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veut pas songer'. Ne pensez pas aux passages du Messie”, disait le Juif à son fils. Ainsi font les nôtres souvent. Ainsi se conservent les fausses religions; et la vraie même“, à l'égard de beaucoup de gens. Mais il y en a qui n'ont pas le pouvoir de s'empêcher ainsi de songer, et qui songent d'autant plus qu'on leur défend'. Ceux-là se défont des fausses religions; et de la vraie même, s'ils ne trouvent des discours solides.

21. Qu'il y a loin de la connaissance de Dieu à l'aimer !

22.

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... Quand la force' attaque la grimace, quand un simple soldat prend le bonnet carré d'un premier président, et le fait voler par la fenêtre.

23. Es-tu moins esclave, pour être aimé et flatté de ton maitre? Tu as bien du bien, esclave : ton maitre te flatte. Il te battra tantôt.

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'« Veut pas songer. » C'est comme s'il eût dit, le monde ordinaire n'est pas philosophe. On n'est ni philosophe ni critique quand on peut s'empécher de songer; et il y a des hommes distingués, et même de grands hommes, qui sont dans ce cas.

? « Du Messie. » C'est-à-dire aux passages de l'Ecriture qui prouvent que le Messie est venu,

3 « Les nôtres. » Les catholiques. Ils disent : Ne pensez pas aux difficultés de l'Écriture, aux objections qu'on peut faire sur les dogmes, les mystères, etc. Fénelon dit dans sa Lettre à l'évêque d'Arras, que nous avons déjà citée : « Toutes » les difficultés... s'évanouissent sans peine dès qu'on a l'esprit guéri de la pré» somption. Alors, suivant la règle de saint Augustin (Epist. ad Hier.) on passe sur >> sout ce que l'on n'entend pas, et on s'édifie de tout ce qu'on entend. » * « Et la vraie même. » Cf. x, 4, p. 160, note 7.

« Qu'on leur défend. » On n'est pas étonné que P. R. ait supprimé ce fragment. Aucune autorité n'eût supporté ce ton hardi et sincère.

« Qu'il y a loin. » 489. Cf. xxu, page 270.

« Quand la force. » 163. Cf. 1, 3, page 35. Pascal avait signalé l'illusion qui nous fait respecter un bonnet carré comme représentant à l'imagination quelque chose de respectable. Il montre ici la force, chose plus réelle, dissipant cette illusion. s « Par la fenêtre. » Cela s'était vu au temps des Seize.

a Es-tu moins esclave? » 193. A qui s'adresse cette apostrophe originale? quel est cet esclave ? J'imagine que c'est le mondain, esclave des sens , et qui dit qu'il ne s'aperçoit pas de sa servitude, qu'il se trouve bien de son état, que la vie lui est douce; Pascal répond : Ton maitre te flatte (ce maître, c'est la créature, c'est l'objet sensible), il te battra tantot. Pour avoir été l'esclave volontaire et satisfait du plaisir , tu seras l'esclave contraint et désespéré de la douleur. Car on n'a pas de force pour supporter si on n'en a pas eu pour s'abstenir. Au contraire la souffrance est sans pouvoir sur celui sur qui la volupté n'a pu rien; celui-là est un homme libre.

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24. Ce n'est pas' dans Montaigne, mais dans moi, que je trouve tout ce que j'y vois.

25. Deviner?. La part que je prends à votre déplaisir. M. le Cardinal ne voulait point être deviné.

« J'ai l'esprit plein d'inquiétude. » Je suis plein d'inquiétude, vaut mieux.

« Eteindre le flambeau de la sédition, » trop luxuriant.
«L'inquiétude de son génie; » trop, de deux mots hardis'.

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« Ce n'est pas. » 434.

« Deviner. » 130. Ce fragment a été expliqué par M. Fr. Collet dans l'écrit intitulé : Fait inédit de la vie de Pascal, par le rapprochement d'un passage du chevalier de Méré (Discours de la conversation, p. 72): « Les choses qui n'ont » rien de remarquable ne laissent pas de plaire quand elles sont du monde... Il ne » faut pourtant pas qu'elles soient si communes que celle-ci, que tout le monde sait » par cæur, la part que je prends à votre déplaisir. J'ai vu parier, en ouvrant une v lettre de consolation, que cela s'y trouverait ; et une dame fort triste qui l'avait » reçue ne put s'empêcher d'en rire. » Pascal veut donc dire qu'il ne faut pas écrire de ces banalités qu'on peut deviner.

9 « M. le Cardinal. » Mazarin, qui avait beaucoup d'esprit, et qui causait trèsbien.

• « J'ai l'esprit. » Même page. Ce fragment et le suivant paraissent être des notes prises sur quelques phrases d'un écrit que Pascal lisait. Je ne sais quel pouvait être cet écrit.

« Eteindre le flambeau. » 441. Luzuriant est une expression latine qui se dit proprement d'un luxe de végétation, et par suite de toute espèce de surabondance.

La vraie élégance, même en littérature, n'est pas si éloignée de cette élégance des mathématiciens, qui consiste à exposer la vérité de la façon la plus simple et la plus nette.

« Mots hardis. » Excellente leçon de style. Le mot d'inquiétude est en effet d'une grande force, d'après l'étymologie; il signifie proprement l'impossibilité de demeurer en repos. C'est le sens qu'il a dans les vers de Racan :

Vallons, fleuves, rochers, aimable solitude,
Si vous fûtes témoins de mon inquiétude,

Soyez-le désormais de mon contentement. De mon inquiétude, c'est-à-dire de l'agitation perpétuelle de ma vie. C'est celui du mot inquiel dans ce passage de Bossuet (Or. fun. de la Reine d' Angl.): « Ils ont » dans le fond du coeur je ne sais quoi d'inquiet, qui s'échappe si on leur ôte ce » frein nécessaire. » Et dans les vers de La Fontaine (Fables, ix, 2):

Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants

Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète ! Quant au mot génie , le génie d'un homme n'est pas seulement son naturel, son caractère, c'est comme une puissance mystérieuse qui réside en lui, et qui le fait ce qu'il est. Néron confie à Narcisse (Britannicus, II, 2) qu'il est las de subir l'ascendant d’Agrippine, et qu'il fait tout ce qu'il peut pour y échapper :

Mais enfin mes efforts ne me servent de rien;

Mon génie étonné tremble devant le sien. Il suffit d'un pareil vers pour faire sentir tout ce qu'il peut y avoir dans un mot.

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26.

Rien n'est si insupportable1 à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passion, sans affaire, sans divertissement2, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent il sortira3 du fond de son âme l'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir'.

Quand un soldat se plaint de la peine qu'il a, ou un laboureur, etc., qu'on les mette sans rien faire".

27.

L'homme n'agit point' par la raison, qui fait son être3.

28.

Bassesse de l'homme', jusqu'à se soumettre aux bêtes, jusqu'à les adorer.

Si maintenant on prodigue ces termes expressifs, on leur ôte leur effet, pour vouloir faire trop d'effet. Si on dit l'inquiétude de son génie, quand ce serait assez de dire, l'inquiétude de son esprit, ou même peut-être, la mobilité de son esprit, on étonne plutôt qu'on ne touche, et bientôt on n'étonne même plus. Pour qu'une expression soit vraiment forte, il faut qu'elle ne soit employée qu'à propos. Mais plus on a écrit dans une langue, plus ceux qui écrivent craignent d'avoir un style faible et commun; ils mettent partout les mots les plus vifs, et ils les usent par cela même; de sorte qu'ils restent faibles et communs, et qu'ils sont de plus ampoulés et fatigants.

1 « Rien n'est si insupportable. » 47. En titre, Ennui.

2

Sans divertissement. » Voir tout l'article IV sur le divertissement.

3 « Il sortira. » Surgit amari aliquid. LUCR., IV, 1430.

4 « Le désespoir. » Plus le style de Pascal est sobre d'habitude, et plus nous sommes accoutumés à ne lui voir dire chaque chose qu'une seule fois et d'une seule façon; plus il nous accable ici par ces synonymes multipliés. Il nous fait mieux mesurer l'abime, en se reprenant à tant de fois pour le creuser devant nous. — Montaigne, Apol., p. 42: « Car de là naist la source principale des maulx qui le » pressent: peché, maladie, irresolution, trouble, desespoir. »>

5 « Quand un soldat. » 485. En titre, Agitation.

<< Sans rien faire. » N'est-ce pas comme s'il disait: quand un homme se plaint de manger des choses mauvaises et rebutantes, qu'on le mette sans manger? « L'homme n'agit point. 277. En titre, Nature corrompue.

8 << Son être. » Son essence, ce par quoi il est homme. Puisque la nature est la raison, et qu'il s'écarte toujours de la raison, il est donc déchu de sa nature; le péché originel est donc prouvé. Sur le peu de raison que l'animal raisonnable montre dans sa conduite; voir Montaigne, Apol., pages 95 et suivantes, et la huitième Satire de Boileau (qui est de 1667).

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leau,

a Bassesse de l'homme. » 23. Voir encore Montaigne, ibid., page 155, et Boiibid.

29.

... Tous leurs principes' sont vrais, des pyrrhoniens, des stoiques, des athées, etc. Mais leurs conclusions sont fausses, parce que les principes opposés sont vrais aussi?.

30.

Les philosophes ont consacré les vices, en les mettant en Dieu même; les chrétiens ont consacré les vertus.

31. Immaterialité « de l'àme. Les philosophes qui ont dompté leurs passions, quelle matière l'a pu faire ?

32.

La belle chose', de crier à un homme qui ne se connait pas, qu'il aille de lui-même à Dieu ! Et la belle chose de le dire à un homme qui se connaît !

33. Le commun’ des hommes met le bien dans la fortune et dans les

1 « Tous leurs principes. » 8. Une de ces pensées troublantes qui ne pouvaient être admises dans l'édition de P. R.

? a Sont vrais aussi. » L'homme est incapable de savoir certainement (1, 1, p. 42); c'est le principe des pyrrhoniens, et ce principe est vrai , selon Pascal. Mais l'homme est également incapable d'ignorer absolument (ibid.); c'est le principe opposé, et il est vrai aussi. Cf. VII, 1, p. 419 et 4 28. De même le principe storcien est vrai, que l'homme est essentiellement raisonnable , et que sa loi est l'ordre. Mais le principe opposé est vrai aussi , que l'homme est essentiellement animal, et que sa loi est le plaisir. Le principe des athées est vrai, que le mal qui est dans l'homme et dans la nature, témoigne que le monde n'obéit pas à une volonté divine. Mais le principe opposé est vrai aussi, que le bien qui est dans l'homme et dans la nature témoigne que le monde obéit à une volonté divine. La conciliation de toutes ces contradictions est, suivant Pascal, dans le péché originel. L'homme était fait pour la connaissance du vrai et pour la pratique du bien; mais il est déchu, et livré à l'ignorance et au mal. La main d'un Dieu créateur était sur l'homme et sur le monde ; mais, par suite du péché originel, Dieu s'est retiré, et les élus seuls le retrouvent.

3 « Les philosophes. » 265.

"a Immaterialité. » 393. Il faut comprendre la phrase comme s'il y avait , quelle matière a pu faire cela en eux ?

s a La belle chose. » 416. En titre, Philosophes.

« « Qui se connait, » S'il ne se connait pas, il est à plus forte raison incapable de connaitre Dieu. Et s'il se connait, il connait donc combien il est faible et miserable, et par conséquent incapable encore d'aller à Dieu de lui-même, et sans le secours de la grâce. Ainsi la religion seule, et non aucune philosophie, peut nous conduire jusqu'à Dieu.

? « Le commun, » 17. En titre, Recherche du vrai bien. Voir l'article iv.

biens du dehors, ou au moins dans le divertissement. Les philosophes ont montré la vanité de tout cela, et l'ont mis où ils ont pu.

Pour les philosophes 288 souverains biens.

Ut sis contentus 2 temetipso et ex te nascentibus bonis. Il y a contradiction, car ils conseillent enfin de se tuer. Oh! quelle vie heureuse, dont on se délivre comme de la peste!

Il est bon * d'être lassé et fatigué par l'inútile recherche du vrai bien, afin de tendre les bras au libérateur.

34. Mon Dieu , que ce sont de sots discours ! « Dieu aurait-il fait le monde pour le damner? demanderait-il tant de gens si faibles ? » etc. Pyrrhonisme est le remède à ce mal, et rabattra cette vanité".

35. Dira-t-on que pour avoir dit que la justice est partie de la terre, les hommes aient connu le péché originel ? Nemo ante obitum beatus est'. - C'est-à-dire qu'ils aient connu qu'à la mort la béatitude éternelle et essentielle commence ?

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! . Pour les philosophes. » Copie. Montaigne, Apol., page 280 : « Il n'est point » de combat si violent entre les philosophes, et si aspre, que celuy qui se dresse » sur la question du souverain bien de l'homme : duquel, par le calcul de Varro » dans saint Augustin, de Civ. Dei, XIX, 2), nasquirent deux cents quatre vingts ► huict sectes. »

« Ut sis contentus. » Copie. En titre, Le souverain bien. Dispute du souverain bien. - « Qu'il vous suffise de vous-même, et des biens que vous trouvez en » vous-même. » Ce passage doit être de Sénèque.

« De se tuer. » Voir Montaigne, II, 3, page 332 , d'après Sénèque, ép. LXX. Les mêmes idées sont dans Epictète, IV, 10, et ailleurs.

« Il est bon. » 63. sa Mon Dieu, que ce sont. » 447.

« Cette vanité. » La vanité de prétendre avoir des idées assez claires et assez süres pour juger de ce qu'il était juste ou convenable que Dieu fit. — Mais que faisait Pascal de son pyrrhonisme quand il disait : « Dieu doit aux hommes... Il est » impossible par le devoir de Dieu; etc. (xXIII, 3). » Il s'appuyait alors sur cette ferme base des idées morales, et ne croyait pas faire un sot discours. C'est qu'alors il avait intérêt à raisonner, et maintenant il a intérêt à échapper au raisonnement. - On lit encore page 423 : « Le pyrrhonisme sert à la religion. »

ra Dira-t-on. » 331.

s « Partie de la terre. » VIRGILE, Géorg., II, 474, d'après Hesiode (les Tracaux, 195).

« Beatus est. a« Nul n'est heureux avant la mort. » Il fallait mettre : Nul ne

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