Images de page
PDF
ePub

1651.

de Chevreuse, devenue princesse de Conti. La Rochefoucauld souleva donc contre ce mariage la duchesse de Longueville, très-disposée à être jalouse d'une belle sœur trop aimable: il aigrit aussi le duc de Beaufort, madame de Montbazon, et les autres auxquels on avoit fait mystère de ce mariage dans les traités. Toutes ces personnes se réunirent, et disposèrent le prince, tant à s'éloigner de Gondi qu'à se rapprocher de la reine.

[ocr errors]
[ocr errors]

91

Condé n'aimoit pas le coadjuteur qu'il regardoit comme un intriguant dangereux, capable de tout conseiller et de tout oser. Mais avant même, que de rompre avec lui, il commit en pleine assemblée du parlement, l'imprudence de laisser apercevoir à cet égard le fond de son cœur, On venoit de ркоnoncer contre Mazarin l'exclusion du ministère, comme cardinal. Broussét opina d'étendre cette espèce de proscription aux cardinaux même français, sous prétexte du serment qu'ils prêtoient à un prince étranger. Molé savoit que cette décision ne pouvoit que déplaire très-fort au coadjuteur, parce qu'il desiroit ardemment le cardinalat, et le desiroit principalement pour faire un degré au ministère. C'est pour

s'en

quoi le premier président appuya fortement l'avis de Broussel. Presque tout le monde s'y joignit; et, témoin de ce concert, Condé dit avec un sourire malin Le bel écho! Ces trois mots ouvrirent à Gondi les yeux sur les secrettes dispositions du prince.

a

1651.

Rupture de

la noblesse.

Il auroit dû les apercevoir plutôt et l'assemblée de soupçonner la défection de Condé, Joly, t. 1, lorsqu'il le vit entrer complaisamment page 113. dans les vues de la Cour, au sujet de l'assemblée de la noblesse. Elle s'étoit

formée pour la délivrance des princes; et depuis leur liberté, deux ou trois cents gentilshommes continuoient de se trouver dans la grande salle des Cordeliers, où, insensiblement, ils s'étoient mis à traiter des affaires d'état avec beaucoup d'ordre et de bienséance. Ils menèrent les choses an point de demander la convocation des états-généraux. La régente craignit qu'à son refus ils ne les assemblassent d'euxmêmes; le clergé offroit de s'y rendre, et on n'avoit plus besoin que du tiersétat, pour lequel on parloit déjà d'envoyer des mandemens, tant à l'Hôtelde-Ville que dans les provinces. Le duc d'Orléans voyoit avec plaisir la perspective d'une assemblée dans laquelle il pouvoit jouer un rôle très brillant et

1651.

Et du mariage de m d

très - avantageux. Mazarin, au contraire, trembloit d'en voir partir une décision qui lui fermeroit pour toujours. l'entrée du royaume. Il écrivit d'employer pour la rompre le prince de. Condé, qui ne pouvoit y paroître qu'en second, et ne devoit pas être si inté-› ressé à sa continuation. On traita avec lui, et il se chargea de faire entendre à Gaston qu'une pareille assemblée pouvoit devenir très-préjudiciable, tant à la tranquillité du royaume, qu'aux prérogatives et priviléges des princes du sang. Monsieur, persuadé, se laissa conduire par Condé à l'assemblée; ils pressèrent la noblesse de se séparer, et Fobtinrent, en promettant que les états-généraux seroient convoqués à la majorité du roi, qui devoit être déclarée vers la fin de l'année.

Reg, t. 2,

page 15.

Pour préalable de ce que la Cour moiselle de vouloit faire en reconnoissance de cette Chevreuse. complaisance de Condé, on convint avec lui d'un changement dans le conseil. Le prince y voyoit avec peine le garde-des- sceaux Châteauneuf, qu'il regardoit comme ennemi de sa famille. La reine le sacrifia d'autant plus volontiers, qu'elle le punissoit par-. là des atteintes secrettes qu'il ne cessoit de donner à Mazarin, dont il ambis.

tionnoit la place, et elle s'engagea, avec encore plus de plaisir, à rappeler Chavigni, dont elle savoit que le retour seroit regardé, par le duc d'Orléans, comme un affront que Condé lui avoit ménagé. La régente promit aussi de donner les sceaux à Molé très-affectionné au prince: mais elle lui demanda de rompre le mariage de son frère avec mademoiselle de Chevreuse; action qui devoit brouiller irréconciliablement Condé avec le coadjuteur.

[ocr errors]

Il éprouva des difficultés de la part de son frère. Conti étoit très-content de l'engagement qu'on lui avoit fait prendre dans sa prison. Il aimoit mademoiselle de Chevreuse avec toute l'ardeur d'une première passion, et il étoit affermi dans son amour, tant par les graces séduisantes de celle qui le lui inspiroit, que par les conseils de plusieurs personnes sensées de la petite Fronde qui appréhendoient qu'en blessant la grande dans une partie aussi sensible, les princes ne se fissent des ennemis, qui, en qui, en se joignant à la Cour, les jetteroient dans de nouveauxembaras. Ces réflexions n'arrêtèrent point Condé il exigea de son frère le sacrifice de sa passion, et il l'aida à s'y prêter par le tableau qu'il lui fit

و

16514

1651.

telligence

page 218.

Joly, p. 125. Nemours, Page 112,

de la conduite suspecte de mademoi selle de Chevreuse; et en général de toutes les femmes qui se mêloient alors d'intrigues politiques, et chez lesquelles, presque tous les rendez-vous d'affaires se donnoient la nuit. Les assiduités du coadjuteur à l'hôtel de Chevreuse, les conjectures et les discours qui en étoient une suite, racontés à Conti par Condé lui-même, le dégoûtèrent entièrement, et ils rompirent, sans même garder les ménagemens que l'on doit à tout le monde, et sur-tout à une pa

rente.

Condé d'in. Cet éclat fut payé par les changemens avec la reine. que la reine avoit promis au prince. Le 3 Rect, t. 2, avril, elle envoya dire au duc d'Orléans,/ qu'elle rappeloit Chavigni au conseil, qu'elle congédioit Châteauneuf, et donnoit les sceaux à Molé. Gaston, lieutenant-général du voulut royaume, se plaindre de ce que des dispositions si essentielles se faisoient sans lui. Vous en avez bien fait d'autres sans moi, répondit fièrement Anne d'Autriche. La grande Fronde fut étourdie de cette hauteur, et encore plus de la manière dont Condé prit cet événement. il se rendit, avec Beaufort et les autres membres de la petite Fronde, à l'assemblée que Monsieur convoqua au

« PrécédentContinuer »