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de celles-là : votre âme est bien tranquille, et vos esprits sont bien paisibles en comparaison du mouvement de ce bon pays; mais que peut faire une bergère sans un berger? Vous répondrez fort bien à cette question, par votre exemple. Madame de Coulanges a des retours de fièvre dont elle est fort chagrine; cela est ordinaire à la suite des grandes maladies. Langlade est revenu de Frêne, où il a été encore plus mal que Madame de Coulanges. Je l'ai vu : il est divinement bien logé à ce faubourg. Madame de la Fayette est revenue de Saint-Maur: elle a eu trois accès marqués de fièvre quarte; elle dit qu'elle en est ravie, et qu'au moins sa maladie

aura un nom.

A cing heures du soir.

Savez-vous bien où je suis? Je vous défie de le deviner. Je suis venue dîner par le plus beau tems du monde à nos soeurs de Sainte-Marie du faubourg : vous croyez que je m'en vais dire, Saint-Jacques; point du tout, c'est du faubourg Saint-Germain. On vient de m'y apporter votre lettre du 14. Je suis dans la plus belle maison de Paris, dans la chambre de Mademoiselle Reimond, qui s'y est fait faire, comme bienfaitrice, un petit appartement enchanté: elle sort quand elle veut ; mais elle ne le veut guère, parce qu'elle a principalement dans la tête de vouloir aller en paradis. Je vous amenerai ici, nonseulement comme une relique de ma grand'mère, mais comme une personne curieuse, qui doit aimer

à voir une très-belle maison de campagne; vous en serez surprise. Je vais donc, dans cet aimable lieu, répondre à votre lettre. Je continue à vous conjurer de décider en ma faveur, et de ne plus balancer à faire un voyage que vous m'avez promis, et qu'en vérité vous me devez un peu. Je ne suis pas la seule à trouver que vous marchandez beaucoup à me faire plaisir. Partez donc, partez; vous devez avoir pris vos mesures sur le départ de M. de Grignan: je l'embrasse, et vous prie de lui donner ma lettre; je vous recommande aussi celle de M. l'Archevêque : j'espère plus en eux qu'en vous, pour une décision.

J'ai dit, comme vous, sur ce règlement; il n'y a pas de raison à leur dire, que quand ils seront malades, ils ne viendront point à l'assemblée, cela s'en va sans dire; et aussi, qu'ils se trouveront à l'ouverture, quand ils seront dans le lieu; quelle folie! ils ne s'y trouveront jamais : ce n'est point un lieu où l'on se trouve par hasard : j'avois corrigé cet article, sans rien ôter au sens : mais d'Hacqueville aima mieux l'envoyer promptement, que de tarder encore huit jours, disant que les Evêques de vos amis ne feroient point de difficulté, et que les autres en feroient toujours : l'Intendant au moins n'y sauroit manquer; cette affaire m'a donné du chagrin. N'admirez-vous point l'éclat et la puissance que donne la réverbération du soleil ? se mi miras, mi miran : n'aurons-nous jamais un rayon? Je disois hier au fils d'un malheureux (M. de Vaux), que si, avec son mérite et sa valeur, qui percent

même la noirceur de sa misère, il avoit la fortune du tems passé, on lui auroit dressé un temple: je dis vrai; mais si cela étoit, il seroit gâté.

Vous avez grande raison de ne pouvoir vous représenter Madame de Coulanges à l'agonie, et M. de Coulanges dans la douleur; je ne le croirois pas, si je ne l'avois vu : une vivacité morte, une gaîté pleurante, ce sont des prodiges. La pauvre femme avoit encore hier la fièvre ; on ne sort point nettement de ces grands maux. Quand je songe qu'au bout de dix mois j'ai encore les mains enflées, cela me fait rire ; car pour du mal, je n'en ai plus. Je ne proposerai point à Corbinelli de raisonner avec vous sans la méthode; il entre en fureur, et l'on n'est point en sûreté. Il est occupé à faire des rondeaux sur la convalescence de Madame de Coulanges je les corrige; jugez de la perfection de l'ouvrage. Adieu, ma chère enfant; partez et venez: tenez-vous donc une fois pour décidée, et défaites-vous d'épiloguer sur les bienséances de votre voyage': elles y sont toutes entières, et ce n'est pas moi seule qui le dis.

L'Abbé de Pontcarré me montra hier ce que vous lui écrivez sur le manteau donné inconsidérément : cela est fort plaisant. Il est vrai que la conduite de notre Cardinal est adorable: on l'admire bien aussi; il en reçoit l'honneur qu'il mérite.

LETTRE 468.

A la même.

à Livry, vendredi 23 Octobre 1676. * Voici le second tome du Frater. Je lui envoyai

OICI

hier un carrosse au Bourget, et je viens, cela soit dit en passant, avec un autre à six chevaux, le trouver ici, où je ne croyois pas trop qu'il dût arriver si précisément ; cependant le hasard, qui est quelquefois plaisant, nous fit tous rencontrer au bout de l'avenue: cette justesse nous fit rire. Nous entrâmes, nous nous embrassâmes, nous parlâmes de vingt choses à la fois, nous nous questionnâmes sans attendre ni entendre aucune réponse; enfin, cette entrevue eut toute la joie et tout le désordre qui accompagnent d'ordinaire ces premiers momens. Cependant, Monsieur boîte tout bas, Monsieur crie, Monsieur se vante d'un rhumatisme, quand il n'est pas devant moi; car ma présence l'embarrasse ; et comme nous en avons bien vu d'autres ensemble, il ne se plaint qu'à demi. Je trouvois dans mes rêveries, et je croyois et je disois que j'avois une cuisse bleue, c'étoit celle qui me faisoit le plus de mal; de sorte que je lui ai donc accordé qu'il a une cuisse bleue, pourvu qu'il demeure d'accord aussi qu'il a la tête verte, tellement que cela compose un homme qui a la cuisse bleue et la tête verte. Gardez-vous bien de dire cela à Montgobert: elle en abuseroit cet hiver avec le

pauvre Baron, qui se prépare bien à la tourmenter. Elle écrit les plus plaisantes choses du monde, et à lui, et à moi; mais nous voyons, au travers de sa bonne humeur, qu'elle est malade, et nous en sommes très-fâchés. Mon fils sera donc ici quelques jours, en attendant qu'on lui ait envoyé de Charleville les attestations nécessaires pour avoir le congé, ou que les troupes qui étoient allées sur la Meuse, reviennent, comme on le dit, parce que ce duc de Zell, qui nous faisoit peur, s'est retiré, et a peut-être plus de peur que nous. Voilà l'état de notre Abbaye: on voudroit bien que je fusse obligée d'en partir, pour aller au-devant de vous ; car vous êtes une pièce fort nécessaire à notre véritable joie. Je ne vous dirai plus rien sur votre départ : il me semble qu'il doit être résolu, ou jamais; vous ne sauriez douter du désir que j'en ai. Je crois que M. de Grignan est parti pour l'assemblée : ainsi, en bonne justice, vous devriez être en chemin ; si cela étoit, j'aurois moins de regret que cette lettre-ci fût perdue, que ce gros paquet du 25, dont je suis encore fâchée. Si mon écriture est un peu chancelante, n'en soyez point en peine, c'est que j'ai froid aux doigts. Adieu, ma très-chère, je laisse la plume à M. le Clopineux. On disoit l'autre jour qu'on avoit jeté un monitoire, pour savoir où étoit l'armée de M. de Luxembourg; et quand il partit, on prétend que le Grand-Condé disoit: Ah, le beau poste! ah, le joli commandement jusqu'au mois de Juillet! On dit encore que M. de Luxem

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