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votre retour; cela ne vaut pas la peine, après avoir tant attendu. C'est une petite merveille que celui que vous avez votre embarras nous a fait rire, c'est de ne pouvoir connoître s'il sait les finesses de la langue Allemande, ou si vous confondez le Suisse avec cette autre langue. C'est une habileté à laquelle il nous semble que vous ne parviendrez jamais : vous prendrez assurément l'un pour l'autre, et vous trouverez que le Pichon parlera comme un Suisse, au lieu de savoir l'Allemand. Vous parlez si plaisamment d'Allemagne et de Flandres, que depuis que l'une est tranquille et l'autre dans le mouvement, on ne peut plus vous répondre, sinon que chacun a son tour.

Adieu, ma très-belle et très-chère ; vous êtes admirable de me faire des excuses de tant parler de votre fils; je vous demande aussi pardon, si je vous parle tant de ma fille. Le Baron m'écrit, et croit qu'avec toute leur diligence ils n'arriveront pas assez tôt : Dieu le veuille, j'en demande pardon à ma patrie. Vous ne me dites rien dudit déposant (1); c'est signe qu'il n'a plus rien à dire; quand dira-t-il qui? C'est une belle parole. Je le supplie de m'aimer toujours un peu.

(1) M. de la Garde.

LETTRE 450.

A la même.

à Livry, vendredi 28 Août 1676.

J'EN EN demande pardon à ma chère patrie, mais je voudrois bien que M. de Schomberg ne trouvât point d'occasion de se battre : sa froideur et sa manière toute opposée à M. de Luxembourg, me font aussi craindre un procédé tout différent. Je viens d'écrire un billet à Madame de Schomberg pour en apprendre des nouvelles. C'est un mérite que j'ai apprivoisé, il y a long-tems; mais je m'en trouve encore mieux depuis qu'elle est notre Générale. Elle aime Corbinelli de passion: jamais son bon esprit ne s'étoit tourné du côté d'aucune sorte de science; de sorte que cette nouveauté qu'elle trouve dans son commerce, lui donne aussi un plaisir tout extraordinaire dans sa conversation. On dit que Madame de Coulanges viendra demain ici avec lui, et j'en aurai bien de la joie, puisque c'est à leur goût que je devrai leur visite. J'ai écrit à d'Hacqueville pour ce que je voulois savoir de M. de Pompone, et encore pour une vingtième sollicitation à ce petit bredouilleur de Parère. Je suis assurée qu'il vous écrira toutes les mêmes réponses qu'il doit me faire, et vous dira aussi comme, malgré le bruit qui couroit, M. de Mende a accepté Alby.

Au reste, je lis les figures de la Sainte-Ecriture (1), qui prennent l'affaire, dès Adam. J'ai commencé par cette création du monde que vous aimez tant; cela conduit jusqu'après la mort de Notre-Seigneur : c'est une belle suite, on y voit tout, quoiqu'en abrégé ; le style en est fort beau, et vient de bon lieu : il y a des réflexions des Pères fort bien mêlées ; cette lecture est fort attachante. Pour moi je passe bien plus loin que les Jésuites; et voyant les reproches d'ingratitude, les punitions horribles dont Dieu afflige son peuple, je suis persuadée que nous avons notre liberté toute entière; que par conséquent nous sommes très-coupables, et méritons fort bien le feu et l'eau, dont Dieu se sert quand il lui plaît. Les Jésuites n'en disent pas encore assez, et les autres donnent sujet de murmurer contre la justice de Dieu, quand ils affoiblissent tant notre liberté. Voilà le profit que je fais de mes lectures. Je crois que mon Confesseur m'ordonnera la Philosophie de Descartes.

Je crois que Madame de Rochebonne est avec vous, et je m'en vais l'embrasser. Est-elle bien aise dans sa maison paternelle? Tout le Chapitre (2) lui rend-il bien ses devoirs? A-t-elle bien de la joie

(1) L'Histoire du vieux et du nouveau Testament, etc. par le sieur de Royaumont, (M. de Saci.)

* Il composa ce livre à la Bastille. Il est, (dit-on), rempli d'allusions aux vicissitudes du Jansénisme dans ce siècle. M. de Saci étoit Directeur des Religieuses de Port-Royal.

(2) La Collégiale de Grignan.

de voir ses neveux ? Et Pauline (1) : est-il vrai qu'on l'appelle Mademoiselle de Mazargues? Je serois fâchée de manquer au respect que je lui dois. Et le petit de huit mois veut-il vivre cent ans? Je suis si souvent à Grignan, qu'il me semble que vous devriez me voir parmi vous. Ce seroit une belle chose de se trouver tout d'un coup aux lieux qui sont présens à la pensée. Voilà mon joli médecin (Amonio) qui me trouve en fort bonne santé, tout glorieux de ce que je lui ai obéi deux ou trois jours. Il fait un tems frais, qui pourroit bien nous déterminer à prendre de la poudre de mon bon homme : je vous le manderai mercredi. J'espère que ceux qui sont à Paris vous auront mandé des nouvelles; je n'en sais aucune, comme vous voyez; ma lettre sent la solitude de cette forêt ; mais dans cette solitude vous êtes parfaitement aimée.

(1) Pauline Adhémar de Monteil de Grignan, petite-fille de Madame de Sévigné, étoit alors âgée d'environ 3 ans. Elle épousa, en 1695, Louis de Simiane, Marquis d'Esparron, Lieutenant-Général pour le Roi en Provence après la mort de M. le Comte de Grignan son beau-père.

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LETTRE 451.

A la même.

à Livry, mercredi 2 Septembre 1676.

MONSIEUR d'Hacqueville et Madame de Vins ont couché ici; ils vinrent hier joliment nous voir. Madame de Coulanges est ici; c'est une très-aimable compagnie : vous savez comme elle fait bien avec moi. Brancas est aussi venu rêver quelques heures avec Sylphide (Madame de Coulanges). Nous avons pourtant, lui et moi, fort parlé de vous, et admiré votre conduite et l'honneur que vous lai avez fait (1).

Mais ce que nous avons encore admiré tous ensemble, c'est l'extrême bonheur du Roi, qui, nonobstant les mesures trop étroites et trop justes qu'on avoit fait prendre à M. de Schomberg pour marcher au secours de Maestricht, apprend que ses troupes ont fait lever le siége à leur approche, et én se présentant seulement. Les ennemis n'ont point voulu attendre le combat: le Prince d'Orange, qui avoit regret à ses peines, vouloit tout hasarder; mais Villa-Hermosa n'a pas cru devoir exposer ses troupes; de sorte que, non seulement ils ont promptement levé le siége, mais encore abandonné leur poudre, leurs canons, enfin tout ce qui marque une fuite. Il n'y a rien de si bon que d'avoir affaire

(1) Le Comte de Brancas avoit été le négociateur du mariage de Mademoiselle de Sévigné avec M. de Grignan.

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