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Tina en Bosnie, inspiré par un zèle éclairé pour la religion, avoit souvent recherché les occasions de conférer avec les ministres luthériens. Il unissoit une profonde connoissance des sujets de controverse qui divisent l'Eglise romaine et la confession d'Augsbourg, à beaucoup de modération, de douceur et d'esprit de conciliation. Comme il n'avoit apporté dans ces conférences, que le hasard faisoit souvent naître, aucun sentiment d'ostentation, ni aucune vue de domination, il avoit trouvé le moyen le plus sûr de se faire écouter et entendre. D'ailleurs on commençoit à perdre en Allemagne l'habitude de ces déclamations violentes et grossières contre la nouvelle Babylone et son antechrist; et les ministres les plus respectables cherchoient plus à excuser le langage de Luther, qu'ils n'étoient disposés à l'imiter. Enfin, la confession d'Augsbourg et l'apologie de cette même confession, rédigées par le doux et sage Mélanchton, offroient tant de moyens de rapprochement avec la doctrine de l'Eglise romaine sur les points les plus essentiels, qu'il n'avoit pas été difficile à l'évêque de Tina de faire sentir aux ministres luthériens, que Luther n'avoit fait un schisme que par humeur et emportement.

L'évêque de Tina avoit même fait l'essai d'une méthode de conciliation entre les principaux articles de la confession d'Augsbourg et les décrets du concile de Trente; et les ministres luthériens avoient observé, avec une espèce d'étonnement, que dans un grand nombre d'articles, la confession d'Augsbourg ne s'éloignoit du concile de Trente que par des expressions peu exactes, qu'il étoit facile de rectifier; et que dans les points où elle lui paroissoit le plus opposée, ce n'étoit que parce qu'on attribuoit à l'Eglise romaine

infidelium de Tina en Bosnie. L'empereur Léopold le nomma, en 1686, à l'évêché de Neustadt. Ce prélat mourut en 1695; et cette date explique comment il ne fut point appelé aux négociations qui furent reprises en 1700, entre Bossuet et Leibnitz, pour la réunion des luthériens d'Allemagne à l'Eglise romaine,

des sentiments et des intentions qu'elle avoit constamment désavoués.

en

L'empereur Léopold fut instruit des heureux effets qu'avoit déjà produits la méthode dont l'évêque de Tina avoit cru devoir faire usage. Il apprit également avec satisfaction que ce prélat avoit su mériter l'estime et la confiance des ministres luthériens par la sagesse de son caractère et de son esprit. Ce prince, comme chef du corps germanique, étoit autorisé à poursuivre l'exécution d'un plan que la diète même de l'empire lui avoit souvent recommandé. Il exerçoit alors Allemagne cette plénitude d'autorité qui avoit manqué à la plupart de ses prédécesseurs. Louis XIV, par la crainte et la jalousie qu'il inspiroit à toute l'Europe, avoit, sans le vouloir et sans le prévoir, donné au chef de la maison d'Autriche un ascendant sur tous les princes d'Allemagne, qui les rendoit dociles à toutes ses inspirations; et Léopold, qui n'étoit jamais sorti de son cabinet, se trouvoit alors plus absolu que ne l'avoit jamais été Charles-Quint dans les jours de sa plus grande puissance.

Son premier soin fut de rapprocher de lui l'évêque de Tina. Il le nomma à l'évêché de Neustadt, petite ville à huit lieues de Vienne, pour le mettre à portée de lui faire connoître ses vues, et de recevoir ses instructions.

Il fit plus; par un rescrit impérial en date du 20 mars 1691, il l'investit d'un plein pouvoir pour traiter avec tous les états, communautés, ou même particuliers de la religion protestante, et travailler à leur réunion en matière de foi, et extinction ou diminution des controverses non nécessaires.

C'est ainsi que l'évêque de Neustadt se trouva revêtu du caractère le plus auguste. Il se montra digne du titre et de la confiance que l'empereur Léopold lui avoit accordés. Il se rendit d'abord dans les états de la maison d'Hanovre, où tous les esprits paroissoient plus favorablement disposés que partout ailleurs. Le duc

Jean-Frédéric de Brunswick avoit déjà renoncé à la confession d'Augsbourg pour embrasser la religion catholique; et le duc d'Hanovre, Ernest-Auguste, créé électeur de l'empire par Léopold, désiroit avec ardeur la réunion des deux communions, quoique l'espérance, encore assez éloignée d'arriver au trône d'Angleterre, ne lui permît pas de suivre l'exemple du chef de sa maison.

L'évêque de Neustadt eut également le bonheur inespéré de trouver dans le chef ou le directeur des églises consistoriales d'Hanovre, l'homme, le théologien le plus propre à seconder ses vues.

III. - De Molanus, abbé de Lokkum.

Gérard Walter, plus connu sous le nom du docteur Molanus, abbé de Lokkum, étoit le plus habile de tous les docteurs luthériens de son temps; et ce qui le rendoit encore plus recommandable, il en étoit aussi le plus modéré et le plus conciliant. L'évêque de Neustadt et l'abbé de Lokkum commencèrent par écarter toutes les discussions, toutes les controverses inutiles, qui ne servent ordinairement que de pâture à l'amour-propre ou à l'entêtement, et qui finissent toujours par éloigner les esprits au lieu de les rapprocher. Ils eurent le bon sens de reconnoître que la méthode employée par Bossuet avec les protestants, celle d'une simple exposition de la doctrine qu'on professe, étoit la plus courte, comme la plus favorable pour s'expliquer et se faire entendre, sans s'attribuer mutuellement des sentiments que l'on désavoue, et sans s'égarer dans des questions indifférentes à la foi, ou

aux mœurs.

Ce fut avec ces estimables dispositions que l'évêque de Neustadt et l'abbé de Lokkum conférèrent ensemble pendant sept mois entiers. Le résultat de ces conférences fut un écrit intitulé: Regulæ circa Christianorum omnium ecclesiasticam reunionem , que l'abbé de

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*

* Règle touchant la réunion générale des chrétiens. On trouve

Lokkum présenta à l'évêque de Neustadt, au nom de tous les théologiens d'Hanovre, mais qui paroît avoir été l'ouvrage de l'abbé de Lokkum lui-même.

Cet écrit ne remplissoit pas à la vérité toutes les vues de l'évêque de Neustadt. Les préliminaires que deman— doient les théologiens d'Hanovre étoient en effet assez peu raisonnables en matière de religion. Mais comme dans la discussion particulière des points de controverse entre Rome et Augsbourg, les théologiens d'Hanovre se montroient assez disposés à goûter la doctrine du concile de Trente, l'évêque de Neustadt ne crut ni devoir la rejeter, ni s'expliquer sur les vices et les inconvénients du plan proposé par l'abbé de Lokkum.

Le premier soin de l'évêque de Neustadt fut de recourir aux lumières et aux conseils de Bossuet. Le nom de Bossuet étoit aussi respecté en Allemagne qu'en France. D'ailleurs l'évêque de Neustadt avoit suivi, avec les luthériens d'Hanovre, la même méthode dont Bossuet avoit fait un usage si heureux avec les protestants de France; et cette conformité de vues et de principes établissoit déjà entre ces deux prélats une espèce de relation également honorable pour l'un et pour l'autre.

Bossuet, après avoir pris connoissance de l'écrit de l'abbé de Lokkum, que l'évêque de Neustadt lui avoit transmis, crut devoir rendre compte à Louis XIV d'une négociation qui ne pouvoit qu'être agréable à un prince aussi sincèrement religieux. Il autorisa Bossuet à donner à l'évêque de Neustadt tous les éloges et tous les encouragements que méritoit son zèle, et même à lui annoncer de sa part qu'il goûtoit ses pensées, et qu'il les favoriseroit de tout son pouvoir.

Bossuet ne prévoyoit pas encore qu'il seroit bientôt appelé lui – même à diriger cette grande entreprise, et à y répandre le plus puissant intérêt par des écrits et des discussions où l'on reconnoît toute la force et toute l'étendue de son génie.

cet écrit en latin et en François au tome VIII. des OEuvres de Bossuet, p. 510 et 515.

Une circonstance extraordinaire transporta tout-àcoup cette négociation entre les mains de Bossuet.

IV. De l'abbesse de Maubuisson et de madame de Brinon.

La princesse palatine Louise - Hollandine, fille du malheureux Frédéric V, élu un moment roi de Bohême, et petite-fille de Jacques Ier, roi d'Angleterre, étoit alors abbesse de Maubuisson. Cette princesse avoit suivi son père et sa mère dans leur retraite en Hollande, lorsque la bataille de Prague eut fait perdre en un seul jour à l'électeur palatin une couronne qui ne lui appartenoit pas, et les états héréditaires qu'il avoit reçus de ses ancêtres.

La jeune princesse, pendant son séjour en Hollande, avoit été à portée de s'instruire de la doctrine de l'Eglise catholique, et elle y avoit trouvé des motifs suffisants pour revenir à la religion que ses pères avoient abandonnée. Mais, dans la crainte d'avoir à combattre la tendresse et l'autorité d'une mère qu'elle chérissoit, elle crut devoir s'éloigner d'elle secrètement au mois de décembre 1657. En partant, elle laissa sur sa table un billet qui ne contenoit que ces mots: Je passe en France pour me rendre catholique et me faire religieuse. Arrivée à Anvers, elle y fit abjuration le 25 janvier 1658, et se rendit peu de temps après en France à l'abbaye de Maubuisson. Elle y prit l'habit religieux le 25 mars 1659, et fit profession le 19 septembre 1660. Quelques années après, Louis XIV la nomma abbesse de Maubuisson.

Dans cette même abbaye se trouvoit madame de Brinon, connue par la part qu'elle a eue à l'établissement de la maison de Saint-Cyr, dont elle fut la première supérieure, et par la confiance que madame de Maintenon lui avoit longtemps accordée. Mais cette faveur même fut la cause de sa disgrace; il paroît qu'elle se laissa trop facilement enivrer des honneurs et de la considération qu'elle lui attiroit, et que, trop entière dans ses sentiments, elle ne montra pas à

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