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vous ne pensez; voilà qui eft fait. Mais votre fille doit époufer un mari pour elle; & n'étant point malade, il n'eft pas néceffaire de lui donner un médecin.

ARGAN.

C'est pour moi que je lui donne ce médecin ; & une fille de bon naturel doit être ravie d'épouser ce qui est utile à la fanté de fon pere.

TOINETTE.

Ma foi, Monfieur, voulez-vous qu'en amie je vous donne un confeil?

ARGAN.

Quel eft-il ce confeil?

TOINETTE.

De ne point songer à ce mariage-là.

Et la raifon?

C'est que votre fille n'y confentira poin

ARGAN.

TOINETTE.

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Votre fille. Elle vous dira qu'elle n'a que faire de Monfieur Diafoirus, ni de fon fils Thomas Diafoirus, ni de tous les Diafoirus du monde.

ARGAN.

J'en ai affaire, moi. Outre que le parti eft plus avan→ tageux qu'on ne penfe, Monfieur Diafoirus n'a que ce fils-là pour tout héritier; &, de plus, Monfieur Purgon qui n'a ni femme, ni enfans, lui donne tout fon bien en faveur de ce mariage; & Monfieur Purgon eft un homme qui a huit mille bonnes livres de

rente.

TOINETTE.

Il faut qu'il ait tué bien des gens, pour s'être fait fi riche.

ARGAN.

Huit mille livres de rente font quelque chofe, fans compter le bien du pere.

TOINETTE.

Monfieur; tout cela est bel & bon; mais j'en reviens toujours là. Je vous confeille, entre nous, de lui choisir un autre mari, & elle n'eft point faite pour être Madame Diafoirus.

ARGAN.

Et je veux, moi, que cela foit.

TOINETTE.

Hé, fi! Ne dites pas cela.

ARGAN.

Comment! Que je ne dife pas cela?

Hé, non.

ΤΟΙΝΕΤΤΕ.

ARGAN.

Et pourquoi ne le dirai-je pas?

TOINETTE.

On dira que vous ne fongez pas à ce que vous ditess ARGA N.

On dira ce qu'on voudra; mais je vous dis que je veux qu'elle exécute la parole que j'ai donnée.

TOINETTE. Non, je fuis fûre qu'elle ne le fera pas.

Je l'y forcerai bien.

ARGAN.

TOINETTE.

ARGAN.

Elle ne le fera pas, vous dis-je.

Elle le fera, ou je la mettrai dans un couvent.

TOINETTE.

Vous ?

ARGAN,

TOINETTE.

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ARGAN.

Ouais, voici qui est plaisant? Je ne mettrai pas ma fille dans un couvent, fi je veux?

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TOINETTE.

Oui. Vous n'aurez pas ce cœur-là.

ARGAN.

Je l'aurai.

TOINETTE.

Vous vous moquez.

ARGAN.

Je ne me moque point.

La tendreffe paternelle vous prendra

ARGAN.

Elle ne me prendra point.

TOINETTE.

TOINETTE.

Une petite larme ou deux, des bras jettés au cou, un mon petit papa mignon, prononcé tendrement, fera affez pour vous toucher.

ARGAN.

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Il ne faut point dire, bagatelles.

TOINETTE.

Mon Dieu! Je vous connois, vous êtes bon naturellement.

ARGAN avec emportement.

Je ne fuis point bon, & je fuis méchant quand je

yeux.

TOINETTE.

Doucement, Monfieur. Vous ne fongez pas que vous êtes malade.

ARGAN.

Je lui commande abfolument de fe préparer à prendre le mari que je dis.

TOINETTE.

Et moi, je lui défens abfolument d'en faire rien.

ARGAN.

Où est-ce donc que nous fommes? Et quelle audace eft-ce-là, à une coquine de fervante, de parler de la forte devant fon maître?

TOINETTE.

Quand un maître ne fonge pas à ce qu'il fait, une fervante bien fenfee eft en droit de le redreffer.

ARGAN courant après Toinette.

Ah, infolente, il faut que je t'affomme!

TOINETTE évitant Argan, & mettant
la chaife entr'elle & lui.

Il eft de mon devoir de m'oppofer aux choses qui vous peuvent deshonorer.

ARGAN courant après Toinette, autour de la chaife avec fon bâton.

Vien, vien que je t'apprenne à parler.

TOINETTE fe fauvant du côté où n'eft point

Argan.

Je m'intéreffe, comme je dois, à ne vous point laiffer faire de folie.

Chienne.

ARGAN de même.

TOINETTE de même.

Non, je ne confentirai jamais à ce mariage,

Pendarde.

ARGAN de même.

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Et elle m'obéira plûtôt qu'à vous.

ARGAN s'arrêtant.

Angélique, tu ne veux pas m'arrêter cette coqui

nẹ - là.

ANGELIQUE.

Hé, mon pere, ne vous faites point malade.

ARGAN à Angélique.

Si tu ne me l'arrêtes, je te donnerai ma malédic tion.

TOINETTE en s'en allant.

Et moi, je la deshériterai fi elle vous obéit.

ARGAN fe jettant dans fa chaife. Ah, ah! Je n'en puis plus. Voilà pour me faire mourir,

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