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qu'il lui témoignoit, ne pût lui celer enfuite que du moins dans fon déplaifir il avoit le contentement qu'il fe paffoit peu de femaines fans qu'il vit fa maîtreffe; parce qu'ayant gagné fa nourrice, en qui elle avoit beaucoup de confiance, il avoit trouvé moyen d'avoir par elle les clefs du Parc. Il lui dit que Mathilde s'y promenoit fouvent le foir, & qu'à la faveur de l'obfcurité il étoit quelquefois introduit dans l'appartement de cette Belle, par un petit pont que Clemence (c'eft ainfi que s'apelloit fa nourrice) baiffoit, quand tout le monde étoit retiré, & que quelquefois même il fe tenoit caché dans un cabinet qui étoit à côté de fa chambre, & y paffoit la nuit & le jour fuivant, ne s'en retournant qu'à l'entrée de l'autre nuit..

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Sur quoi le Prince lui dit qu'il vouloit être fon confident, & qu'il vouloit affurer lui-même fa maîtreffe de l'affection qu'il avoit pour lui. Tant de marques d'amitié rendoient ce Chevalier charmé de la bonté de fon maître; mais il ne fçavoit pas la tempête que lui préparoit un calme fi apparent. Quelque foin qu'il prit pour empêcher ce Prince de fe donner cette peine, il n'en pût venir à bout. Lui ayant dit par hazard que ce foir même, tout étoit préparé pour fa vifite, le Prince prit fi fort cette affaire à cœur, qu'il voulut l'y accom pagner, quoique ce mal-heureux Amant lui pût alléguer pour retarder fon deffein, non dans la pensée du malheur qui lui arriva, mais afin feulement de préparer Fesprit de sa maîtreffe à une visite

de certe importance, apprehendant de l'avoir offencée par cette confidence, & voulant lui dire auparavant les raifons qui l'y avoient obligé. Mais le Prince ne voulut jamais le fouffrir, lui alléguant que cette surprise auroit quelque chofe de galant qui lui plairoit fans doute, & lui feroit mieux connoître avec quelle affection il entreprenoit fon affaire. Que fert-il enfin de vous tenir plus long-tems en impatience? La fortune qui perfécutoit ce Chevalier avec tant de rigueur, n'avoit garde de l'épargner en une semblable conjoncture. Le Prince vit fa maîtreffe, ainsi ce pauvre Amant qui l'y me-na fans y penfer, travailla luimême à sa ruine, & fon malheur voulut qu'elle vint du côté dont il attendoit tout fon bonheur.

Le Prince ne revint pas de cette vifite fi généreux qu'il y étoit allé. Mathilde eft trop fure en fes coups, & l'amitié qu'il avoit pour l'Amant, ne pût empêcher qu'il ne reffentit la puiffance des charmes de l'Amante. Il ne fert de rien de dire les particularitez de cette vifite, puifqu'il n'y a que cet incident qui ferve à la fuite de ma narration. Mathilde fut une partie de la nuit dans le parc avec le Prince & fon Amant; étant venuë avec Clemence, comme elle F'avoit promis par l'affignation qu'elle avoit donnée à Montafilant, elle s'étonna d'abord de le voir accompagné; mais ayant bien-tôt appris la condition de fon confident, & fçû par fes premiers difcours la paffion qu'il avoit d'obliger fon favori, elle fe remit aifément de la colere

où la pensée que fon Amant lui avoit manqué de fecret, fembloit l'avoir mise d'abord.

L'amour que le Prince Henry conçut, devint bientôt fi violent qu'il fut le maître de toutes fes actions & de tous fes deffeins, & il réfolut bien-tôt de lui facrifier tout ce qu'il devoit à la confidération de fon amitié. Cependant il fut obligé de diffimuler dans le commencement avec fon Rival; parce qu'il ne pouvoit voir fa maîtreffe que par fon moyen. S'il eut éclaté, on l'eut bien-tôt changé de lieu, & s'il ne fe fût pas beaucoup foucié de la faire perdre à l'autre, il apprehendoit de la perdre pour lui-même. Il faifoit donc toujours les mêmes careffes à Montafilant qu'il avoit de coûtume, & s'empreffoit auprès de lui pour fçavoir l'état de

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