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bliant de la manière la plus détaillée; tu feras tout ce que ton savoir-faire et ta sagacité te suggéreront pour mettre fin, en donnant et faisant exécuter les ordres nécessaires, à l'usage illégal et abominable de vendre les enfants et leurs parents; tu prendras les mesures nécessaires pour empêcher le passage d'esclaves et leur embarquement dans les échelles qu'il faut pour cela; et en outre, comme il est nécessaire de punir ceux qui, en contravention à ces ordres, sont coupables de la vente de leurs parents, ou du vol des parents et des enfants d'autrui, ou qui désirent les exporter au dehors après les avoir achetés, vous ne négligerez en aucune manière ce point; enfin, tu mettras tous les soins à faire tout ce que ci-dessus, et tu ajouteras foi au noble chiffre dont est décoré le présent commandement Impérial, donné dans la seconde dizaine du mois de Moukharem, l'an 1271 (commencement d'Octobre, 1854).

LVII.

Memorandum du comte Nesselrode, fondé sur les communications faites par l'Empereur Nicolas de Russie par suite de sa visite en Angleterre, et transmis au gouvernement anglais en Juin 1844.

mane

La Russie et l'Angleterre sont mutuellement pénétrées de la conviction qu'il est de leur intérêt commun que la Porte Ottose maintienne dans l'état d'indépendance et de possession territoriale dont se compose actuellement cet Emipre, cette combinaison politique étant celle qui se concilie le mieux avec l'intérêt général de la conservation de la paix.

D'accord sur ce principe, la Russie et l'Angleterre ont un égal intérêt à unir leurs efforts pour raffermir l'existence de l'Empire Ottoman, et pour écarter les dangers qui peuvent compromettre sa securité.

Dans ce but l'essentiel est de laisser la Porte vivre en repos, sans l'agiter inutilement par des tracasseries diplomatiques, et sans s'ingérer, sans une nécessité absolue, dans ses affaires intérieures.

Pour mettre ce système de ménagement sagement en pratique dans l'intérêt bien entendu de la Porte, il ne faut pas perdre de vue deux choses. Les voici:

D'abord la Porte a une tendance constante à s'affranchir des engagements que lui imposent les Traités qu'elle a conclus avec

les autres Puissances. Elle espère le faire impunément, parcequ elle compte sur la jalousie mutuelle des Cabinets. Elle croit que si elle manque à ses engagements envers l'un d'eux, les autres épouseront sa querelle et la mettront à l'abri de toute responsabilité.

Il est essentiel de ne pas confirmer la Porte dans cette illusion. Chaque fois qu'elle manque à ses obligations envers l'une des Grandes Puissances, il est de l'intérêt de toutes les autres de lui faire sentir son tort et de l'exhorter sérieusement à faire droit au Cabinet qui demande une juste réparation.

Dès que la Porte ne se verra pas soutenue par les autres Cabinets, elle cédera, et les differends survenus s'applaniront dans les voies de la conciliation, sans qu'il en resulte un conflit.

Il est une seconde cause de complication inhérente à la situation de la Porte: c'est la difficulté qu'il y a de mettre d'accord entr'eux le respect dû à l'autorité souveraine du Sultan fondée sur la loi Musulmane, avec les ménagemens que réclament les intérêts des populations Chrétiennes de cet Empire.

Cette difficulté est réelle. Dans la situation actuelle des esprits en Europe, les Cabinets ne sauraient voir avec indifférence que les populations Chrétiennes en Turquie soient soumises à des actes flagrans de vexation et d'intolérancc religieuse.

Il faut sans cesse faire sentir cette vérité aux Ministres Ottomans, et les persuader qu'ils ne peuvent compter sur l'amitié et sur l'appui des Grandes Puissances qu'à condition qu'ils traitent les sujets Chrétiens de la Porte avec tolérance et avec douceur.

En insistant sur cette vérité les Représentants Etrangers devront, d'une autre part, user de toute leur influence pour maintenir les sujets Chrétiens de la Porte dans la soumission eavers l'autorité souveraine.

Guidés par ces principes les Représentants Etrangers devront agir entre eux dans un parfait esprit de concorde. S'ils élèvent des remonstrances auprès de la Porte, elles devront être empreintes d'un caractère véritable d'unanimité, sans porter celui d'une prépolence exclusive.

En persistant dans ce systême avec calme et modération, les Représentants des Grands Cabinets de l'Europe auront la meilloure chance de réussir dans leurs démarches, sans provoquer des complications compromettantes pour le repos de l'Empire Ottoman. Si toutes les Grandes Puissances adoptent franchement cette ligne de conduite, elles auront un espoir fondé de conserver l'existence de la Turquie.

Cependant on ne saurait se dissimuler combien cet Empire renferme d'élémens de dissolution. Des circonstances imprévues peuvent håter sa chute sans qu'il soit au pouvoir des Cabinets amis de la prévenir.

Comme il n'est pas donné à la prévoyance humaine d'arrêter d'avance un plan d'action pour tel ou tel cas inattendu, il serait prématuré de mettre en délibération des éventualités qui peuvent ne pas se réaliser.

Dans l'incertitude qui plane sur l'avenir, une seule idée fondamentale semble d'une application vraiment pratique, c'est que

le danger qui pourra résulter d'une catastrophe en Turquie sera diminuée de beaucoup si, le cas échéant, la Russie et l'Angleterre s'entendent sur la marche qu'elles auront à adopter en

commun.

Cette entente sera d'autant plus salutaire qu'elle rencontrera l'assentiment complet de l'Autriche. Entr'elle et la Russie il sub-siste déjà une parfaite conformité de principes relativement aux affaires de Turquie, dans un intérêt commun de conservation et de paix.

Pour rendre leur union plus efficace, il ne resterait à désirer que de voir l'Angleterre s'y associer dans le même but.

La raison qui conseille l'établissement de cet accord est fort simple.

Sur terre la Russie exerce envers la Turquie une action prépondérante.

Sur mer l'Angleterre occupe la même position.

Isolée, l'action de ces deux Puissances pourrait faire beaucoup de mal. Combinée, elle pourra produire un bien réel; de là l'utilité de s'entendre préalablement avant d'agir.

Cette idée a été arrêtée en principe pendant le dernier séjour de l'Empereur à Londres. Il en est résulté l'engagement éventuel que, s'il arrivait quelque chose d'imprévu en Turquie, la Russie et l'Angleterre se concerteraient préalablement entr'elles sur ce qu'elles auraient à faire en commun.

Le but dans lequel la Russie et l'Angleterre auront à s'enteadre peut se formuler de la manière suivante:

1. Chercher à maintenir l'existence de l'Empire Ottoman dans son état actuel, aussi longtems que cette combinaison politique sera possible.

2. Si nous prévoyons qu'il doit crouler, se concerter préalablement sur tout ce qui concerne l'établissement d'un nouvel ordre de choses, destiné à remplacer celui qui existe aujourd'hui, et veiller en commun à ce que le changement survenu dans la situation intérieure de cet Empire ne puisse porter atteinte ni à la sûreté de leurs propres Etats et aux droits que les Traités leur assurent respectivement, ni au maintien de l'équilibre Eu-ropéen.

Dans ce but, ainsi formulé, la politique de la Russie et de l'Autriche, comme nous l'avons déjà dit, se trouve étroitement liée par le principe d'une parfaite solidarité. Si l'Angleterre, comme principale Puissance maritime, agit d'accord avec elles, il est à penser que la France se trouvera dans la nécessité de se conformer à la marche concertée entre St. Pétersbourg, Londres, et Vienne.

Le conflit entre les Grandes Puissances se trouvant ainsi écarté, il est à espérer que la paix de l'Europe pourra être maintenue, même au milieu de circonstances si graves. C'est à ass11– rer cet objet d'un intérêt commun que devra être consacrée l'entente préalable que la Russie et l'Angleterre établiront entre elles, le cas échéant, ainsi que l'Empereur en est convenu avec les Ministres de Sa Majesté Britannique pendant son séjour ea Angleterre.

LVIII.

Memorandum transmis par le comte Nesselrode le 7 mars 1853 à l'ambassadeur d'Angleterre.

21 Février, 1853.

L'Empereur a pris connaissance avec le plus vif intérêt et une véritable satisfaction de la dépêche secrète et confidentielle que lui a communiquée Sir Hamilton Seymour. Il apprécie dûment la franchise qui l'a dictée. Il y a trouvé une nouvelle preuve des sentiments d'amitié que lui porte Sa Majesté la Reine.

En s'entretenant familièrement avec l'Envoyé Britannique, sur les causes qui d'un jour à l'autre peuvent amener la chute de l'Empire Ottoman, il n'était point entré dans la pensée de l'Empereur de proposer pour cette éventualité un plan par lequel la Russie et l'Angleterre disposeraient d'avance des provinces régies par le Sultan un systême tout fait; encore moins une

transaction formelle à conclure entre les deux Cabinets. Dans l'idée de l'Empereur il s'est agi purement et simplement de se dire confidentiellement des deux parts, moins ce qu'on veut que ce qu'on ne veut pas; ce qui serait contraire aux intérêts Anglais, ce qui le serait aux intérêts Russes; afin que, le cas échéant, on évitât d'agir en contradiction des uns ou des autres.

Il n'y a là ni projets de partage, ni Convention à rendre obligatoire aux autres Cours. C'est un simple échange d'opinions, et l'Empereur ne voit point qu'il soit nécessaire d'en parler avant le tems. C'est précisément pour cela qu'il s'était bien gardé d'en vouloir faire l'objet d'une communication officielle de Cabinet à Cabinet. En se bornant à en parler lui-même, sous forme de conversation familière, au Représentant de la Reine, il a choisi le mode le plus intime et le plus confidentiel de s'ouvrir franchement à Sa Majesté Britannique, désirant que le résultat quelconque de ces pourparlers demeurât ce qu'il doit être, un secret entre les deux Souverains.

Dès lors tombent les objections qu'élève Lord John Russell contre toute réticence qui serait faite aux autres Puissances pour le cas d'une transaction formelle, dont il n'est nullement question pour le moment; et dès lors aussi disparaissent les inconvéniens qu'il signale comme pouvant servir à accélérer l'évènement même que la Russie et l'Angleterre ont à coeur de prévenir, si l'existence d'une transaction pareille venait à être connue prématu– rément de l'Europe, et des sujets du Sultan.

Quant à l'objet même de cet échange d'opinions tout intime -la chute possible de l'Empire Ottoman ce n'est là sans doute qu'une éventualité incertaine et lointaine. On n'en saurait à coup sûr fixer l'époque, et aucune crise réelle n'est survenue qui en rende imminente la réalisation. Mais enfin elle peut arriver même inopinément. Sans parler des causes toujours croissantes de dissolution que présente l'état moral, financier, administratif de la Porte, elle peut sortir progressivement de l'une au

moins des deux questions mentionnées par le Ministère Anglais dans sa dépêche secrète. A la vérité, il n'y voit que de simples disputes qui ne dépasseraient pas la portée des difficultés dont s'occupe d'ordinaire la diplomatie. Mais ce genre de disputes là peut néanmoins amener la guerre, et avec la guerre les conséquences qu'en appréhende l'Empereur; si, par exemple, dans l'affaire des Lieux Saints l'amour-propre et les menaces de la France, continuant à peser sur la Porte, obligent celle-ci à nous refuser toute satisfaction, et si, d'un autre côté, le sentiment religieux des Grecs Orthodoxes, outragé par les concessions faites aux Latins, soulève contre le Sultan l'immense majorité de ses sujets. Quant à l'affaire du Monténégro, on peut heureusement aujourd'hui, d'après les dernières nouvelles, la regarder comme arrangée. Mais au moment où l'Empereur a eu son entretien avec Sir Hamilton Seymour, on pouvait craindre que la question ne prît une tournure des plus graves. Ni nous ni l'Autriche n'aurions pu permettre la dévastation prolongée ou la soumission forcée du Monténégro, pays resté jusqu'ici dans une indépendance effective de la Porte, pays auquel notre protection s'étend depuis plus d'un siècle. Les horreurs qui s'y commettent; celles que le fanatisme Ottoman à étendues, il y a peu de tems, sur la Bulgarie, la Bosnie, et la Herzégovine, ne faisaient que trop prévoir aux autres provinces Chrétiennes de la Porte que le même sort les attendait. Elles étaient de nature à provoquer le soulèvement général des Chrétiens qui vivent sous le sceptre de l'Empire Turc, et à précipiter sa ruine. Ce n'est donc pas, lant s'en faut, une question oiseuse et imaginaire, une éventualité trop lointaine, que les préoccupations de l'Empereur ont signalée à l'attention de la Reine son alliée.

En présence de l'incertitude et de la caducité de l'état actuel des choses en Turquie, le Cabinet Anglais exprime le désir qu'il soit fait usage envers la Porte de la plus grande longanimité. L'Empereur a la conscience de n'avoir jamais agi autrement. Le Cabinet Anglais en convient lui-même. Il adresse à l'Empereur sur les nombreuses preuves de modération qu'il a donnés jusqu'à ce jour, des éloges que Sa Majesté n'acceptera point, parcequ'elle n'a fait qu'obéir en cela à ses convictions impérieuses Mais, pour que l'Empereur puisse continuer à concourir à ce même système de longanimité, s'abstenir de toutes démonstrations, de tout langage péremptoire, il faudrait que ce systéme fût suivi également par toutes les Puissances à la fois. La France en a adopté un autre. C'est par la menace qu'elle a obtenu, contre la lettre des Traités, l'admission d'un vaisseau de guerre dans les Dardanelles. C'est à la bouche du canon qu'elle a présenté par deux fois ses réclamations et demandes d'indemnités à Tripoli, puis à Constantinople. C'est encore par l'intimidation que, dans la contestation des Lieux Saints, elle a amené l'annulation du firman et celle des promesses solennelles que le Sultan avait données à l'Empereur. Devant tous ces actes de prépotence l'Angleterre a gardé un silence complet. Elle n'a fait ni offres d'appui à la Porte, ni remontrances au Gouvernement Français. La conséquence en est toute claire. La

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