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ration de l'oncle.

n'avait cu garde, néanmoins, en faisant tant d'instances, part à l'abjude donner à entendre, par une seule parole, que le neveu eût influé, si peu que ce fût, sur l'abjuration de l'oncle. L'application du duc d'Albret, dès ses premières années; d'éclatants succès dans ses études à la Sorbonne; son érudition (car le monarque alla jusquelà), c'est, sur les mérites du jeune abbé, sur ses titres à la pourpre romaine, à quoi s'en était tenu le grand roi; sans jamais, non plus que nul de ses ministres, ou aucun des négociateurs (même l'abbé Bigorre, envoyé à Rome par le duc d'Albret, tout exprès), avoir donné à entendre (ce que, très-assurément, ne croyait aucun d'eux) que ce docteur de la veille eût eu part, autrement que par ses vœux, à un changement si notable '. L'affaire, quoi qu'il en soit, étant consommée; et ne restant plus au nouveau cardinal que de recevoir, en cérémonie, le bonnet, la Gazette, l'instant venu d'annoncer une promotion si étrange, n'en devait pas apporter d'autres motifs que « le secours extraordinaire, si généreusement, si utilement donné par Louis XIV à la chrétienté [à Candie]; et l'excès de la reconnoissance de Clément IX pour cet acte signalé du grand roi 2. » L'abbé de Choisy, en même temps qu'il fait allusion à des insinuations du duc d'Albret à Turenne pour le convier de se faire catholique, déclarant que le neveu n'avait su, de son oncle, sa résolution d'abjurer que le jour, seulement, où elle s'allait accomplir, parle même de quelques mots d'excuse de Turenne au jeune docteur,

En quels
Gazette

termes la

annonça cette

promotion.

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Louis XIV au pape, 31 janvier 1669. ( Archives des affaires étrangères. ) 2 Gazette de France, 17 août, 7 septembre 1669.

Le cardinal de Bouillon

buer, en

neur d'a

voir con.

verti son oncle.

sur ce qu'il lui avait fait un mystère de son dessein '. Mais comme un rôle si passif n'aurait pu suffire à se fait attri- motiver une promotion, prématurée d'ailleurs, à ce point public, l'hon- qu'on appela, quelque temps, le cardinal de Bouillon l'enfant rouge 2, toutes les insinuations devaient, de bonne heure, être mises en usage, parmi les familiers du nouveau cardinal, pour lui attribuer le mérite de l'abjuration de Turenne, et lui en assurer à jamais tout le gré. Je laisse de nombreux discours, des pièces de vers, tant latins que français, lues en mille rencontres, et composées tout exprès pour accréditer une prétention, la moins fondée que nul homme ait élevée jamais. La mort de Turenne, en 1675, ne pouvait manquer d'offrir, pour ce dessein, de plus favorables, de plus solennelles occasions, que sut saisir avidement la vanité du cardinal de Bouillon.

Oraisons funèbres de

(1675), où

Des éloges religieux de l'illustre capitaine, dont la mort Turenne inopinée fut pour la France une calamité publique, deson abjura- vaient être prononcés, alors, dans beaucoup d'églises représentée du royaume; et ne se pouvant qu'en chaire, dans une de Bouillon. telle conjoncture, l'éclatant retour du grand homme à

tion est

comine due

au cardinal

la foi catholique fût mis en oubli, Bouillon, avec cette prétention, si peu fondée, d'y avoir eu une très-grande part, allait être fort en peine de la manière dont il en serait parlé, si la plupart des orateurs appelés à célébrer l'illustre défunt n'eussent, à l'avance, été choisis tout exprès par ce cardinal lui-même, comme grand aumônier de France, comme neveu du regretté capitaine; prêts ainsi à dire ce qu'ils savaient lui devoir

460.

Mémoires de l'abbé de Choisy, collection Petitot, 2o série, t. LXIII,

2 Curiosités historiques, ou recueil des pièces utiles à l'histoire de France, t. II, 140.

agréer, et surtout à ne rien hasarder qui lui pût déplaire. A Évreux, d'abord, où les Bouillon régnaient, pour ainsi dire (ce duché, avec celui de Château-Thierri, leur ayant été, en mars 1651, donné, par le roi, en échange de la souveraineté de Sedan), le théologal (Le Batelier d'Aviron), prononçant, dans la cathédrale, l'oraison funèbre de Turenne, lorsque vint le moment de parler de la conversion du grand homme, n'avait garde d'oublier la leçon qu'on lui avait apprise. Signalant les causes secondes auxquelles, après Dieu, on avait dû, suivant lui, un événement si heureux, tous les Bouillon, à l'entendre, étaient en droit d'y « revendiquer une part; mais, particulièrement, S. E. Mr le cardinal de Bouillon, par tant de conférences qu'il avoit eues avec M. de Turenne, son oncle; conférences saintes, où l'on a vu (disait-il que la force de l'éloquence, la solidité de la doctrine et la tendresse de l'amitié se sont jointes admirablement avec les mouvements de la grâce, pour faire réussir ce grand ouvrage 2»

A Rouen, dans la magnifique église de Saint-Ouen, l'une des abbayes du cardinal de Bouillon, qui y fit faire le 15 décembre 1675, apparemment en sa présence, un service très-solennel pour la mémoire de son oncle, le soin de prononcer l'oraison funèbre avait été confié à ce célèbre P. Ménestrier, auteur d'ouvrages, en si grand nombre, tous très-doctes et fort curieux, pour la plupart. Là, Théodose d'Albret eut moins de con

Le contrat fut passé à Paris, devant le notaire Vaultier, le 20 mars 1651. Le voir dans l'Histoire civile et ecclésiastique du comté d'Évreux [par Le Brasseur]; Paris, 1722, in-4o, p. 393; et Pièces, p. 154

et suiv.

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2 Oraison funèbre du vicomte de Turenne, prononcée en l'église de Notre-Dame d'Évreux, le 22 octobre 1675, par Nicolas Le Batelier ◄l'Aviron, chanoine et théologal de ladite église cathédrale; 1675, in-4o.

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tentement qu'à Évreux; l'orateur, accoutumé, dans ses travaux d'érudition, à ne rien affirmer que sur de solides preuves, s'en étant tenu à dire que « le cardinal de Bouillon avoit beaucoup contribué, par les lumières de son esprit, à tirer le grand homme de l'erreur où le malheur des temps et l'éducation l'avoient engagé'; » et le cardinal n'ayant pu obtenir de lui autre chose. Fléchier, dont le discours, prononcé, à Paris, Turenne par dans l'église Saint-Eustache, fit alors tant de bruit et est demeuré si célèbre, content d'exalter l'abjuration de Turenne, se borna à dire, en ce qui regarde les particularités d'une action si notable, que, « bien des fois, le grand capitaine avoit consulté des amis savants et fidèles 2»; Ménestrier, à Rouen; d'Aviron, à Évreux, avaient fait mieux.

Oraison funèbre de

Fléchier.

nèbre de

Mascaron.

Oraison fu- Mais aux grandes carmélites de Paris, où avait été Turenne, par apporté le cœur de Turenne, et où par les soins de Mme de Longueville, de deux insignes religieuses de ce monastère, nièces du défunt, fut célébré, avec solennité, le 30 octobre 1675, un service funèbre en sa mémoire, le P. Mascaron, choisi (on en a les preuves), choisi, disons-nous, par le cardinal de Bouillon, pour prononcer le discours3, devait, comme l'orateur d'Évreux, et en

1 Oraison funèbre de très-haut.... Henri de La Tour d'Auvergne, comte de Turenne, prononcée à Rouen, dans l'église de l'abbaye de SaintOuen, le 15 décembre 1675, par le P. Claude-François Ménestrier, de la compagnie de Jésus; Paris, chez Étienne Michallet, 1676, in-4o, 41 pages.

-

2 Oraison funèbre de Turenne, par Fléchier, prononcée en l'Église de Saint-Eustache de Paris, le 10 janvier 1676. Le cardinal Maury reproche vivement à Fléchier cet étrange silence en ce qui regarde Bossuet, auteur de la conversion de son héros. (Essai sur l'éloquence de la chaire, § XXX.)

3 Le P. Mascaron, par une lettre du 5 septembre 1675, annonce a mademoiselle de Scudéry qu'« il vient d'être choisi par le cardinal de

de meilleurs termes, donner plein contentement à la vanité de cette éminence. Là, cette fois, fut célébré, sans réserve, «< ce cher et illustre neveu, qui, par ses conférences fréquentes, avoit contribué si efficacement à la conversion de son oncle; » et après qu'eurent été exaltées « la grandeur de sa naissance, la profondeur de son savoir, l'innocence de ses mœurs, une sagesse consommée dans une grande jeunesse, titres éclatants de ce prince à la plus éminente dignité de l'Église,» Mascaron n'avait pas craint d'ajouter « qu'il eût suffi au duc d'Albret, pour mériter la pourpre romaine, d'avoir contribué quelque chose à la conquête de la grande âme de Turenne'. » De Bossuet (chose notable), de Bossuet, qui, officiant pontificalement aux carmélites, dans cette solennelle cérémonie, était assis en face de la chaire 2, pas un mot, dans ce discours d'un homme qui avait dû bien connaître les particularités du changement de religion de Turenne, et qui même y avait eu quelque part. Mais désigné par le cardinal de Bouillon pour porter, ici, la parole, il n'aurait eu garde, sur un point si délicat, de s'exposer à lui déplaire. Ce silence n'avait pu manquer de satisfaire aussi l'archevêque de Paris, François de Harlay Chanvallon. Protégé de ce prélat; lui

Bouillon pour prononcer, aux carmélites, l'oraison funèbre de M. de Turenne. » (M. Monmerqué, article: Scudéry ( Mademoiselle de ), dans la Biographie universelle. )

Oraison funèbre de Turenne, par Mascaron, évêque de Tulle.

2 « Le 30 octobre 1675, on fit, à Paris, dans l'église du grand couvent des carmélites, un service fort solennel pour le vicomte de Turenne. L'ancien évesque de Condom, précepteur de monseigneur le Dauphin, of ficia; et l'évêque de Tulle fit l'éloge de ce prince... etc. Gazette de France, 2 novembre 1675. Maury a dit, à tort, que le cardinal de Bouillon avait officié à cette cérémonie. (Essai sur l'éloquence de la chaire, § XXX, dans une note. )

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