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à Trente. Il s'explique à ce sujet avec autant de précision que de sagesse.

« Vous voyez par là, dit-il à Leibnitz, quel usage >> nous voulons faire de ce concile. Ce n'est pas d'abord » de le faire servir de préjugé aux protestants, puisque » ce seroit supposer ce qui est en question entre nous; »> nous agissons avec plus d'équité; mais ce concile »> nous servira à donner de solides éclaircissements de >> notre doctrine. La méthode que nous suivrons, sera » de nous expliquer sur les points où l'on s'impute >> mutuellement ce qu'on ne croit pas, et où l'on dis>> pute, faute de s'entendre. Cela peut se pousser si » avant, que M. l'abbé de Lokkum a lui-même concilié >> les points si essentiels de la justification et du sacrifice » de l'eucharistie; et il ne lui manque de ce côté-là » que de se faire avouer des théologiens de sa commu>> nion. Pourquoi ne pas espérer de finir par le même » moyen des disputes moins difficiles et moins impor>> tantes? Pour moi, bien certainement, je n'avance ni >> je n'avancerai rien, dont je ne puisse très-aisément >> obtenir l'aveu parmi nous.

>> Si l'on avoit fait attention aux solides conciliations » que j'ai proposées sur ce fondement (au lieu qu'il ne >> paroît pas qu'on ait fait semblant de les voir), l'affaire » seroit peut-être à présent bien avancée. Ainsi, ce n'est » pas à moi qu'il faut imputer le retardement. Si l'état >> des affaires survenues * rend les choses plus diffi>> ciles; si les difficultés semblent s'augmenter au lieu » de décroître, et que Dieu n'ouvre pas encore les cœurs >> aux propositions de paix si bien commencées, c'est » à nous à rendre les moments que notre Père céleste >> a mis en sa puissance, et à nous tenir toujours » prêts, au premier signal, de travailler à son œuvre >> qui est celle de la paix.

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En finissant sa lettre du 17 août 1701, Bossuet, après avoir fait sentir à Leibnitz combien il étoit peu raison

*La guerre de 1689, et la guerre de la succession d'Espagne, qui paroissoit inévitable.

nable de sa part de s'attacher avec tant de chaleur å une critique minutieuse du décret du concile de Trente sur la Vulgate, ajoute : « Je me tiens assuré que M. » l'abbé de Lokkum ne croira jamais que ce soit là une >> matière de rupture, ni une raison de vous élever >> avec tant de force contre le concile de Trente. » Cet acharnement de Leibnitz est en effet d'autant plus singulier, qu'il convenoit lui-même *, « que la plupart >> des décisions de ce concile avoient été faites avec >> beaucoup de sagesse, et il étoit loin de le mépriser. »> Tel est le dernier acte de la correspondance de Leibnitz avec Bossuet, et on ne le voit plus chercher à la

renouer.

Assurément Bossuet avoit le droit de dire que ce n'étoit pas à lui qu'on devoit imputer le défaut de succès d'une négociation dont le début avoit promis un résultat plus heureux. On a vu jusqu'à quel point il avoit porté la condescendance et l'esprit de conciliation. Ce qui se fait surtout remarquer dans la correspondance de Bossuet, c'est un caractère de vérité et de droiture, qui ne se dément pas un seul instant. Pas une seule proposition insidieuse, pas une seule arrière-pensée, ni même l'apparence d'une subtilité ne viennent se mêler à la simplicité de son langage et à la franchise de ses procédés.

XVII.-Motifs politiques de la conduite de Leibnitz. La conduite de Leibnitz dans cette négociation s'accorde si peu avec le reste de sa vie, et avec les sentiments et les maximes que l'on trouve dans ses ouvrages manuscrits ou imprimés, que l'on seroit embarrassé de l'expliquer, si on la séparoit des considérations politiques, qui paroissent avoir influé sur ses opinions.

Leibnitz étoit entièrement dévoué à la maison d'Hanovre; et la révolution de 1688 avoit tout-à-coup offert Lettre de Leibnitz à madame la duchesse de Brunswick, 2 juillet

à cette maison la perspective du trône d'Angleterre. Mais cette espérance étoit encore assez éloignée; la princesse Anne avoit un fils et promettoit une nombreuse postérité; aussi, à la première époque de la correspondance de Leibnitz et de Bossuet, en 1691, 1692, 1693, 1694, on le trouve plus facile et plus conciliant. Mais, à la fin de 1699, il ne restoit plus qu'un fils à la princesse Anne *; ce fils pouvoit mourir, et mourut en effet quelques mois après. La correspondance de Leibnitz prend tout-à-coup un caractère entièrement opposé à l'esprit de conciliation qui s'étoit établi entre Bossuet et l'abbé de Lokkum.

La préférence que la nation angloise accordoit à la maison d'Hanovre au préjudice de quelques autres princes dont les droits étoient plus directs et plus certains, étoit uniquement fondée sur la haine de la catholicité, et sur la faveur du culte protestant que professoient les princes de la maison d'Hanovre. L'expectative d'une couronne aussi brillante devoit les rendre trèsattentifs à n'offrir à leurs rivaux ou à leurs ennemis aucun motif de les écarter d'un trône auquel ils n'avoient d'autres droits, que ceux qu'ils empruntoient des animosités religieuses. Aussi voiton Leibnitz rompre en 1701 toute correspondance avec Bossuet. Cette date est remarquable. C'étoit en effet en 1701, quelques mois après la mort du duc de Glocester, seul et dernier fils de la princesse Anne, que le parlement d'Angleterre venoit d'assurer la succession du trône à la maison d'Hanovre.

Au reste, des conjectures assez plausibles permettent de soupçonner qu'en cette occasion Leibnitz a plutôt cédé à des considérations politiques qu'à la conviction sincère de la vérité de son opinion.

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Elle avoit eu dix-sept enfants du prince George de Danemarck, son époux; mais presque tous étoient arrivés moris ou avant terme, l'exception du duc de Glocester, qui mourut le 20 août 1700, à l'àge de onze ans.

III.

5*

XVIII. — Décision de l'université d'Helmstadt sur le mariage d'une princesse luthérienne avec un prince catholique.

Lorsqu'en 1707 il fut question du mariage de la princesse Elisabeth - Christine de Brunswick - Wolfenbutel avec l'archiduc Charles d'Autriche (depuis l'empereur Charles VI), on proposa la question suivante à l'université d'Heltstadt, de la confession d'Augsbourg.

« Une princesse protestante, destinée à épouser un » prince catholique, peut-elle, sans blesser sa con>> science, embrasser la religion catholique? >>

Le 28 avril 1707, les docteurs luthériens donnèrent la déclaration suivante :

« Nous sommes convaincus que les catholiques sont » d'accord avec les protestants, et que, s'il y a entre >> eux quelque dispute, elle roule sur des questions de » mots...................... Le fondement de la religion subsiste dans l'Eglise catholique-romaine, en sorte qu'on peut y >> être orthodoxe, y bien vivre, y bien mourir, » obtenir le salut.

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et y

» La sérénissime princesse de Wolfenbutel peut donc, >> en faveur de son mariage, embrasser la religion >> catholique. »

Cette déclaration fut imprimée la même année à Cologne. Les journalistes de Trévoux la traduisirent et l'insérèrent avec le latin dans le journal de mai 1708. Elle excita les réclamations de plusieurs protestants. Fabricius, professeur en l'université d'Helmstadt, et connu par un grand nombre d'ouvrages qui attestent une vaste érudition, étoit regardé comme le principal auteur de cette déclaration. Leibnitz, qui entretenoit avec lui depuis longtemps une correspondance habituelle, lui écrivit à ce sujet plusieurs lettres très-curieuses , que Bossuet auroit pu employer comme pièces justificatives de son Histoire des Variations s'il eût encore existé, et qu'il en eût eu connoissance.

*

On les trouve au tome v des OEuvres de Leibnitz, p. 281 et sui

vantes,

Il lui mande d'abord « que le ministre Basnage lui » a écrit1 pour s'informer si la déclaration attribuée à » l'université d'Helmstadt est réelle ou supposée; et >> qu'il importe extrêmement de ne pas laisser peser » sur les églises protestantes les conséquences fâcheuses » qui pourroient en résulter. » Leibnitz ajoute : « qu'il » va s'empresser de lui répondre que Fabricius et tous >> les professeurs de l'université d'Helmstadt désavouent >> unanimement cette déclaration; que cependant il » attendra sa réponse avant d'écrire à Basnage. Il le » prévient en même temps que cette déclaration a >> excité une grande rumeur en Angleterre. »

Ni Fabricius, ni l'université d'Helmstadt ne pouvoient désavouer la déclaration qu'ils avoient donnée ; mais, effrayés de la vive opposition qu'elle éprouvoit en Hollande et en Angleterre, ils cherchèrent à en atténuer l'effet par des explications vagues et insignifiantes. Leibnitz comprit facilement que ces explications n'étoient ni assez précises, ni assez satisfaisantes pour éluder les justes conséquences que les catholiques avoient su tirer de la déclaration. Il répond à Fabricius 2 a qu'il lui sait gré de l'espèce de protestation >> qu'il lui a envoyée en son nom, et en celui de l'uni>> versité d'Helmstadt, que cependant on auroit désiré >> quelque chose de plus précis, et qu'on ne se fût pas »borné à déclarer ce qu'on ne pensoit pas, mais exprimer ce qu'on pensoit...... Que plusieurs évêques » d'Angleterre, attachés à la cause et aux intérêts de >> la maison d'Hanovre, lui avoient fait entendre que la >> tolérance et l'indulgence de l'université d'Helmstadt » pour l'Eglise catholique, pouvoient nuire à l'expec>>tative du trône d'Angleterre, qui venoit de lui être >> récemment assurée. »>

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3

Peu de jours après, Leibnitz écrit encore à Fabri>> cius 3, « pour l'engager à supprimer entièrement la >> seconde partie de la déclaration de l'université 14 septembre 1708.

2 Le 17 septembre 1708.-3 Le 22 septembre 1708,

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