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guerre est entièrement finie. Le Chevalier revient,

je crois, avec lui.

J'ALLAI

LETTRE 566.

A la même.

à Livry, vendredi 29 Septembre 1679.

AI souper mercredi au soir chez la Marquise d'Huxelles; je lui fis tous vos complimens : on ne peut jamais avoir plus d'estime ni plus d'inclination pour personne qu'elle en a pour vous. Elle étoit venue l'après-dîner chez moi avec Mesdames de Lavardin, de Mouci, et de Belin; tout cela m'avoit chargée de mille et mille complimens pour vous. Nous revînmes ici hier matin, le bon Abbé et moi. Corbinelli est occupé de ses affaires; de sorte que je puis me vanter d'être seule : les Coulanges et Bagnols partoient pour Charenton, et je ne les vis qu'un moment. Je m'en vais donc être avec moi et avec votre cher et douloureux souvenir: je m'en vais voir comment je m'accommoderai de cette compagnie. M. Pascal dit que tous les maux viennent de ne savoir pas garder sa chambre. J'espère garder si bien ce jardin et cette forêt, qu'il ne m'arrivera aucun accident. Le tems est pourtant entièrement détraqué depuis six jours; mais il y a de belles heures. Je fus hier très-longtems dans le jardin, à vous chercher partout et à penser à vous, avec une tendresse qui ne peut se connoître que quand on l'a sentie.

*

L'Anglois est venu voir le bon Abbé sur ce rhume qui nous faisoit peur; il a mis dans son vin et dans son quinquina une certaine chose douce qui est si admirable, que le bon Abbé sent son rhume tout cuit, et nous ne craignons plus rien. C'est ce qu'il donna à Hautefeuille, qui le guérit en un moment de la fluxion sur la poitrine dont il mouroit, et de la fièvre continue: en vérité, ce remède est miraculeux.

J'ai prié Madame de Lavardin de faire vos excuses, et de dire vos raisons à Madame de Colbert quand elle la verra. J'irai voir Mesdames de Vence et Tourette; et en attendant, je leur ferai faire des complimens. Le petit Coulanges a été assez malade à nos Etats; il est charmé des soins qu'on a de lui, et des députés qu'on lui envoie pour savoir de ses nouvelles; sa fièvre n'a point eu de suite. Mon fils brillotte à merveilles; il est député de certaines petites commissions qu'on donne pour faire honneur aux nouveau - venus. J'ai prié Madame de Marbeuf de le marier en Bretagne; il ne sera jamais dans un point de vue si favorable que cette année. Il a été dix ans à la Cour et à la guerre; il a de la réputation : la première année de la paix, il la donne à sa patrie si on ne le prend dans cette circonstance, on ne le prendra jamais : ce pays-ci n'est pas bon pour l'établir; il faut rendre à César ce qui appartient à César : je l'ai un peu dérangé, mais il ne doit pas y avoir regret; cette *Ce médecin Anglois s'appelloit Talbot.

éducation vaut toujours mieux que celle de Laridon négligé (1) : il est toujours aisé de retourner chez soi, et il ne l'est pas d'être courtisan et honnête homme quand on veut. Mon fils me parle toujours de son pigeon avec beaucoup de tendresse à sa mode, et d'inquiétude pour sa santé. Il avoit été avec Coulanges se promener aux Rochers, dont ils admiroient la beauté : tout ce que vous n'en connoissez pas est plus beau que ce que vous en connoissez. Adieu, ma très - chère : vous me demandez ce que je fais; je lis mes anciens livres; je ne sais rien de nouveau qui me tente; un peu du Tasse, un peu des Essais de morale. Je me promenerai quand il ne pleuvra plus. Je pense continuellement et habituellement à vous ; je vous regrette, sans avoir à me reprocher de n'avoir pas goûté tous les momens que j'ai passés avec vous. Je vous écris, je relis vos lettres, j'espère vous revoir, je fais des projets pour y parvenir; je suis occupée ou amusée de tout ce qui a rapport à vous de cent lieues loin, et je ne trouve point avec cela que je n'aie rien à faire.

(1) Voyez la Fable de l'Education, par La Fontaine.

LETTRE 567.

A la même.

à Livry, mercredi 4 Octobre 1679.

Le plaisant repos que vous avez eu à Lyon! je l'ai prévu, ma fille, et j'ai bien compris l'accablement où vous seriez. Mon Dieu, que tout ce qui vous fatigue me fait mal! Vous aviez des visites qui ressembloient à celles de Paris. Je vous plains bien d'avoir été obligée de laisser la pauvre Montgobert malade. Vous aviez un tems épouvantable, quand vous vous êtes embarquée : ce Rhône aurat-il bien voulu de vous? quel mal vous aura fait cette tempête? et puis, la bise peut-être en arrivant ! Ma fille, on n'a jamais tout craint, quand on aime comme je fais. J'attends toujours de vos nouvelles avec impatience; vos lettres font la consolation de ma vie; et puis je meurs de peur que vous n'en soyez incommodée en les écrivant : en vérité, il y a bien loin de moi à un philosophe Stoïcien; mais enfin, c'est ma destinée, et j'y consens, puisque vous le voulez; vous me répondez trop aimablement; il faut que je fasse ce mot exprès pour l'article de votre lettre, où vous me paroissez persuadée de tout ce que je vous ai dit sur le retour sincère de mon cœur : mais que veut dire relour? mon coeur n'a jamais été détourné de vous. Je voyois des froideurs sans pouvoir les comprendre, non

plus que celles que vous aviez pour ce pauvre Corbinelli; j'avoue qu'elles m'ont touchée sensiblement; elles étoient apparentes ; j'étois cependant si bien instruite de la sorte d'injustice que vous faisiez à un tel ami, et je la voyois tous les jours si clairement, qu'elle me faisoit pétiller: bon Dieu ! combien étoit-il digne du contraire? avec quelle sagesse n'a-t-il pas supporté cette injuste disgrâce! Je le retrouvois toujours le même homme, c'est-à-dire, fidèlement appliqué, avec tout ce qu'il a d'esprit et d'adresse, à vous servir solidement.

Je ne pensois pas que vous dussiez répondre à Lyon à ma grande lettre; vous quittez tout pour la lire; n'êtes-vous pas admirable? Pour moi, je suis ici dans une tristesse et une solitude que j'aime mieux présentement que tout le monde. Voilà un vrai lieu pour l'humeur où je suis : il y a des heures et des allées, dont la sainte horreur n'est interrompue que par les galanteries de nos cerfs, et je me trouve bien de cette solitude. Corbinelli est à Paris, les Coulanges à Charenton ; je leur ai mandé tout ce que vous m'avez écrit sur leur sujet. Il est vrai qu'on a dit un mot de Chantilly: mais cela est tombé si court, qu'il n'en est plus question. A propos de Chantilly, j'ai eu un grand chagrin pour le fidèle Hébert (1). Gourville, qui vouloit qu'Hébert lui découvrît tout ce qui se fait à l'hôtel de Condé, l'a attaqué sur certains revenant - bons,

(1) Il avoit été à Madame de Sévigné, et placé ensuite à l'Hôtel de Condé par Gourville.

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