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que le prince, dont l'armée diminuoit 1647. sensiblement par les combats, les maladies et la désertion, et qui étoit menacé encore de l'approche d'une armée supérieure, prit sagement, mais non sans regret, le parti de la retraite.

Il n'y eut point d'événement marquant en Italie, où le duc de Modene avoit succédé au prince Thomas, dans le commandement des troupes combinées, et où les Espagnols restèrent sur la défensive par l'inquiétude que leur causoit le soulèvement des Napolitains, révoltés des extorsions de leurs vicerois. Ils s'étoient mis sous la protection de la France, et avoient appelé le duc de Guise pour les commander. Mais celui-ci, mal secondé par la Cour, fut fait prisonnier l'année suivante par Don Juan d'Autriche, fils naturel de Philippe IV, et Naples rentra dans le devoir.

La bonne situation des affaires, et dans le cabinet et chez l'étranger, au commencement de la régence, donnoit à la nation un air de sérénité; aussi la vit-on tout-à-coup reprendre ce caractère vif, léger, et enjoué qui la distingue; les troubles même de la Fronde, qui survinrent ensuite, ne Paktérèrent pas. On la verra s'amuser

Révolte de Naples.

Idée de la Fronde.

1648.

1648.

Caractère de Mazarin.

des affaires publiques, sans trop s'en occuper; se passionner pour les partis, sans s'acharner à se detruire; lire avidement les libelles et n'en retenir que les plaisanteries; se faire la guerre sans se haïr; se battre avec bravoure, et ne mêler aux hostilités ni atrocités ni noirceurs; passer sans presque aucun intervalle, de la tranquillité au tumulte, de la révolte à la soumission. On pent dire que l'état de la nation, pendant tout ce temps, fut un état de délire, et c'est sous ce point de vue qu'il faut envisager les événemens qui vont suivre. Le cardinal de Retz, le duc de la Rochefoucauld, et plusieurs autres personnes d'un rang distingué, ont laissé d'amples Mémoires sur ce sujet. Comme ils voyoient les événemens de plus près, et qu'ils y jouoient les principaux rôles, ils les jugeoient très-importans, et se les grandissoient pour ainsi dire à eux-mêmes. Mais l'œil de l'histoire les voit dans leur juste proportion; et c'est ainsi que nous les représenterons, sans nous appesantir sur les détails, et sans rien retrancher de ce qui peut les rendre instructifs.

Ces beaux jours de la régence durèrent à-peu-près trois années, penBrienne, dant lesquels le cardinal s'affermit dans

1, 2, p. 182.

Motteville,

page 5.

fouc., p, 40..

P. 191, 445

Lenet, 1.2,

page 416.

Artagnan,

le ministère contre les secousses qui alloient ébranler sa fortune. Mazarin 1648. fut haï, parce qu'il ne sut s'attirer nit. 1, p. 181. l'estime ni la confiance, qui sont les Jely, t. 1. pivots du gouvernement. Il n'avoit passé, t. 1, de grands vices, mais presque toutes page 119. ses vertus étoient plus ou moins in- La Rochefectées des défauts contraires. S'il don- Nemours, noit, c'étoit avec parcimonie et con- page 8. trainte; s'il promettoit, c'étoit dans Mascurat, l'intention de ne tenir qu'autant qu'il et 448. y seroit forcé. Il parloit beaucoup et avec agrément; mais il abusoit de cette Talon, 1.7, facilité, pour s'envelopper dans de page 79. grands raisonnemens qui lui fournis- t. 2, p. 130. soient ensuite une foule d'échappa- Monglat, toires. Un autre expédient qu'il employoit volontiers, étoit la lenteur, Le temps et moi, disoit-il quelquefois. Cette marche tardive et tortueuse désoloit les Français, amis de la promptitude dans le conseil comme dans l'exécution. Leur précipitation leur rendoit le ministre ridicule; lui, de son côté, les regardoit comme une nation purement frivole. It résulta de là un mépris réciproque, très-mal fondé de part et d'autre, mais qui influa beaucoup sur les événemens suivans, Il semble que le cardinal Mazarin auroit préféré la yie d'un homme riche sans affaires, à celle

t.2, p. 298.

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d'un ministre car il aimoit les plaisirs, 1648. la table et le jeu. Il haïssoit le travail, et laissoit en arrière une multitude de réponses et de dépêches. Cependant, quand il vouloit s'appliquer, il avançoit beaucoup en peu de temps. Les audiences, la représentation lui déplaisoient; il seroit resté volontiers enfermé dans l'intérieur de son domestique occupé de bagatelles, d'oiseaux, de singes, d'ameublemens, de bijoux ; et jamais on ne l'en tiroit qu'il ne montrât de l'humeur. Enfin, un défaut très-essentiel dans un ministre, c'est qu'on savoit qu'il ne falloit que lui faire peur, pour obtenir de lui tout ce qu'on vouloit. Faites du bruit, disoit le cardinal de Sainte-Cécile, son propre frère, et il accordera tout. Dans. une Cour où les plaisirs faisoient qu'on se communiquoit beaucoup, ces défauts du ministre ne tardèrent pas à être remarqués, et bien des personnes se proposèrent de les tourner à leur profit. Le cardinal sentit les inconvéniens de cette familiarité; et les efforts qu'il fit pour la diminuer, occasionnèrent le premier soulèvement contre lui.

Murmures contre Ma

Anne d'Autriche, pendant la vie de son mari, n'avoit pas eu de plus Talon, t.9, grande consolation dans ses peines,

zarin.

p. 322.

que la liberté de s'en plaindre avec ses domestiques, ses femmes et les autres personnes qui l'environnoient. Lorsqu'elle eut pris en main les rênes du gouvernement, elle continua de parler de ce qui l'affectoit; de sorte qu'à son exemple tout le monde s'entretenoit des affaires d'état. Mazarin fit sentir à la régente les inconvéniens de cette habitude, et elle s'en corrigea; mais les familiers de la reine, privés de ces confidences qui satisfaisoient leur curiosité, et qui leur donnoient un air d'importance, concurent un extrême ressentiment contre le ministre. Il s'embarassa peu de la haine des subalternes, persuadé que, pourvu qu'il eût pour lui les princes du sang, les grands officiers de la couronne et les chefs les plus émrinens des corps, tous les autres seroient trop heureux de se ranger sous sa protection. Il s'attacha donc à contenter les premiers, à prévenir leurs desirs, et sur-tout à les flatter et à les endormir par de belles paroles. Mazarin ne fit pas réflexion que presque toujours les grands sont conduits par les petits. Ceux-ci, gens d'affaires, fournisseurs, domestiques, en rapport continuel avec les courtisans, n'eurent pas Tom. XI

C

1648...

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