Images de page
PDF
ePub

d'une coalition impie et de garantir nos frontières a privé nos campagnes et nos ateliers d'une infinité de bras, notre commerce et notre industrie d'un grand nombre de citoyens, les les campagnes n'en ont pas moins été couvertes des plus riches moissons; le commerce n'en a pas moins vu s'ouvrir une carrière plus vaste à ses entreprises pour des malheurs momentanés, nous avons acquis des biens réels et durables.

Oui, sans doute, si la révolution a entraîné au milieu de nous, dans son cours orageux, beaucoup d'abus, beaucoup de crimes, d'innombrables calamités, elle a aussi détruit une foule incalculable d'abus invétérés et monstrueux, de malheurs publics, de germes de dissolution sociale. Elle a produit de grands résultats; elle a donné au Gouvernement, qui prend les rênes publiques après tant de crises et de vacillations, des moyens immenses de faire le bonheur du peuple, et d'effacer la gloire de tous les Gouvernemens des autres pays et des autres siècles.

On veut toujours confondre (32) une institution bonne et sublime en elle-même avec les abus et les forfaits que les passions humaines et la force des évènemens y ont incorporés. On

ne veut jamais consulter que les froids calculs de l'égoïsme, les passions personnelles, les intérêts privés; on se renferme dans un cercle étroit et borné, pour juger la plus étonnante des catastrophes. Des hommes, qui, dans un tems, prétendaient à quelque réputation de philosophie, qui se disa ient Français, ne craignent pas de calomnier à-lafois la philosophie, les lumières, la liberté, leur nation et eux-mêmes, en s'attachant à décrier, par un esprit systématique, toutes les époques, tous les actes, tous les personnages, tous les effets de cette révolution. Ils s'étudient à n'en considérer que la partie honteuse et odieuse, et ils cachent avec soin le revers de la médaille, qui présente des tableaux si touchans, des traits si héroïques, des avantages si incontestables, des causes si fécondes de grandeur et de gloire.

[ocr errors]

Ah! soyons de bonne-foi avec nous-mêmes. Osons embrasser dans notre pensée les intérêts de vingt millions de citoyens. Envisageons, sans prévention et avec impartialité, le régime sous lequel végétait la France Monarchique, et les destinées qui sont promises à la France Républicaine. Rappellons - nous cette première, aurore, ces beaux jours d'une

révolution, que favorisaient alors tous les youx, toutes les opinions des Français. Remontons aux circonstances qui la précédèrent, aux causes qui la produisirent : et, puisqu'elle a été amenée par le cours irrésistible des choses, puisqu'elle ne peut plus être effacée de nos annales, puisqu'elle a marqué de son empreinte indestructible le siècle qui vient de se fermer; que, du moins, le siècle qui commence en recueille les fruits.

Sachons nous approprier les biens qui sont en notre pouvoir, puisque nous n'avons pas su prévenir les maux et les ravages des passions. Ayons cet esprit national, qui cherche à couvrir d'un voile officieux les fautes, dont le souvenir peut atténuer la gloire de la nation : ayons cet amour de la patrie, qui réunit et concentre dans un seul sentiment toutes les opinions, toutes les affections, toutes les pensées : investissons le Gouvernement de cette force morale de l'esprit public, qui est le levier le plus puissant en politique, la massue d'Hercule qui renverse tous les obstacles, le feu de Prométhée qui donne à tout l'action et la

vie.

22.

Précis des

causes qui ont amen la révo

la République.

22. Les progrès insensibles de l'instruction répandue dans toutes les classes de la société, les modifications qui en étaient tution et créé résultées dans les mœurs nationales; une monarchie d'abord tempérée dégénérant en despotisme absolu; les prétentions et les luttes des parlemens et de la cour; les actes vexatoires et arbitraires des grands, les incertitudes et les injustices des tribunaux; l'usage oppressif du ministère de faire passer ses arrêts pour des lois; les impôts multipliés sous toutes les formes et mal répartis; la rapacité insatiable du fisc desséchant tous les rameaux de la prospérité publique; les dilapidations, le désordre des finances, le ver rongeur de l'agiotage; le commerce gêné par mille entraves, l'industrie par les privilèges; une armée de trait ans pillant la France; le dédain et l'orgueil foulant aux pieds les habitans des campagnes écrasés par la misère; l'honnête agriculteur forcé de préférer l'état de valet à celui de nourricier de la patrie; l'insolente domination des castes privilégiées; le tiers-état compté pour rien, exclus de tous les emplois, privé de tous les avantages sociaux ; le peuple traité comme un vil bétail; les vexations de tout genre exercées

en tous lieux; les chasses, les milices, les corvées; le cahos des lois civiles, la barbarie des lois criminelles; l'éloignement, la lenteur et la cherté des cours de justice; la vénalité des charges, les lettres de cachet;: la nation enfin profondément frappée du sentiment des maux présens, du besoin d'un changement, de la possibilité d'un meilleur avenir; impatiente de provoquer et d'obtenir une délibération solemnelle sur les intérêts publics, de régénérer son état politique, d'acquérir une constitution, l'égalité, la garantie de ses droits: telles furent les causes qui rendirent une réforme totale indispensable. Un murmure sourd et général, précurseur des grands bouleversemens, un mécontentement universel et réfléchi annoncèrent l'explosion. Elle avait été prévue et prédite par les observateurs et par les philosophes. Elle était dans le cours inévitable des évènemens et dans la loi impérieuse de la nécessité (33). Les efforts même, réunis pour l'étouffer, ont doublé sa violence, affermi ses principes et assuré ses succès.

Cette révolution a développé toutes les ressources du génie d'un grand peuple: elle a fait éclorre des passions et des vertus, des talens

« PrécédentContinuer »