l'ordon

exemples dont Bossuet avoit fait usage pour confirmer la tradition de l'Eglise.

Quelque incomplète que soit cette copie d'un des derniers ouvrages de Bossuet, comme elle n'a point été imprimée, nous avons cru devoir l'insérer parmi nos Pièces justificatives. (Voy. les Pièces justificatives du livre troisième, no 4.)

Il est facile de deviner le motif qui a porté les bénédictins édileurs de Bossuet à supprimer son ouvrage en faveur du Formulaire. C'est sans doute par le même motif, qu'ils ont évité de faire entrer dans la collection de ses sermons et de ses panégyriques, son panégyrique de saint Ignace.

Un écrivain non suspect nous en offre la preuve authentique.

Voici ce que nous trouvons dans une lettre manuscrite de M. Grosley, de Troyes, dont nous avons l'original sous les yeux. Il écrivoit, le 3 mars 1770, à dom Tassin, religieux bénédictin des Blancs-Manteaux, l'un des collaborateurs de la dernière édition de Bossuet:

« Cette nouvelle édition nous offrira donc tous les ouvrages de D M. Bossuet, tels qu'ils sont sortis de ses mains, même son Panegyrique de saint Ignace, avec les éloges qu'il y prodigue aux jé» suites.

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1 Mémoires du chancelier d'Aguesseau, tom. XIII. p. 204.

nance du cardinal du 22 du même mois, ne furent rendus publics que le 4 mars suivant.

Le cardinal ne se borna point à prononcer la condamnation du Cas de conscience. Pour ne laisser aucun nuage sur ses sentiments, pour écarter mème jusqu'au soupçon d'avoir favorisé indirectement la conduite des quarante docteurs, il les obligea de souscrire une formule d'adhésion à son ordonnance.

« Cette ordonnance, dit le chancelier d'Aguesseau >> eut le sort de presque tous ses autres ouvrages, >> c'est-à-dire d'aliéner les jansénistes, sans lui gagner >> leurs adversaires. »

Mais ce fut contre Bossuet que les partisans du Cas de conscience se montrèrent le plus animés. Personne n'ignoroit que le cardinal de Noailles n'avoit fait que céder à ses conseils et à ses inspirations, et qu'il étoit lui-même le véritable auteur de l'ordonnance de ce prélat.

Leur animosité s'accrut encore par la part que prit Bossuet à une affaire particulière, qui se trouvoit liée à l'affaire générale du Cas de conscience.

» Sur ce que j'avois ouï dire, il y a deux ou trois ans, que >> M. l'abbé de Lamothe vouloit retrancher ce panégyrique de l'édition » des Sermons, qu'il se proposoit de donner à part, j'écrivis au » Journal encyclopédique ce que je pensois de cette suppression; >> et je développois les motifs que je croyois déterminants, pour que >> ce morceau demeuràt joint aux œuvres de son auteur. Cela a été >> imprimé dans le Journal, vous l'avez sans doute vu, et j'y persiste. » M. Grosley exhortoit ensuite les nouveaux éditeurs à publier les variantes de l'Exposition.

«En publiant ces variantes, qui se réduisent à si peu de chose, >> vous ferez en quelque sorte pour les protestants, dont vous apaiserez >> les clameurs, ce que vous comptez faire sans doute contre vous» même, en laissant dans votre édition tout ce que M. Bossuet a écrit >> en faveur du Formulaire. »

Mais le vœu de M. Grosley n'a point été rempli. Les bénédictins éditeurs de Bossuet n'ont fait entrer dans la collection de ses Œuvres, ni son Panégyrique de saint Ignace, ni son écrit en faveur du Formulaire; et il est bien vraisemblable que ces deux ouvrages de Bossuet ont été soustraits et anéantis pour toujours.

IV. Affaire de l'abbé Couet.

Il existoit alors à Rouen un abbé Couet, grand vicaire de l'archevêque de cette ville, et qui avoit toute la confiance de ce prélat.

Non-seulement il avoit signé le Cas de conscience, mais il étoit généralement soupçonné d'en être l'auteur, et d'avoir dirigé une manœuvre qui excitoit alors tant d'agitations. Il ne consentoit à signer la censure du Cas de conscience qu'avec des restrictions qui l'auroient rendue illusoire. L'archevêque de Rouen (Colbert) *, qui estimoit cet ecclésiastique, et qui le jugeoit nécessaire au gouvernement de son diocèse, réclamoit avec vivacité en sa faveur. Louis XIV et madame de Maintenon, par égard pour les duchesses de Chevreuse et de Beauvilliers ses sœurs, et pour la mémoire du grand Colbert son père, étoient assez disposés à lui épargner le chagrin de se voir privé d'un coopérateur qui avoit pris un grand ascendant sur son esprit; mais le Roi ne consentoit à le laisser auprès de lui, qu'à la condition que l'abbé Couet signeroit entre les mains de l'évêque de Chartres **, de l'évêque de Toul ***, et de l'évêque de Noyon **** une déclaration qui pût dissiper tous les soupçons qu'il avoit fait naître sur sa doctrine. Cette négociation traînoit depuis six mois. Les trois prélats, par un excès de méfiance ou de scrupule, « se tourmentoient beaucoup, disoit » Bossuet ', pour trouver des termes exclusifs, des res>>trictions jansénistes.

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* Jacques-Nicolas Colbert, nommé coadjuteur de Rouen au mois d'avril 1680, mort archevêque de cette ville au mois de décembre 1707. **Godet des Marais, nommé évêque de Chartres en 1698, mort en 1709.

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Heuri de Thyard de Bissy, alors évêque de Toul, depuis évêque de Meaux, et cardinal.

**** Charles-Maurice d'Aubigné, transféré en 1707 de l'evêché de à Noyon l'archevêché de Rouen, mort en cette ville au mois d'avril 1749.

Journal de Ledieu.

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