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JAN 411.04

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DE BOSSUET.

LIVRE DOUZIÈME.

CONTROVERSE DE BOSSUET ET DE LEIBNITZ, SUR UN PROJET DE RÉUNION DES LUTHERIENS; DEUXIÈME INSTRUCTION PASTOLALE DE BOSSUET SUR LES PROMESSES DE

JÉSUS-CHRIST A L'ÉGLISE; CÉRÉMONIES CHINOISES; AFFAIRE DE RICHARD SIMON; DISSERTATION SUR GROTIUS.

C'est un beau siècle que celui où l'on ne peut suivre un grand homme dans le cours de sa longue carrière, sans le trouver toujours en présence d'un grand homme. Telle fut la destinée de Bossuet.

La conversion de Turenne fut son ouvrage; et la conquête d'un tel prosélyte, qui a autant honoré l'humanité par son beau caractère que par sa gloire militaire, fut un triomphe pour l'Eglise romaine. Le grand Condé meurt, et c'est Bossuet qui vient prononcer sur son cercueil les plus belles paroles que la religion, l'éloquence et la douleur aient jamais mises dans la bouche des hommes. Un homme dont le nom seul rappelle le souvenir de toutes les vertus, Fénélon prête imprudemment à des illusions dangereuses l'autorité de son caractère et l'éclat de son imagination. Bossuet résiste aux prestiges d'une perfection chimérique; il sort vainqueur du combat le plus animé que deux rivaux de gloire, de talents et de vertus se soient jamais livré; et il montre que la religion, aussi simple

dans ses conseils que dans ses préceptes, n'a pás besoin des exagérations de la piété, pour conduire les hommes aux plus hautes vertus du christianisme.

I.— De Leibnitz.

Un philosophe célèbre étonnoit l'Allemagne et l'Europe par l'étendue et la variété de ses connoissances. Théologien, géomètre, métaphysicien, jurisconsulte, historien, politique *, Leibnitz s'étoit placé à la tête de tous les savants de son siècle.Il veut avoir la gloire de lutter avec Bossuet, et il sollicite l'honneur de se mesurer avec lui, comme l'histoire nous représente ces hommes avides de renommée, qui alloient chercher des combats lointains, pour trouver des rivaux et des adversaires dignes d'éprouver leur force et leur courage.

Des motifs plus dignes d'un évêque, d'un homme déjà rassasié de tant de gloire, engagèrent Bossuet dans cette correspondance. Leibnitz se présentoit comme un médiateur utile et éclairé, qui promettoit à l'Eglise romaine la réunion de toute l'Allemagne luthérienne. Tout porte même à croire que ses premières ouvertures étoient l'expression sincère de ses sentiments et de ses dispositions.

Jamais peut-être l'âme de Bossuet ne s'ouvrit à une

* Leibnitz a été plus que politique, il a été prophète en politique. Voici ce qu'il écrivoit plus de cent ans avant que sa prophétie ait été accomplie. C'est à son ami Ludolphe qu'il mandoit en 1693, à l'occasion de l'érection récente du duché d'Hanovre en électorat : « La rai» son qui a fait penser à créer un neuvième électorat est bien natu>> relle c'est que les anciens sont en péril, et ne sont plus, comme >> autrefois, dans le milieu, mais dans les extrémités de l'empire. Je » vous dis cela à l'oreille. Je crains même que nous ne soyons obligés » d'en créer encore plusieurs autres, pour empêcher que la France, » qui devient de jour en jour plus puissante sur le Rhin, ne vienne à » dominer dans le collége électoral. Voulez-vous que je vous dise plus >> clairement ce que je crains, c'est que la France, réduisant sous sa do>>mination tout le Rhin, ne retranche d'un seul coup la moitié du » collége des électeurs, et que, les fondements de l'empire étant dé>>truits, le corps lui-même ne tombe en ruine. » (Epist. ad Ludolphum, tom. vi. p. 113, 116. )

ambition plus digne d'animer son génie et d'enflammer son zèle. Sans doute il lui étoit permis de n'être pas indifférent à la gloire de marquer le terme d'une carrière si féconde en triomphes, par l'honneur d'atcher son nom à l'événement le plus utile à la religion, à la politique et à l'humanité.

Il faut même convenir que si jamais on a pu se livrer avec quelque confiance à l'espoir du succès, après tant d'essais inutiles et décourageants, ce fut au moment où Bossuet fut appelé comme arbitre des conditions qui devoient mettre le dernier sceau à une paix éternelle.

Toutes les difficultés qui avoient fait échouer tant de fois de semblables projets paroissoient aplanies; toutes les opinions étoient conciliées, ou du moins il étoit facile de s'apercevoir qu'elles se réuniroient sur les points les plus essentiels, à la faveur d'une déclaration ou d'une exposition qui mettroit à couvert l'honneur des ministres luthériens.

Ce qu'il y avoit de plus heureux encore, et ce qui n'étoit jamais arrivé dans de semblables négociations, tous ceux qui y avoient pris part avoient montré autant de candeur et de vérité dans leurs sentiments et leurs procédés, que d'estime mutuelle pour leur vertu et leur caractère.

II. ·Bossuet est consulté sur la réunion des luthériens

d'Allemagne.

Ce fut sous des auspices aussi favorables, que les catholiques et les luthériens d'Allemagne réclamèrent l'intervention de Bossuet. Les uns et les autres présumèrent que Bossuet n'avoit besoin d'autres titres, d'autre caractère et d'autres pouvoirs pour stipuler les intérêts de toute l'Eglise catholique, que ceux qui lui étoient décernés par le respect, l'estime et la confiance de toute l'Europe. Personne ne doutoit, personne ne pouvoit douter qu'en matière de doctrine et de discipline, Bossuet ne dût porter l'exactitude et la

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condescendance aussi loin que la vérité et la conscience pourroient le lui permettre, et que le consentement du chef et de tous les pasteurs de l'Eglise ne dût ra— tifier des concessions qui auroient obtenu l'aveu et la sanction de Bossuet.

Les discordes et les guerres religieuses avoient fait éprouver tant de calamités à l'Allemagne pendant le cours de plus d'un siècle, que cette terrible expérience servit au moins à lui faire apprécier le bonheur de la paix que le traité de Westphalie lui avoit rendue. Les princes les plus puissants et les hommes les plus sages du corps germanique étendirent leurs vues jusque sur l'avenir, et voulurent fonder la paix religieuse sur des bases encore plus immuables que celles que la politique venoit de fixer entre tant de princes ennemis et de puissances rivales. Il fut souvent question, dans plusieurs diètes de l'empire, de différents projets de conciliation entre l'Eglise romaine et les luthériens de la confession d'Augsbourg.

On sait assez que ces projets vagues et indéterminés, jetés au hasard dans des assemblées nombreuses, sont rarement suivis d'un résultat utile. Mais une circonstance heureuse fit naître, quelques années après, l'espoir assez fondé de voir accomplir des vœux que la religion et la politique s'empressoient également de favoriser.

Christophe Royas de Spinola *, évêque titulaire de

Nous ignorions le nom de famille de ce prélat lorsque nous avons publié la première édition de l'Histoire de Bossuet. M. le baron de Retzer, censeur aulique à Vienne, a eu la bonté, non-seulement de nous transmettre la suite chronologique des évêques de Neustadt, mais de nous faire connoître quelques détails sur un évêque qui a le droit de nous intéresser par la sagesse de ses principes et le caractère honorable qu'il a montré dans une négociation aussi délicate et aussi importante.

Christophe Royas de Spinola naquit à Gênes; il fut d'abord religieux de l'ordre de Saint-François, et il en devint ensuite définiteur général. L'impératrice Marguerite-Thérèse, fille de Philippe IV, roi d'Espagne, et première femme de l'empereur Léopold Ier, le choisit pour son confesseur. Elle lui fit donner le titre d'évêque in partibus

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