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pureté des lignes qu'a su donner M. Révoil à tous les dessins sortis de sa plume. Que vient faire, par exemple, cette roue de char, dans un chapiteau, à la seconde travée de droite, en partant de la grande porte? Nous aimons mieux les croix pattées des piliers voisins.

Sur le sol, les trois rosaces de la mosaïque, celle du milieu surtout, présentent avec un rare succès, ce que peut produire un riche dessin exécuté par une main habile.

Un escalier monumental de sept degrés, nombre symbolique, conduit à l'avant-chœur; deux blocs énormes de marbre blanc les terminent à droite et à gauche. C'est le cas de redire, avec admiration, la parole des Apôtres à la vue des substructions du temple: «Voyez quelles pierres et quelles constructions: Aspice quales lapides et quales structuras (Marc, 13, 1).

Dans le chœur, tout est beau. La table de communion avec ses bronzes dorés et son marbre, produit un grand effet. Les stalles s'alignent dans la simplicité d'un dessin ferme et pur. L'autel enfin nous apparaît, avec ses petites dimensions, mais fort riche et de bon goût. A noter, à droite et à gauche de l'autel, les marbres rares avec de belles inscrustations d'un côté, une main bénissante, au-dessus de la croix et de l'autre, l'Agneau-Rédempteur portant la croix du sacrifice. Inutile d'insister sur les mosaïques à dessin compliqué.

Vers la mi-hauteur des piliers principaux, s'avance en forte saillie, comme un tronçon de corniche, isolé, qui semble laissé là par inadvertence. C'est une console qui a servi à porter des échafaudages; et qui demeure pour faciliter les décorations possibles dans une grande circonstance, ou pour aider aux réparations futures. C'est encore une tradition du style roman.

En montant de la grande porte vers l'autel, remarquez à la troisième travée, au-dessus de la 3e colonne de la tribune (côté droit), le départ de l'arc ai eçu un commencement d'ornementation à dents de scie et à fleurons. C'est uue indication pour servir de modèle à ce qui reste à faire. L'artiste

répond ainsi à une critique facile, sur la pauvreté des arcs des tribunes, voisins des riches mosaïques qui les dominent en les contournant. Quand les ressources le permettront, ces archivoltes deviendront aussi riches sur toute leur étendue, que le promet le départ de l'arc dont nous venons de parler.

Nous voici au transept, dans les bras transversal de la croix. Cette partie de l'édifice a reçu le nom d'arc triomphal. C'est au milieu, en effet, que s'élève le grand dôme. A sa base court une corniche feuillagée, creusée jusqu'au noir dans les lignes principales du dessin. Aux quatre angles des vases aux rinceaux hardis supportent une croix glorieuse, toute gemmée. La panse de chacun de ces quatre vases porte l'initiale du nom d'un Evangéliste. Saint Mathieu, saint Jean, saint Marc et saint Luc.

Après le chœur, il faut voir le déambulatoire, ou pourtour du chœur. Commencez par le côté gauche, par rapport au visiteur qui arriverait de la grande porte. Jetez un coup d'œil sur la chapelle paroissiale qui, comme son nom l'indique, sera affectée au service des fidèles. Là aussi, de riches mosaïques s'étendent en mille dessins.

Le pourtour du chœur donne un délicieux effet de perspective, avancez jusqu'au chevet et pénétrez dans la chapelle de la sainte Vierge.

Les grandes dimensions ont disparu, tout est ici plus resserré, on sent que ce sanctuaire est celui de la prière plus intime des enfants à leur Mère. La mosaique est sans contredit la plus belle du monument. Le fond général, blanc-paille, est fait de marbres tirés des carrières voisines du Pont-duGard; les Romains l'employaient souvent à ce rôle de fond, parce qu'il résiste et conserve son brillant, malgré l'usure. A noter les blanches pétales des roses, formées par des cubes en silex, apporté des rivières de la Vénétie.

Nous ferons ici la même remarque que pour l'église. Quel dommage que l'artiste n'ait pas pu jeter sur la courbure de la voûte des mosaiques aux rinceaux brillants, ornés de fleurs

variées, et même d'oiseaux symboliques à plumage scintillant!

Au-dessous de la chapelle de la sainte Vierge, se trouve une crypte où l'on arrive par deux escaliers creusés entre les colonnes du chœur et celles du déambulatoire. Il n'y a encore rien de particulier à y signaler.

En sortant du pourtour du chœur, il sera bon de terminer la visite, à la cathédrale, par un court arrêt à la chapelle du chapitre, faisant pendant à celle de la paroisse.

Et maintenant, qu'il nous soit permis d'exprimer ici notre admiration pour les architectes qui ont bâti ce monument, et surtout pour le talent de M. Révoil, qui marche en première ligne avec son infatigable et intelligent collaborateur, M. Herrard. L'œuvre est grande, elle est belle, elle montre que notre XIXe siècle n'est pas seulement le triomphe de l'industrie et des machines. Nos écoles des beaux-arts, depuis le mouvement imprimé par Victor Hugo et Viollet-le-Duc, ont formé de vrais artistes. Comme à l'École des Chartes, le moyen-àge a été fouillé jusqu'en ses replis les plus intimes. La main de nos dessinateurs a su retrouver le secret des lignes vigoureuses, et telles églises romanes ou gothiques de cette seconde moitié du siècle, peuvent entrer en parallèle avec les plus beaux modèles des XIIe et XIIIe siècles. Puisse l'avenir, par l'abondance des ressources mises à leur disposition, permettre aux savants constructeurs de nos édifices religieux de conduire jusqu'à leur parfait achèvement les œuvres si heureusement commencées !

François DURAND,

Secrétaire du Comité de l'Art chrétien.

ΠΙ

BULLE INÉDITE D'INNOCENT III

DU 10 DÉCEMBRE 1212

SUR LES HOSPITALIERS DE SAINT-GILLES

C'est à l'obligeance de M. Jules Viard, archiviste aux archives nationales, que nous devons la copie bien conforme à l'original d'une bulle d'Innocent III, datée du palais de Latran, le 10 décembre 1212, sur le grand prieuré de SaintGilles, de l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Nous avons mis cette bulle, selon l'ordre chronologique, dans le précieux bullaire donné par M. Hector Mazer à la paroisse de Saint-Gilles ; ce qui élève le nombre des bulles à cent quarante-cinq, dont cent trente-quatre sont des originaux et onze sont des copies en forme.

M. Goiffon, vicaire-général de Mer Gilly, évêque de Nimes, les a publiées et annotées dans un ouvrage intitulé: Bullaire de l'abbaye de Saint-Gilles, en y joignant quarante-trois autres. bulles tirées pour la plupart d'un manuscrit de la bibliothèque nationale (lat. No 11018), intitulé bullaire de Saint-Gilles, qui contient des copies sur parchemin de plusieurs actes pontificaux très-précieux.

La bulle que nous éditons aujourd'hui confirme tous les biens des Frères hospitaliers de Jérusalem de Saint-Gilles et les prend sous la protection du Saint-Siège.

Il est bon de rappeler que, déjà en 1112, il existait à SaintGilles une maison prieurale de l'Ordre militaire des Chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, fondée par Bertrand, fils de Raymond, comte de Saint-Gilles. Ce grand prieuré qui avait sous sa dépendance cinquante-trois commanderies, se trouvait à peu près à l'endroit où est située la gare actuelle du chemin de fer; on en a trouvé des traces dans un jardin placé à environ quatre cents mètres de la ville, et ayant

appartenu à la famille Brignan. L'église Saint-Jean-Baptiste qui en dépendait, se trouvait à cent mètres du prieuré, et, par suite, un peu plus rapprochée des remparts ; quelques traces en ont été trouvées dans une terre située derrière le magasin de Défau, tout près du premier contre-canal, aujourd'hui comblé.

Pour la description des batiments de cette maison prieurale, une des plus anciennes et des plus importantes de l'ordre, de l'église Saint-Jean-Baptiste et de tout le mobilier, nous renvoyons le lecteur au savant article que M. le docteur Puech a fait paraître dans la Revue du Midi de février 1889, intitulé Le grand prieuré de Saint-Gilles. L'étude approfondie d'un inventaire du prieuré, fait le 26 octobre 1556, contenant 24 feuillets et conservé aux archives départementa les du Gard (E.470, fo 217), lui a fourni les documents de ce précieux travail.

:

Bulle d'Innocent III sur les Hospitaliers de Saint-Gilles, datée du palais de Latran, confirmaut tous les biens des Frères Hospitaliers de Jérusalem de Saint-Gilles et les prenant sous la protection du Saint-Siège, 10 décembre 1212.

Innocentius (1), episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis, Magistro (2) et fratribus domus Hospitalis Jerosolimitani de sancto Egidio, salutem et apostolicam benedictionem. Cum a nobis petitur quod justum est et honestum, tam vigor equitatis quam ordo exigit rationis, ut id per sollicitudinem officii nostri ad debitum perducatur effectum. Ea propter, dilecti in Domino filii, vestris justis postulationibus grato concurrentes assensu, terras et decimas largitione fidelium predicte domui vestre pia liberalitate collatas sicut eas juste

(1) Innocent III, élu pape le 8 Janvier 1198, mourut le 16 Juillet 1216, après un regne de dix huit ans, six mois et neuf jours.

(2) Le maître ou grand prieur était alors Armandus de Campagnola, qni gouverna la maison de l'hopital de Saint-Gilles de 1210 à 1217.

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