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Mais pour abreger le tout, il faut reduire l'examen à la recherche de nos passions; et s'il nous fasche de considerer si fort par le menu comme il a esté dit, nous pouvons ainsi nous examiner quels nous avons esté, et comme nous nous sommes comportez.

En nostre amour envers Dieu, envers le prochain, envers nous-mesmes.

En nostre haine envers le peché qui se treuve en nous, envers le peché qui se trouve ès autres; car nous devons desirer l'exterminement de l'un et de l'autre; en nos desirs touchant les biens, tonchant les plaisirs, touchant les honneurs.

En la crainte des dangers de pecher, et des pertes des biens de ce monde on craint trop l'un, et trop peu l'autre.

En esperance trop mise, peut-estre, au monde et en la creature, et trop peu mise en Dieu et ès choses eternelles.

En la tristesse, si elle est trop excessive pour chose vaine.

En la joye, si elle est excessive, et pour choses indignes.

Quelles affections enfin tiennent nostre cœur empesché, quelles passions le possedent, en quoy s'est-il principalement detraqué.

Car par les passions de l'ame on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre, d'autant que comme un joueur de luth pinçant toutes les cordes, celles qu'il treuve dissonnantes il les ac

corde, ou les tirant, ou les laschant ainsi apres avoir tasté l'amour, la haine, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons mal accordantes à l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrions les accorder moyennant sa grace, et le conseil de nostre pere spirituel.

CHAPITRE VIII.

Affections qu'il faut faire apres l'examen.

Apres avoir doucement consideré chaque poinct de l'examen, et veu à quoy vous en estes, vous viendrez aux affections en cette sorte.

Remerciez Dieu de ce peu d'amendement que vons aurez treuvé en vostre vie, dès vostre resolution, et reconnoissez que ç'a esté sa misericorde seule qui l'a fait en vous et pour vous.

Humiliez-vous fort devant Dieu, reconnoissant que si vous n'avez pas beaucoup advancé ç'a esté par vostre manquement, parce que vous n'avez pas fidellement, courageusement et constamment correspondu aux inspirations, clartez et mouvemens qu'il vous a donnez en l'oraison et ailleurs.

Promettez-luy de le louer à jamais des graces exercées en vostre endroit, et pour vous avoir retiré de vos inclinations à ce petit amendement.

Demandez-luy pardon de l'infidelité et desloyauté avec laquelle vous avez correspondu.

Offrez-luy vostre cœur, afin qu'il s'en rende du tout maistre.

Suppliez-le qu'il vous rende toute fidelle.

Invoquez les Saincts, la Ste Vierge, vostre ange, vostre patron, S. Joseph, et ainsi des

autres.

CHAPITRE IX.

Des considerations propres pour renouveller nos bons propos.

Apres avoir fait l'examen, et avoir bien conferé avec quelque digne conducteur sur les defauts et sur les remedes d'iceux, vous prendrez les considerations suivantes; en en faisant une chaque jour par maniere de meditations, y employant le temps de vostre oraison, et ce tousjours avec la mesme methode pour la preparation et les affections, de laquelle vous avez usé ès meditations de la premiere partie : vous mettant avant toutes choses en la presence de Dieu, implorant sa grace pour vous bien establir en son sainct amour et service.

CHAPITRE X.

Consideration premiere de l'excellence de nos ames.

Considerez la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement, lequel connoist non

seulement tout ce monde visible, mais connoist encore qu'il y a des anges et un paradis, connoist qu'il y a un Dieu tres-souverain, tres-bon et ineffable, connoist qu'il y a une eternité, et de plus connoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux anges en paradis, et pour joüir de Dieu eternellement.

:

Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu, et ne le peut haïr en soy-mesme voyez vostre cœur comme il est genereux, et que comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, ains s'arrestent seulement sur les fleurs ainsi vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir. Repensez hardiment aux plus chers et violens amusemens qui ont occupé autrefois vostre cœur et jugez en verité s'ils n'estoient pas pleins d'inquietudes molestes', de pensées cuisantes, et de soucis importuns, emmy lesquels vostre pauvre cœur estoit miserable.

Helas! nostre cœur courant aux creatures, il y va avec des empressemens, pensant de pouvoir y accoiser 2 ses desirs; mais si tost qu'il les a rencontrées, il void que c'est à refaire, et que rien ne le peut contenter; Dieu ne voulant que nostre cœur treuve aucun lieu sur lequel il puisse repo

1 Pénibles.

2 Calmer.

ser, non plus que la colombe de l'arche de Noé, afin qu'il retourne à son Dieu, duquel il est sorti : Ha! quelle beauté de la nature y a-t'il en nostre cœur ! et doncques pourquoy le retiendrions-nous contre son gré à servir aux créatures?

O ma belle ame! (devez-vous dire) vous pouvez entendre et vouloir Dieu, pourquoy vous amuserez-vous à chose moindre? Vous pouvez pretendre à l'eternité, pourquoy vous amuserez-vous aux momens? Ce fut l'un des regrets de l'enfant prodigue, qu'ayant pu vivre delicieusement en la table de son pere, il mangeoit vilainement en celle des bestes. O ame! tu es capable de Dieu malheur à toy, si tu te contentes de moins que de Dieu. Eslevez fort vostre ame sur cette consideration, remonstrez-luy qu'elle est eternelle et digne de l'eternité enflez-luy le courage pour ce subject.

CHAPITRE XI.

Seconde consideration de l'excellence des vertus.

Considerez que les vertus et la devotion peuvent seules rendre votsre ame contente en ce monde; voyez combien elles sont belles: mettez en comparaison les vertus et les vices qui leur sont contraires; quelle suavité en la patience au prix de la vengeance; de la douceur, au prix de l'ire et du chagrin; de l'humilité, au prix de l'arrogance et

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