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l'avenir; dernière chance qu'accueillent les dynasties dépossédées qui se font illusion.

Si l'auteur, qui ne se dissimule aucune des imperfections de son travail, persiste à ne rien changer au texte de son ouvrage, c'est qu'il a voulu laisser subsister son livre comme un incident de la révolution. S'il a même conservé les préfaces des éditions précédentes, c'est comme expression des sentimens qui l'animaient, lui et ses amis, au milieu d'une lutte qui n'était pas sans grandeur, mais dont le souvenir s'affaiblit déjà, et dont leurs adversaires ont intérêt aujourd'hui à nier les périls. La publication des pièces communiquées par le ministère anglais aux deux chambres du parlement lui a permis d'éclaircir quelques détails dans des notes peu nombreuses qui restent détachées du texte; ces pièces, pour la plupart, ne lui étaient pas inconnues, mais il n'avait point le droit de prendre l'initiative des révélations'. Dans un appendice, il a rendu compte des négociations qui ont accompagné et suivi les mesures coërcitives et qui ont abouti au statu quo actuel : récit aride, il doit l'avouer, décoloré, où ne se reflète plus le grand spectacle qu'offrait l'Europe au début de la révolution. Enfin, il a essayé de résumer les

Papers relative to the affairs of Belgium, presented to both houses of Parliament by command of His Majesty, 1855, 2 vol. in-folio; le premier volume contient le texte des protocoles tenus par la Conférence de Londres, le second les communications du ministère anglais avec ses propres agens et les agens étrangers.

négociations et de fixer l'état de la question belge. Voilà quatre ans que la maison de Nassau a cessé de régner sur nous : espace immense, presque équivalent au tiers de la Restauration, à la moitié de l'Empire; la question belge est encore sans solution définitive par rapport à la Hollande, mais elle est à l'abri des évènemens qui pourraient en compromettre l'issue; c'est sans inquiétude que la Belgique peut célébrer le quatrième anniversaire de la conquête de son indépendance.

Le gouvernement représentatif, surtout lorsqu'il est aux prises avec une révolution, fait une grande consommation d'hommes; si l'auteur a eu le rare privilége de rester depuis 1830 au centre, pour ainsi dire, de l'action diplomatique, c'est que les positions secondaires, quelque voisines qu'elles puissent être des sommités, usent moins vite. Cette espèce d'inamovibilité tenait, d'ailleurs, à l'unité du système politique, unité qu'il était de son honneur de faire ressortir.

Ce système est aujourd'hui jugé. Il n'était pas l'œuvre d'un individu, mais de la force des choses. Ce n'est pas que l'auteur veuille, comme on le lui a reproché, transporter la fatalité dans l'histoire; tout en faisant la part, et une part très large, à la volonté de l'homme, il tient compte des circonstances dont l'appréciation est librement abandonnée à l'intelligence humaine. La Belgique n'était point une oasis au milieu d'un désert. Les nécessités qui dominaient

la révolution n'ont pu être perdues une seule fois de vue; elles saisissaient d'une manière irrésistible quiconque montait au pouvoir, éclairant les uns, épouvantant les autres. Le même homme, descendu du pouvoir, était moins frappé de ces nécessités, qui, à ses yeux, s'affaiblissaient de jour en jour. Il est des choses qu'on aperçoit à peine du pied de la montagne, et qu'au sommet on découvre sans effort.

Les esprits qui aiment à sonder les hypothèses peuvent aujourd'hui faire subir à ce système une épreuve décisive, en se demandant ce qui serait advenu si la révolution avait suivi une autre marche, si, dans chacune des grandes journées du Congrès ou des Chambres, elle avait reçu l'impulsion de la minorité. On peut distinguer cinq de ces journées où la question d'etre ou ne pas étre a été débattue.

31 mai 1831: adoption du système de l'élection immédiate du chef de l'État;

4 juin 1831

9 juillet 1831

élection du prince Léopold;
vote des 18 articles;

1er novembre 1831 27 novembre 1832 traité du 15 novembre çaise.

vote des 24 articles;

adhésion à l'exécution du par l'intervention anglo-fran

Sur chacune de ces questions, déplacez la majorité, et l'indépendance belge devient une impossibilité. Ces cinq propositions se tiennent; expression du même système, elles n'étaient susceptibles que

d'une solution uniforme, soit affirmative, soit négative.

Ce système, le voici réduit aux termes les plus simples:

La Belgique, n'étant qu'une nation de quatre millions d'hommes, ne pouvait faire la loi à l'Europe. Elle devait profiter des circonstances extraordinaires où se trouvait l'Europe, pour transiger avec elle.

Cette transaction n'était possible qu'aux conditions suivantes :

Interdiction de toute hostilité, propre à troubler la paix générale;

Maintien du but des traités de 1815, c'est-àdire du principe de l'indépendance belge;

Renonciation à toute conquête, c'est-à-dire, reconnaissance des anciens droits territoriaux de la Hollande;

Enfin, adoption du système monarchique, et solution de la question dynastique dans un sens européen.

Ces données, contre lesquelles les déclamations, les sophismes, les injures ont dû échouer, expliquent et justifient tout ce qui s'est fait depuis novembre 1830. Si la révolution les avait méconnues, elle se serait perdue; en dehors de l'ordre d'idées où elle s'est placée, il y avait la guerre avec tous ses maux, et, à la suite de ces maux, l'anéantissement du nom belge, les malédictions du monde et l'éternelle impopularité de l'avenir.

L'ajournement du choix du chef de l'État, la non-élection du prince Léopold, le rejet des 18 articles, qui rendait son avènement impossible, eussent laissé la Belgique sans représentant en face de l'Europe pacifique et monarchique; trois mois se seraient écoulés en stériles négociations; au bruit de la chute de Varsovie, la Belgique eût subi la restauration ou le partage, essayant, mais en vain, par ses dernières convulsions, d'entraîner la France dans une guerre continentale.

Rejeter les 24 articles, c'était repousser les conditions de l'indépendance belge, les seules conditions possibles après les désastres du mois d'août; vaincue, la Belgique était restée seule sur le bord de l'abîme où s'étaient englouties l'Italie et la Pologne; elle a saisi les 24 articles pour ne pas tomber dans le même abîme.

La non-adhésion à l'intervention anglo-française eût laissé le traité du 15 novembre sans commencement d'exécution, et empêché l'alliance de la France et de la Grande-Bretagne; la Belgique eût été dans l'alternative de se consumer dans un provisoire sans aucune garantie de durée et de bien-être matériel, ou de se ruer sur la Hollande, en compromettant son existence et le repos général.

Le système politique n'a pas non plus été l'œuvre d'un jour; les évènemens en ont successivement mis en relief chacune des parties; ce n'est qu'aujourd'hui qu'il nous apparaît dans son ensemble. Pour le bien

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