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Les cabinets étrangers avaient accueilli et accrédité cette double calomnie contre la République Française: victorieuse, elle méditerait de nouveaux bouleversemens autour d'elle et menacerait tous les trônes; vaincue, elle ne serait pas éloignée,pour obtenir la paix,de sacrifier ses alliés, ses frontières naturelles, acquises par ses triomphes, et même sa forme de gouvernement et ses institutions politiques.-Lamodération et la fermeté des Consuls, dans les premières ouvertures des négociations, ont suffi pour détruire ces imputations calomnieuses (2).

On voulait effrayer les amis de la France, ébranler les dispositions des neutres, jetter les coalisés dans une guerre d'extermination, où les eussent fait persévérer à la fois, et la crainte de leur propre ruine, et l'espoir d'anéantir le systême républicain.

Cette guerre à mort était le plan du cabinet anglais. « L'état de guerre, disait-il aux coalisés, résulte de l'existence même de la République. Les loix françaises sont incompatibles avec la sûreté de l'Europe. C'est contre l'Europe qu'elles sont faites, et son devoir et son droit est de les détruire. Il faut agir, ou périr ».

L'Angleterre voulait persuader à la coa

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lition qu'il ne pouvait exister pour elle aucune garantie dans une paix avec la France. Elle voulait persuader à l'Europe que c'était la République Française qu'on devait accuser de tous les malheurs produits chez tous les peuples par la guerre éternellement prolongée. Mais aujourd'hui, l'Europe entière est convaincue qu'il n'a jamais été dans la pensée du Gouvernement Français, ni de s'avilir par une paix honteuse, ni de souffrir que les étrangers s'immiscent dans l'administration de la République, ni de troubler le monde par des principes désorganisateurs ou par des vues d'envahissement et d'extension de son territoire. L'Europe entière est convaincue que c'est la République Française qui voulait sincèrement la paix, et à des conditions justes et modérées, et que les ennemis de la France, et sur-tout le Gouvernement Britannique, ont seuls mis des obstacles à la cessation de la guerre. L'Europe entière, si la reprise des hostilités avait dû avoir lieu, aurait formé des voeux pour les succès de la France, parce qu'elle a éprouvé que Gouvernement Français n'a jamais eu de grands avantages, sans faire aussitôt des propositions de rapprochemens, au lieu que

le

8.

l'expédition

d'Egypte.

les succès momentanés de ses ennemis, à Aboukir et en Italie, n'ont jamais été suivis d'aucune ouverture de paix..

Ainsi, toutes les prédictions diffamatoires des libellistes Britanniques ont été démenties, et nous avons reconquis au déhors l'influence de la victoire, et la force plus grande encore de l'opinion.

8. L'expédition d'Egypte, si belle dans son Précis sur principe, si grande dans son but, si féconde en résultats de gloire et de prospérité pour la France, avait été dénaturée, au profit de l'Angleterre, par , par la fausse politique et par l'ineptie du Directoire. Il pouvait ménager avec la Turquie des négociations, où il eut été facile de lui montrer ses véritables intérêts et d'immenses avantages dans l'occupation de l'Egypte par les Français.

Une transplantation d'hommes industrieux et actifs, destinés à défricher ces contrées, qui furent autrefois des greniers d'abondance pour Rome et l'Italie, à porter les bienfaits de la civilisation sur une terre sauvage, à réveiller une population énervée par la mollesse, aveuglée par l'ignorance, abrutie par la servitude; l'agriculture ranimée; d'af

freux déserts changés en plaines fertiles; des canaux de navigation et d'irrigation creusés en tous lieux pour utiliser les débordemens du grand fleuve ; des comptoirs Européens multipliés sur les confins de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie, sur les rives du Nil, et dans les ports de la Mer Rouge; des communications plus fréquentes et plus promptes établies pour le commerce des Indes; l'Anglais attaqué dans ses possessions lointaines et dans la source de ses richesses; une route nouvelle tracée; un nouveau systême commercial et maritime changeant, pour ainsi dire, la Méditerranée en lac français, et faisant refluer les trésors du Levant dans nos contrées méridionales: tel était l'avenir que nous promettait cette grande entreprise bien dirigée. Il ne s'agissait, pour y faire accéder la Turquie, que de lui garantir des produits annuels, fixes et certains, sur une terre où sa domination était devenue illusoire, et dont les revenus, incertains et mal acquittés, ne lui permettaient plus de la compter au nombre de ses provinces.

Alors, en conservant l'antique amitié du cabinet Ottoman, on prévenait la croisade nouvelle des potentats contre la République,

et on affermissait la paix continentale, si nécessaire à la France pour suivre l'exécution de ses vastes desseins dans l'Orient.

Cette première et indispensable condition de l'assentiment de la Porte ayant été négligée, tout ce qui était d'abord en notre faveur se tournait contre nous. L'expédition dirigée contre le commerce anglais ne servait plus qu'à ruiner notre commerce du midi, à détacher de nous les États Barbaresques, à nous fermer les Échelles du Levant, à introduire les Anglais dans la Méditerranée, à nous ôter l'élite de nos guerriers, à nous priver d'un allié jusqu'alors fidèle et plus que jamais précieux : la défection de la Turquie entraînait la coalition de l'Europe entière contre la France.

Nous avions vu Angleterre, après le traité de Campo-Formio, disséminer ses agens dans toutes les cours: elle avait donné pour instructions de rallumer le feu des combats sur le continent. Mais l'Autriche, effrayée de ses pertes récentes, épuisée d'hommes et d'argent, ne voulait hasarder une lutte trop inégale qu'avec le concours d'une Puissance. du Nord, assez prodigue de soldats pour faire espérer des succès. La Russie s'obstinait à ne

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