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qu'elle ait été commencée par Akiba. Elle est si peu commencée par Akiba, sous l'empire d'Adrien, qu'on la trouve devant l'Évangile dans le second livre des Machabées. Et il ne sert de rien de dire que ce livre n'est pas canonique; car il suffit qu'il soit non seulement plus ancien qu'A

rien non plus de répliquer que l'action de Judas Machabée étoit manifestement irrégulière; puisque les morts pour lesquels il fit offrir des sacrifices étoient des gens morts dans le crime, qui on avoit trouvé des viandes immolées aux

à

de s'abstenir des viandes, que Dieu a créées pour les fidèles.Peut-on avoir seulement pensé que ces paroles regardent ceux qui, du temps de saint Paul, et tant de siècles après, ont religieusement observé cette défense des apôtres? Que sert, au reste, de nous produire ce qui est dit en général des viandes permises; puisqu'on sait que les cho-kiba, mais encore que l'Évangile. Il ne sert de ses générales ne dérogent pas aux particulières, et que ce sont plutôt les particulières qui exceptent des générales? Si donc nous demeurons libres à l'égard de ce précepte apostolique, rien ne nous peut assurer que l'autorité de l'Église. Elle seule, par l'esprit dont elle est pleine, nous ap-idoles, et que Dieu avoit punis pour cela. Car prend à discerner dans les préceptes ce qui ap- Judas Machabée ne savoit pas s'ils n'avoient pas partient au fond, et ce qui appartient aux cir- péché par ignorance, croyant la chose permise constances indifférentes, ce qui est perpétuel, ou dans l'extrême nécessité des vivres où ils étoient; ce qui doit avoir un certain terme. Toute autre et en tout cas, il ignoroit s'ils ne s'étoient pas rechose qu'on peut dire sur les exemples des tra- pentis de ce péché. Ce grand homme savoit que ditions que nous avons rapportés, n'est, comme tous ceux que Dieu fait servir d'exemples aux on a vu, qu'un raisonnement humain. Voilà ce autres ne sont pas pour cela toujours damnés que suivent ceux qui ne cessent de nous objecter sans miséricorde. Ainsi il avoit raison d'avoir reoù personne des traditions humaines. Ils comprennent sous cours aux sacrifices; et son action, un nom si odieux tant de véritables et de solides ne remarque rien d'extraordinaire, non plus que traditions, qu'ils ne peuvent s'empêcher eux- dans la louange que lui donne l'auteur de ce limêmes de reconnoître; et, pour comble d'aveu-vre, fait voir qu'il étoit dès-lors établi, parmi les glement, ils aiment mieux les fonder sur des Juifs, qu'il restoit une expiation et des sacrifices raisonnements humains visiblement foibles, que pour les morts. Cependant on s'obstine à croire sur l'autorité de l'Église, que Jésus-Christ nous que les Juifs ont pris cette coutume d'Akiba, les chrétiens de la prétendue Sibylle. commande d'écouter.

CHAPITRE VIII.

et

Mais encore ce M. Blondel, qui, après dixsept cents aus, vient nous découvrir, dans l'écrit d'un imposteur, l'origine d'une coutume aussi

De la prière pour les morts. Tradition rapportée dans le ancienne que l'Église, après l'avoir trouvée dans

Traité de la Communion.

et

tous les Pères, à commencer depuis Tertullien, Avant que de sortir de cette matière, il faut auteur d'une si vénérable antiquité, dans toutes dire encore un mot de la prière pour les morts, les Églises chrétiennes, dans toutes les liturgies, coutume que j'avois marquée comme une tradi-je dis même dans les plus anciennes, a-t-il trouvé tion commune aux chrétiens et aux Juifs. Sur un seul auteur chrétien qui ait marqué cette coucela M. de La Roque décide, de son autorité, que tume comme nouvelle? Il n'en nomme aucun; cette tradition « a été inconnue aux Juifs jus- au contraire, il est constant que Tertullien l'a >> qu'au temps de leur docteur Akiba, qui vivoit rapportée, comme on rapporte, dans l'occasion, » sous l'empereur Adrien 2; » et de la même au- des choses déja établies, et la met parmi les tratorité, ou plutôt sur la foi de M. Blondel, il dé- ditions qui nous viennent des apôtres : ni lui ni cide que « les chrétiens avoient emprunté cela, aucun auteur chrétien ne s'est jamais avisé de ci» non des Juifs, mais des livres Sibyllins, forgés ter l'écrit Sibyllin, pour établir la prière pour les >> par un imposteur sous le règne de l'empereur morts. Tous au contraire ont cité pour l'établir, >>> Antonin le Pieux, » c'est-à-dire, au second sie- ou le livre des Machabées, ou la tradition aposcle de l'Église, et sous les disciples des apôtres. tolique, ou la coutume universelle de l'Église Étrange effet de la prévention! Il ne paroît rien chrétienne, ou des passages de l'Évangile soutedu tout dans les discours d'Akiba qui marque nus par la tradition de tous les siècles. Il n'y a que la prière pour les morts fût une chose nou- pas un homme de bon sens qui ne dise, sur ce velle; elle se trouve dans toutes les synagogues fondement incontestable, qu'il est mille fois plus des Juifs et dans leurs rituels les plus authenti- vraisemblable, pour ne rien dire de plus, que la ques, sans qu'aucun d'eux ait jamais songé prétendue Sibylle ait pris ce qu'elle aura pu dire sur cette matière, de l'opinion commune de son temps, que de dire que sa pensée particulière soit

I. Tim. IV. 3.

2 La Roq. II. part, ch. 1, pag. 232, 235.

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passée en un instant dans toutes les Églises, dans | rompu le cours, qu'on la voit aussitôt après dans
toutes les liturgies, et dans tous les écrits des Pè- toutes les Églises chrétiennes : on ne pourroit
res, sans que personne se soit aperçu d'un chan- s'empêcher de reconnoître dans cette source l'o-
gement si considérable; et que la chose ait été rigine d'une façon de parler commune parmi les
poussée si avant, que, dès le milieu du quatrième Juifs, et autorisée par Jésus-Christ même, qu'il
siècle, Aerius, qui, le premier des chrétiens, osa y a des péchés qui ne se remettent ni en ce siècle
nier les prières et les sacrifices pour les morts, ni en l'autre '; car on verroit clairement, dans
fut mis pour cette raison parmi les hérésiarques. le livre des Machabées, la rémission des péchés
O Dieu ! des chrétiens peuvent-ils croire que l'im- demandée par des sacrifices en faveur des morts
posture ait prévalu jusqu'à prendre dans l'Église et pour le siècle futur; et la façon de parler dont
chrétienne si vite etsi tôt l'autorité de la foi? Tout s'est servi Jésus-Christ confirmeroit trop cette
cela ne touche pas nos obstinés; et àquelque prix doctrine, et auroit avec elle un trop visible rap-
que ce soit, il faut que la doctrine de toutes les port: un lieu obscur de saint Paul, où il parle
Eglises chrétiennes soit venue de la fausse Sibylle. d'une coutume de se baptiser pour les morts2
Mais pourquoi non enfin du livre des Macha- (car c'est ainsi qu'il faut traduire selon la force
bées? Est-ce peut-être que la prière pour les de l'original) trouveroit dans cette coutume un
morts n'y est pas assez marquée dans ces paroles: dénoûment trop manifeste: ce baptême, c'est-à-
« Judas le Machabée envoya de quoi offrir à Jé- dire non pas le baptême chrétien, mais les purifica-
» rusalem des sacrifices pour les péchés de ceux tions et les pénitences pratiquées par les Juifs pour
» qui étoient morts ';» et dans cette réflexion les morts, auroient une liaison trop manifeste avec
de l'auteur: « C'est donc une sainte et salutaire la croyance de la prière dont nous parlons: en un
» pensée de prier pour les morts, afin qu'ils soient mot, cette croyance seroit trop suivie, et paroî-
» délivrés de leurs péchés? » Peut-être que la pré- troit trop clairement devant l'Evangile, sous l'É-
tendue Sibylle a parlé plus clairement de la prière vangile, et après l'Évangile. Il faut évoquer la
pour les morts. Mais elle n'en dit pas un seul Sibylle, pour rompre cette belle chaîne: il ne faut
mot, on en convient. On prétend seulement pas qu'on ait dit en vain que l'Église romaine
qu'elle dit des choses qui mènent là. Mais le li- avoit tort; et il vaut mieux, pour soutenir le titre
vre des Machabées, qui n'y mène pas seulement de réformés, donner le tort à tous les chrétiens
par des conséquences, qui l'expose aussi claire- et à tous les Juifs, sans respecter Judas le Macha-
ment que les auteurs les plus clairs, pourquoi bée, ni son historien, dont le livre a mérité d'être
n'aura-t-il rien fait dans l'esprit des chrétiens et lu publiquement dans l'Église dès les premiers
des Juifs? Est-ce qu'il n'étoit pas connu ? Mais il siècles.
est constant qu'il étoit entre les mains d'eux tous;
eten particulier que les auteurs chrétiens, grecs
et latins, l'ont cité avec vénération, pour ne rien
dire de plus, dès l'origine du christianisme; et que
dès le quatrième siècle, l'Église d'Occident l'a
mis parmi les livres canoniques. Pourquoi donc
se tant tourmenter à chercher dans les obscuri-
tés de la Sibylle ce qu'on trouve si clairement
dans un écrit aussi ancien et aussi connu que le
livre des Machabées? Il est bien aisé de l'enten-
dre : c'est qu'encore que nos réformés ne veuil-
lent pas recevoir ce livre, ils ne peuvent lui ra-
vir son antiquité, ni sa dignité tout entière : c'est
qu'en trouvant la prière pour les morts devant
et après l'Évangile dès le commencement de l'É-
glise, s'ils lui donnoient dans tous les temps la
même origine, la suite en seroit trop belle: on
auroit peine à comprendre qu'une prière qui pa-
roft un peu devant l'Évangile, et incontinent
après, se fût éclipsée dans le milieu on seroit
forcé de croire qu'elle seroit du temps même de
Jésus-Christ et des apôtres, qui en ont si peu

'II, Mach. XII, 45, 46,

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Reprenons en peu de paroles ce que nous venons d'établir; et quelque ennui qu'on ressente à répéter des choses claires, portons-en la peine pour l'amour de ceux dont le salut nous est cher. J'ai fait voir à nos réformés qu'ils n'ont point de règle. Celle qu'ils semblent s'être proposée, de faire dans les sacrements ce que Jésus-Christ a fait et institué, s'est trouvée visiblement fausse, non seulement dans le baptême, mais encore de leur aveu, dans beaucoup de circonstances très importantes de la cène. Nous avons vu clairement qu'en rejetant la tradition ou la doctrine non écrite, il ne leur reste aucune règle pour distinguer, dans les sacrements, et en général dans les observations de l'ancien et du nouveau Testament, ce qui est essentiel et perpétuel, d'avec ce qui ne l'est pas. Ceux qui, soigneux de leur salut et diligents dans la recherche de la vérité, voudront relire les endroits que j'ai défendus, du Traité de la Communion 3, y trouveront maintenant la démonstration des trois principes que

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j'ai établis, et principalement de celui-ci, qui est | christianisme: au contraire, il falloit conclure que si elle est nécessaire, elle est facile à connoître, et qu'il n'y a que les superbes à qui elle puisse être cachée.

le plus essentiel: « que, pour connoître ce qui » appartient ou n'appartient pas à la substance >> des sacrements, il faut consulter la pratique, » la tradition, et le sentiment de l'Église. »

SECONDE PARTIE.

Qu'il y a toujours eu dans l'Église chrétienne et catholique des exemples approuvés, et une tradition constante de la communion sous une espèce.

CHAPITRE PREMIER.

Que l'examen de la tradition est nécessaire, et qu'il n'est ni impossible, ni embarrassant : histoire de la communion sous une espèce. Que, de l'aveu de nos adversaires, elle s'est établie sans contradiction.

Les ministres, trop persuadés qu'ils trouvent leur condamnation assurée dans la tradition de l'Église, en détournent autant qu'ils peuvent leurs sectateurs; et par un double artifice, ils tâchent de leur faire peur d'une chose si nécessaire à leur salut. Premièrement, ils la confondent avec les traditions humaines: secondement, ils leur font croire que c'est une chose impénétrable, qu'il faut, pour la découvrir, feuilleter tous les livres anciens et nouveaux, y passer les jours et les nuits, et se perdre dans une mer immense. Une ame foible, et alarmée d'un si grand travail, écoute toute autre. chose plutôt que la tradition, et on lui fait accroire aisément que Dieu, un si bon père, n'a pas mis notre salut dans une recherche si difficile, pour ne pas dire entièrement impossible à la plupart des particuliers. Mais si l'on agissoit de bonne foi, il faudroit faire un raisonnement tout contraire, et conclure que, si la recherche de la tradition est nécessaire, il faut aussi qu'elle soit facile. S'il nous a paru constamment qu'il y a dans la religion des traditions, je dis des traditions non écrites, dont l'origine est divine, la direction nécessaire, l'autorité reconnue même par nos réformés; s'ils les avouent, s'ils les suivent, s'ils ne peuvent sans leur secours s'assurer ni de la validité de leur baptême, ni de la forme nécessaire de leur communion, ni de la sainteté de leurs observances, il ne falloit pas donner à de saintes traditions le masque hideux de traditions humaines, ni, sous prétexte d'honorer l'Écriture, rendre odieux le moyen par où l'Écriture même est venue à nous, ni tâcher enfin de rendre impossible une chose si nécessaire au

Mais, pour ne pas nous arrêter à des généralités, voici un fait constant et incontestable, dont tout dépend: c'est que la communion sous une espèce se trouve établie, comme le baptême, par simple infusion, et comme toutes les autres coutumes innocentes, sans bruit, sans contradiction,

sans que personne se soit aperçu qu'on eût introduit une nouveauté, ou se soit plaint qu'on le privât d'une chose nécessaire. Pourquoi, si ce n'est que le sentiment qu'on avoit que cette communion étoit suffisante, venoit de plus haut, et que la tradition en étoit constante? Il ne faut point ici ouvrir de livres, il ne faut qu'ouvrir les yeux, et considérer ce qui se passe. Mais peut-être du moins que, pour l'apprendre, il faudra relire beaucoup d'histoires? Non, c'est une chose avouée. Moi-même, sans aller plus loin, j'en ai exposé le fait dans le Traité de la Communion; et deux rigoureux censeurs, qui m'ont suivi pas à pas dans leurs Réponses, sans jamais me rien pardonner, n'ont osé ni pu me le contester.

Quel est donc ce fait si constant, et qui me paroît si décisif? C'est que le premier qui a osé dire que la communion sous une espèce étoit insuffisante fut un nommé Pierre de Dresde, maître d'école de Prague, au commencement du quinzième siècle en l'an 1408, et il fut suivi par Jacobel de Misnie.

La date est certaine, et je m'étois trompé de quelques années, quand j'avois placé l'innovation de Pierre de Dresde et de Jacobel sur la fin du quatorzième siècle '. Quand j'ai voulu fixer un terme précis, j'ai trouvé que Pierre de Dresde fit ce nouveau trouble dans l'Église après le commencement des séditieuses prédications de Jean Hus, et après que Stankon, archevêque de Prague, eut condamné les erreurs de Viclef, dont Jean Hus renouveloit une partie 2. Or, cette condamnation arriva constamment l'an 1408; et ce fut donc en ce temps, ou un peu après, que Pierre de Dresde soutint la nécessité des deux espèces, à laquelle ni les catholiques, ni les hérétiques, ni Jean Hus lui-même, non plus que Jérôme de Prague, quelque remuants qu'ils fussent, ne pensoient pas.

Mais peut-être aussi que c'est en ce temps qu'on établit la communion sous une espèce? Non; Pierre de Dresde, et ce Jacobel, qui la blâmoient, la trouvèrent déja établie par une coutume constante depuis plusieurs siècles; et cependantper

Traité de la Commun. II. part. 2 Encas Sylvius, Hist. Bohem. cap. xxxv.

sonne avant eux ne s'étoit avisé de la reprendre; et au contraire, on est d'accord que les évêques en particulier et dans les conciles, tant de saints hommes qui florissoient dans l'Église, tant de célèbres docteurs, tant de fameuses universités, et les peuples comme les pasteurs, en étoient con

tents.

Nous soutenons aussi que cette coutume venoit dès les premiers siècles du christianisme; et nous ferons bientôt voir que nos adversaires en sont demeurés d'accord: mais, sans même qu'il soit besoin de cette recherche, l'antiquité se ressent dans la paix où l'on a été sur ce sujet durant plusieurs siècles; et c'est une chose inouïe dans l'Eglise chrétienne, qu'on y ait laissé introduire des nouveautés périlleuses et préjudiciables à la foi, sans que personne s'en soit aperçu, ni qu'on s'en soit plaint. Cependant c'est un fait constant que les fidèles, loin de se plaindre qu'on leur ait ôté la coupe sacrée, persuadés de tout temps qu'elle n'étoit pas nécessaire, s'en sont volontairement et insensiblement privés eux-mêmes, quand ils ont vu que dans la confusion qui s'introduisoit dans les saintes assemblées, par la multitude prodigieuse du peuple, et par le peu de révérence qu'on y apportoit, on y répandoit souvent le sang sacré.

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» mais on s'aperçut incontinent que le dogme » de la transsubstantiation fournissoit un remède bien meilleur que celui-là. On enseignoit que >> sous chaque miette de pain, aussi bien que sous chaque goutte de vin, étoit renfermé toute » la chair et tout le sang du Seigneur: on rai>> sonna de cette sorte: Le sang est renfermé dans >> le pain; c'est pourquoi en mangeant le pain on » communie à Jésus-Christ tout entier. Cette » mauvaise raison prévalut de telle manière sur » l'institution du Seigneur, et sur la pratique de » toute l'Église ancienne, que la coutume de » communier sous la seule espèce du pain s'éta>> blit insensiblement dans les douzième et trei» zième siècles. » Si l'on veut raisonner juste, et chercher la vérité sans crainte de se tromper, il faut, en laissant à part les raisonnements de nos adversaires, qui sont la matière du procès, prendre le fait qui est constant et avoué. Le voici.

C'est qu'on eut horreur de l'effusion dans l'onzième siècle, qu'on y trouva INCONTINENT UN remède dans la transsubstantiation, qui fournissoit le moyen de trouver Jésus-Christ tout entier dans le pain seul; qu'on prit ce remède sans qu'il y paroisse aucuns contradicteurs, et que la chose s'établit insensiblement dans les douzième et

Ce qu'ajoute ici M. Jurieu est, à la vérité, fort surprenant. Car après les derniers mots que j'ai rapportés, que la coutume de communier sous la seule espèce du pain s'établit insensiblement dans les douzième et treizième siècles, il ajoute incontinent après : « Ce ne fut pourtant pas sans » résistance; les peuples souffroient avec la der>> nière impatience qu'on leur ôtât la moitié de » Jésus-Christ; on en murmura de toutes parts. » Laissons-lui ses expressions, et n'attaquons pas encore le retranchement de la moitié de JésusChrist, dont il prétend que le peuple se plaignoit de toutes parts. Demandons-lui seulement quand nous paroissent ces plaintes. Est-ce aux douzième et treizième siècles? mais c'est dans ces temps qu'il dit que la chose s'établit insensiblement. Cela ne s'accorde pas avec cet éclat, ou, pour user des termes de notre ministre, avec cette dernière impatience et ce murmure de toutes parts. A-t-il voulu parler des mouvements qui suivirent la dispute de Pierre de Dresde et de Jacobel? C'est bien tard pour faire paroître le bruit; puisqu'il commença seulement au quinzième siècle, après trois cents ans d'une souve

C'est, dit-on, une mauvaise raison. N'en dis-treizième siècles. putons pas encore. Quoi qu'il en soit, le fait est constant; et une chose qu'on veut être si essentielle n'a causé aucune dispute. Il ne faut qu'écouter M. Jurieu, dans l'histoire qu'il nous a faite du retranchement de la coupe: « La coutume de » communier sous la seule espèce du pain s'éta» blit, dit-il, insensiblement dans le douzième » ou le treizième siècle. Il n'y a rien qui cause » moins de contestation que ce qui s'établit insensiblement. Mais écoutons le passage entier. « Le » dogme de la transsubstantiation, et celui de » la présence réelle, s'établirent à la faveur des » ténèbres de l'ignorance du dixième siècle, et » triomphèrent de la vérité dans le onzième. » Alors on commença à penser aux suites de >> cette transsubstantiation. Quand les hommes >> furent persuadés que le corps du Seigneur » étoit renfermé tout entier sous chaque petite » goutte de vin, la crainte de l'effusion les saisit; ils frémirent, quand ils pensèrent que cette coupe, en passant par tant de mains, couroit » risque d'être répandue; cela leur donnoit de » l'horreur, et je trouve qu'ils avoient raison. » On chercha donc un remède à un si grand mal. » On prit en quelques lieux la coutume de don-raine tranquillité, et encore dans la Bohême ; ce » ner le pain de l'eucharistie trempé dans le vin;

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Exam, de l'Eucharistie, p. 470.

qui est assurément bien éloigné de ces murmu-
res qu'on nous représente de toutes parts.
Une si manifeste contradiction n'est pas assu

M. de la Roque reconnoît la vérité de tous ces faits; mais il y trouve une admirable défaite. C'est que la communion sous une espèce n'avoit pas encore été établie par aucune loi 1; et que la chose étoit libre; de sorte que ni les vaudois, ni les albigeois, ni Viclef même n'avoient pas besoin de crier contre; comme si nous prétendions ici autre chose que la liberté et l'indiffé

rément sans mystère. M. Jurieu a senti combien il est ridicule de feindre une innovation si essentielle selon lui, sans qu'on s'en soit aperçu durant trois cents ans, et sans qu'elle ait causé le moindre trouble. Pour couvrir ce défaut de la cause, il n'y a qu'à brouiller le quinzième siècle avec les autres, afin que le trouble qu'on y ressentit se répande en confusion sur les siècles précédents, et y laisse imaginer des contradictions.rence. Si cette liberté d'user d'une ou de deux Mais ces vaines subtilités ne font, sans guérir le mal, que démontrer qu'on l'a senti, et qu'on n'y a trouvé aucun remède. En effet, il est constant qu'il ne paroît aucun trouble au sujet de la communion sous une espèce, ni dans l'onzième siècle, ni dans le douzième, ni enfin dans les suivants jusqu'au quinzième.

espèces indifféremment, qu'on tenoit pour constante dans l'église, étoit réputée contraire à l'Évangile, n'étoit-ce pas le cas de crier? Ceux qui faisoient tous les jours de nouvelles querelles à l'Église romaine, et qui n'oublioient aucun prétexte de la chicaner, se seroient-ils tus dans une contravention qu'on prétend si manifeste à l'Évangile? D'où vient qu'on ne dit rien durant trois cents ans; que Viclef qui se souleva sur la fin du quatorzième siècle, lorsque la coutume de communier sous une seule espèce étoit uni

comme on a vu, en Angleterre, ne s'en plaint pas, que Jean Hus n'en dit mot non plus, et qu'entìn Pierre de Dresde est le premier à s'émouvoir au commencement du quinzième siècle? Qui ne voit qu'on nes'étoit pas avisé de la nécessité des deux espèces, et qu'on avoit honte de faire une querelle à l'Église sur une chose indifférente?

En effet, pour ne dire ici que ce qui est avoué par nos adversaires, nous avons vu que dès le commencement du douzième siècle Guillaume de Champeaux, célèbre évêque de Châlons, et Hugues de Saint-Victor, le plus fameux théolo-verselle, et qu'elle étoit principalement établie, gien de ce temps-là, tous deux liés d'amitié avec saint Bernard, approuvent en termes exprès la communion sous une espèce, à cause que sous chaque espèce on reçoit Jésus-Christ tout entier. Quand j'ai produit ces auteurs dans le traité de la Communion sous les deux espèces 1, l'anonyme me renvoie bien loin, et n'en veut point recevoir le témoignage 2, à cause qu'ils ont écrit après la transsubstantiation établie. N'importe; je prends ma date, et dès le commencement du douzième siècle, je trouve notre sentiment et notre pratique dans des auteurs que personne ne contredit, et qui sont au contraire, sans contestation, les plus approuvés de leur siècle.

CHAPITRE II.

Décret du concile de Constance : éguité de ce décret.

Par-là se justifie clairement le décret du concile de Constance; dont nos adversaires se font un si grand sujet de scandale. Car enfin qu'a fait ce concile? Il a trouvé la coutume de communier tion depuis plusieurs siècles. Des particuliers sous une espèce établie sans aucune contradic. s'élevoient et osoient condamner l'Église, qui l'as'élevoient et osoient condamner l'Église, qui l'avoit laissée s'introduire. Si cet attentat est permis, l'Église pourra être troublée sans fin, et les simples, qui font toujours la plus grande partie des fidèles, ne pourront plus se reposer sur sa foi.

On ne contredit pas non plus Jean de Pekam, archevêque de Cantorbéry, lorsqu'il enseigna à son peuple au treizième siècle, dans un synode, que sous la seule espèce qu'on distribuoit, on recevoit Jésus-Christ tout entier 3. Voilà des preuves certaines, et un fait public, notoire, constant. Nos adversaires, sommés de nommer des contradicteurs, n'en ont pu nommer un seul. J'ai même posé en fait que Viclef, quelque téméraire qu'il fût, ne paroît en aucune sorte avoir condamné cette coutume de l'Église; et que dans le dénombrement qu'on a fait de ses erreurs condamnées à Rome, en Angleterre, en Bohême, enfin à Constance, on ne trouve aucune proposition qui regarde la communion sous une espèce; Je maintiens que ce décret, devant tous les marque infaillible que ce n'étoit pas un sujet de gens modérés, est hors d'atteinte; et afin qu'on en demeure convaincu, rapportons-le tout au contestation que personne alors jugeât impor-long, avec ce que nos adversaires y trouvent

tant.

Traité de la Commun. - Anon. p. 168, 169. 207, 208.
Tr, de la Communion.

C'est pourquoi le concile déclare, « que cette

>> coutume a été raisonnablement introduite, et » très long-temps observée; ainsi qu'elle doit » passer pour une loi qu'il n'est pas permis de >> changer sans l'autorité de l'Église 2. »

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de plus étrange. Le voici : « Ce sacré concile

La Roq. p. 274,276,- Conc. Constant. sess. XIII, Labb. XII, col. 100.

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