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ordures qui salissaient mon cœur, étaient le symbole de ce froid que j'avais eu pour Julien. Apprenons de là, mes frères, à nous aimer mutuellement, et à vivre dans l'union la plus parfaite. Soyons ici-bas ce que nous devons être éternellement. Si nous voulons recevoir les récompenses promises aux justes, et éviter les supplices préparés aux méchans enfin, si nous voulons être et régner avec Jésus-Christ, faisons ce qui peut seul nous ouvrir la porte de son royaume (b).

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Il y avait déjà plusieurs mois que les confesseurs souffraient tout ce que la faim et la soif, jointes aux incommodités d'un horrible cachot, ont de plus affreux. Le président les fit venir pour les interroger une seconde fois mais ils persistèrent généreusement dans leur première confession. Flavien ayant dit qu'il était diacre, ses amis, par une tendresse mal entendue, soutinrent qu'il ne l'était point, et cela dans le dessein de le soustraire à la mort, parce que l'édit de Valérien n'avait été porté que contre les évêques, les prêtres et les diacres, et qu'il ne décernait pas de peines aussi rigoureuses contre les autres fidèles. Flavien ne fut donc point condamné avec les autres. Ceux-ci allèrent avec joie au lieu du supplice, faisant au peuple les exhortations les plus touchantes. La maladie et le long séjour de la prison avaient extrêmement affaibli le jeune Lucius; et comme il craignait d'être étouffé par la foule qui l'environnait, et d'être par-là privé de la gloire de verser son sang pour la foi, il avait pris les devans avec un petit nombre de frères. Quelques-uns lui disant : « Souvenez-vous de nous lorsque vous serez avec » Jésus-Christ. C'est à moi, répondit-il, à vous demander » le secours de vos prières; ne me le refusez point.

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(b) Ici finit la relation écrite par les martyrs; ce qui suit fut ajouté par un chrétien, témoin oculaire des faits qu'il rapporte.

D'un autre côté, Julien et Victoric exhortaient les frères à la paix, et à prendre un soin particulier des clercs, sur-tout de ceux qui avaient été emprisonnés pour JésusChrist.

Montan, qui avait toujours fait profession de dire la vérité, criait à haute voix : « Quiconque sacrifiera à d'au» tre dieu qu'au véritable, sera exterminé. » Il confondait aussi l'orgueilleuse opiniâtreté des hérétiques, en leur disant de reconnaître la véritable Église à la multitude de ses martyrs; puis, en vrai disciple de saint Cyprien, et en défenseur zélé des canons, il exhortait ceux qui avaient eu le malheur de tomber dans l'idolâtrie, d'accomplir leur pénitence avant que de demander à rentrer dans la communion des fidèles. Il recommandait aux vierges de veiller continuellement sur elles-mêmes, afin que rien ne pût ternir l'éclat de leur pureté. Enfin il s'adressa à tous les fidèles en général, pour les exhorter à obéir aux évêques, et à vivre entre eux dans l'union la plus parfaite. Comme le bourreau était sur le point de lui trancher la tête, il fit à Dieu une prière fervente, pour que Flavien, qui avait été séparé des autres, leur fût réuni dans trois jours; et pour montrer qu'il était sûr que sa prière aurait son effet, il déchira en deux le linge dont il avait les yeux bandés, ordonnant qu'on en réservât une moitié pour Flavien. Il voulut aussi qu'on lui laissât une place à l'en droit où ils seraient enterrés, afin qu'ils ne fussent pas séparés, même dans le tombeau.

Cependant Flavien soupirait avec ardeur après la cou ronne du martyre, et demandait à Dieu d'accélérer le moment où il lui ferait le sacrifice de sa vie. Sa mère, aussi généreuse que celle des Machabées, ne le quittait point, et l'exhortait sans cesse à la persévérance. Elle regardait comme le plus grand bonheur d'avoir un fils dont le sang coulât pour Jésus-Christ. « O ma mère, lui disait

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» Flavien, qu'il me tarde de recevoir la palme du martyre! Vous savez tout ce que j'ai fait pour la mériter. » Il eut, dans une des nuits, qui précédèrent sa mort, une vision où il entendit ces paroles : « Pourquoi vous attris» tez-vous? Prenez patience, vous avez été deux fois » confesseur, et vous terminerez votre vie par le glaive >> du bourreau. » Enfin le président l'envoya chercher trois jours après la mort de Montan. Le peuple, dont il était aimé, mit tout en œuvre pour le sauver, et cria plusieurs fois qu'il n'était point diacre; et comme Flavien protestait qu'il avait l'honneur de l'être, un centenier présenta un papier signé de plusieurs personnes, qui attestaient qu'il n'avait jamais été élevé au diaconat. Le juge en ayant entendu la lecture, fit de sanglans reproches à Flavien sur ce qu'il avait eu recours à un mensonge pour se procurer la mort. « Mais, dit le martyr, peut-on » croire que je sois coupable d'une telle faute? N'en de» vrait-on pas plutôt accuser ceux qui soutiennent le con» traire de ce que j'ai avancé? » Le peuple, qui se flattait que les tourmens le forceraient à se rétracter, demanda qu'il fût étendu sur le chevalet. Le juge n'eut aucun égard à cette demande, et le condamna à perdre la tête. Flavien alla avec joie au lieu du supplice : il était accompagné de plusieurs prêtres et d'un grand nombre de fidèles. Une pluie soudaine ayant dispersé les païens, il donna le baiser de paix aux frères, et leur raconta une vision dont il avait été favorisé. Lorsqu'il fut arrivé à l'endroit marqué pour l'exécution, il fit un discours sur la nécessité de conserver l'union dans l'Église, désigna Lucien comme le plus digne de succéder à saint Cyprien; puis s'étant bandé les yeux avec le linge qu'on lui avait donné de la part de Montan, il se mit à genoux pour prier, et reçut le coup qui consomma son sacrifice.

Donatien et Primole moururent dans la prison, peu de temps après qu'ils y eurent été renfermés.

Tous ces Saints sont honorés conjointement le 24 de Février dans les martyrologes anciens et dans le romain moderne.

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Tiré de saint Grégoire de Tours, Hist. Franc. 1. 5, c. 10 et 15; et du Gallia Christ. nova, t. XI, part. 2, pag. 638. Voyez Fleury, I. 34, no 52; le P. Daniël, Histoire de France, t. I, p. 242; et la nouvelle vie de S. Grégoire de Tours, par M. Lévêque de la Ravalière, imprimée dans le Recueil des Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, t. XXVI, p. 60g.

L'AN 588.

ON ignore le temps et le lieu de la naissance de saint Prétextat. Il fut élu évêque de Rouen en 549, et assista, en 557, au troisième concile de Paris, assemblé pour abolir les mariages incestueux, et pour remédier à plusieurs autres abus. On trouve aussi son nom avec celui des évêques qui souscrivirent au second concile de Tours, tenu en 566. Le zèle avec lequel il s'élevait contre les injustices et les cruautés de la Reine Frédégonde (a), lui attira l'indignation de cette méchante princesse, qui ne s'occupa plus que des moyens de satisfaire sa vengeance.

Après la mort de Sigebert, Roi d'Austrasie, que Frédégonde avait fait assassiner pour délivrer son mari assiégé dans Tournai, Chilpéric, Roi de Paris et de Soissons, se vit le maître de Brunehaud (b), veuve de Sigebert,

(a) Elle fut maîtresse, puis femme de Chilpéric I, Roi de Paris et de Soissons. Sa vie ne fut qu'un affreux tissu d'injustices, de trahisons et d'assassinats. Les principaux coups de sa fureur tombèrent sur la famille royale. Elle mourut en 597.

(b) Brunehaud, fille d'Athanalgilde, Roi des Visigoths d'Espagne, avait épousé Sigebert 1, Roi d'Austrasie, et frère de Chilpéric. Elle fut

et de son fils Childebert, âgé de cinq ans, qu'on lui gardait avec soin dans la ville de Paris. Mais l'évasion du petit prince, que les Austrasiens trouvèrent le moyen de transporter à Metz, l'obligea de venir à Paris en toute diligence. Il y déchargea sa colère sur Brunehaud, qu'il haïssait mortellement; il la dépouilla de ses biens, la relégua à Rouen, et ses filles à Meaux; il envoya ensuite son fils Mérovée pour se saisir de Poitiers et de plusieurs autres places dépendantes du royaume d'Austrasie. Mérovée partit, mais il n'alla pas jusqu'à Tours; et au lieu d'exécuter les ordres de son père, il se rendit secrètement à Rouen où était sa tante Brunehaud, pour laquelle il avait une violente passion, et lui proposa de l'épouser; proposition qui fut acceptée par la princesse, Prétextat, qui craignait les suites d'un commerce scandaleux, les marią persuadé que le cas était assez pressant pour autoriser une dispense. La cour, informée de la célébration de ce mariage, en fut outrée, et s'en prit sur-tout à l'évêque. Le Roi, auquel on avait donné à entendre que le Saint trempait dans la révolte de son fils, convoqua un concile en 577, pour le faire condamner. Ce concile se tint à Paris, dans l'église de Saint-Pierre, dite depuis de SainteGeneviève. Saint Grégoire de Tours, qui y était, prit hautement la défense de l'accusé, et montra qu'il n'avait point commis le crime qu'on lui imputait. Prétextat avoua qu'il avait fait le mariage; mais il soutint en même temps qu'il n'avait eu aucune part à la révolte de Mérovée. Comme il n'était pas possible de prouver l'accusation intentée contre

condamnée à mort en 613 ou 614. On a dit beaucoup de mal de cette princesse ; mais les plus habiles écrivains conviennent aujourd'hui que la calomnie la plus atroce fabriqua les crimes dont elle fut chargée. Des auteurs contemporains, qui étaient bien instruits, fournissent des preuves et de sa piété et de son innocence, Voyez l'abbé Velly, Hist. de France, t. I, etc.

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