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TROISIÈME PARTIE.

ÉLÉMENS DU COMPLÉMENT,

OU

"LOIS ACCESSoires et actES DU POUVOIR EXÉCUTIF ET RÉGLÉmentaire qui se rapportent a la loi du 8 MARS 1810 SUR les Expropriations pour cause d'utilité publique.

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Dès 1807, on avait agité la question de savoir si l'expropriation pour cause d'utilité publique ne pouvait être opérée que par la loi.

Cette question fut décidée par l'avis suivant.

XI.

AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT du 1er août 1807, approuvé le 18, sur l'exécution de l'article 545 du Code Civil.

Le Conseil d'État, après avoir entendu la section de législation sur le renvoi qui lui a été fait par le chef du gouvernement, de l'examen de la question de savoir si le concours de l'autorité législative est nécessaire lorsqu'il s'agit de l'exécution de l'art. 545 du Code Civil, portant: Que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si «< ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant « une juste et préalable indemnité,›

«

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Est d'avis dans ce cas, le concours de l'autorité que, législative n'est pas nécessaire, et que la nature même des choses s'oppose à ce qu'elle puisse intervenir avec la sûreté et la dignité qui lui conviennent.

La loi n'est autre chose qu'une règle commune aux

citoyens : elle établit les principes généraux sur lesquels reposent leurs droits politiques et civils. Le point de savoir si la règle a été violée dans l'application au droit d'un particulier, est une simple question de fait; il s'agit alors d'exécuter la règle, et non d'en créer une nouvelle. La société a intérêt à ce que le principe ne soit changé que par la même autorité qui l'a établi : l'intérêt social n'est point blessé par l'erreur ni même par l'injustice dans la décision du fait particulier; c'est un préjudice individuel. Les lois les plus sages et les plus claires n'empêcheront jamais qu'il n'y ait des erreurs ou des injustices dans leur application. On a toujours regardé comme une garantie politique que la même autorité qui fait la loi ne soit pas chargée de l'exécuter.

Il est d'ailleurs impossible que la loi intervienne alors avec sûreté et avec dignité :

Avec sûreté, parce que la question de fait dépend, le plus souvent, de connaissances locales, et que le Corps Législatif n'est point organisé pour éclaircir et pour juger des questions de fait;

La dignité de ce corps en est blessée, parce qu'on trausforme les législateurs en simples juges; et le plus souvent encore l'objet du jugement est-il du plus médiocre intérêt.

Si on remonte aux diverses constitutions qui ont régi la France, aucune d'elles n'a exigé l'intervention de la loi. Si on s'en rapporte à l'usage, jamais on n'a soumis au Corps Législatif les expropriations ayant pour cause la voirie et les alignemens; et on trouve à peine quelques exemples pour des expropriations déterminées par d'autres causes d'utilité publique.

Le droit de propriété doit être regardé comme pleinement garanti par le principe général que la loi a établi, la loi seule pourrait changer, et par la régularité des

que

formes, soit pour constater que l'utilité publique est réelle, soit pour fixer la valeur de l'objet consacré à cette utilité.

Il fallut prononcer sur les difficultés qui s'étaient élevées touchant la validité des expropriations antérieures à la loi du 8 mars 181o. Elles ont été résolues par le décret suivant.

XII.

DÉCRET du 18 août 1810, portant que les Décisions rendues Décrets antérieurs à la Loi du 8 mars 1810, et propar nonçant explicitement ou implicitement des Expropriations pour cause d'utilité publique, recevront leur exécution selon la Loi du 16 septembre 1807, sans qu'il soit besoin de recourir aux tribunaux,

Considérant,

'1°. Que la loi du 8 mars 1810, relative aux expropriations pour cause d'utilité publique, ne peut avoir d'effet rétroactif;

la

2°. Qu'en établissant en principe que cette expropriation s'opère par l'autorité de la justice, et en réglant les formes à suivre à l'avenir pour la faire prononcer, cette loi n'a point annullé les décisions rendues par décrets, et prononçant l'expropriation, soit explicitement par 'désignation des propriétés, soit implicitement par l'adop tion des plans qui y sont annexés et qui par suite sont exécutoires, ni prononcé sur le mode de leur exécution; 3°. Qu'il importe, pour la confection des travaux publics, de suppléer à cet égard au silence de la loi; Notre Conseil d'État entendu,

Nous AVONS DÉCRÉTÉ ET DÉCRÉTONS ce qui suit :

« ART. 1er. Les décisions rendues par décrets antérieurs 'à la loi du 8 mars 1810, et prononçant l'expropriation,

soit explicitement par la désignation des propriétés, soit implicitement par l'adoption des plans qui y sont annexés, recevront leur exécution, selon la loi du 16 septembre 1807, sans qu'il soit besoin de recourir aux tribunaux conformément à la loi du 8 mars 18гo.

ART. 2. Notre grand-juge ministre de la justice et notre ministre de l'intérieur sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des Lois.

Avant la loi du 8 mars 1810, est intervenu ́un avis du Conseil qui décide une question dont cette loi n'a point affaibli l'intérêt. Je crois d'autant plus nécessaire de le rapporter, qu'il n'a pas été inséré au Bulletin des Lois, et qu'en conséquence il n'est connu que de l'administration à laquelle il doit servir de régulateur, comme tous les avis de cette espèce.

XIII.

AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT du 9 février 1808, approuvé le 21 (non inséré au Bulletin des Lois).

Le Conseil d'État, qui, d'après le renvoi ordonné par le gouvernement, a entendu le rapport de la section de l'intérieur sur celui du ministre de ce département, à l'occasion du besoin qu'a la ville d'Ivrée d'un terrain national pour un cimetière, et relatif à la question de savoir si l'article 545 du Code Civil est applicable aux biens nationaux,

Est d'avis que les biens et domaines nationaux sont, comme les propriétés particulières, susceptibles d'être aliénés, en cas de besoin pour utilité publique départementale ou communale, à estimation d'experts; qu'en conséquence il y a lieu à procéder d'après ce principe,

et de faire un rapport sur la demande de la ville d'Ivrée, d'acquérir, à estimation par experts, une propriété domaniale pour un cimetière, pour être, par le gouvernement, statué ce qu'il appartiendra,

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L'avis dont je vais rendre compte, que le Bulletin ne devait pas non plus reproduire, bien qu'il soit intervenu sur un cas particulier, règle cependant l'application du principe général.

*,་

Pour bien saisir cet avis, il est nécessaire de connaître le rapport ainsi que le projet présentés par le ministre, et le rapport de la section sur l'un et sur l'autre.

N° 1.

XIV.

RAPPORT ET PROJET du Ministre de l'intérieur.

Dans le département de Seine-et-Marne, et dans la commune de Souppes, il existe un pont situé sur un chemin vicinal qui n'intéresse que les communes et les propriétaires de Souppes et de Château-Landon. Des dépenses considérables ont été faites pour réparer ce pont et construire une digue à l'aval: ces dépenses, qui devaient être à la charge des communes et des propriétaires intéressés, ont été supportées par le trésor public. La conduite de M. le préfet, dans cette circonstance, a été l'objet d'un rapport spécial que le chef du gouvernement a renvoyé à l'examen d'une commission; aussi le travail que je lui soumets aujourd'hui n'aura rien de relatif à cette circonstance principale d'une affaire dont je suis forcé de l'entretenir encore.

Le cours d'eau qui passe à Souppes n'est ni navigable ni flottable. Des usines sont établies de temps immémorial sur ce cours d'eau; elles ont, en amont du pont Souppes, la digue sans laquelle elles ne sauraient exister.

de

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