Images de page
PDF
ePub

» comme juges. Les protestants font le contraire; ils >> refusent de reconnoître pour légitime tout concile où >> les contendants ne seront pas tous également juges, >> et ferment ainsi la porte à tout jugement ecclésias»tique, et ne laissent aucun remède au schisme et aux >> hérésies.

>> Il ne s'agissoit que d'un seul article entre les Bohé>> miens et l'Eglise catholique. Cet article étoit aisé à >> régler; il se trouvoit même déjà préjugé par l'acte >> de la concession qu'on leur avoit faite. Cet acte ordon>> noit en effet aux prêtres qui administroient la com>> munion sous les deux espèces, de déclarer en même >> temps que le corps et le sang de Jésus-Christ étoient >> également contenus tout entiers sous une seule des >> deux espèces. Il n'y a point au contraire de question >> que les protestants n'aient remuée; ils ont même >> renversé les fondements de l'Eglise, en ébranlant la >> promesse de l'assistance perpétuelle du Saint-Esprit ; >> et pour tenir en suspens les décisions faites contre >> eux, il faudroit, pour ainsi dire, refondre l'Eglise toute >> entière.

>> Enfin, quoique le concile de Bâle ait eu la condes>>cendance de ne point parler aux Bohémiens du con>> cile de Constance, ils se soumettoient cependant à >> l'autorité de ce même concile, en se soumettant à >> l'autorité de celui de Bâle, puisque l'Eglise n'étoit >> assemblée à Bâle, qu'en vertu d'un décret du concile >> de Constance; les protestants au contraire, en de>> mandant la suspension des décrets du concile de >> Trente, demandent en effet la suspension de tous les >> conciles depuis mille ans, puisque la plus grande » partie des erreurs qu'ils professent ont été condam»> nées, non-seulement par le concile de Trente, mais >> par tous les conciles antérieurs depuis mille ans; ce >> qui est supposer, en d'autres termes, qu'il n'y a eu >> ni christianisme, ni Eglise véritable depuis mille

>> ans. >>>

On peut juger par la nouvelle forme que Leibnitz

avoit imaginé de donner à cette controverse, combien il s'étoit éloigné de la marche sage et mesurée qu'avoient d'abord suivie les théologiens d'Hanovre. Ce système de subtilités n'étoit propre qu'à multiplier les obstacles, au lieu de les aplanir, et à créer de nouvelles difficultés; lorsqu'on n'auroit dû s'attacher qu'à concilier celles que la nature même d'une pareille négociation rendoit déjà si délicates et si épineuses.

XIV.- Conduite équivoque de Leibnitz.

Le premier résultat de l'intervention de Leibnitz fut d'en écarter le sage abbé de Lokkum, qui avoit apporté un si excellent esprit et des intentions si estimables. On ne le voit plus en effet reparoitre dans cette correspondance, et Leibnitz, qui ne s'étoit d'abord présenté que comme un intermédiaire utile et agréable entre Bossuet et Molanus, finit par éclipser entièrement le principal ministre des églises luthériennes, et par s'établir l'interprète unique et exclusif de toute la confession d'Augsbourg.

Bossuet fut justement étonné de l'espèce d'affectation que l'on avoit mise à couper le fil de ses premières relations avec l'homme dont le caractère et les lumières pouvoient le plus contribuer au succès d'une négociation de cette nature, si un tel succès pouvoit jamais être l'ouvrage des hommes. Bossuet ne cessa jamais de regretter qu'on n'eût pas laissé achever cette grande entreprise à celui qui l'avoit si heureusement commencée, et qui étoit si digne d'y mettre la dernière main par ses talents et sa sagesse.

Il paroît même que Leibnitz parvint à faire entendre à Molanus qu'il s'étoit engagé trop loin par les facilités qu'il avoit montrées à Bossuet, et par les aveux qu'un excès de sincérité lui avoit arrachés.

On pourroit croire que l'abbé de Lokkum craignit d'avoir déplu aux princes de la maison d'Hanovre, en allant un peu plus loin qu'il ne convenoit aux intérêts de leur politique. La ténacité de Leibnitz dans les ob

jections assez peu raisonnables qu'il entassoit dans sa correspondance avec Bossuet, et la confiance dont il jouissoit à la cour d'Hanovre, pouvoit justifier jusqu'à un certain point les inquiétudes et les soupçons de Molanus. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'on croit apercevoir dans un troisième écrit de l'abbé de Lokkum, en date du 1er août 1693*, que, sans se mettre en contradiction formelle avec les maximes si sages et si modérées qu'il avoit lui-même établies, il semble revenir indirectement sur ses premiers aveux et sur les facilités qu'il avoit annoncées. Sans se prononcer d'une manière aussi absolue que Leibnitz contre le concile de Trente, il conclut comme lui, par demander la suspension de ses décrets. Il fait à la vérité dans cet écrit le plus grand éloge de Bossuet; il y exprime « les >> vœux ardents qu'il ne cesse de former pour la con»servation de ce savant évêque; il prie le Seigneur » de prolonger les jours d'un prélat si bien disposé, » si éloigné de tout esprit de parti, et qui cherche de si >> bonne foi la vérité et la paix. » Mais à la suite de ces formules de politesse, il commence à manifester une sorte d'inflexibilité qui s'accordoit peu avec l'esprit de conciliation de ses premiers écrits.

Bossuet s'aperçut apparemment de la marche un peu tortueuse de Leibnitz et du refroidissement subit de l'abbé de Lokkum; il fut peut-être aussi un peu fatigué de l'obstination de Leibnitz à revenir sur les mêmes objections. Quoi qu'il en soit, Bossuet laissa tomber sa correspondance avec lui. Elle fut interrompue cinq ou six ans **; et ce fut Leibnitz lui - mème qui chercha à la renouer par une lettre du 11 décembre 1699.

* On le trouve au tome vit des OEuvres de Bossuet, p. 646 et suiv.; il est intitulé: Nouvelle explication de la méthode qu'on doit suivre pour parvenir à la réunion des églises.

[ocr errors]

On ne trouve aucune lettre de Leibnitz et de Bossuet, depuis celle ue Leibnitz écrivit le 12 juillet 1694, jusqu'à celle du 11 décembre

Le motif qui servit de prétexte à cette lettre, fut de demander à Bossuet son opinion sur l'ouvrage du P. Véron, jésuite; ouvrage dans lequel cet habile controversiste s'étoit attaché à séparer dans la doctrine de l'Eglise romaine, tout ce qui est strictement de la foi, de tous les autres points dont la croyance n'est pas absolument nécessaire au salut; méthode qui a paru si sage et si utile, qu'elle a été ensuite adoptée par les plus savants controversistes et par Bossuet lui-même.

Leibnitz demandoit à Bossuet quels étoient les principes admis dans l'Eglise romaine pour distinguer ce qui est de foi de ce qui n'en est pas.

[ocr errors]

XV. Lettre de Bossuet à Leibnitz, 50 janvier 1700, sur les articles fondamentaux et non fondamentaux.

Bossuet lui répond:

<«< 1° Qu'il y a des articles fondamentaux et non >> fondamentaux; c'est-à-dire, des articles dont la >> connoissance et la foi expresse n'est pas nécessaire » au salut.

» 20 Qu'il y a des règles pour les discerner les uns >> des autres.

>>3° Que les articles révélés de Dieu, quoique non >> fondamentaux, ne laissent pas d'être importants, » et de donner matière de schisme, surtout lorsque » l'Eglise les a définis.

» Il y a des articles fondamentaux, dont la connois>>sance et la foi expresse est nécessaire au salut. Il ne >> peut y avoir aucune difficulté sur ce principe entre » les luthériens et les catholiques, puisque les pre>> miers admettent, ainsi que les seconds, le symbole » de saint Athanase, où ces articles sont énoncés. La >> confession d'Augsbourg place en effet le symbole de >> saint Athanase à la suite du symbole des apòtres et » de celui de Nicée.

» Il y a également des règles pour reconnoître les >> articles fondamentaux, puisque les luthériens re1Œuvres de Bossuet, tom. VIII. pag. 721 et suiv.

» connoissent, ainsi que les catholiques, qu'il y a des >> premiers principes de la religion chrétienne, qu'il » n'est permis à personne d'ignorer, tels que sont le » symbole des apôtres, l'oraison dominicale et le dé– » calogue, avec son abrégé nécessaire, dans les deux » préceptes de la charité, dans lesquels consiste, selon » l'Evangile, toute la loi et les prophètes.

» Quoique la connoissance et la foi expresse des ar» ticles non fondamentaux ne soit pas nécessaire à tout » le monde, ils ne laissent pas d'ètre importants; et » c'est ce qu'on ne peut nier, puisqu'on les reconnoît » révélés de Dieu. »

Ainsi on mérite une juste censure, lorsqu'on les combat après que l'Eglise les a proposés et définis.

L'Eglise a donc cru devoir frapper d'anathème nonseulement les ariens, les sabelliens, les macédoniens, les nestoriens, les eutychiens, qui attaquoient, sous tant de formes différentes et contraires, la substance même du mystère de la Trinité; mais encore les novatiens, qui ôtoient aux ministres de l'Eglise le pouvoir de remettre les péchés ; les montanistes, qui improuvoient les secondes noces; les disciples d'Aérius, qui nioient l'utilité des oblations pour les morts, ainsi que la distinction de l'épiscopat de la prêtrise; jusqu'aux quarto-decimans, qui aimoient mieux célébrer la pàque avec les Juifs qu'avec les chrétiens, et tâ, choient de rétablir le judaïsme et ses observances contre l'ordonnance des apôtres.

[ocr errors]

Les luthériens sont forcés eux-mêmes de convenir de ce principe, « puisqu'ils ont mis au nombre des hérétiques, sous le nom de sacramentaires, Bérenger >> et ses sectateurs, quoique la présence réelle, qui fait >> leur erreur, ne soit pas comptée parmi les articles >> fondamentaux.

>>

L'Eglise fait néanmoins une grande différence entre >> ceux qui ont combattu des dogmes utiles et néces>> saires, quoique d'une nécessité inférieure, avant ou >> depuis ses définitions. Avant qu'elle eût déclaré la

« PrécédentContinuer »