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un tel rival, & que Madame ne foit circonvenue par la qualité de Vicomte.

LE VICOMTE.

J'efpérois quelque chofe, Monfieur Tibaudier, avant votre billet; mais il ne fait craindre pour mon

amour.

M. TIBAUDIER.

Voici encore, Madame, deux petits verfets ou couplets que j'ai compofes à votre honneur & gloire. LE VICOMTE.

Ah, je ne penfois pas que Monfieur Tibaudier für poëte; & voilà pour m'achever, que ces deux petits verfers-la!

LA COMTESSE.

(à Criquet )

Il veut dire deux ftrophes. Laquais, donnez un fiége à Monfieur Tibaudier.

(bas à Criquet qui apporte une chaife.)

Un pliant, petit animal. Monfieur Tibaudier, mettez-vous-là, & nous lifez vos ftrophes.

M. TIBAUDIER.

Une perfonne de qualité

Ravit mon amme,

Elle a de la beauté,
J'ai de la flamme;

Mais je la blâme
D'avoir de la fierté.

LE VICOMTE.

Je fuis perdu après cela.

LA COMTESSE.

Le premier vers elt beau. Une perfonte de qualité.

JULIE.

Je crois qu'il eft un peu trop long, mais on peus prendre une licence pour dire une belle pensée.

LA COMTESSE à M. Tibaudier.

Voyons l'autre ftrophe.

M. TIBAUDIER.

Je ne fais pas f vous doutez de mon parfait amour,
Mais je fais bien que mon cœur, à toute heure,
Veut quitter fa chagrine demeure,

Pour aller, par refpe&t, faire au vôtre fa cour..
Après cela pourtant, fûre de ma tendreffe,
Et de ma foi, dont unique eft l'efpece,
Vous devriez à votre tour,

Vous contentant d'être Comtesse,

Vous dépouiller en ma faveur d'une peau de tigreffe, Qui couvre vos appas, la nuit comme le jour.

LE VICOMTE.

Me voilà fupplanté, moi, par Monfieur Tibaudier. LA COMTESSE.

Ne penfez pas vous moquer pour des vers faits dans la province, ces vers la font fort beaux.

LE VICOMTE.

Comment, Madame! Me moquer? Quoique fon rival, je trouve fes vers admirables, & ne les appelle pas feulement deux ftrophes, comme vous, mais deux épigrammes, auffi bonnes que toutes celles de

Martial.

LA COMTESSE.

Quoi? Martial fait-il des vers? Je penfois qu'il ne fit que des gants?

M. TIBAUDIER.

Ce n'est pas ce Martial-là, Madame, c'eft un auteur: qui vivoit il y a trente ou quarante ans.

LE VICOMTE.

Monfieur Tibaudier a lu les auteurs, comme vous le voyez Mais allons voir, Madame, fi ma mufique & ma comédie, avec mes entrées de ballet, pourront combattre dans votre efprit les progrès des deux ftrophes & du billet que nous venons de voir.

LA COMTESSE.

Il faut que mon fils le Comte foit de la partie; tars

il est arrivé ce matin de mon château avec fon précepteur, que je vois là-dedans.

SCENE XVII

LA COMTESSE, JULIE, LE
VICOMTE, M. TIBAUDIER,
M. BOBINET, CRIQUET.

HOLA

LA COMTESSE.

OLA, Monfieur Bobinet. Monfieur Bobinet, approchez-vous du monde.

M. BOBINET.

Je donne le bon vêpre à toute l'honorable compagnie. Que defire Madame 'a Comtesse d'Escarbagnas, de fon très-humble ferviteur Bobinet

LA COMTESSE.

A quelle heure, Monfieur Bobinet, êtes-vous parti d'Efcarbagnas, avec mon fils le Comte?

M. BOBINET.

A huit heures trois quarts, Madame, comme votre commande.nent me l'avoit ordonné.:

LA COMTESSE.

Comment fe portent mes deux autres fils, le Marquis & le Commandeur ?

M. BOBINET.

Ils font, Dieu grace, Madame, en parfaite santé.

LA COMTESSE.

Où est le Comte?

M. BOBINET.

Dans votre belle chambre à alcove, Madaine.

LA COMTESSE,

Que fait-il, Monfieur Bobinet?

M. BOBINET.

Il compofe un thêne Madame, que je viens de lui dicter fur une épître de Ciceron.

LA COMTESSE.

Faites-le venir, Monfieur Bobiner.

M. BOBINET.

Soit fait ainsi que vous le commandez.

SCENE

XVIII.

LA COMTESSE, JULIE, LE VICOMTE, M. TIBAUDIER.

LE VICOMTE à la Comtesse.

CE Monfieur Bobinet, Madame, a la mine fort

fage; & je crois qu'il a de l'efprit.

SCENE XIX.

LA COMTESSE, JULIE, LE VICOMTE, LE COMTE, M. BOBINET, M. TIBAUDIER.

ALLONS,

M. BOBINET.

LLONS, Monfieur le Comte, faites voir que vous profitez des bons documens qu'on vous donne. La rév.rence à toute l'honnête affemblée.

LA COMTESSE montrant Julie.

Comte, faluez Madame, faites la révérence à Monfieur le Vicomte, faluez Monfieur le Confeiller.. M. TIBAUDIER.

Je fuis ravi, Madame, que vous me concédiez la

grace d'embraffer Monfieur le Comte votre fils. On ne peut pas aimer le tronc, qu'on n'aime auffi les branches.

LA COMTESSE.

Mon Dieu, Monfieur Tibaudier, de quelle compa raison vous fervez-vous-là!

JULIE.

En vérité, Madame, Monfieur le Comte a tout-àfait bon air.

LE VICOMTE.

Voilà un jeune gentilhomme qui vient bien dans le monde.

JULIE.

Qui diroit que Madame eût un fi grand enfant!
LA COMTESSE.
Hélas, quand je le fis, j'étois fi jeune, que je me
jouois encore avec une poupée!

JULIE.

C'est Monfieur votre frere, & non pas Monfieur votre fils.

LA COMTESSE.

Monfieur Bobinet, ayez bien foin au moins de fon éducation.

M. BOBINET.

Madame, je n'oublierai aucune chofe pour cultiver cette jeune plante, dont vos bontés m'ont fait l'onneur de me confier la conduite; & je tâcherai de lui inculquer les femences de la vertu.

LA COMTESSE.

Monfieur Bobinet, faites - lui un peu dire quelque petite galanterie de ce que vous lui apprenez.

M. BOBINET.

Allons, Monfieur le Comte, récitez votre leçon d'hier au matin.

LE COMTE.

Omne viro foli quod convenit efto virile, omne vi..

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