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torité le droit de les commettre impunément. Il a été quelquefois déclaré que l'état ne pourrait s'emparer d'un domaine privé qu'après avoir constaté la nécessité de l'affecter à un service public, et pleinement indemnisé, satisfait le propriétaire. La spoliation interdite par cette déclaration, était jadis la plus rare de celles que se permettait le pouvoir; mais le motif qui la repousse s'applique immédiatement à toutes celles qu'on a jugé moins à propos de prévoir, aux banqueroutes, aux altérations de monnaies, aux lois rétroactives, aux impôts excessifs ou mal répartis.

Si le pouvoir suprême a contracté des dettes envers des particuliers, comment se croirat-il dispensé de les acquitter, lui qui doit employer sa force à faire accomplir tous les autres engagemens? De savoir si une dette publique n'est pas un très-grand mal, c'est une question qui n'est pas tout-à-fait étrangère à l'examen des garanties individuelles ; car une dette énorme peut les compromettre de plus d'une manière. Mais la principale raison de ne pas contracter serait prise des périls à courir en ne l'acquittant point, et par conséquent il doit nous suffire de reconnaître ici la nécessité de la payer. Or, cette nécessité résulte, non-seu

la

lement des plus simples notions d'équité naturelle,mais encore des dangers attachés à toute dé loyauté. Il est trop vrai que les banqueroutes particulières ne sont plus des désastres pour la plupart de ceux qui les font; et les succès que l'autorité laisse obtenir à ces voleurs privilégiés peuvent lui sembler des préparatifs et des présages de ceux qu'elle obtiendrait elle-même en pareil cas. Mais elle doit penser qu'elle blesserait bien plus d'intérêts, et qu'il n'y aurait rien au-dessus d'elle pour la protéger comme elle protége les banqueroutiers vulgaires. Le jour où elle commencerait de manquer à une partie de ses engagemens, le jour même où l'on commencerait à craindre de la trouver bientôt infidèle, serait le premier jour de sa décadence; elle ne saurait faillir sans tomber.

Une autre fraude, non moins périlleuse, consisterait, soit dans l'altération des monnaies, soit, ce qui revient au même, dans le cours forcé d'un signe qui n'aurait point de valeur intrinsèque. Un papier, quel que soit son gage, n'est jamais une monnaie; et du moment où, par quelque raison que ce soit, il ne peut plus s'échanger à volonté et sans aucune perte, contre la monnaie qu'il représente, la force employée pour le faire accepter en échange de

valeurs réelles, est un vol à main armée, et d'autant plus odieux que cette arme est une loi, Croyons que les lumières publiques ont fait perdre à l'autorité le moyen d'exercer de pareils brigandages; que les rois ne redeviendront pas faux monnayeurs, et qu'après tant de ruines causées par les signes fictifs, aucune imposture, aucune violence ne parviendra plus à donner à des billets quelconques, un crédit qu'ils n'obtiendraient pas immédiatement d'eux-mê

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mes.

Pour troisième espèce d'attentats publics aux propriétés, il faut compter les lois qui annuleraient les acquisitions et les transmissions consommées conformément à des lois antérieures. Sans doute, si l'on aperçoit des erreurs ou des abus dans les modes d'achat ou de succession précédemment institués, une loi nouvelle peut en établir de meilleurs pour l'avenir. L'équité ne réprouve que les dispositions rétroactives qui infirmeraient les acquisitions légale ment faites jusqu'alors. Toutes les propriétés, sans exception, perdraient leur garantie, dans un pays où quelques-unes recevraient de pareilles atteintes, et où il serait possible d'abolir des titres fondés sur des lois. L'examen de l'origine d'une propriété finit au point où l'on

rencontre la loi qui l'a consacrée : c'est employer un langage insocial et anarchique que de distinguer les domaines territoriaux, par des noms qui en rappellent l'origine ancienne ou récente, féodale ou fiscale, bénéficiaire ou vénale, patrimoniale ou personnelle. De telles recherches n'aboutissent qu'à semer la discorde et l'inquiétude, qu'à exposer tous les droits ac quis aux caprices de l'opinion et du pouvoir, qu'à replonger la société dans le désordre dont les lois l'ont délivrée. En vain l'autorité souveraine s'abstiendrait encore d'attentats par trop directs à certains genres de propriétés, si elle permettait à ses ministres et aux fonctionnaires qu'elle salarie, de les menacer par des déclamations publiques, et de désavouer, en son nom, les garanties qu'elle feindrait de leur

conserver.

Les lois compromettent aussi les propriétés, si elles compliquent les procédures nécessaires pour les revendiquer et les défendre; s'il est quelquefois moins coûteux d'en perdre une que de la recouvrer judiciairement; si l'on entretient, aux frais des propriétaires, une populace d'officiers publics, habiles à obscurcir les droits, à éterniser les procès, et dont le ministère spoliateur soit néanmoins l'unique res

source contre les autres spoliations. Mais le brigandage le plus ordinaire et le plus général que le pouvoir est porté à exercer contre les propriétés, consiste dans l'excès des impôts.

Toute association suppose des dépenses communes auxquelles doivent contribuer tous les associés. La nécessité des impôts est incontestable; et il est d'ailleurs difficile d'assigner la limite précise qu'ils ne doivent point outrepasser. La théorie générale de l'économie politique as fait beaucoup de progrès; mais elle n'a point encore été assez appliquée à l'administration publique : il s'en faut qu'on ait un système où soient exposées et enchaînées les нotions relatives aux recettes et aux dépenses d'un état, aux sources des premières, aux objets des secondes; aux effets, aux circonstances et aux règles des unes et des autres. Nous serons donc obligés de nous restreindre ici à des généralités, c'est-à-dire, à condamner d'une part, les dépenses superflues qui ne correspondent point à des services publics très-utiles ou tout-à-fait indispensables; de l'autre, les recettes nuisibles, savoir, celles qui produisent l'un de ces deux effets, ou de ne pas laisser à une partie des contribuables les moyens de faire les consommations strictement réclamées

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