Images de page
PDF
ePub

possible, nous le demandons, de témoigner plus d'empressement et des dispositions plus conciliantes? Mais quand nous agissions ainsi, c'était, bien entendu, à la condition qu'un projet que l'Empereur accueillait sans le discuter serait accueilli de la même façon par la Porte. C'était dans la conviction que l'Autriche l'envisagerait comme un ultimatum auquel il n'y avait plus rien à changer, comme un dernier effort de son entremise officieuse qui, si l'effort venait d'échouer contre l'obstination du Divan, cesserait par le fait même. Mais si le Cabinet de Vienne conviendra de son côté que s'il s'est agi, non pas d'un ultimatum, mais d'un nouveau projet de note à laquelle chacune des deux parties pouvait apporter telle ou telle modification, nous rentrons dès-lors dans le droit dont nous avions fait volontairement abandon, de proposer à notre tour nos propres variantes, de reprendre en considération le projet d'arrangement et d'en altérer non seulement les termes mais la forme.

Ce résultat pourrait-il entrer dans les vues de l'Autriche? Conviendrait-il aux Puissances qui, en modifiant et en adoptant son projet de note, en ont fait leur oeuvre commune? Il leur appartient de peser les délais qui en seront la conséquence necessaire, ou d'examiner s'il est de l'intérêt de l'Europe qu'il soit coupé court à ces retards. Nous ne voyons qu'un seul moyen d'y mettre fin. C'est que l'Autriche et les Puissances déclarent franchement et fermement à la Porte que lui ayant en vaio ouvert la seule voie qui pût mener au retablissement immediat de ses relations avec nous, c'est à elle-même que désormais elles en abandonneront la tâche. Nous pensons que si elles lui tiennent ce langage unanimement, les Turcs, cédant aux conseils de l'Europe au lieu de compter sur son assistance dans une lutte contre la Russie, accepteront la note telle quelle, et cesseront de compromettre leur situation d'une manière aussi grave pour se donner la satisfaction puérile d'avoir modifié quelques termes de la pièce que nous avions acceptée sans discussion. Car, de deux choses l'une: ou les modifications que la Porte réclame sont importantes, et alors il devient fort simple que nous refusions d'y consentir; ou elles sont insignifiantes, et alors pourquoi la porte continuerait-elle sans nécessité à y subordonner son acceptation?

En résumé, M. le Baron, l'ultimatum arrêté à Vienne n'est point le nôtre. C'est celui de l'Autriche et des Puissances qui après l'avoir concerté, discuté et modifié prealablement dans son texte originaire, l'ont reconnu acceptable par la Porte sans compromis pour ses intérêts et pour son honneur. C'est donc à elles, et non point à nous, à faire cesser un moment plus tôt les incertitudes de la crise actuelle. Nous avons fait de notre côté tout ce qui pouvait dépendre de nous pour abréger d'inutiles délais, en renonçant, quand l'arrangement nous a été soumis, à toute espèce de contre- propositions quelconques C'est un témoignage que personne ne refusera de rendre à la loyauté de l'Empereur. Ayant épuisé depuis longtemps la mesure des concessions sans que la Porte en ait fait jusqu'à présent une seule, Sa Majesté ne peut aller plus loin sans compromettre toute sa position, et sans s'exposer à renouer ses relatious politiques

[ocr errors]

avec la Turquie sous des auspices défavorables qui leur ôteraient pour l'avenir toute solidité, et ameneraient inévitablement une nouvelle et plus éclatante rupture. Dans le moment même de nouvelles concessions sur les termes de la note ue serviraient à rien: car nous voyons d'après vos dépêches que le Gouvernement Ottoman n'attend que notre adhésion aux changements apportés à la nole de Vienne pour en subordonner la signature, comme l'envoi de l'ambassadeur qui doit la porter ici, à de nouvelles conditions et qu'il a déjà mis en avant, au sujet de l'évacuation des Principautés, des propositions inadmissibles. Sur ce dernier point, M. le Baron, nous ne saurions que nous référer aux assurances et explications renfermées dans notre dépêche du 10 Août, et répéter qu'il suffira de l'arrivée à St. Petersbourg de l'Ambassadeur Turc, porteur de la note Autrichienne sans changements, pour que l'ordre soit immédiatement donné à nos troupes de repasser notre frontière.

[blocks in formation]

Protocoles de conférences tenues à Vienne, par les représentants d'Autriche, de France, de GrandeBretagne et de Prusse, pour aplanir le différend survenu entre la Russie et la Porte Ottomane.

1.

Protocole d'une conférence tenue au ministère des Affaires étrangères à Vienne, le 5 décembre 1853.

Présents: Les réprésentants d'Autriche, de France, d'Angleterre, et de Prusse.

Les Soussignés, représentants d'Autriche, de France, de GrandeBretagne et de Prusse, conformément aux instructions de leurs Cours, se sont réunis en conférence, à l'effet de rechercher les moyens d'aplanir le différend survenu Cntre la Cour de Russie et la Sublime Porte.

Les proportions que ce différend a prises, et la guerre qui a éclaté entre les deux empires malgré les efforts de leurs alliés, sont devenues, pour l'Europe entière, l'objet des plus serieuses préoccupations. En conséquence, Leurs Majestés l'Em¬, pereur d'Autriche, l'Empereur des Français, la Reine du RoyaumeUni de Grande-Bretagne et d'Irlande, et le roi de Prusse, égolement pénétrés de la nécessité de mettre un terme à ces hostilités, qui ne pourraient se prolonger sans affecter les intérêts de leurs propres Etats, ont résolu d'offrir leurs bons offices aux

deux hautes parties belligérantes, dans l'espoir qu'elles ne vou~ dront pas elles-mêmes encourir la responsabilité d'une conflagration, alors que, par un échange de loyales explications, elles peuvent encore la prévenir en replaçant leurs rapports sur un pied de paix et de bonne entente.

Les assurances données, à différentes reprises, par Sa Majesté l'Empereur de Russie, excluent de la part de cet auguste souverain, l'idée de porter atteinte à l'intégrité de l'Empire Ot

toman.

L'existence de la Turquie, dans les limites que les traités lui ont assignées, est en effet devenue une des conditions nécessaires de l'équilibre européen, et les Plénipotentiaires Soussignés constatent avec satisfaction que la guerre actuelle ne saurait, en entraîner dans les circonscriptions territoriales des deux Empires des modifications susceptibles d'altérer l'état de possession que le temps a consacré en Orient, et qui est également nécessaire au repos de toutes les autres puissances.

aucun cas',

Sa Majesté l'Empereur de Russie ne s'est, du reste, point bornée à ces assurances; elle a fait déclarer que son intention n'avait jamais été d'imposer à la Porte des obligations nouvelles, ou qui ne fussent pas exactement conformes aux traités de Koutchouk-Kainardji et d'Andrinople; stipulations d'après lesquelles la Sublime Porte a promis de protéger, dans toute l'étendue de ses Etats, le culte chrétien et ses églises, La Cour de Russie a ajouté qu'en réclamant du Gouvernement Ottoman un témoignage de sa fidélité à des engagements antérieurs, elle n'avait nullement entendu amoindrir l'autorité du Sultan sur ses sujets chrétiens, et que son but unique avait été de demander des éclaircissements de nature à prévenir toute équivoque et tout motif de mésintelligence avec une puissance amie et

voisine.

Les sentiments manifestés par la Sublime Porte pendant les dernières négociations attestent, d'un autre côté, qu'elle était prête à reconnaître toutes ses obligations contractuelles et à lenir compte, dans la mesure de ses droits souverains, de l'intérêt de Sa Majesté l'Empereur de Russie pour un culte qui est le sien et celui de la majorité de ses peuples.

Dans cet état de choses, les Soussignés sont convaincus que le moyen le plus prompt et le plus sûr d'atteindre le but désiré par leurs Cours serait de faire en commun une communication à la Sublime Porte pour lui exposer le vocu des Puissances de contribuer par leur intervention amicale au rétablissement de la paix, el la mettre en demeure de faire connaitre les conditions auxquelles elle serait disposée à traiter.

Tel est le but de la note collective ci-jointe, adressée au ministère des affaires étrangères du Sultan, et des instructions identiques transmises en même temps par les Cours d'Autriche, de France, de Grande-Bretagne et de Prusse à leurs représentants à Constantinople.

(Signé) Buol-Schauenstein. Bourqueney.
Westmorland. Arnim.

Annexe au protocole n° 1.

Vienne, le 5 Décembre, 1853.

Les Soussignés, Représentants de l'Autriche, de la France, de la Grande Bretagne, et de la Prusse, réunis en conférence à Vienne, ont reçu des instructions à l'effet de déclarer que leurs Gouvernements respectifs envisagent avec un profood regret le commencement des hostilités entre la Russie et la Porte, et désirent vivement, en intervenant entre les Puissances belligérantes, arrêter toute nouvelle effusion de sang et mettre un terme à un état de choses qui menace sérieusement la paix de l'Europe.

La Russie ayant donné l'assurance qu'elle était disposée à traiter, et les Soussignés ne doutant pas que la Porte ne soit animée du même esprit, ils demandent au nom de leurs Gouvernements respectifs d'être informés des conditions auxquelles le Gouvernement Ottoman consentirait à négocier un Traité de Paix.

Les Soussignés, etc.

(Signé) Buol-Schauenstein. Bourqueney.
Westmorland. Arnim.

2.

Protocole d'une conférence tenue au Ministère des affaires étrangères à Vienne, le 13 janvier 1854.

Les représentants d'Autriche, de France, de Grande-Bretagne, et de Prusse s'étant réunis en conférence, le représentant d'Autriche a donné lecture d'une note adressée par Rechid-Pacha à l'internonce, en réponse à celle qu'il lui avait remise sous la date du 12 décembre dernier, et qui était identique à la communication faite en même temps à la Porte par les représentants des trois autres cours à Constantinople. La réponse de Rechid Pacha étant le résultat d'une démarche faite par les quatre représentants avant que la note collective signée dans la conférence du 5 décembre fût arrivée à Constantinople, le représentant de l'Autriche a invité la conférence à examiner avec lui si le contenu de cette pièce était en accord avec les vues et les intentions énoncées dans le protocole de la même dale.

Après mûre délibération, les Soussignés ont été unanimement d'avis que:

Les conditions auxquelles la Sublime Porte se déclare prête à traiter du rétablissement de la paix avec la Russie sont conformes aux voeux des Gouvernements et de nature à être communiquées au cabinet de Saint-Petersbourg,

De plus en plus pénétrés de la gravité de la situation et de l'urgence d'y mettre un terme, les Soussignés expriment la con-fiance que la Russie acceptera la réprise des négociations sur

les bases qui, dans leur opinion, en assurent le succès, et offrent aux deux parties belligérantes l'occasion de se rapprocher d'une maniere digne et honorable sans que l'Europe soit plus longtemps attristée par le spectacle de la guerre.

Les représentants de la Grande-Bretagne, de la France et de la Prusse s'en remettent au représentant de l'Autriche du soin de faire connaître au Cabinet de Saint-Pétersbourg l'opinion coor signée dans le présent protocole, auquel est annexée copie de la note adressée dans une forme identique par Rechid-Pacha aux quatre représentants à Constantinople.

(Signé) Buol-Schauenstein. Bourqueney.

Westmorland. Arnim.

Annexe au protocole n° 2 de la conférence du 13 janvier 1854.

(Traduction de la note de la Sublime Porte à l'Internonee, en date du 31 décembre 1853, 1er rebiulachir 1270.)

La note de Votre Excellence, en date du 12 décembre de l'année courante (n. st.), d'une teneur identique à celles que m'ont adressées ses collégues d'Angleterre, de France et de Prusse, a été placée sous les yeux de Sa Majesté le Sultan.

Comme ces ouvertures communes témoignent des sentiments pacifiques de Sa Majesté l'Empereur de Russie, et comme, pour la Porte, la nécessité de faire la guerre se fonde uniquement sur son intention de sauvegarder ses droits de souveraineté, el que le projet qui vient de lui être soumis ne renferme rien qui puisse porter atteinte aux droits sacrés du Gouvernement du Grand Seigneur, comme enfin Sa Majesté le Sultan, guidée par les égards particuliers et la parfaite confiance qu'elle voue aux quatre cours, ses augustes alliées, a voulu qu'il fût adhéré en substance au voeu qu'elles avaient énoncé, la Sublime Porte a résolu d'adopter le projet en question dans les termes suivants;

Le premier point devra porter sur les délibérations ayant pour objet l'évacuation de la Valachie et de la Moldavie dans le plus bref délai possible.

La Sublime Porte, dans l'intention de ne point se départir de son système de modération ni des conseils de ses alliés, donnera son assentiment à ce que les traités (avec la Russie) soient renouvelés, et cet objet serà, en conséquence, la seconde question à traiter dans les conférences.

Quant aux priviléges religieux de tous les sujets du Sultan qui ne professent point l'islamisme, ils ont été concédés dans le cours des siècles par la grâce des glorieux ancêtres de Sa Majesté le Sultan actuellement régnani, et confirmés par Elle récemment encore, moyennant des firmans munis du chiffre impérial.

« PrécédentContinuer »