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LE BIENHEUREUX DOSITHÉE, MOINE.

DOSITHÉE passa les premières années de sa vie d'une manière toute mondaine, et dans une ignorance profonde des vérités du christianisme. Comme il avait beaucoup entendu parler de Jérusalem, il en fit le voyage par curiosité. C'était là où la miséricorde de Dieu l'attendait. Elle se servit, pour le toucher, d'un tableau qui représentait les supplices de l'enfer. Dosithée en ayant demandé l'explication à une personne inconnue qui se trouvait là, fut tellement frappé des choses nouvelles et terribles qu'on lui dit, qu'à l'heure même il quitta le monde pour aller vivre dans la retraite. Il s'adressa à l'abbé Séridon, qui lui donna l'habit monastique, et le remit entre les mains de Dorothée, l'un de ses disciples, qu'il chargea du soin de l'instruire.

Dorothée, qui avait beaucoup d'expérience dans les voies de Dieu, et qui savait combien il est difficile de passer tout à coup d'une extrémité à l'autre, permit d'abord à son élève de manger tout ce qu'il voudrait ; mais par des retranchemens insensibles, il le réduisit à huit onces de pain par jour. Ce fut aussi par degrés qu'il le disposa à remplir les autres devoirs de la vie monastique. Il lui apprit sur-tout à mortifier sa volonté dans les petites comme dans les grandes choses, et il le plia tellement à l'obéissance, qu'il n'agissait plus que par l'impulsion de ses supérieurs.

Dosithée ayant passé cinq ans dans le monastère, fut chargé du soin de l'infirmerie: il remplit cette fonction avec une vigilance, une charité et une douceur qui le firent universellement estimer et aimer. Sa présence seule suffisait pour que les malades se crussent soulagés. Mais sa

santé ne tarda pas à se déranger. Il fut pris d'un crachement de sang et d'une langueur qui le minaient insensiblement, ce qui toutefois ne porta aucune atteinte aux premières dispositions de son cœur ; il en ferma toutes les entrées à cette délicatesse dont les personnes consacrées à Dieu ne se défendent pas toujours. Il n'eut garde de s'imaginer que tout lui était permis, sous prétexte que la maladie exige des adoucissemens. Ses forces cependant l'abandonnaient entièrement, et il ne lui en restait plus que pour vaquer à la prière, encore ne pouvait-il y vaquer long-temps de suite. Il en eut une sorte de peine, sur laquelle il consulta saint Dorothée avec sa simplicité ordinaire. Le Saint lui dit de ne point s'inquiéter, parce qu'il suffisait que Jésus-Christ fût présent à son cœur. Dosithée ayant conjuré un respectable vieillard du monastère, de prier Dieu pour qu'il le retirât de ce monde, celui-ci lui répondit : « Ayez un peu de pa» tience, la miséricorde de Dieu est proche. » Et un instant après il lui dit : « Allez en paix, et lorsque vous » serez en la présence de l'adorable Trinité, priez pour » nous. » Le même vieillard déclara, après la mort de Dosithée, qu'il avait surpassé tous les frères en vertu, quoiqu'il n'eût point pratiqué d'austérités extraordinaires. Il florissait dans le sixième siècle. On lui donne le titre de Saint; mais son nom ne se trouve point dans les calendriers grecs et latins.

Voyez dans Bollandus, p. 38, la vie du B. Dosithée, écrite par un moine qui vivait aussi dans le monastère de Saint-Séridon; la première Instruction de saint Dorothée, et les Vies des Pères des déserts d'Orient, par le P. Marin, Minime, t. VI, p. 336.

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LE BIENHEUREUX PIERRE DAMIEN,

CARDINAL-ÉVÊQUE D'OSTIE.

PIERRE, surnommé Damien ou de Damien, naquit à Ravenne, vers l'an 988, d'une famille honnête, mais peu favorisée des biens de la fortune. Ayant perdu en bas âge son père et sa mère, il tomba entre les mains d'un de ses frères déjà marié, qui, oubliant les sentimens de la nature à son égard, le traita avec autant de dureté qu'il eût traité le plus vil esclave. Il ne voulut lui donner aucune éducation; et lorsqu'il le vit un peu avancé en âge, il ne rougit point de l'envoyer garder les pourceaux. Cependant le jeune Pierre n'avait que d'heureuses inclinations; l'usage qu'il fit d'une pièce d'argent qu'il avait trouvée, montra que son ame était bien élevée au-dessus de la bassesse de son état. Il alla porter cet argent à un prêtre, afin qu'il offrit l'auguste Sacrifice de la messe pour le repos de l'ame de son père.

Dieu, dont la providence avait des vues sur lui, le tira de l'esclavage où il était, en inspirant à un autre de ses frères nommé Damien, la charité de se charger de lui. Ce frère, alors archiprêtre de Ravenne, embrassa depuis l'état monastique. On croit que ce fut par reconnaissance de tous ses soins, que notre bienheureux prit dans la suite le surnom de Damien (a); il eut en effet pour lui toute la tendresse d'un père. Il le fit étudier, et l'envoya d'abord à Faenza, puis à Parme, où il eut pour maître le fameux Ives. Les progrès de Pierre furent rapides, parce qu'il joignait une rare pénétration d'esprit

(a) Il se nomme souvent par humilité, Pierre le pécheur. Ceux qui l'appellent Pierre de Honestis, l'ont confondu avec un autre Pierre de Ravenne, qui était de la famille des Honesti.

à un grand amour pour l'étude. Il surpassa ses condisciples en peu de temps, et fut bientôt capable d'enseigner les autres. La supériorité avec laquelle il exerça cet em'ploi, attira beaucoup de monde à son école, et lui fournit des revenus assez considérables. L'aisance où il se trouvait, jointe aux applaudissemens qu'il recevait de toutes parts, lui parut une tentation fort dangereuse; il prit donc, pour n'y pas succomber, toutes les mesures prescrites par la vigilance chrétienne. Il priait beaucoup portait un cilice sous ses habits, et mortifiait sa chair par la pratique du jeune et des veilles. Si la volupté venait à le solliciter au péché pendant la nuit, il se levait promptement, allait se plonger dans l'eau, et y demeurait jusqu'à ce que tous ses membres fussent transis de froid; ensuite il visitait les églises, et récitait le psautier, en attendant que l'office divin commençât. Il faisait d'abondantes aumônes, et admettait les pauvres à sa table, s'estimant heureux de les servir de ses propres mains, parce que la foi lui découvrait Jésus-Christ sous leurs haillons.

Cependant il ne se crut point encore assez en sûreté, et il se regardait toujours comme un homme qui ne fuyait qu'à demi le poison mortel du péché. Il résolut donc de quitter entièrement le siècle, et d'embrasser la vie monastique, mais dans un lieu fort éloigné de son pays, de crainte que quelque obstacle ne vint traverser son projet. Pendant qu'il s'occupait de ces pensées, Dieu permit qu'il rencontrât deux hermites de Font-Avellane. Il leur communiqua le dessein qu'il avait de renoncer au monde, et il fut si édifié de leur vertu, et sur-tout de leur désintéressement, qu'il choisit leur hermitage pour le lieu de sa retraite. Cet hermitage était dans l'Ombrie, au pied de l'Apennin, et avait été fondé vingt ans auparavant par le B. Ludolfe. Les hermites demeuraient deux à deux dans des cellules séparées. La plus grande partie de leur temps

était consacrée à la lecture et à l'oraison. Ils ne vivaient que de pain et d'eau quatre jours de la semaine. Le mardi et le jeudi, ils mangeaient un peu de légumes, qu'ils faisaient cuire eux-mêmes dans leurs cellules. Les jours de jeûne, on leur donnait le pain par mesure. Quoique le vin fût la boisson ordinaire du pays, ils n'en avaient que pour les malades, et pour le saint Sacrifice de la messe. Ils allaient nu-pieds, prenaient de rudes disciplines, faisaient de fréquentes génuflexions, se frappaient souvent la poitrine, priaient les bras étendus, chacun toutefois selon ses forces et sa dévotion. Après l'office de la nuit, ils disaient le psautier en attendant le jour.

Pierre se livra à toutes ces pratiques avec une ferveur étonnante; il ajouta même encore aux veilles de la maison: mais sa santé n'y put tenir; il fut attaqué d'une insomnie dont il eut beaucoup de peine à guérir. Cette maladie lui apprit par la suite qu'il ne faut pas toujours suivre l'ardeur de son zèle, et qu'on doit user de discrétion dans les exercices de la pénitence. Son amour pour la pauvreté était extrême; les habits les plus vils et les plus usés étaient ceux qu'il préférait. Il portait l'obéissance au plus haut degré. Un mot, un signe avait à peine manifesté la volonté du supérieur, qu'il courait l'exécuter sur-le-champ. Il partageait entre la prière et l'étude tous les momens qu'il passait dans sa cellule, et il devint aussi habile dans la science de l'Écriture sainte et de la religion, qu'il l'était dans la connaissance des belles-lettres. Ce fut ce qui engagea son supérieur à le charger du soin de faire des exhortations aux religieux. Gui, abbé de Pomposie, informé de sa vertu et de sa capacité, le demanda pour instruire ses moines, ce qui lui fut accordé. Pierre resta deux ans à Pomposie, où il annonça la parole de Dieu avec autant d'édification que de fruit. Son abbé

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