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j'avoue que je ne comprends guère cette autre extrémité dans le tems où nous sommes, et pour un lieu comme Sully, jusqu'à la Toussaint. Je la vis hier elle vous fait mille amitiés.

Je suis fàchée que vous m'ayez écrit tant de lignes pour me persuader que vous ne devez point faire de remèdes, puisque vous vous portez bien. Je suis de votre avis: peut-être que le lait vous est contraire; suivez votre expérience : le repos et le tems vous sont favorables: laissez-leur, j'y consens, l'honneur tout entier de votre guérison. Plût à Dieu que ce même raisonnement pût servir pour moi comme pour vous ! je n'irois pas à Vichi: mais je ne trouve pas que vous vouliez m'en dispenser ; la précaution vous paroît une nécessité; et comme on ne voit pas bien si elle est inutile, ou non, je ne dérangerai rien à mes résolutions : en sorte qu'après avoir passé encore huit jours à Livry, et donné quelques jours à Paris pour attraper le seize, je prends le chemin d'Epoisses. C'est nous qui faisons marier les filles à la robe sans notre malheur, Messieurs de la robe ne se marieroient point; on nous a déjà répondu en deux occasions, qu'on ne vouloit point de nous, parce que nous étions dans l'épée : il faudra suivre votre conseil; et au lieu de quitter la robe pour l'épée, il faudra quitter l'épée pour la robe. Mon fils est bien embarrassé ; il ne peut s'appuyer sur ce talon : mais la longueur de cette blessure, qui se joint à la parfaite santé de toutes les autres parties de son corps, et à l'usage qu'il en

TOME IV.

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fait, rendent son séjour équivoque à ceux qui ne sont au monde que pour parler. On a toute la raison de son côté, et cependant on est à plaindre.Je trouve la réputation des hommes bien plus délicate et blonde que celle des femmes. Les apologies continuelles ne font pas un grand profit de sorte que sans pouvoir monter à cheval, on veut que mon fils soit à l'armée. Je crie toujours qu'on fasse voir son talon à M. Félix (1). M. Félix n'a pas le loisir et le tems passe.

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D...* entra hier à la Bastille, pour avoir, chez Madame la Comtesse de Soissons, levé la canne sur L...., et l'avoir touché, dit-on, quoique légè rement: le Comte de Grammont se mit entre deux; les menaces furent vives. L.... dit à D.... qu'il étoit un lâche, et que dans un autre lieu, il n'auroit pas fait tant de bruit. Madame la Comtesse alla demander justice au Roi contre l'insolence commise dans sa maison. Le Roi lui dit qu'elle devroit se l'être faite à elle-même. Le Cardinal de Bonzi lui fit des excuses pour D....; elle dit que c'étoit l'affaire du Roi; que si elle eût été chez elle, elle l'eût fait jeter par les fenêtres. D.... est à la Bastille : on va faire des complimens; je voudrois bien aller chez la L...., et faire compliment à D....: si vous ne voulez pas, je n'en ferai point du tout. La dispute étoit sur huit cents louis que doit L.... et qu'il veut (1) Premier Chirurgien du Roi.

* Ce D.... paroit être Deffiat, qui étoit attaché à MONSIEUR, La présence du Chevalier de Grammont indiqueroit que L... est M. de Louvigny son neveu. Madame de Sévigné étoit aimée de J'un et de l'autre. Mais ce ne sont que des conjectures

que D.... prenne sur MONSIEUR. Vous me les paierez je n'en ferai rien, et le reste. On est si avide de nouvelles, qu'on a pris cette guenille, et qu'on ne parle d'autre chose.

Madame de la Fayette est toujours mal : nous trouvons pourtant qu'elle remonte le Rhône tout doucement, et avec peine; ce n'est pas le chemin de Grignan; votre remède ne sera pas suivi. Je n'ai rien à dire de Pauline que ce que je vous en ai déjà mandé je l'aime d'ici; elle est jolie comme un ange; divertissez-vous-en; il y a de certaines philosophies qui sont en pure perte, et dont personne ne nous sait gré. Il est vrai qu'en quittant Grignan, il faut la mettre en dépôt comme vous dites; mais que ce ne soit donc qu'un dépôt, et cela étant, Madame votre belle-soeur est meilleure que nos sœurs (de Sainte-Marie), car elles ne rendent pas aisément. La pauvre petite qui est à Aix, est-elle bien ? j'y pense fort souvent, et à ce petit Marquis, dont il me semble que l'esprit se perd, sans précepteur: mais le moyen d'en envoyer un de si loin? il faut que vous le choisissiez vousmême. La Mousse m'a écrit de Lyon; il ira vous voir à Grignan: cela est bon, et conviendra fort à votre enfant : cette pensée m'a fait plaisir.

Il est revenu un Gentilhomme de Commercy, depuis Corbinelli, qui m'a fait peur de la santé du Cardinal; ce n'est plus une vie, c'est une langueur: j'aime et honore cette Eminence d'une manière à me faire un tourment de cette pensée; le tems ne

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prend rien sur mes sentimens là-dessus; mais il n'a fait jusqu'ici qu'augmenter la tendresse et la sensibilité que j'ai pour vous; je vous assure qu'il ne travaille que de ce côté-là : mais vous êtes cruelle aussi d'y contribuer comme vous faites : il y a de la méchanceté : vous m'aimez; vous me le témoignez; mon coeur s'ouvre à cette joie, et se confirme de plus en plus dans des sentimens qui lui sont naturels ; vous voyez bien l'effet que cela peut faire. Je ne vois ailleurs que des enfans qui haïssent leur mère. C.... me disoit l'autre jour qu'il haïssoit la sienne comme la peste par ma supputation elle mouroit ce jour-là ; je fus hier lui faire mes complimens; il n'y étoit déjà plus. Je lui écrivis un bon billet à mon gré : il est fort barbouillé du plus grand deuil du monde, mais son cœur est à l'aise. Hélas, ma fille! vous êtes dans l'autre extrêmité, et je vous aime aussi, et dois vous aimer plus que ma vie.

Isis est retournée chez MADAME, tout comme elle étoit, belle comme un ange. Pour moi, j'aimerois mieux ce haillon loin que près. On ne parle que des plaisirs de Fontainebleau.

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D'ou vient donc que je n'ai point de vos nouvelles, mon Cousin? Vous m'écrivîtes un peu après que vous fûtes arrivé à Bussy. Je vous fis réponse, je

l'envoyai à ma nièce de Sainte-Marie, et depuis, je n'ai pas ouï parler de vous. Si vous avez reçu ma lettre, vous avez tort; si elle a été perdue, vous ne l'avez pas. Vous démêlerez, s'il vous plaît, cette grande affaire : cependant, je vous demande de vos nouvelles, et de cette Veuve que j'aime. Votre fils est à la guerre, le mien n'y est pas ; son talon n'est fermé que depuis quinze jours.La chair en est encore si vive, si rouge et si sensible qu'il ne peut s'appuyer dessus. Il veut pourtant aller à l'armée, tout tel que je vous le dis. Pour moi, je m'en vais à Vichi, je pars le 16 d'Août. Je vais par la Bourgogne. Je logerai à Epoisses, parce que Bourbilly est sens-dessus-dessous. J'en partirai pour reprendre le chemin de Vichy, où il faut que j'arrive le premier de Septembre. Voilà mes desseins, mon ami; voyez ce que vous pouvez faire de cette marche pour me voir. Je vous embrasse de tout mon cœur suivant ma bonne coutume. J'en fais autant de l'heureuse Veuve. Ma fille est en Provence dans son château. J'ai ici notre cher Corbinelli qui va prendre ma place.

Monsieur DE CORBINELLI.

Vous n'avez, ce me semble, autre chose à faire qu'à monter en carrosse le lendemain de son arrivée à Epoisses, et de l'y aller voir. J'ai été sur le point d'avoir l'honneur de l'accompagner jusque-là, et après deux jours de séjour à Bussy, m'en aller à Dijon, et de là à Châlons: mais fait-on en ce monde

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