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avec des confédérés

pour

avoir toutes sortes d'avan

tages mais ce qui est encore meilleur, c'est de souhaiter ce que le Roi souhaite; on est assuré d'avoir toujours contentement. J'étois dans la plus grande inquiétude du monde ; j'avois envoyé chez Madame de Schomberg, chez Madame de SaintGéran, chez d'Hacqueville, et l'on me rapporta toutes ces merveilles. Le Roi en étoit bien en peine, aussi bien que nous : M. de Louvois courut pour lui apprendre ce bon succès; l'Abbé de Calvo étoit avec lui: Sa Majesté l'embrassa tout transporté de joie, et lui donna une Abbaye de douze mille livres de rente, vingt mille livres de pension à son frère et le Gouvernement d'Aire, avec mille et mille louanges qui valent mieux que tout le reste. C'est ainsi que le grand siége de Maestricht est fini, et que Pasquin (1) n'est qu'un sot.

Le jeune Nangis épouse la petite de Rochefort: cette noce est triste. La Maréchale est jusqu'ici très-affligée, très-malade, très-changée; elle n'a pas mangé de viande depuis que son mari est mort: je tâcherai de faire continuer cette abstinence *. J'ai fort causé avec le bon d'Hacqueville et Madame de Vins; ils m'ont paru tout pleins d'amitié pour vous; ce ne vous est pas une nouvelle; mais on. est toujours fort aise d'apprendre que l'éloignement ne gâte rien. Nous nous réjouissons par avance de

(1) Voyez ci-dessus la Lettre du 26 Août, pag. 70.

* Badinage qui porte sur ce que Madame de Grignau vouloit, pour l'honneur du sexe, des douleurs vives et durables!

yous

vous attendre le mois prochain; car enfin nous sommes au mois de Septembre, le mois d'Octobre le suit.

J'ai pris de la poudre du bon homme : ce grand remède, qui fait peur à tout le monde, est une bagatelle pour moi; il me fait des merveilles. J'avois auprès de moi mon joli Médecin qui me consoloit beaucoup : il ne me dit pas une parole qu'en italien; il me conta pendant toute l'opération mille choses divertissantes : c'est lui qui me conseille de mettre mes mains dans la vendange, et puis une gorge de bœuf, et puis, s'il en est encore besoin, de la moelle de cerf, et de l'eau de la Reine d'Hongrie. Enfin, je suis résolue à ne point attendre l'hiver, et à me guérir pendant que la saison est encore belle. Vous voyez bien que je regarde ma santé, comme une chose qui est à vous, puisque j'en prends un soin si particulier.

Madame DE Coulanges.

Avouez, Madame, que j'ai un beau procédé avec vous. Je vous ai écrit de Lyon, point de Paris; je vous écris de Livry ; et ce qui me justifie, c'est que vous vous accommodez de tout cela à merveilles: un reproche de votre part m'auroit charmée; mais vous ne profanez pas les reproches aux pauvres mortelles. Nous menons ici une vie tranquille : recommandez bien à Madame de Sévigné le soin de sa santé ; vous savez qu'elle n'aime point à vous refuser; elle ne va guère au serein, elle est soutenue TOME IV.

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de l'espérance de votre retour pour moi, je le souhaite en vérité plus vivement qu'il ne m'appartient. Vous êtes si bien informée des nouvelles, que je ne m'amuserai pas à vous en conter. Le Roi est bien heureux; il me semble qu'il ne pourroit souhaiter de l'être encore davantage. Adieu, Madame, vous êtes attendue avec toute l'impatience que vous méritez: voilà qui est au-dessus de toute exagération. Barillon ne trouve que l'Abbé de la Trappe digne de lui, quand vous êtes en Provence. Ecoutez bien M. de Brancas, il va vous dire ses raisons.

Monsieur DE BRANCAS.

Je ne puis être à Livry, sans m'y ressouvenir de Mademoiselle de Sévigné, ni sans songer que, si j'ai travaillé à rendre M. de Grignan heureux, ç'a bien été à mes dépens, puisque je partage aussi vivement que personne, tout ce qu'il en coûte pour une aussi longue absence que la vôtre. Madame de Coulanges voudroit bien nous faire entendre qu'il y a des personnes qui devroient vous regretter encore plus: mais sans entrer dans tout ce qu'elle veut dire, je me contente de vous assurer que vous devez hâter votre retour, si vous aimez Madame votre mère, qui ne songera point à sa santé que vous n'ayez mis son cœur en repos. J'ai reçu avec bien de la joie et du respect, les complimens que vous m'avez faits sur la couche de ma fille (la P. d'Harcourt). Croyez, Madame qu'on ne peut vous honorer plus tendrement que je fais.

Madame DE SÉVIGNÉ continue.

Je crains bien que Madame de Coulanges n'aille à Lyon plutôt qu'elle ne voudroit; sa mère se meurt. Je vous demanderai dans quelque tems de quelle manière vous faites votre plan pour venir à Lyon, et de là à Paris. Vous savez ce que vous trouverez à Briare.

Vous faites très-bien de ne plus vous inquiéter, ni pour Maestricht, ni pour Philisbourg : vous admirerez bien comme tout est allé à souhait. J'ai grand regret à la bile que j'ai faite pendant qu'on devoit se battre. Tous vos sentimens sont dignes d'une Romaine; vous êtes la plus jolie femme de France; vous ne perdrez rien avec nous. Corbinelli a été ici deux jours; il est recouru pour voir le Grand-Maître qui est revenu d'Alby. Il me paroît que Vardes (1) se passe bien de Corbinelli; mais il est fort aise qu'il soit ici son résidant. C'est lui qui maintient l'union entre Madame de Nicolaï (2) et son gendre; c'est lui qui gouverne tous les desseins qu'on a pour la petite (3): tout a relation et se mène par Corbinelli; il dépense très-peu à Vardes, car il est honnête, philosophe et discret. D'un autre côté, Corbinelli aime mieux être ici, à cause de ses

(1)François-René du Bec, Marquis de Vardes, exilé en Languedoc pour des intrigues de Cour.

(2) Marie Amelot, belle-mère de M. de Vardes.

(3) Marie-Élisabeth du Bec, mariée en 1678 à Louis de RohanChabot, Duc de Rohan.

infirmités, qu'en Languedoc; et il me semble que voilà ce qui cause le grand séjour qu'il fait à Paris.

La vision de Madame de Soubise a passé plus vite qu'un éclair; tout est raccommodé. On me mande que l'autre jour, au jeu, Quanto avoit la tête appuyée familièrement sur l'épaule de son ami; on crut que cette affectation étoit pour dire, je suis mieux que jamais. Madame de Maintenon est revenue de chez elle: sa faveur est extrême. On dit que M. de Luxembourg a voulu, par sa conduite, ajouter un dernier trait à l'éloge funèbre de M. de Turenne.On loue, à bride abattue, M. de Schomberg: on lui fait crédit d'une victoire, en cas qu'il eût combattu, et cela produit tout le même effet. La bonne opinion qu'on a de ce Général est fondée sur tant de bonnes batailles gagnées, qu'on peut fort bien croire qu'il auroit encore gagné celle-ci; M. le Prince ne met personne dans son estime à côté de lui.

Pour ma santé, ma chère enfant, elle est comme vous pouvez la souhaiter; et quand Brancas dit que je n'y songe pas, c'est qu'il voudroit que j'eusse commencé dès le mois de Juillet à mettre mes mains dans la vendange: mais je m'en vais faire tous les remèdes que je vous ai dit, afin de prévenir l'hiver: j'irai un moment à Paris pour voir la cassette de M. de la Garde. J'ai vu en détail; mais je veux voir le tout ensemble. Adieu, ma très-aimable; voilà ma compagnie qui me fait un sabbat horrible. Je m'en vais donc faire mon paquet.

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