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celle dont toutes les autres se sont séparées. Sans sortir de notre maison, nos parents mêmes nous montreront cette Église. Interrogez votre père, et il vous le dira; demandez à vos ancêtres, et ils vous l'annonceront'. Selon cette règle, quiconque peut montrer à toute une Église, à toute une société de pasteurs et de peuple, le commencement de son être, et un temps, quel qu'il soit, durant lequel elle n'étoit pas, l'a convaincue dèslà de n'être pas une Église vraiment chrétienne. Voilà notre prétention; et nous ne prétendons pas que, dans cette question, il s'agisse d'une simple formalité. Nous soutenons qu'il s'agit d'un

ies discours, non plus que dans les tableaux, ce qu'il y a d'original, et, pour ainsi dire, de la première main. Je ne veux non plus employer ici le reproche odieux de mauvaise foi. On ne se souvient pas toujours si exactement ni des choses qui ont été dites, ni de l'ordre dont elles l'ont été : souvent on confond dans son esprit ce qu'on a pensé depuis, avec ce qu'on a dit en effet dans la dispute; et sans dessein de mentir, il se trouve qu'onaltère la vérité. Ce que je dirai de M.Claude, il le pourra dire de moi.Notre conversation s'est faite en particulier; et aucun de nous ne peut produire des témoins indifférents : ainsi chacun jugera de la vérité de nos récits suivant ses pré-article fondamental, contenu dans ces paroles ventions. Je ne prétends point tirer avantage du succès de la conférence, qui fut suivie de la conversion de mademoiselle de Duras: c'est l'œuvre de Dieu, dont il faut lui rendre graces : c'est un exemple pour ceux qui se trouvent bien disposés: mais ce n'est pas un argument pour des opiniâtres. Les catholiques regarderont ce changement d'une façon, et les prétendus réformés d'une autre. Ainsi, quand nous nous mettrons, M. Claude et moi, à soutenir chacun son récit, il n'en résultera qu'une dispute, dont le public n'a que faire. Et qu'importe au fond, dira le lecteur, qui des deux ait eu l'avantage? La cause ne réside pas dans ces deux hommes, qui se montreroient trop vains, et par-là même trop peu croyables, s'ils vouloient que tout le monde, et leurs amis aussi bien que leurs adversaires, les en crussent également sur leur parole. Dans ces altercations, ce que le sage lecteur peut faire de mieux, c'est de s'attacher au fond des choses; et sans se soucier des faits personnels, considérer la doctrine que chacun avance.

La matière qui est traitée dans tout ce récit est aussi claire qu'elle est importante. C'est la matière de l'Église. Nos adversaires font peu de cas de cette dispute, et on leur entend toujours dire qu'il en faut venir au fond, en laissant à part, comme une formalité peu nécessaire, tous les préjugés qu'on tire de l'autorité de l'Église comme si ce n'étoit pas une partie essentielle du fond, d'examiner par quelle autorité et par quel moyen Jésus-Christ a voulu que les chrétiens se résolussent sur les disputes qui devoient naître dans son Église. Les catholiques prétendent que ce moyen, c'est d'écouter l'Église même. Ils prétendent qu'un particulier ne se doit résoudre qu'avec tout le corps, et qu'il hasarde tout quand il se résout-par une autre voie. Ils prétendent que pour savoir en quelle Église il faut demeurer, il ne faut que savoir quelle est celle qu'on ne peut jamais accuser de s'être formée en se séparant; celle qu'on trouve avant toutes les séparations;

du Symbole, Je crois l'Église catholique; article d'ailleurs de telle importance, qu'il emporte la décision de tous les autres. Mais autant que ce point est décisif, autant est-il clair; et on n'en peut pas parler long-temps sans que le foible paroisse bientôt de part ou d'autre. Disons mieux : lorsqu'un catholique, tant soit peu instruit, entreprend un protestant sur ce point, ce protestant, quelque habile et quelque subtil qu'il soit, se trouvera infailliblement réduit, non pas toujours à se taire, mais, ce qui n'est pas moins fort que le silence, à ne dire, quand il voudra parler, que de visibles absurdités.

C'est ce qui est ici arrivé à M. Claude, par le seul défaut de sa cause; car on verra qu'il l'a défendue avec toute l'habileté possible, et si subtilement, que je craignois pour ceux qui écoutoient; car je sais ce qu'écrit saint Paul, de tels discours. Mais enfin, il le faut dire à pleine bouche: la vérité a remporté une victoire manifeste. Ce que M. Claude avoue ruine sa cause : les endroits où M. Claude est demeuré sans réponse, sont des endroits qui, en effet, n'en souffrent point.

Et afin qu'on ne dise pas que j'avance ce que je veux, ou que je veux maintenant, contre ce que je viens de déclarer, qu'on m'en croie sur ma parole: deux choses vont faire voir, quelque opinion qu'on veuille avoir de moi, qu'en ce point il faut me croire nécessairement.

La première, c'est qu'appuyé sur la force de la vérité, et sur la promesse de celui qui dit qu'il nous donnera une bouche et une parole, à laquelle nos adversaires ne pourront pas résister 2; partout où M. Claude dira qu'il n'a pas avoué ce que je lui fais avouer dans le récit de la conférence, je m'engage, dans une seconde conférence, à tirer de lui encore le même ayeu; et partout où il dira qu'il n'est pas demeuré sans réponse, je le forcerai, sans autre argument que ceux qu'il a déja ouïs, à des réponses

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A Deut. XXXI. 7.-2 Luc, xxi. 15.

si visiblement absurdes, que tout homme debon sens avouera qu'il valoit encore mieux se taire que de s'en être servi.

Et dé peur qu'on ne dise (car dans une affaire où il s'agit du salut des ames, il faut, autant qu'on peut, tout prévenir): de peur donc, encore une fois, qu'on ne dise que M. Claude peut-être aura pris un mauvais tour, par lequel il se sera engagé dans des inconvénients; je soutiens, au contraire, que cet avantage est tellement dans notre cause, que tout ministre, tout docteur, tout homme vivant succombera de la même sorte à de pareils arguments.

Ceux qui voudront faire cette épreuve, verront que ma promesse n'est pas vaine. Que si on dit que je présume de mes forces; maintenant que je m'examine moi-même devant Dieu, si cette présomption m'avoit fait parler, je désavouerois tout ce que j'ai dit. Au lieu de me promettre aucun avantage, je me tiendrois pour vaincu en ne me flant qu'à mon bras et en mes armes; et, loin de défier les forts, à l'exemple de David', je me rangeróis avec ceux dont le même David a chanté, que les flèches des enfants les ont percés, et que leur propre langue, trop foible pour les défendre, s'est enfin tournée contre eux-mêmes 2.

L'Instruction que j'offre en général aux prétendus réformés, je l'offre en particulier à ceux du diocèse de Meaux, que je dois porter plus que tous les autres dans mes entrailles. Ceux qui refuseront cette Instruction chrétienne, pacifique, fraternelle et paternelle, autant que concluante et décisive, je leur dirai, comme saint Paul, avec douleur et gémissement, car on ne se console pas de la perte de ses enfants et de ses frères Je suis net du sang d'eux tous3.

voir sont nés à l'occasion des articles xix et xx de mon traité de l'Exposition, la lecture de ces deux articles, qui ne coûtera qu'un demi-quart d'heure, facilitera l'intelligence de tout cet ouvrage, quoique j'espère d'ailleurs qu'il se soutiendra par lui-même.

Au reste, cette lecture ne sera pas inutile aux catholiques; ordinairement ils négligent trop les livres de controverse. Appuyés sur la foi de l'Église, ils ne sont pas assez soigneux de s'instruire dans les ouvrages où leur foi seroit confirmée, et où ils trouveroient les moyens de ramener les errants. On n'en usoit pas ainsi dans les premiers siècles de l'Eglise: les traités de controverse, que faisoient les Pères, étoient recherchés par tous les fidèles. Comme la conversation est un des moyens que le Saint-Esprit nous propose pour attirer les infidèles et ramener les errants, chacun travailloit à rendre la sienne fructueuse et édifiante par cette lecture. La vérité s'insinuoit par un moyen si doux; et la conversation attiroit ceux qu'une dispute méditée n'auroit peutêtre fait qu'aigrir. Mais afin qu'on lise les ouvrages que nous faisons sur la controverse, comme on lisoit ceux des Pères, tâchons, comme les Pères, de les remplir, non seulement d'une doctrine exacte et saine, mais encore de piété et de charité; et autant que nous pourrons, rigeons les sécheresses, pour ne point dire l'aigreur, qu'on trouve trop souvent dans de tels livres.

CONFERENCE AVEC M. CLAUDE,

MINISTRE DE CHARENTON

SUR LA MATIÈRE DE L'ÉGLISE.

cor

Voilà la première chose qui fera voir que je n'impute rien à M. Claude pour me donner de l'avantage. La seconde, c'est que M. Claude luimême, au milieu de ce qu'il m'oppose, et parmi tous les tours qu'il donne à notre dispute, avoue Mademoiselle de Duras, ayant quelque doute encore au fond ce dont il s'agissoit entre nous, sur sa religion, m'avoit fait demander par diou le tourne d'une manière à faire voir qu'il ne verses personnes de qualité si je voudrois bien peut pas entièrement le désavouer. Mais tout ceci conférer en sa présence avec M. Claude. Je rés'entendra mieux quand, après les Instructions Pondis que je le ferois de bon cœur, si je voyois et la Conférence, on lira encore les réflexions que je ferai sur l'écrit de M. Claude.

Il faut de l'attention pour prendre toute la suite de ces Instructions: car, quelque facilité qu'il ait plu à Dieu nous faire trouver dans une matière où il montre aux plus ignorants comme aux plus habiles la voie du salut ouverte, il n'a voulu décharger personne de l'attention dont il est capable; et comme les entretiens qu'on va

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AT. Reg. xv. 43 - Psal. LXII. 8, 9. -Act. xx. 29.

que cette conférence fût nécessaire à son salut. Ensuite elle se servit de l'entremise de M. le

duc de Richelieu, pour m'inviter à me rendre à Paris le mardi dernier février 1678, et à entrer en conférence le lendemain avec ce ministre, sur la matière dont elle me parleroit. C'étoit pour me l'indiquer qu'elle souhaita de me voir avant la conférence. Comme je me fus rendu chez elle au jour marqué, elle me fit connoître que le point sur lequel elle desiroit s'éclaircir avec son ministre étoit celui de l'autorité de l'É

glise, qui lui sembloit renfermer toute la con- | parole. Si cette société fait cette profession, par troverse. Il me parut qu'elle n'étoit pas en état conséquent elle est visible. de se résoudre sans cette conférence; si bien que je la jugeai absolument nécessaire.

Je lui dis que ce n'étoit pas sans raison qu'elle s'attachoit principalement, et même uniquement, à ce point qui renfermoit en effet la décision de tout le reste, comme elle l'avoit remarqué; et sur cela je tâchai de lui faire encore mieux entendre l'importance de cet article.

C'est une chose, lui dis-je, assez ordinaire à vos ministres de se glorifier que la créance des fondements de la foi ne leur peut être contestée. | Ils disent que nous croyons tout ce qu'ils croient, mais qu'ils ne croient pas tout ce que nous croyons. Ils veulent dire par-là qu'ils ont retenu tous les fondements de la foi, et qu'ils n'ont rejeté que ce que nous y avons ajouté. Ils tirent de là un grand avantage, et prétendent que leur doctrine est sûre et incontestable. Mademoiselle de Duras se souvient fort bien de leur avoir souvent ouï tenir de tels discours. Je ne veux sur cela, poursuivis-je, leur faire qu'une remarque, c'est que, loin de leur accorder qu'ils croient tous les fondements de la foi, au contraire, nous leur faisons voir qu'il y a un article du Symbole qu'ils ne croient pas, et c'est celui de l'Église universelle. Il est vrai qu'ils disent de bouche : Je crois l'Église catholique ou universelle, comme les ariens, les macédoniens et les sociniens disent de bouche: Je crois en Jésus-Christ et au Saint-Esprit. Mais comme on a raison d'accuser ceux-ci de ne croire pas ces articles, parcequ'ils ne les croient pas comme il faut, ni selon leur véritable intelligence: si on montre aux prétendus réformés qu'ils ne croient pas comme il faut l'article de l'Église catholique, il sera vrai qu'ils rejetteront en effet un article si important du Symbole.

Que cette signification du nom d'Église fût la propre et la naturelle signification de ce nom, celle en un mot qui étoit connue de tout le monde, et usitée dans le discours ordinaire, je n'en demandois pas d'autres témoins que les prétendus réformés eux-mêmes.

Quand ils parlent de leurs prières ecclésiastiques, de la discipline de l'Église, de la foi de l'Église, des pasteurs et des diacres de l'Église, ils n'entendent point que ce soient les prières des prédestinés, ni leur discipline, ni leur foi; mais les prières, la foi et la discipline de tous les fidèles assemblés dans la société extérieure du peuple de Dieu.

Quand ils disent qu'un homme édifie l'Église, ou qu'il scandalise l'Église, ou qu'ils reçoivent quelqu'un dans l'Église, ou qu'ils excluent quelqu'un de l'Église, tout cela s'entend sans doute de la société extérieure du peuple de Dieu.

Ils l'expliquent ainsi dans la forme du baptême, lorsqu'ils disent qu'ils vont recevoir l'enfant en la compagnie de l'Église chrétienne; et pour cela qu'ils obligent « les parrains et » marraines de l'instruire en la doctrine, la» quelle est reçue du peuple de Dieu comme elle » est, disent-ils, sommairement comprise en la >> Confession de foi que nous avons tous; » et encore lorsqu'ils demandent à Dieu, dans leurs prières ecclésiastiques, de délivrer toutes ses Églises de la gueule des loups ravissants : et encore plus expressément dans la Confession de foi, article xxv, quand ils disent « que l'ordre » de l'Église, qui a été établi de l'autorité de » Jésus-Christ, doit être sacré, et pourtant que >> l'Église ne peut consister, sinon qu'il y ait des » pasteurs qui aient la charge d'enseigner; » et dans l'article xxvi, « que nul ne se doit retirer » à part, mais que tous ensemble doivent gar>> der et entretenir l'unité de l'Église, se soumet>> tant à l'instruction commune; » et enfin, dans l'article XXVII, « qu'il faut discerner soigneuse>>ment quelle est la vraie Église, et que c'est la » compagnie des fidèles qui s'accordent à suivre » la parole de Dieu et la pure religion qui en déIl faut donc savoir, lui dis-je, ce qu'on entend» pend. » D'où ils concluent, article xxvIII, par ce mot d'Église catholique ou universelle; « qu'où la parole de Dieu n'est pas reçue, et et, sur cela, je posai pour fondement que dans » qu'on ne fait nulle profession de s'assujettir à le Symbole, où il s'agissoit d'exposer la foi sim-» icelle, et où il n'y a nul usage des sacrements, plement, il falloit prendre ce terme de la ma-» à parler proprement, on ne peut juger qu'il y nière la plus propre, la plus naturelle et la plus » ait aucune Église. »

Mademoiselle de Duras avoit lu mon traité de l'Exposition, et me fit connoître qu'elle se souvenoit d'y avoir vu quelque chose qui revenoit à peu près à ce que je lui disois; mais j'ajoutai qu'en ce traité j'avois voulu dire les choses fort brièvement, et qu'il étoit à propos qu'elle les vit in peu plus au long.

usitée parmi les chrétiens. Or, ce que tous les On voit, par tous ces passages, et par l'usage chrétiens entendent par le nom d'Eglise, c'est commun des prétendus réformés, que la signifiune société qui fait profession de croire la doc-cation du mot d'Église, propre, naturelle et usitrine de Jésus-Christ, et de se gouverner par sa tée de tout le monde, est de la prendre pour la

société extérieure du peuple de Dieu, parmi lequel, quoiqu'il se trouve des hypocrites et réprouvés, leur malice, disent-ils, ne peut effacer le titre d'Église, article XXVII. C'est-à-dire que les hypocrites, mêlés à la société extérieure du peuple de Dieu, ne lui peuvent ôter le titre de vraie Église, pourvu qu'elle soit toujours revêtue de ces marques extérieures, de faire profession de la parole de Dieu, et de l'usage des sacrements, comme porte l'art. XXVIII.

Et encore: Si vous demandez quelque chose, cela se pourra conclure dans une assemblée ou Eglise dûment convoquée. Et enfin : Quand il eut dit ces choses, il renvoya l'Eglise ou l'assemblée'.

Voilà l'usage du mot d'Église parmi les Grecs et dans la gentilité. Les Juifs et les chrétiens se sont depuis servis de ce mot pour signifier l'assemblée, la société, la communauté du peuple dc Dieu, qui fait profession de le servir. Il n'y a personne qui ne connoisse cette fameuse version des Septante, qui ont traduit en grec l'ancien Testament quelques siècles avant Jésus-Christ : de plus de cinquante passages où ce terme se trouve employé dans leur version, il n'y en a pas un seul où il ne se prenne pour quelque assemblée visible; et il n'y en a que très peu où il ne se prenne pour la société extérieure du peuple de Dieu. C'est aussi le sens où l'emploie saint Étienne, lorsqu'il dit que Moïse fut en l'Église ou dans l'assemblée au désert avec l'ange qui parloit à lui 2, appelant du mot d'Église, selon l'usage reçu par les Juifs, la société visible du peuple de Dieu.

Les chrétiens ont pris ce mot des Juifs, et ils lui ont conservé la même signification, l'employant à signifier l'assemblée de ceux qui confessoient Jésus-Christ, et faisoient profession de sa doctrine.

Voilà comme on prend l'Église lorsqu'on en parle simplement, naturellement, proprement, sans contention ni dispute ; et si c'est la manière ordinaire de prendre ce mot, nous avons raison de dire que c'est celle que les apôtres ont employée dans leur Symbole, où il falloit parler de la manière la plus ordinaire et la plus simple, parcequ'il s'agissoit de renfermer en peu de paroles la confession des fondements de la foi. En effet, il a passé dans le discours commun de tous les chrétiens, de prendre le mot d'Église pour cette société extérieure du peuple de Dieu; quand on veut entendre, par le mot d'Église, la société des prédestinés, on l'exprime, et on dit l'Église des prédestinés. Quand on veut entendre par ce mot l'assemblée et l'Église des premiers-nés qui sont écrits dans le ciel, on l'exprime nommément comme fait saint Paul'. Il prend ici le mot d'Église dans une signification moins usitée, pour la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, où sont plusieurs milliers d'anges et les esprits des justes sanctifiés, c'està-dire pour le ciel, où sont recueillies les ames saintes. C'est pourquoi il ajoute un mot pour désigner cette Église ; c'est l'Église des premiers-nés, qui ont précédé leurs frères dans la gloire. Mais quand on emploie simplement le mot d'Église sans rien ajouter, l'usage commun de tous les chrétiens, sans en excepter les prétendus réfor-fait une Église glorieuse, qui n'a ni tache, ni més, est de le prendre pour signifier l'assemblée, la société, la communion de ceux qui confessent la vraie doctrine de Jésus-Christ. Et d'où vient cet usage de tous les chrétiens, sinon de l'Écriture sainte, où nous voyons en effet le mot d'Église pris communément en ce sens, en sorte qu'on ne peut nier que ce ne soit la signification ordinaire et naturelle de ce mot?

Le mot d'Église, dans son origine, signifie assemblée, et s'attribuoit principalement aux assemblées que tenoient autrefois les peuples pour entendre parler des affaires publiques. Et ce mot est employé en ce sens aux Actes, xix, lorsque le peuple d'Ephèse s'assembla en fureur contre saint Paul: L'assemblée et l'Église étoit confuse.

'Heb, xli, 34.

Voilà ce qui s'appelle simplement Église, ou l'Église de Dieu et de Jésus-Christ: et de plus de cent passages où ce mot est employé dans le nouveau Testament, à peine y en a-t-il deux ou trois où cette signification lui soit contestée par les ministres; et même dans les endroits où ils la contestent, il est clair que c'est sans raison.

Par exemple, ils ne veulent pas que ce passage de saint Paul, où il est dit que Jésus-Christ s'est

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ride, ni rien de semblable, mais qu'elle est sainte et sans tache3 ; ils ne veulent, dis-je, pas que ce passage puisse être entendu de l'Église visible, ni même de l'Église sur la terre, parceque l'Église ainsi regardée, loin d'être sans tache, a besoin de dire tous les jours: Pardonneznous nos péchés. Et moi je dis, au contraire que c'est parler manifestement contre l'apôtre, que de dire que cette Église glorieuse et sans tache ne soit pas l'Église visible. Car voyez de quelle Église parle saint Paul : c'est de celle que Jésus-Christ a aimée, pour laquelle il s'est donné, afin de la sanctifier, la purifiant dans l'eau où elle est lavée par la parole de vie1.

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Cette Église lavée dans l'eau, et purifiée par le
baptême, cette Église sanctifiée par la parole de
vie, soit par celle de la prédication, soit par
celle qui est employée dans les sacrements, cette
Eglise est sans doute l'Église visible. La sainte
société des prédestinés n'en est pas exclue, à
Dieu ne plaise! ils en font la plus noble partie;
mais ils sont compris dans ce tout. Ils y sont in-
struits par la parole, ils y sont purifiés par le
baptême; et souvent même des réprouvés sont
employés à ces ministères. Il les faut donc re-
garder dans ce passage, non comme faisant un
corps à part, mais comme faisant la plus belle
et la plus noble partie de cette société exté-
rieure c'est cette société que l'apôtre ap-
pelle Église. Jésus-Christ l'aime sans doute
car il lui a donné le baptême; il a répandu son
sang pour l'assembler; il n'y a ni appelé, ni jus-
tifié, ni baptisé dans cette Église, qui ne soit
appelé, justifié et baptisé au nom et par les mé-
rites de Jésus-Christ crucifié. Cette Église est
glorieuse, parcequ'elle glorifie Dieu publique-
ment, parcequ'elle annonce à toute la terre la
gloire de l'Évangile et de la croix de Jésus-Christ.
Cette Église est sainte, parcequ'elle enseigne
toujours constamment et sans varier la sainte
doctrine, qui enfante continuellement des saints
dans son unité. Cette Église n'a ni tache ni ride,
parcequ'elle n'a ni erreur, ni aucune mauvaise
maxime; et encore parcequ'elle instruit et con-
tient en son sein les élus de Dieu, qui, quoique |
pécheurs sur la terre, trouvent dans sa commu-
nion des moyens extérieurs de se purifier, en
sorte qu'ils viendront un jour en un état très
parfait devant Jésus-Christ.

Voilà peut-être le seul passage où l'on puisse dire avec quelque sorte d'apparence que le mot d'Église, pris simplement, signifie autre chose que la société extérieure du peuple de Dieu; et vous voyez cependant combien il est clair qu'il se doit entendre comme tous les autres.

Mais quand ainsi seroit que ce passage et deux ou trois autres auroient une signification, ou douteuse, ou même éloignée de celle-ci, tous les autres passages y sont conformes. Car, qu'y a-til de plus fréquent que les passages où il est dit qu'il faut édifier l'Église, qu'on a persécuté l'Église, qu'on loue Dieu au milieu de l'Église, qu'on la salue, qu'on la visite, qu'on y établit des pasteurs et des évêques pour la régir, et autres semblables dont le nombre est infini?

Ainsi on ne peut nier que cette signification du mot d'Église ne soit la signification ordinaire, et celle par conséquent qui devoit être suivie dans une Confession de foi aussi simple qu'est le Symbole des apôtres.

C'est dans ce sens que l'a prise tout un grand concile, le premier et le plus saint de tous les conciles universels, lorsque condamnant Aritis, il prononce ainsi : « Tous ceux qui disent que le » Fils de Dieu a été tiré du néant, la sainte » Église catholique et apostolique les anathema»tise'. »

C'est Jésus-Christ lui-même qui nous a appris à croire l'Église en ce sens. Car, pour fonder cette Église, il est sorti du sein invisible de son Père, et s'est rendu visible aux hommes; il a assemblé autour de lui une société d'hommes qui le reconnoissoit pour maître voilà ce qu'il a appelé son Église. C'est à cette Église primitive que les fideles qui ont cru depuis se sont agrégés, et c'est de là qu'est née l'Église que le Symbole appelle universelle.

Jésus-Christ a employé le mot d'Église pour signifier cette société visible, lorsqu'il a dit luimême qu'il falloit écouter l'Église: Dites-le à l'Église2; et encore lorsqu'il a dit : Tu es Pierre, et sur cette pierreje bâtirai mon Eglise, et les portes d'enfer n'auront point de force contre elle ".

Pourquoi, disois-je, mademoiselle, pourquoi ceux de votre religion ne veulent-ils pas entendre ici, par le mot d'Église, la société de ceux qui font profession de croire en Jésus-Christ et en l'Évangile ; puisqu'il est certain que cette société est en effet la vraie Église, contre laquelle l'enfer n'a jamais eu de force: ni lorsqu'il a employé les tyrans pour la persécuter, ni lorsqu'il a employé les faux docteurs pour la corrompre?

L'enfer ne prévaudra pas contre les prédestinés; il est certain: car s'il n'a point de force contre cette société extérieure, à plus forte raison n'en aura-t-il pas contre les élus de Dieu, qui sont la partie la plus pure et la plus spirituelle de cette Eglise. Mais par la même raison qu'il ne peut pas prévaloir contre les élus, il ne peut pas prévaloir contre l'Église qui les enseigne, où ils confessent l'Évangile, et où ils reçoivent les sacrements.

C'étoit cette société extérieure où les élus servent Dieu, qu'il falloit entendre par le mot d'Église, et admirer en même temps la force invincible des promesses de Jésus-Christ, qui a tellement affermi la société de son peuple, quoique foible en comparaison des infidèles qui l'environnoient au dehors, quoique déchirée par les hérétiques qui la divisoient au dedans, qu'il n'y a pas eu un seul moment où cette Église n'ait été vue par toute la terre.

Mais les prétendus réformés n'ont pas osé sou

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