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voir un tel qui fait cecy et cela, il me semble que je le vois, ou chose semblable. Mais si le trèssainct Sacrement de l'autel estoit present, alors ceste presence seroit reelle, et non purement imaginaire; car les especes et apparences du pain seroient comme une tapisserie derriere laquelle Nostre Seigneur reellement present nous voit, et considere, quoy que nous ne le voyons pas en sa propre forme. Vous userez donc de l'un de ces quatre moyens pour mettre vostre ame en la presence de Dieu avant l'oraison, et ne faut pas les vouloir employer tous ensemblement, mais seulement un à la fois, et cela briefvement et simplement.

CHAPITRE III.

De l'invocation, second point de la preparation.

L'invocation se fait en ceste maniere: vostre ame se sentant en la presence de Dieu, se prosterne en une extresme reverence, se cognoissant très-indigne de demeurer devant une si souveraine Majesté; et neantmoins, sçachant que cette mesme bonté le veut, elle luy demande la grace de la bien servir et adorer en cette meditation. Que si vous le voulez, vous pourrez user de quelques paroles courtes et enflammées, comme sont celles icy de David: « Ne me rejetez point, ô mon Dieu, de devant vostre face, et ne m'ostez point

"

«la faveur de vostre Sainct-Esprit. Eclairez vostre « face sur vostre servante, et je considereray vos « merveilles! Donnez moy l'entendement, et je

"

regarderay vostre loy, et la garderay de tout « mon cœur! Je suis vostre servante, donnez moy « l'Esprit; » et telles paroles semblables à cela. Il vous servira encore d'adjouster l'invocation de vostre ben ange, et des sacrées personnes qui se trouveront au mystere que vous meditez: comme en celui de la mort de Nostre Seigneur, vous pourrez invoquer Nostre-Dame, S. Jean, la Magdelaine, le bon larron, afin que les sentimens et mouvemens interieurs qu'ils y receurent, vous soient communiquez; et en la melitation de vostre mort, vous pourriez invoquer vos're bon ange qui se trouvera present, afin qu'il vous inspire des considerations convenables, et ainsi des autres mysteres.

CHAPITRE IV.

De la proposition du mystere, troisiesme point de la
preparation.

Apres ces deux poincts ordinaires de la meditation, il y en a un troisiesme qui n'est pas commun à toutes sortes de meditations, c'est celui que les uns appellent fabrication du lieu, et les autres, leçon interieure. Or ce n'est autre chose que de proposer à son imagination le corps du

mystere que l'on veut mediter, comme s'il se passoit reellement et de fait en nostre presence. Par exemple, si vous voulez mediter Nostre Seigneur en croix, vous vous imaginerez d'estre au mont de Calvaire, et que vous voyez tout ce qui se fit et se dit au jour de la passion; ou si vous voulez (car c'est tout un) vous vous imaginerez, qu'au lieu mesme où vous estes, se fait le crucifiement de Nostre Seigneur, en la façon que les Evange istes le descrivent. J'en dis de mesme, quand vous mediterez la mort, ainsi que je l'ay marqué en la meditation d'icelle: comme aussi à celle de l'enfer et en tous semblables mystères, où il s'agit de choses visibles et sensibles; car quant aux autres mysteres de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes creés, qui sont des choses invisibles, il n'est pas question de vouloir se servir de cette sorte d'imagination. Il est vray que l'on peut bien employer quelque similitude et comparaison, pour ayder à la consideration: mais cela est aucunement difficile à rencontrer, et je ne veux traicter avec vous que fort simplement, et en sorte que vostre esprit ne soit pas beaucoup travaillé à faire des inventions Or par le moyen de cette imagination nous enfermons nostre esprit dans le mystere que nous voulons mediter, afin qu'il n'aille pas courant çà et là, ne plus ne moins que l'on enferme un oyseau dans une cage, ou bien comme l'on attache l'espervier à ses longes, afin qu'il de

meure dessus le poing. Quelques-uns vous diront neantmeins, qu'il est mieux d'user de la simple pensee de la foy, et d'une simple apprehension toute mentale et spirituelle, en la presentation de ces mystères, ou bien de considerer que les choses se font en vostre propre esprit, mais cela est trop subtil pour le commencement ; et jusqu'à ce que Dieu vous esleve plus hant, je vous conseille, Philotée, de vous retenir en la basse vallée que je vous monstre.

CHAPITRE V.

Des considerations, seconde partie de la meditation.

Apres l'action de l'imagination, s'ensuit l'action de l'entendement, que nous appellons meditation, qui n'est autre chose qu'une ou plusieurs considerations faictes, afin d'esmouvoir nos affections en Dieu et aux choses divines, en quoy la meditation est differente de l'estude et des autres pensées et considerations, lesquelles ne se font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu mais pour quelques autres fins et intencions, comme pour devenir sçavant, pour en escrire ou disputer. Ayaut doncques enfermé vostre esprit, comme j'ay dit, dans l'enclos du subjet que vous voulez mediter, ou par l'imagination, si le subjet est sensible, ou par la simple proposition, s'il est insensible, vous commencerez à fair sur iceluy des considerations, dont vous verrez des exemples tous formez ès medita

tions que je vous ay données. Que si vostre esprit trouve assez de goust, de lumiere et de fruict sur l'une des considerations, vous vous y arresterez sans passer plus outre; faisant comme les abeilles, qui ne quittent point la fleur, tandis qu'elles y trouvent du miel à recueillir. Mais si vous ne rencontrez pas selon vostre souhait, en l'une des considerations, après avoir nu peu marchandé et essayé, vous passerez à une autre; mais allez tout bellement et simplement en cette besongne sans Vous y empresser.

CHAPITRE VI.

Des affections et resolutions, troisiesme partie de la meditation.

La meditation respand des bons mouvemens en la volonté, ou partie affective de nostre ame, comme sont l'amour de Dieu et du prochain, le desir du paradis et de la gloire, le zele du salut des ames, l'imitation de la vie de Nostre Seigneur, la compassion, l'admiration, la rejoüissance, la crainte de la disgrace de Dieu, du jugement et de l'enfer, la haine du peché, la confiance en la bonté et misericorde de Dieu, la confusion pour nostre mauvaise vie passée; et en ces affections nostre esprit se doit espancher et estendre le plus qu'il luy sera possible. Que si vous voulez estre aydée pour cela, prenez en la main le premier tome des Meditations de don Audré Capilia, et

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