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>> donner la tenue des conciles provinciaux, ou même d'un concile » national, ou une assemblée de notables de son royaume, afin d'a>> viser aux moyens les plus convenables pour remédier aux dés» ordres que la longue vacance de plusieurs archevêchés et évêchés » y a introduits, et pour en prévenir le progrès et l'accroissement. » Mais Louis XIV, satisfait d'avoir laissé apercevoir à la cour de Rome toute l'étendue des moyens qu'il avoit en son pouvoir, ne crut pas devoir faire usage des mesures que le parlement lui proposoit au sujet de l'institution canonique des évêques. Il voyoit le pape Innocent XI prêt à descendre au tombeau; et il devoit se flatter de trouver dans ses successeurs un caractère plus conciliant et des dispositions plus pacifiques; l'événement justifia la sagesse et la prévoyance de ce prince.

Louis XIV porta même la modération jusqu'à ne permettre au procureur-général d'interjeter son appel au futur concile par un acte en forme, que plus de sept mois après l'arrêt du 23 janvier 1688. Le Roi avoit voulu épuiser auprès d'Innocent XI tous les moyens de douceur, avant d'avoir recours à cette mesure extraordinaire. On observe la répugnance extrême qu'il eut à l'adopter, jusque dans les dispositions mêmes de l'acte d'appel 1. « Le procureur-général y dé>> claroit, au nom et suivant le commandement exprès qu'il en avoit >> reçu du Roi, que son intention étoit de demeurer toujours invio>>lablement attaché au saint Siége, comme au centre véritable de » l'unité de l'Eglise, d'en conserver les droits, l'autorité et les pré>> éminences, avec le même zèle que Sa Majesté a fait en tant d'occa>>sions importantes ; de lui rendre elle-même, et de lui faire rendre » par tous ses sujets le respect, la déférence et la soumission qui lui » sont dus. >>

Cet acte d'appel fut relevé à l'officialité de Paris, le 27 septembre suivant, et l'official, en donnant les lettres usitées en pareil cas, déclara les accorder, «< autant qu'il le pouvoit faire par son respect » pour l'Eglise universelle représentée par un concile général, et en >> considération de ce que ledit appel regardoit les droits du Roi, les » libertés de l'Eglise gallicane, et le repos du royaume. »

Le Roi ne voulut pas même que cet acte fût rendu public avant de l'avoir fait communiquer aux évêques qui se trouvoient alors à Paris. Ils se réunirent à l'archevêché par son ordre, le 30 septembre (1688), au nombre de vingt-six ; l'archevêque de Paris ( de Harlay ) se borna dans cette assemblée à leur faire donner lecture de la lettre du Roi au cardinal d'Estrées, en date du 6 septembre (1688), à l'occasion des affaires présentes et de l'acte d'appel du procureur-général au

1 En date du 20 septembre 1688.

futur concile. Il leur dit en même temps « que le Roi étoit persuadé >> que, connoissant parfaitement eux-mêmes la différence qu'il y a >> entre un démêlé de religion et une guerre temporelle, ils sauroient >> lever les alarmes des personnes les plus scrupuleuses, et dissiper » les effets de la malignité de ceux qui seroient les plus malintention>>nés contre son service et le repos de l'état. »

Les évêques assemblés se bornèrent de leur côté à prier l'archevêque de Paris de remercier très-humblement Sa Majesté de l'honneur qu'elle leur avoit fait en leur donnant communication de ces actes, et à exprimer «< qu'ils ne pouvoient mieux répondre à cette >> faveur qu'en formant des voeux pour qu'il plûtà Dieu d'inspirer au >> Pape dans cette occasion des sentiments de paix, et qu'en offrant >> au Roi leurs actions de grâces et les applaudissements les plus res>> pectueux à la sage conduite de Sa Majesté. »

Nous avons été étonnés de n'avoir point trouvé le nom de Bossuet parmi les membres de cette assemblée. Il est vraisemblable qu'il étoit alors dans son diocèse, et que l'objet de la réunion des évêques devant se borner à entendre la lecture de deux actes destinés à devenir publics, on crut inutile de détourner Bossuet des soins qui l'occupoient.

XIX.-Suites de ce refus.

Mais ce qui nous a encore plus frappé, c'est de n'avoir trouvé, ni dans les ouvrages imprimés de Bossuet, ni dans ses manuscrits, ni même dans les papiers de l'abbé Ledieu qui nous a conservé tant de détails sur tout ce qui le concerne, aucune indication de quelque nature que ce soit, qui ait pu nous faire connoître si Bossuet fut consulté sur le système qu'on adopta en France pour le gouvernement des diocèses pendant cette longue suspension des institutions canoniques *.

On seroit porté à présumer que cette mesure fut indiquée dans le premier moment par M. de Harlay, lorsqu'Innocent XI refusa pour la première fois des bulles, et qu'on l'étendit successivement aux autres diocèses, qui se trouvèrent dans le même cas.

On doit dire en même temps qu'il ne paroît point que la cour de Rome ait jamais élevé de réclamation sur la forme qui avoit été suivie

* Au moment où cet ouvrage venoit d'être livré à l'impression, on a vu paroftre un Mémoire de M. le cardinal Maury, en date du 12 mai 1814. On y lit page 12:

Dès que le refus des bulles fut articulé à Rome, Bossuet, toujours aussi mesuré que lami>>neux dans les combinaisons de son génie, Bossuet consulté par Louis XIV, lui conseilla de > nommer, comme de coutume, à tous les siéges vacants, de recevoir le serment de fidélité > des nouveaux prélats, de les mettre en possession de leur temporel, de les faire installer » administrateurs spirituels par les chapitres respectifs, et de les investir ainsi de tous les > pouvoirs juridictionnels de l'épiscopat dans chaque diocèse. »>

Il seroit à désirer que M. le cardinal Maury voulût bien faire connoître la source où il a puisé cette décision ou ce conseil de Bossuet, que personne ne connoissoit encore.

en France pour le gouvernement des diocèses, quoiqu'Innocent XI et même Alexandre VIII fussent portés à censurer avec amertume tout ce qui se passoit alors en France *. On ne voit pas même que, dans le cours des négociations qui eurent lieu sous Alexandre VIII et sous Innocent XII, ces deux pontifes aient adressé aucun reproche aux ecclésiastiques nommés aux évêchés, qui gouvernoient leurs diocèses en vertu des pouvoirs qui leur avoient été conférés par les chapitres. On ne voit plus reparoître Bossuet comme conseil et comme autorité dans les discussions entre Rome et la France pendant le reste du pontificat d'Innocent XI et le court pontificat d'Alexandre VIII.

Ce ne fut qu'à l'époque où toutes ces malheureuses discussions alloient cesser, qu'on eut recours à Bossuet pour mettre le dernier sceau à une convention qui avoit été arrêtée entre les deux cours.

XX. - Négociation entre la cour de Rome et celle de France.

On sait qu'en 1683 Innocent XII demanda et obtint que les députés de l'assemblée de 1682 récemment nommés à des archevêchés ou évéchés, lui écriroient individuellement une lettre de satisfaction et de regret sur les événements qui avoient eu lieu. Rien n'étoit plus difficile et plus délicat, que de concilier dans un tel acte les prétentions du Pape avec ce que les nouveaux évêques devoient au Roi, à l'Eglise gallicane, et se devoient à eux-mêmes. Ce qui rendoit cette démarche encore plus embarrassante, c'est qu'il paroît que des considérations politiques du plus grand intérêt portoient alors Louis XIV à vaincre ses premières répugnances, et à consentir à des sacrifices pour rétablir une entière harmonie entre les deux cours.

Le chancelier d'Aguesseau nous a conservé dans ses Mémoires les détails de la longue et difficile négociation qui prépara cette réconciliation, et nous nous bornerons à rapporter ses paroles.

Tant qu'Innocent XI vécut, il fut impossible de rien espérer, ni de rien obtenir. On crut trouver des dispositions plus favorables dans son successeur.

<< Mais ce fut sans succès que l'on négocia pendant le cours du » pontificat d'Alexandre VIII, pour faire cesser le refus des bulles. » Ce pontife voulut, à l'exemple de son prédécesseur, que ceux des » évêques nommés qui avoient assisté à l'assemblée de 1682, fissent » une rétractation authentique du décret qu'il supposoit qu'elle avoit » fait sur la puissance ecclésiastique.

» Le Roi se croyoit bien fondé à refuser cette rétractation, et ses » ministres représentèrent plusieurs fois par ses ordres au pape *On trouve dans le recueil des Lettres d'Arnauld, tome vi, un Mémoire très-curieux sur cette forme de pour voir au gouvernement des diocèses.

▲ OEuvres du chancelier d'Aguesseau, tom. XII. p. 418.

» Alexandre VIII, que l'assemblée de 1682 n'avoit point fait un dé>>cret, mais seulement une simple déclaration de la doctrine du >> clergé du royaume; que, s'il persistoit plus longtemps à suspendre » les bulles, la France seroit obligée de chercher d'autres moyens » pour donner des pasteurs à la moitié des églises du royaume, qui >> étoient devenues vacantes depuis le commencement de ce différend. » Cette fermeté du Roi, à refuser tout ce qui pouvoit avoir l'ap>> parence d'une rétractation, adoucit enfin le pape Alexandre VIII, » et il se réduisit à demander que Sa Majesté voulût bien cesser de >> tenir la main à l'exécution de l'édit qu'elle avoit publié pour auto>> riser les délibérations de cette assemblée au sujet de la puissance >> spirituelle et temporelle des papes, et en assurer sa Sainteté par >> une lettre de sa main; et que de plus, pour sauver l'honneur de >> la cour de Rome, qui ne vouloit pas avouer d'avoir prétendu aussi >> longtemps, sans nulle raison, une rétractation de la part des » évêques nommés qui avoient été de l'assemblée, ils lui écrivissent >> une lettre d'honnêteté, que l'on pût regarder à Rome comme une » satisfaction, et qui contint au moins des assurances qu'ils n'avoient » pas eu intention de rien définir ni régler, dans cette assemblée, qui » pût déplaire au saint Siège.

>> Le Roi voulut bien se prêter à ce tempérament, et l'on traita >> pour concerter le projet de la lettre proposée. Mais cette négocia>>tion, qui sembloit ne dépendre que du choix de quelques expres»sions, qui pussent également convenir de part et d'autre, traîna » en longueur. La cour de Rome vouloit toujours que les lettres des » évêques nommés continssent au moins deux ou trois termes qui >> pussent être regardés comme une réparation de l'offense préten» due; et le Roi avoit un grand intérêt à rejeter ces expressions qui >> auroient été interprétées à Rome comme une renonciation aux an>> ciennes maximes du royaume et aux libertés de l'Eglise gallicane. >> Mécontent de la fermeté du Roi, Alexandre VIII reprit ses premiers sentiments, conformes à ceux de son prédécesseur; il dressa le 4 août 1690, une constitution « par laquelle il cassoit et annuloit, de son >> propre mouvement et en vertu de sa pleine puissance, les délibé» rations et résolutions de l'assemblée de 1682, tant sur la régale, » que sur la puissance ecclésiastique, les déclarant dès lors et à ja>> mais nulles et de nulle valeur..... >>

Mais il n'osa pas rendre cette bulle publique, et ce ne fut que le 30 janvier 1691, veille de sa mort, qu'il la communiqua aux cardinaux, et ordonna qu'elle fût affichée dans Rome*.

* C'est au sujet de cette bulle que Bossuet s'exprime ainsi (chap. x de sa Dissertation préliminaire de la Défense des quatre articles):

La nouvelle de cette bulle n'arriva en France qu'avec celle de sa mort; et Louis XIV ne crut pas devoir faire usage de son autorité contre une constitution qui n'étoit revêtue d'aucune des formes nécessaires pour lui donner en France le caractère de l'autorité.

« Ce prince1 crut même devoir retenir le zèle du parlement; il fit » venir le premier président, et lui dit qu'il pouvoit présumer que >> cette constitution n'avoit pas été faite, puisqu'il ne l'avoit reçue » que par des voies indirectes; que si le Pape l'avoit effectivement » publiée la veille de sa mort, comme on le disoit, cet acte marquoit >> clairement la foiblesse de l'esprit d'un homme mourant, et étoit si » défectueux qu'il tomberoit de lui-même ; qu'il y avoit lieu de croire >> que les cardinaux assemblés pour l'élection du nouveau pape, ne » donneroient leurs suffrages qu'à celui d'entre eux qui auroit toutes >> les dispositions nécessaires pour rétablir au plus tôt une parfaite in>> telligence entre la France et la cour de Rome. Qu'il souhaitoit en >> conséquence que le parlement gardât le silence sur les copies in» formes qui s'en étoient répandues.

>> Les choses se passèrent à Rome ainsi que le roi l'avoit espéré. Le >> cardinal Pignatelli fut élu pape sous le nom d'Innocent XII. Il pa>> rut, dès le commencement de son pontificat, dans les dispositions >> que la France pouvoit souhaiter ; et il en assura le roi par un bref >> de sa main.

» On reprit la négociation sur les termes qui devoient former le » projet de la lettre qui devoit être écrite à sa Sainteté par les évêques »> nommés qui s'étoient trouvés à l'assemblée de 1682. Le roi voulut >> bien que ceux qui n'y avoient pas assisté, reçussent dès lors leurs >> bulles : et l'on convint qu'elles ne seroient plus refusées aux autres, >> après qu'ils auroient écrit à sa Sainteté la lettre dont il s'agissoit de » concerter le projet.

>> Toutefois, plusieurs discussions prolongèrent encore cette négo»ciation, malgré le désir égal que l'on avoit des deux côtés de la » conduire promptement à sa fin; mais tous les points de la lettre » des évêques se trouvèrent enfin réglés au mois d'août 1693; et elle

On nous parle d'une protestation d'Alexandre VIII, qui proscrit, dit-on, la Déclaration du clergé de France. Cette protestation n'est point venue jusqu'à nous par les voies ordinaires. Mais n'importe, ne disputons point, et supposons - la véritablement émanée de ce pape. Qu'en pourra-t-on conclure? Je supplie nos adversaires de la lire et la relire, telle ⚫ qu'elle a été répandue dans le public, de l'examiner scrupuleusement, d'en peser toutes les expressions; et je suis sûr qu'ils n'y trouveront pas un seul mot qui tende à imputer aux François une doctrine fausse. Cependant si nous avions enseigné une doctrine, ou suspecte » dans la foi, ou erronée, ou hérétique, ou schismatique, il étoit essentiel de ne pas sup⚫ primer cette circonstance principale de l'accusation. Or je puis assurer, avec autant de > confiance que de vérité, que l'auteur de la Protestation évite avec un soin tout particulier » les différentes qualifications dont a coutume de flétrir les doctrines erronées ou perverses. » 1 OEuvres du chancelier d'Aguesseau, lom. XIII.

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