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ambition; de la liberalité au prix de l'avarice; de la charité, au prix de l'envie; de la sobrieté, au prix des desordres; car les vertus ont cela d'admirable qu'elles delectent l'ame d'une douceur et suavité nompareille, apres qu'on les a exercées ou les vices la laissent infiniment recreuë et malmenée. Or sus doncques, pourquoy n'entreprendrons-nous pas d'acquerir ces suavitez?

Des vices, qui n'en a qu'un peu n'est pas content, et qui en a beaucoup est mecontent; mais des vertus, qui n'en a qu'un peu, encore a-t'il desja du contentement, et puis tousjours plus en advançant. O vie devote, que vous estes belle, douce, agreable et soüefve; vous adoucissez les tribulations, et rendez soücfves les consolations : sans vous, le bien est mal, et les plaisirs pleins d'inquietudes, troubles et defaillances: ha! qui vous connoistroit pourroit bien dire avec la Samaritaine Domine, da mihi hanc aquam: Seigneur, donnez-moi cette eau : aspiration fort frequente à la mere Therese, et Ste Catherine de Genes, quoy que pour differens subjects.

CHAPITRE XII.

Troisiesme consideration sur l'exemple des Saincts.

Considerez l'exemple des Saincts de toutes sortes qu'est-ce qu'il n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devots? Voyez ces martyrs in

vincibles en leurs resolutions : quels tourmens n'ont-ils pas soufferts pour les maintenir? Mais sur-tout ces belles et florissantes dames, plus blanches que les lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité, les unes à douze, les autres à treize, quinze, vingt et vingt-cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer à leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la protestation de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion; les unes mourant plustost que de quitter la virginité; les autres plustost que de cesser de servir les affligez, consoler les tourmentez, et ensevelir les trepassez. O Dieu! quelle constance a monstré ce sexe fragile en semblable occurrence!

Regardez tant de saincts confesseurs, avec quelle force ont-ils mesprisé le monde? Comme se sont-ils rendus invincibles en leurs resolutions? Rien ne les en a pu faire deprendre, ils les ont embrassées sans reserve, et les ont maintenuës sans exceptions. Mon Dieu, qu'est-ce que dit S. Augustin de sa mere Monique? Avec quelle fermeté a-t'elle poursuivi son entreprise de servir Dieu en son mariage et en son vefvage? Et S. Hierosme de sa chere fille Paula, parmy tant de traverses, parmi tant de varietez d'accidens? Mais qu'est-ce que nous ne ferons pas sur des si excellens patrons? Ils estoient ce que nous sommes, ils le faisoient pour le mesme Dieu, pour les mesmes vertus: pourquoy n'en ferons-nous

autant en nostre condition, et selon nostre vacation pour nostre chere resolution, et saincte protestation?

CHAPITRE XIII.

Quatriesme consideration de l'amour que Jesus-Christ nous porte.

:

Considerez l'amour avec lequel Jesus - Christ Nostre-Seigneur a tant souffert en ce monde, et particulierement au jardin des Olives et sur le mont de Calvaire cet amour vous regardoit, et par toutes ces peines et travaux obtenoit de Dieu le Pere les bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encore tour ce qui vous est necesaire pour maintenir, nourrir, fortifier et consommer ces resolutions. O resolution, que vous estes precieuse, estant fille d'une telle mere, comme est la passion de mon Sauveurô combien mon ame vous doit cherir, puis que vous avez esté si chere à mon Jesus. Helas! ô Sauveur de mon ame, vous mourustes pour m'acquerir mes resolutions: Hé! faitesmoy la grace que je meure plustost que de les perdre.

Voyez-vous, ma Philotée, il est certain que le Cœur de nostre cher Jesus voyait le vostre dès l'arbre de la croix, et l'aymoit; et par cet amour luy obtenoit tous les biens que vous aurez jamais,

et entre autres vos resolutions; ouy, chere Philotée, nous pouvons tous dire comme Jeremie: 0 Seigneur, avant que je fusse, vous me regardiez et m'appelliez par mon nom, d'autant que vrayement sa divine bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens generaux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions. Oüy, sans doute, comme une femme prapare le berceau, les langes et bandelettes, et mesme une nourrice pour l'enfant qu'elle espere, encore qu'il ne soit pas au monde : ainsi NostreSeigneur pretendant de vous enfanter au salut, et vous rendre sa fille, prepara sur l'arbre de la Croix tout ce qu'il falloit pour vous: vostre berceau spirituel, vos langes et bandelettes, vostre nourrice, et tout ce qui estoit convenable pour vostre bonheur. Ce sont tous les moyens, tous les attraits, toutes les graces avec lesquelles il conduit vostre ame, et la veut tirer à sa perfection.

Ah! mon Dieu! que nous devrions profondement mettre cecy en nostre memoire : est-il possible que j'aye esté aymé, et si doucement aymé de mon Sauveur, qu'il allast penser à moy en particulier et en toutes ces petites occurrences, par lesquelles il m'a tiré à luy? Et combien doncques devons-nous aymer, cherir et bien employer tout cela à nostre utilité? Cecy est bien doux : ce cœur amiable de mon Dieu pensoit à Philotée, l'aymoit et luy procuroit mille moyens de salut, autant comme s'il n'eust point eu d'autre ame au

monde en qui il eust pensé : ainsi que le soleil esclairant un endroit de la terre ne l'esclaire pas moins que s'il n'esclairoit point ailleurs, et qu'il esclairast cela seul car tout de mesme NostreSeigneur pensoit et soignoit pour tous ses chers enfans; en sorte qu'il pensoit à chascun de nous comme s'il n'eust point pensé à tout le reste. «Il « m'a aymé, dit S. Paul, et s'est donné pour moy, comme s'il disoit pour moy seul, tout autant comme s'il n'eust rien fait pour le reste. Cecy, Philotée, doit estre gravé en vostre ame, pour. bien cherir et nourrir vostre resolution, qui a esté si precieuse au Cœur du Sauveur.

CHAPITRE XIV.

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Cinquiesme consideration de l'amour eternel de Dieu envers

nous.

Considerez l'amour eternel que Dieu vous a porté car desja avant que Nostre-Seigneur Jesus-Christ en tant qu'homme souffrit en croix pour vous, sa divine Majesté vous projetoit en sa souveraine bonté, et vous aymoit extremement. Mais quand commença-t'il à vous aymer? quand il commença à estre Dieu; et quand commença-t'il à estre Dieu? Jamais, car il l'a tousjours esté sans commencement et sans fin, et aussi il vous a tousjours aymé dès l'eternité : c'est pourquoy il vous preparoit les graces et faveurs qu'il vous a faites. Il

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