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tez requifes pour fe faire aimer? croyez-vous que fi vous vouliez écouter les foupirs de tous ceux qui font capables de reffentir la force de vos attrais, vous fuffiez obligée de faire des avances ? n'en avez-vous pas un grand exemple en la perfonne de ce Gentil-homme François qui s'eft attaché à votre fervice avec tant de ferveur? il vit avec tout le respect qu'un homme comme lui, peut rendre à une grande Princeffe comme vous; mais avec tout cela, quoiqu'il ne vous parle point de fa paffion, en pouvezvous douter? celui-là, reprit la Princeffe, a commencé à m'aimer par une avanture fi bifare, que fon exemple ne doit pas être allegué. Mon déguisement lui donna la hardieffe de me découvrir la paffion, le plus fort étant

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fait, il a crû peut-être que cela étoit beau de pouvoir faire l'Amant d'une perfonne de mon rang: & ayant été écouté par un caprice & par la neceffité de feindre, il a crû qu'il n'avoit qu'à pérfeverer: qu'en tout cas il ne lui en arriveroit pas grand dommage. Quoiqu'il en foit, il eft encore une preuve de ce que je dis. Il est aussi bien fait qu'on le puiffe être de la perfonne; il a autant d'efprit que jamais homme en ait eu La guerre où il s'eft genereufement embarqué à fon âge, & l'accez qu'il a cû auprès du Comte de Clermont qui eft un Prince qui ne fouffre point de lâche auprès de lui, nous doit bien faire juger de fon courage. Je crois qu'il m'aime encore, & ce n'eft pas une petite raison. Tu fçais que je n'en aime point d'au

tre cependant je t'avoue que toute convaincuë que je le fuis de fon mérite, & toute remplie d'eftime & de bienveillance pour lui, il ne me fait point changer d'opinion. Je te diray plus; il me faudra peut-être aimer un Prince qui ne fera pas fi aimable que lui, & je ne doute pas que je n'en vienne à bout. Je te confeffe pourtant, afin que tu ne me reproches pas mon infenfibilité, que j'aurois voulu que le Prince, que le Duc mon pere voudra me faire époufer, eut autant de belles qualitez que lui. Aronde écouta tout ce difcours attentivement & fi le commencement lui avoit donné de mortelles atteintes, ces dernieres paroles furent un excellent remede aux trances qu'il fouffroit; mais la bonne fortune qui l'avoit conduit en ce lieu, ne

vouloit pas qu'il en demeurât là. Yolante avoit écouté la Princesse attentivement, & elle étoit d'humeur fort gaye: trouvant donc occafion de tourner cet entretien fi ferieux plus agreablement. Encore eft-ce quelque chofe, reprit-elle, que vous rendiez cette justice au pauvre Aronde. Pour moi je vous avoue qu'il m'a tout à fait rargée de fon parti, fans m'avoir fait fa confidente. Et que fçavons-nous? peut-être fe trouvera-t'il que c'eft quelque Empereur ou quelque Monarque qui s'est déguité pour vous voir. L'autre jour je m'informois de lui à un Gentil-homme qui devoit être de fon pays, fi ce que vos gens avoient apris des fiens étoit véritable, & il me dit qu'il ne le connoiffoit point du tout. Vous voyez cependant qu'affurément

il eft impoffible que fa naiffance foit médiocre, car il eft trop bien né; vous voyez avec quel defintereffement il s'attache au service de votre maison. Tu es bien folle, reprit la Princeffe (en interrompant cette Dame) de te former ces chimeres en l'efprit. Ne voudrois-tu point que fur l'apparence que tu trouves de fa grandeur & de fa puiffance, j'allaffe m'embarquer en une belle paffion avec lui. A ces mots la Princeffe fe leva; mais cette Dame en la fuivant, & continuant dans cet entretien: je gage qu'avec toute votre fageffe, vous ne feriez point fachée que cela fut. Quand je te l'avouërois, ajouta encore la Princeffe, me trouverois-tu fort charmée de lui pour cela? non, reprit cette Dame, & quoique ce fouhait ne fit pas grand préjudice

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