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Et vient, en mugiffant, jufque dans le Sallon.

A voir des Combattants les terribles vifages, L'effet alloit répondre à tant d'affreux préfages,

Quand le Seigneur du Fort parut au milieu

d'eux :

Quel fpectacle! dit-il, quels projets odieux ! Vois-je les defcendants de ces grands Personna

ges

Dont l'un a mérité d'être au rang des fept Sa ges, *

Et qui par leur prudence également fameux, Se flattoient de laiffer des enfants dignes d'eux ? Ah! fi, vous éloignant des traces de vos Peres, Votre ascendant vous porte aux actions guerrieres,

Pourquoi quitter Paris où vos heureux ex

ploits

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Feroient contribuer tant de puiffants Bourgeois?
Il faut porter la Guerre où régne l'opulence,
Et non pas dans des lieux foumis à l'indigence.
Laiffez-nous élever nos Veaux & nos Dindons;
C'est pour ces demi-Dieux que nous les engraif-
fons.

Ici nous ne vivons que de lait & d'herbages;
Paris feul eft pour vous un Pays de Fourages.

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Par le plus court chemin que je vais vous mon

trer,

Croyez-moi, mes amis, hâtez-vous d'y rentrer; Ou, Guerriers réformés, remettez-moi voš

armes,

Et d'un Souper frugal venez gouter les char

mes.

Le Commandant du Fort, en achevant ces

mots,

Careffe ces Lions devenus des Agneaux ; Chacun, de fon difcours, pefant les confé

quences,

Marche, & pour d'autres temps réserve ses van

geances.

?

Dans un Sallon brillant, le repas apprêté
Du prodigue Seigneur dément l'humilité ;
La Propreté s'eft jointe à la Magnificence
Et de touts fes attraits a paré l'abondance:
Tout répond de leur part à ce grand appareil.
Et jamais on ne vit d'empreffement pareil ;
Les plats fe fuccedant ainfi que les bouteilles,
La féance fut longue, & féconde en merveilles :
Rien ne s'en fût fauvé, fi le Seigneur du Fort,
Voyant que l'honneur feul prolongeoit leur
effort,

N'eût fait figne à BLONDIN, qui du champ de bataille,

Retira, comme il put, toute la victuaille.

Les fatigues du jour & les exploits du foir
Produisent un fuccès qui paffe fon efpoir.
On parle de retraite, on quitte table, on monte;
Déja, chemin faifant, le Sommeil les furmonte;
Et la Discorde envain fait un nouvel effort;
Le Sommeil eft vainqueur, tout s'oublie, &
l'on dort.

CHANT DEUXIÈME.

E trouble dans Paris renaît avec l'Aurore,

LE BRASDEFER au lit fe tranquilife encore!

C'eft fur lui cependant, que, dan's Sceaux, en ce jour,

La Discorde a fondé l'espoir de fon retour.

Ce Héros dans un âge encor peu propre aux

armes,

T

S'étoit fait admirer dans l'horreur des allarmes. Courcelles & Creteil, lieux dignes de fes

coups,

Avoient, plus d'une fois, éprouvé fon courroux; On avoit vû paffer fa fureur incertaine,

Des rives de la Marne aux rives de la Seine; De cent Coqs égorgés dans fes derniers assauts, Ces fleuves étonnés rouloient encor les os.

* Bonnes Maisons.

La Discorde en entrant dans la chambre paifible,

Promettant à fes yeux un spectacle terrible,
Frémit de voir les murs pompeufement pares
De touts les ornements au fexe confacrés ;
Et de tout fon bagage une malle est restée,
Des mains de la Moleffe en toilette ajustée.
Tu périras ! dit-elle, Edifice odieux,..
Thrône qu'à ma Rivale on éleve en touts lieux,
Autel où l'Amour propre attache la Jeunesse,
Et fait encor souvent grimacer la Vieillesse.

Elle prend, à ces mots, la forme d'un gros
Chat,

En qui l'on eût crû voir le Doyen du Sabbat, Grimpe fur la toilette, & fait, fous fes gam

bades,

Sauter peignes, miroir, boëtte à poudre & pommades.

BRASDEFER à ce bruit s'éveille & veut crier; Mais fa voix s'embarraffe au fond de fon gofier. Le Monftre cependant bondit de place en place, De la griffe & des dents tour-à-tour le me

nace,

S'approche, & murmurant je ne fçai quoi d'af

freux,

Lui fouffle fa fureur, & fe perd à fes yeux.

BRASDEFER hors du lit réfolument s'élance, Et ne refpirant plus que guerre & que vangeance,; Va trouver MARCHE-A MOI, qui, nouveau

Financier,

Déja la plume en main, menaçoit fon papier. Cher ami, lui dit-il, à quel indigne ouvrage Peus-tu de ta main même abaisser ton courage? Eft-ce donc pour chiffrer que naiffent les grands

cœurs ?

La fortune à ce prix met envain ses faveurs:
Si c'est par une route à l'honneur fi contraire,
Qu'à force de ramper s'éleve le vulgaire ;
Par un chemin plus court un Héros fçait mar-
cher ,

Et n'achette jamais ce qu'il peut arracher.
Nos Compagnons dans Sceaux font un ample
ravage;

Voilà de nos pareils l'état & le partage:
Sui-moi, laiffe pourrir ta plume à l'encrier,

Et d'un mauvais Chiffreur vien faire un grand
Guerrier.

Ils partent : Ils voyoient déja l'Obfervatoire, Quand MARCHE-A-MOI montrant les murs de Saint Magloire,

Dit à fon Compagnon: Sous ce toît écrasé Logent deux Saints*vivants d'un régime oppofé.

*Deux Perfonnes de la Famille, Penfionnaires à S. Magloire.

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