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qu'on dépouillât le jeune duc de Ri- 1643. chelieu du gouvernement du Havre, pour le donner au prince de Marsillac, depuis duc de la Rochefoucauld, nouvelle conquête qu'elle commençoit à attacher à son char. Ces prétentions, et beaucoup d'autres moins éclatantes, soulevèrent une partie de la Cour contre les Importans, dont la duchesse n'étoit que l'organe. Cependant la reine ne jugea pas à propos de rompre en visière à la cabale, par un refus direct; elle chercha des tempéramens et comme, de ces demandes, celle sur laquelle on insistoit davantage, étoit la restitution du gouvernement de Bretagne à la maison de Vendôme, qu'on représentoit comme une justice, la régente en prit le titre pour elle-même, et en laissa l'essentiel au maréchal de la Meilleraie, qu'elle nomma lieutenant-général de la province. Les autres demandes de moindre conséquence furent en partie accordées et en partie éludées. Il n'y eut que l'amirauté et le gouvernement du Havre, pour lesquels Mazarin satisfit en promesses que les événemens qui suivirent le dispensèrent d'exécuter.

Richelieu, prévoyant qu'après sa Divers intémort, sa famille et ses amis seroient son de Condé,

rêts de la mai

1643.

probablement inquiétés, leur prépara un appui dans la protection de la maison de Condé c'est pour cela qu'il maria sa nièce au duc d'Enghien, et qu'il versa sur cette maison les biens, les honneurs, l'autorité, enfin tout ce qui pouvoit la mettre en état de défendre ses alliés. La princesse de Condé, joignant à ces avantages la faveur de la reine, détourna de dessus la tête de la duchesse d'Aiguillon, qui étoit la plus menacée, les premiers éclats de la disgrace. Elle vint aussi efficacement au secours des jeunes Richelieu et Brezé, qu'on vouloit priver, l'un du Havre, l'autre de l'amirauté; et elle employa d'autant plus volontiers ses soins dans cette affaire, que l'amirauté, selon les vues de la cabale, devoit passer entre les mains du duc de Beaufort, qu'elle haïssoit, parce qu'après avoir recherché en mariage mademoiselle de Bourbon sa fille, il négligea cette princesse, qui épousa depuis le duc de Longueville. Le prince de Condé ne montroit pas le même zèle à servir ses alliés. Il paroissoit regarder tout avec indifférence, toujours intérieurement piqué de ce que la reine lui avoit comme extorqué la place de chef du conseil de

ne

régence, que la déclaration de Louis 1643. XIII lui donnoit. Mais le duc d'Enghien ne s'en tint pas à la neutralité de son père, et il y eut un moment où on le crut absolument livré à la cabale des Importans.

Ce guerrier, plus fait pour la franchise des camps que pour le manège des Cours, et à qui ses fautes et ses malheurs n'ont pu ôter le nom de Grand, venoit, à 22 ans, de gagner la bataille de Rocroi, et de remporter une victoire qui auroit illustré un vieux général. Don Francisco de Melos, vainqueur du maréchal de Grammont à Honnecourt, s'étoit promis cette année de plus grands succès. Ne projetant pas moins que l'envahissement de la Champagne, il leva ses quartiers de bonue heure et investit Rocroy. Cette ville, située au milieu d'une vaste plaine, étoit entourée de bois et de marais, et on ne pouvoit y pénétrer que par un défilé. Si Don Francisco eût défendu ce passage, peut-être eût-il arrêté le prince et forcé la place après quelques assauts. Mais la confiance d'avoir bon marché des Français, sous un général de vingt ans, lui fit laisser à dessein une issue libre jusqu'à lui ; seulement, pour ne pas négliger les moyens d'assurer la

Campagne de Flandre.

1643.

victoire il avoit mandé au général Beck de le venir joindre.

Le duc d'Enghien avoit été nommé en même temps au commandement de l'armée de Flandre et au gouvernement de Champagne. A ce double titre, il tenoit à déshonneur de se laisser enlever Rocroi, et il se hâtoit avec l'intention de pousser vigoureusement les Espagnols, lorsqu'il reçut la nouvelle de la mort du roi et l'ordre de ne rien. hasarder. Les mêmes avis avoient été adressés à l'Hôpital, maréchal de Vitri, qu'on lui avoit donné pour modérateur: mais autant celui-ci, d'après ses instructions, mettoit d'obstacles aux mesures qui pouvoient amener une bataille, autant le jeune prince, qui ne partageoit pas la circonspection du vieux maréchal, usoit d'adresse pour le faire tomber lui-même dans la nécessité de la livrer. Il ne témoigna d'abord que le dessein de jeter du secours dans Rocroi. Vitri, persuadé que le défilé seroit gardé, et qu'il ne résulteroit de cette tentative qu'une simple affaire de poste, n'y apporta pas d'opposition, mais sa prudence fut mise en défaut par les combinaisons présomptueuses de l'ennemi. La tête de l'armée ayant

passé sans trouver de résistance, ce fut pour le reste une nécessité de la soutenir, et quand toute l'armée fut dans la plaine, ce fut encore une autre nécessité d'y demeurer, car la retraite eût été plus périlleuse que le combat. Il fallut même se hâter d'attaquer pour prévenir la jonction du général Beck, qui étoit attendu à chaque moment par les Espagnols, et qui eût ajouté à la supériorité du nombre qu'ils avoient déjà. Le jeune duc faisoit ses dispositions en conséquence, lorsque l'imprudence du marquis de la Ferté, qui, sans ordre, essaya de faire pénétrer un secours dans Rocroi, découvrit son aile gauche et pensa le mettre dans l'impossibilité de prévenir sa défaite. Le prince, à la place du général espagnol, n'eût pas manqué une pareille occasion de battre son adversaire, et c'est même à ce coup d'oeil si vif, qui lui faisoit saisir sur-le-champ les fautes de l'ennemi pour en profiter, qu'il dut par la suite la majeure partie de ses succès; mais don Francisco crut que les siens seroient plus assurés, s'il attendoit Beck pour agir, et cette prudence intempestive fut le salut de l'armée française. Cependant le temps nécessaire pour y rétablir l'ordre, força le duc

1543.

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