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En 1850, à l'occasion de l'insurrection de la Bosnie, la Porte fit entrer pour la première fois par les bouches de Cattaro une frégate armée, qui débarqua des troupes ottomanes à Sutorina. L'Autriche, s'appuyant sur ce que le canal de Cattaro était mare clausum, protesta contre cette innovation. Le différend devint plus vif, lorsqu'en 1852 la Porte s'obstina à ériger ou Kleck ou Sutorina en port régulier. 11 éclata lorsque, à l'occasion de l'insurrection des Montenegrins, la Porte fit des préparatifs pour renforcer, par la voie de Sutorina, les troupes destinées à entrer en Montenegro.

C'est pourquoi l'Autriche fit déclarer, en décembre 1852, à la Porte Ottomane, par une note dont nous communiquons le passage le plus significatif, qu'elle s'opposerait par tous les moyens à tout changement du statu quo. L'Autriche alla même plus loin; elle envoya le comte de Leiningen à Constantinople pour demander une explication sur les intentions de la Porte à l'égard de Kleck et de Sutorina. Cette explication fut donnée par une lettre du Sultan, dans laquelle il promit qu'il ne serait apporté des changements au statu quo qu'à l'amiable,

L'Autriche, par décret impérial du 6 mai 1854, fit déclarer la Baie de Cattaro, dans laquelle est situé le littoral de Sutorina, port de guerre et soumit cette Baie aux règlements que nous avons communiqués no. VIII de ce volume.

1.

Note du Baron de Ottenfels, internonce autrichien à Constantinople, adressée au Reis Effendi, en date du 18 février 1833.

Le long de la côte orientale de la Mer Adriatique, depuis le Golfe de Fiume jusqu'aux confins de l'Albanie Turque s'étendent sur une longueur de près de 150 lieues les provinces de la Dalmatie, de Raguse, et des bouches de Cattaro, appartenant à l'Autriche, dont la contiguïté n'est interrompu que sur deux points

au nord et au sud de Raguse, où deux petites langues de terre, d'un terrain pierreux, inculte et inhabité, n'ayant, la première qu'une lieue, la seconde à peine une demi-lieue de largeur, s'avancent depuis les confins de la Bosnie jusqu'à la mer.

Ces deux langues de terre appartenaient autrefois à la République de Venise, de même que la Dalmatie et le territoire des bouches de Cattaro, dont elles faisaient partie. Voici la manière dont elles en furent détachées et réunies aux domaines de la Sublime Porte.

La petite République de Raguse, bornée d'un côté de la Bosnie, du second de la Mer Adriatique, et des deux autres par les territoires Vénitiens, était souvent en dissensions avec sa voisine la République de Venise, plus grande et plus puissante qu'elle. Craignant ses envahissemens, les Ragusais profitèrent d'une guerre malheureuse que Venise avait à soutenir contre la Sublime Porte, pour obtenir de cette dernière que, lors de la conclusion de la paix, les deux lisières de terrain qui forment précisement les deux langues de terre, furent détachées du territoire Vénitien et réunies aux domaines Ottomans, de sorte que le territoire Ragusais se trouvait ainsi de tous côtés, excepté de celui de la mer, entouré de territoires Ottomans.

C'est ainsi que les choses restèrent pendant près de deux siècles, jusqu'à l'époque des guerres de la Révolution Française (1597-1797). Les Français, après avoir détruit et la République de Venise et celle de Raguse, et occupé la Dalmatie, Raguse, et les bouches de Cattaro, s'emparèrent également des deux langues de terre susmentionnées, et en restèrent en possession jusqu'au moment où ils en furent expulsés par les troupes de Sa Majesté l'Empereur d'Autriche en 1814.

La Sublime Porte, loin d'élever la moindre réclamation contre celle occupation arbitraire des deux morceaux de territoire par les Francais, la souffrit patiemment, et semblait l'ignorer lout entièrement, par la raison simple que ces terrains incultes n'étaient pour elle d'aucune utilité, ni sous le rapport militaire ni sous celui financier, et qu'il n'y existait ni village, ni mosquée, ni habitations d'aucune espèce,

Sa Majesté l'Empereur d'Autriche, en prenant possession des provinces ci-devant Vénitiennes situées sur l'Adriatique, qui lui furent adjugées par les transactions générales parmi les principales Puissances de l'Europe, se fit soumettre la carte de ces pays: ayant reconnu que les deux langues de terre susmentionnées avaient appartenu autrefois de droit à la Sublime Porte, il ne voulut point, d'après les sentimens de justice qui ont con-stamment formé la base de sa politique, s'emparer du bien d'autrui.

Renonçant au droit de conquête qu'il aurait pu y exercer, en se saisissant de ce que les Français y avaient possédé tranquillement pendant plusieurs années, Sa Majesté fit restituer à la porte les deux langues de terrain, en déclarant toutefois, comme les archives du Divan Impérial en font foi, qu'elle désirait s'entendre avec le Gouvernement Ottoman sur les moyens d'acquérir d'une manière légale et tout à fait amicale, les terrains qui

interrompaient la contiguité de ses possessions pour ecarter ainsi les inconvéniens sans nombre que le melange des territoires causait sous le rapport des mesures sanitaires à l'Autriche, de la défraudation des douanes, enfin sous celui de la surveillance de la police.

La difficulté des temps et l'importance des négociations qui, depuis cette époque, ont presque sans interruption absorbé l'attention de la Sublime Porte, ont fait differer à Sa Majesté la reproduction de cet objet. Mais aujourd'hui où le Soussigné, après avoir résidé plus de dix ans auprès de Sa Hautesse, a obtenu la permission de se rendre par conge à Vienne, il a reçu l'ordre de conduire à un résultat définitif les pourparlers qui, depuis plus d'un an, sont ouverts avec le Ministère Ottoman sur la question de la cession desdites langues de terre.

Le Soussigné a eu l'honneur de faire connaître à la Sublime Porte dans plusieurs mémoires, les motifs très-graves qui font désirer à la Cour Impériale de faire I acquisition, contre un équivalent convenable et complet, de ces terrains, et les avantages non-indifférents qui résulteraient pour la Sublime Porte ellemême d'une pareille transaction. Il a eu l'honneur de déclarer officiellement que sa Cour est prête à offrir au Gouvernement Ottoman pour la cession de ces terrains, une indemnité pécuniaire complete, dont le montant serait fixé d'un commun accord en suite de l'estimation faite par les commissaires respectifs des deux parties sur les lieux mêmes.

Actuellement le Soussigné vient de recevoir de sa Cour l'autorisation de proposer un second moyen de terminer cette affaire à l'amiable; proposition qui prouvera au Ministère Ottoman combien l'Empereur désire de s'entendre sur cet objet avec le Divan d'une manière équitable et également avantageuse aux deux parties.

Quelque minime que soit l'étendue des terrains en question, quelque même que soit leur valeur intrinsèque, Sa Majesté, réflechissant qu'il pourrait y exister des considérations qui empêcheraiont Sa Hautesse de consentir à la cession desdites langues de terre contre une indemnité pécuniaire, s'est déterminé à offrir à la Sublime Porte une échange de terrains; e'est-à-dire, de lui céder le son côté une portion du territoire Autrichien, de la même grandeur, étendue, et surface que l'aréal formé par les deux laugues de terre.

Ce morceau de terrain est situé à l'extrémité des bouches de Cattaro, contigu à la mer, et confinant avec les domaines Ottomans, et se trouve indiquée sur la carte ci-jointe.

Le Soussigné, en portant celte proposition à la connaissance du Ministère Ottoman, a l'ordre de lui demander laquelle des deux alternatives proposées par la Cour Impériale serait de la convenance de la Sublime Porte, afin que le Gouvernement Impérial puisse donner des instructions nécessaires à ses autorités sur ladite frontière. Mais ce qu'il importe surtout à la Cour Impériale d'Autriche, e est de savoir un m ment plutôt si la Sublime Porte est disposée à s'entendre amica ement avec elle pour parvenir à un arrangement sur l'une ou l'autre des deux bases proposées.

Le Soussigné, spécialement chargé de cette négociation, s'estimerait heureux si, en quittant cette capitale pour se rendre à Vienne, il pourrait être le porteur d'un oui positif de la Sublime Porte, et déposer ainsi aux pieds du trône de Sa Majesté Impériale une preuve réelle du parfait retour des sentiments d'amilié que Sa Majesté l'Empereur n'a cessé de professer envers Sa Hautesse.“

1

2.

Note adressée par le Représentant d'Autriche à la
Porte Ottomane, en décembre 1852 ou janvier

1853.

Extrait textuel,

Bien que la position où se trouvent les deux enclaves Turques de la Dalmatie ait été expliquée à diverses reprises aux Ministres Ottomans, et bien que, abstraction faite de ce que la Sublime Porte avait antérieurement déclaré au sujet du rétablissement d'une entente amicale entre les deux Empires, aussi Fuad Effendi, Ministre Actuel des Affaires Etrangères, assure au Gouvernement Impérial que la Sublime Porte ne songera jamais à enfreindre violemment le statu quo dans lesdites enclaves: ce Ministre pense néanmoins que son Gouvernement ne pourrait donner a cet égard une déclaration par écrit, attendu qu'il renoncerait par là à un droit de posséder.

Le Gouvernement Impérial d'Autriche dans cet état de choses se voit obligé de declarer aujourd'hui de son côté à la Sublime Porte, par ecrit et dans la forme officielle, que la question dont il s agit et que le Divan trouve douteuse au point même de faire entrevoir la pensée d'un arbitrage, est tout à fait claire à ses yeux.

Lorsque la Dalmatie passa de l'occupation des Français au pouvoir de l'Autriche, les deux enclaves que la République de Raguse avait jadis cédées à la Turquie se trouvaient entièrement incorporées au territoire Dalmate. Le Gouvernement Impérial d'Autriche les en a spontanément séparées pour les abandonner à la Sublime Porte. Si, donc, c'était l'Autriche qui, dans la véritable acceptation du terme, fit cadeau à l'état limitrophe Ottoman de ces parcelles de territoire, elle devait savoir mieux que tout autre jusqu'où elle voulait étendre sa générosité.

Il est aussi certain que jamais il n'a été question de l'abandon du territoire maritime qui baigne les deux langues de terre ; qu'il est notoire que l'Autriche avait de tout temps ses vaisseaux de garde stationnés dans ces parages pour empêcher, comme ils ont effectivement toujours empêché, la communication par mer avec lesdites enclaves, ainsi que déjà la Républi

que de Venise, maîtresse antérieure de la Dalmatie, le faisait dès le moment où ces deux portions de territoire furent cédées aux Ottomans.

Le point de droit est donc assez évident pour que l'Autriche puisse décliner toute discussion à laquelle on voudrait la soùmettre, de même que toute proposition de négociation dont les prémisses seraient de la nature de celles qui servaient jusqu'à présent de point de départ à la Sublime Porte.

Fermement résolu de maintenir l'état de choses actuel tel qu'il existe légalement, le Gouvernement Impérial, si la Turquie voulait essayer de porter atteinte par des voies de fait, repousserait une semblable tentative avec toute la force des moyens dont il dispose.

3.

Note du Comte de Leiningen, Envoyé extraordinaire d'Autriche, adressée à la Porte Ottomane en février 1853.

Extrait textuel.

Pour ce qui est de la question des enclaves de Kleck et de Sutorina, le Soussigné a l'ordre de déclarer, que le Gouvernement d'Autriche est ferme dans son opinion et dans son attitude annoncées au Divan par la dernière note du Chargé d'Affaires Impérial, et qu'il insiste sur une reponse propre à dissiper toute espèce de doute concernant les intentions de la Sublime Porte à cet égard.

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